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Le comte Lanza vous salue bien
23 novembre 2013

ORWELL ET LA CATALOGNE UNE HISTOIRE DE DRAPEAUX

ORWELL ET LA CATALOGNE

 

UNE HISTOIRE DE DRAPEAUX

 

 

 

Beaucoup de questions peuvent être abordées par un aspect qu'on peut juger anecdotique, mais qui n'est pas moins riche d'enseignement.

C'est que nous allons faire en examinant tout d'abord  comment le lien entre la Catalogne et l'écrivain britannique George Orwell, au cours de la guerre d'Espagne (1936-1939) peut être étudié à partir des drapeaux utilisés à cette époque.

On sait que George Orwell, considéré comme un des prophètes du 20 ème siècle pour son roman d'anticipation 1984 et pour son conte de satire politique, la Ferme des Animaux, participa en 1936 à la guerre civile espagnole dans le camp républicain, comme soldat dans les milices proches du mouvement anarchiste et de l'extrême-gauche.

Comme le camp républicain était en grande partie représenté par le parti communiste espagnol, et avait le soutien de l'URSS, le pays où le communisme avait triomphé en 1917, et de son dirigeant Staline, des gens qui connaissent mal l'histoire pourraient s'étonner d'une apparente contradiction : George Orwell avait combattu avec les républicains, donc du côté des communistes, et quelques années après (1949), il publia 1984, dénonciation du régime communiste et des méthodes totalitaires mises en place par celui-ci. George Orwell apparut à partir de la publication de 1984 comme un des maîtres à penser de l'anticommunisme.

Il devait d'ailleurs mourir prématurément en 1950, à 46 ans seulement, peu de temps après la publication de son livre le plus connu, rongé par la tuberculose.

 

 Mais si notre étude suit au début l'expérience que relate Orwell dans Hommage à la Catalogne, elle ne tardera pas à s'en éloigner.

Ceux qui ont lu Hommage à la Catalogne et qui s'intéressent aux idées politiques révolutionnaires et aux conflits internes aux partis prolétariens (qui sont au coeur du témoignage d'Orwell) seront peut être surpris de voir que le thème principal de cette étude est quelque chose dont Orwell n'a pratiquement pas parlé et qu'il a à peine mentionné lors de son séjour en Catalogne. Nous voulons dire le nationalisme catalan, qui était pourtant bien présent à l'époque, même si le contexte de la guerre civile et de la lutte contre le soulèvement militaire dit nationaliste ( au sens cette fois-ci espagnol, conservateur, qualifié volontiers de fasciste) avait donné le premier rôle aux partis révolutionnaires.

Aujourd'hui, les partis révolutionnaires ont cessé de se disputer comme chacun peut le constater, puisqu'ils ont pratiquement disparu, tandis que le nationalisme catalan poursuit sa route.

 

 

 

Orwell, compagnon des révolutionnaires espagnols

 

 

 

On peut voir dans l'évolution d'Orwell, passé du statut de camarade de combat des communistes, à celui de dénonciateur virulent du communisme, supeficiellement, une contradiction ou au moins un changement radical d'attitude.

 Son séjour en Espagne durant la guerre civile, séjour qui fut d'ailleurs assez bref  (entre décembre 1936 et juin 1937) joua un grand rôle dans son évolution politique.

Pourtant, à aucun moment de ce séjour,ni même probablement par la suite, Orwell ne rompit avec sa sympathie pour le socialisme, compris comme espoir d'une société sans classe, et il écrivit que ce qui s'est sans doute le plus approché d'une société sans classe, c'est l'armée de milices issues des syndicats dans laquelle il s'était engagé (faisant bien la distinction avec l'armée dite populaire, armée de l'état républicain espagnol -  qui pour lui ressemblait aux armées de tous les pays, fondées sur des critères de grades et donc des divisions entre classes ou au moins de niveaux d'instruction).

Orwell écrivit :

" Ce qui attire le commun des hommes au socialisme, ce qui fait qu’ils sont disposés à risquer leur peau pour lui, la « mystique » du socialisme, c’est l’idée d’égalité ; pour l’immense majorité des gens, le socialisme signifie une société sans classes, ou il ne signifie rien du tout. Et c’est à cet égard que ces quelques mois passés dans les milices ont été pour moi d’un grand prix. Car les milices espagnoles, tant qu’elles existèrent, furent une sorte de microcosme d’une société sans classes."

 

 Orwell, sympathisant du l'Independant Labour Party, parti situé à gauche du parti travailliste britannique, s'engagea dans les milices du POUM, Partido Obrero de Unificación Marxista (Parti ouvrier d’unification marxiste), un parti qui refusait de s'aligner sur les positions défendues par la 3ème internationale, donc sur les orientations du parti communiste soviétique, et qui était accusé par ce dernier d'être trotskyste.

 

Orwell estimait que les classes populaires espagnoles défendaient la République non parce que c'était le régime légitime, mais parce qu'elles attendaient une véritable avancée sociale. Si la République les décevait, les classes populaires cesseraient de la soutenir.

D'ailleurs le début du soulèvement des généraux nationalistes, dont Franco allait se détacher comme leader un peu plus tard, provoqua comme un contre coup une véritable révolution sociale dans les zones républicaines, particulièrement en Catalogne et en Asturies.

La tentative de soulèvement des pro-nationalistes fut réprimée à Barcelone en juillet 1936 et les syndicalistes et militants politiques de gauche qui ont mis en échec les nationalistes, ont pris le pouvoir, imposant leur ligne politique au gouvernement catalan (la Generalitat de Catalunya) puisque la Catalogne, comme d'autres régions d'Espagne, avait obtenu, dans le cadre de la République, depuis 1931, un statut d'autonomie.  Un comité antifasciste, le comité central des milices antifascistes de Catalogne  (Comitè Central de Milícies Antifeixistes de Catalunya, CCMA) doubla le gouvernement catalan et se substitua à lui plus ou moins, décidant la nationalisation et la collectivisation des entreprises (sauf les banques) et des exploitations agricoles.

Les modérés et les bourgeois se sont effacés (Orwell semble admettre que certains ont été éliminés physiquement) au profit de révolutionnaires convaincus, communistes de diverses tendances ou anarchistes. Quand Orwell arriva à Barcelone, en décembre 1936, il pensa arriver dans une ville où une révolution sociale venait d'avoir lieu;  et encore, cette impression, selon les témoins, s'était affaiblie entre juillet et décembre 1936.

Pour quelqu'un débarquant d'Angleterre, elle était encore totale.

 La perception par Orwell de l'évolution politique dans le camp républicain (perception partielle, on va le voir) peut se lire par les différentes observations qu'il fait sur les drapeaux utilisés par les protagonistes de la guerre.

 

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George Orwell fut un des penseurs majeurs du 20ème siècle malgré sa courte vie et restera pour sa dénonciation du totalitarisme communiste, sans cesser d'être un socialiste solidaire des plus pauvres.

 http://www.smh.com.au

 

 

 

 

Les drapeaux des camps en présence 

 

 

Peu de temps après son engagement dans les milices du POUM, et après une instruction militaire improvisée à la caserne Lénine à Barcelone, Orwell rejoint la zone des combats en Aragon, entre Saragosse et Huesca.

Les camps ennemis occupent une série de pics dans une région montagneuse, de part et d'autre d'un no man's land assez considérable, au-delà de la portée de tir de chaque camp, si bien qu'il y a à cette époque peu d'affrontements.

Sur chaque position, les soldats des camps en présence font flotter leur drapeau.

Pour le camp antifasciste, ce n'est pas le drapeau républicain, mais les drapeaux des milices (communistes, marxistes du POUM et anarchistes) donc le drapeau rouge ou le drapeau rouge et noir (pour les anarchistes),

 Sur les positions "fascistes" (ou nationalistes, mais Orwell n'utilise pas ce dernier mot) ce sont soit le drapeau rouge-jaune-rouge de la monarchie, soit le drapeau de la République, rouge, jaune et violet.

Selon le site Wikipedia espagnol, le drapeau républicain, mis en vigueur lors de la proclamation de la seconde répuublique en 1931  (avec en principe le blason espagnol sur la bande du milieu) fut utilisé par les nationalistes jusqu'en août 1936 seulement, puis à partir de ce moment, fut remplacé par le drapeau de la monarchie, d'abord sans blason puis avec un blason plusieurs fois modifié, la dernière version comportant un aigle comme support du blason, "l'aigle de l'évangéliste Saint Jean".

Le témoignage d'Orwell montre qu'en décembre 1936, voire plus tard, les nationalistes utilisaient encore le drapeau républicain, en concurrence avec le drapeau monarchiste.

Le drapeau républicain, en revanche, paraissait inutilisé par les miliciens des partis de gauche, qui préféraient les drapeaux rouge ou rouge et noir (au moins en ce qui concerne la zone où se trouvait Orwell).

 

es1931

 Drapeau de la république espagnole, en vigueur depuis 1931. La version ici présentée est le "drapeau d'état", ou drapeau officiel. Le drapeau civil ne comporte pas le blason, qui est le blason traditionnel de l'Espagne, lui-même composé des blasons des quatre royaumes historiques, Aragon, Navarre, Castille et Léon. Ce drapeau fut utilisé aussi par les nationalistes pendant un certain temps.

Wikipedia.

 

 

 Le drapeau catalan et les journées de mai 1937

 

 

 

 Orwell rentre du front pour une permission et rejoint son épouse à Barcelone peu de jours avant le déclenchement des journées de mai 1937.

Ce qu'il observe en revenant à Barcelone est une opposition de plus en plus marquée entre les partisans de la révolution (en gros, le POUM et les anarchistes) et ceux qui veulent marquer une pause sociale et se concentrer sur la guerre. Ces derniers sont principalement les communistes, qui suivent les consignes de Moscou qui a besoin de l'appui français et anglais contre le nazisme et ne veut pas se couper des démocraties libérales en soutenant une révolution sociale.

Les communistes sont représentés par le PSUC, Partido Socialista Unificado de Cataluña (Parti socialiste unifié de Catalogne) et ont comme relais syndical l'UGT, Unión General de Trabajadores (Union générale des travailleurs - nous donnons les graphies espagnoles reproduites dans la traduction précitée, mais ces mouvements avaient bien entendu également leurs graphies en catalan).

Les anarchistes forment une fédération, la FAI, Federación Anarquista Ibérica (Fédération anarchiste ibérique) avec son relais syndical, la CNT, Confederación Nacional del Trabajo (Confédération nationale du travail).

Les anarchistes et le POUM, malgré des divergences, sont généralement assez proches.

 Orwell écrit : "Politiquement, il n’y avait plus à présent d’autre pouvoir que celui du PSUC et de ses alliés libéraux. Mais en face de ce pouvoir il y avait la force irrésolue des membres de la CNT, moins bien armés et sachant moins bien ce qu’ils voulaient que leurs adversaires, mais puissants par leur nombre et par leur prédominance dans plusieurs industries-clefs. "

 Le découragement des partisans révolutionnaires est donc de plus en plus marqué. Pourquoi faire la guerre si celle-ci doit être séparée de la révolution ?

Orwell dit également ceci : "Le souvenir me revint de ce correspondant de journal rencontré le jour même de mon arrivée à Barcelone et qui m’avait dit : « Cette guerre est une supercherie, comme toute autre guerre ! » Cette réflexion m’avait profondément choqué, et à cette époque-là (en décembre) je ne crois pas qu’elle était juste ; même alors, en mai, elle ne l’était pas, mais elle commençait à le devenir."

Jusqu'à ce moment, Orwell n'a pas parlé de la situation institutionnelle particulière de la Catalogne et il ne va pas beaucoup en parler par la suite

Sa vision des événements laisse presque complètement de côté l'existence du nationalisme catalan.

Tout au plus Orwell signale qu'il existe un gouvernement catalan "à demi-autonome", le gouvernement de la Generalitat.

D'abord débordée par le Comité des milices antifascistes, la Generalitat avait ressaisi le pouvoir depuis octobre 1936, mais sans parvenir à s'imposer complètement.

Au printemps 1937, les Patrouilles de contrôle, qui avaient été mises en place par les anarchistes de la FAI/CNT au moment du Comité des milices antifascistes, continuaient d'arrêter et exécuter arbitrairement des suspects. D'autres patrouilles anarchistes, sous- couvert d'expropriations populaires, se livraient au pillage (Wikipedia, les Journées de mai 1937 à Barcelone).

La Generalitat est dirigée depuis 1936 par une coalition de partis (où figurent bien entendu les partis ouvriers dont le PSUC et la FAI) mais le Président de la Generalitat est un nationaliste catalan de gauche, Lluis Companys, qui est le dirigeant de l'ERC, Esquerra republicana catalana, Gauche républicaine catalane, un parti né de la fusion de plusieurs mouvements catalanistes.

Il est donc remarquable que même à cette époque où la gauche communiste ou anarcho-syndicaliste, dans ses diverses composantes, et notamment le PSUC, domine la vie politique de la Catalogne, ce soit un politicien nationaliste catalan, certes de gauche, qui soit à la tête de la Generalitat. C'est probablement à lui que pense Orwell lorsqu'il cite les "alliés libéraux" du PSUC.

"Du point de vue des membres de la Généralitat soumise à l’influence dirigeante du PSUC, la première chose à faire, nécessairement, pour consolider leur position, c’était de désarmer les ouvriers de la CNT", explique Orwell. Et il cite une remarque de Luis Companys (c'est la seule fois où il cite son nom) qui, décidé à agir contre la FAI et la CNT, avait déclaré "en riant" que que les "anarchistes encaisseraient tout".

La Generalitat décida fin mars 1937 le désarmement des particuliers et l'interdiction aux policiers d'avoir une affiliation politique, mais la FAI réagit en se retirant du gouvernement de la Generalitat; celle-ci suspendit ses ordres pour éviter la rupture frontale avec la FAI. Comme le remarque Orwell, les dirigeants de la FAI, membres de la Generalitat étaient sans doute plus modérés que leur base.

Les partis politiques et les syndicats associés restent donc détenteurs d'un grand nombre d'armes et on se demande quand va avoir lieu l'explosion.

Parallèlement, une offensive idéologique du parti communiste a lieu contre le POUM, accusé ni plus ni moins que d'être à la solde des fascistes et des nazis; le prétexte de cette campagne est la proposition du POUM de faire venir Trotsky en Catalogne, alors que Trostsky était l'homme à abattre pour les comunistes staliniens.

" Le danger était patent et facile à comprendre. Il résidait dans l’antagonisme entre ceux qui voulaient faire progresser la révolution et ceux qui voulaient l’enrayer ou l’empêcher – autrement dit, dans l’antagonisme entre anarchistes et communistes. Avec une telle démarcation des forces, il était fatal qu’il y eût conflit", écrit Orwell.

Le 2 mai, il est caractéristique que l'un des signes avant-coureurs des émeutes de Barcelone ait été une bagarre entre des militants anarchistes et des militants d'Estat català (Etat catalan) , parti nationaliste catalan qui avait fait partie de la coalition Esquerra republicana catalana, mais qui avait des positions dissidentes.

Orwell ne relate pas cette implication des militants indépendantistes catalans dans la montée des tensions; son récit ne parle que de l'hostilité existant entre les membres de forces de gauche , d'un côté communistes (du PSUC et de l'UGT), de l'autre, anarchistes et membres du POUM qui se manifestait par des violences récurrentes allant jusqu'à l'assassinat.

Peu de jours avant le déclenchement des émeutes , un important membre de l'UGT avait été assassiné et on accusait les anarchistes de ce crime. Les obsèques de ce militant furent grandioses et furent un déploiement de force qui s'adressait à l'adversaire; la nuit suivante un anarchiste fut tué, sans doute en représailles. Orwell n'exclut pas l'action d'agents provocateurs. Les dirigeants des partis de gauche appelaient leur base au calme pour éviter une lutte fratricide qui ne pouvait qu'avantager les fascistes.

La  manifestation du 1er mai fut annulée pour éviter les heurts entre les deux composantes du mouvement ouvrier.

Le 3 mai, les gardes civils, aux ordres de la Generalitat, essayent de s'emparer du central téléphonique qui était aux mains des militants anarchistes et interceptait les communications entre la Generalitat et le gouvernement central de la République espagnole, qui s'était replié à Valence.

Cette tentative amène le soulèvement des anarchistes, avec, bon gré mal gré, l'appui du POUM. Les militants sortent les ames stockées (bien qu'Orwell soit témoin qu'au POUM , les stocks étaient faibles), lancent un appel à la grève, édifient des barricades. Tout Barcelone est livré à une guerre de rues en peu de temps. De part et d'autre, on tire sur les passants qui essayent de s'abriter et sur les positions des camps adverses. L'activité est suspendue, les tramways immobilisés en pleine rue où résonnent les tirs, la population qui ne prend pas part aux combats reste à l'abri.

 Le déroulement des événements, tels que Orwell va les raconter, peut être symbolisé par les drapeaux qui vont être hissés par les protagonistes.

 

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Le drapeau catalan flotte sur le fort de Montjuich, titre du journal La Vanguardia, août 1936.

Lors des émeutes de mai 1937, au témoignage d'Orwell, le drapeau catalan va être hissé sur les bâtiments fidèles à la Generalitat, dirigée par une alliance de partis dominée par les communistes, s'opposant au drapeau noir et rouge des anarchistes ou rouge du POUM.

http://www.comissiodeladignitat.cat

 

Orwell note que tout Barcelone se partagea selon une géographie bien établie par avance en fonction de l'appartenance sociale et politique des habitants, entre "révolutionnaires" de la FAI/CNT et du POUM, qui tenaient les quartiers ouvriers, et partisans du gouvernement modéré, parmi lesquels aussi curieux que ça puisse paraître à nos yeux, on trouvait les communistes du PSUC,  qui tenaient les quartiers aisés, avec une zone tampon dans le centre ville, délimitée par les Ramblas, la grande avenue centrale de Barcelone.

Heureusement que les positions de chacun étaient repérées par les drapeaux hissés sur les immeubles occupés dans cette zone tampon.

 Les militants de l'organisation de jeunes du parti communiste (le PSUC) ont ainsi abaissé le drapeau rouge qui flottait sur leur immeuble et font flotter à la place "le drapeau national catalan" (c'est l'expression d'Orwell).

Les gardes civils, ennemis habituels de la classe ouvrière, selon Orwell, font aussi flotter le drapeau catalan sur les immeubles où ils ont pris position.

Par contre, sur le central téléphonique, dont la tentative d'occupation par la police et les gardes civils aux ordres de la Generalitat a déclenché l'émeute, le drapeau rouge et noir des anarchistes continue de flotter, mais aussi le drapeau catalan, ce qui est probablement la marque d'un compromis.

Après une semaine de violences qui font, semble-t-il, 400 morts et 1000 blessés, le calme revient en raison de l'arrivée à Barcelone de troupes envoyées par le gouvernement de Valence pour rétablir l'ordre. Les anarchistes et leurs alliés du POUM ont perdu la partie.

Orwell note que les "gardes d'assaut" envoyés par le gouvernement de Valence sont des hommes physiquement triés sur le volet, avec un armement moderne, pas comme les miliciens qui luttent sans moyens contre les franquistes sur le front, tels que les a vus Orwell et dont il a partagé l'existence.

 

L'arrivée des troupes gouvernementales provoque un changement dans les drapeaux qui flottent désormais sur Barcelone.

 " Le drapeau de la République espagnole flottait partout sur Barcelone – c’était la première fois, je crois, que je le voyais ailleurs qu’au-dessus d’une tranchée fasciste. Dans les quartiers ouvriers on était en train de démolir les barricades", dit Orwell avec un peu d'ironie.

Sa conclusion est claire : " Les combats de Barcelone avaient fourni au gouvernement de Valence le prétexte, depuis longtemps souhaité, d’assujettir davantage à son autorité la Catalogne" et d'en finir avec les milices ouvrières.

Pendant les troubles, on aperçut dans la rade de Barcelone des navires de guerre britanniques : Orwell supose que les Britanniques qui n'auraient pas fait un geste pour sauver le gouvernement républicain (ou celui de la Generalitat) des fascistes, était en revanche prêt à le sauver de sa propre classe ouvrière.

Il rappelle que la Grande-Bretagne avait de gros intérêts financiers en Catalogne et n'était pas disposée à laisser triompher les véritables révolutionnaires.

Il est plus probable que les bateaux se tenaient prêts, en tous cas, à évacuer les étrangers pris au piège dans l'insurrection. 

 

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Affiche du gouvernement républicain justifiant la fusion de toutes les milices populaires dans une seule armée populaire, aux ordres du gouvernement. Les drapeaux qui recouvrent le visage du militaire représentent ceux des régions autonomes (on reconnait l'ikurrina, drapeau basque, le drapeau catalan avec ses bandes horizontales rouge et or, le drapeau valencien, qui comporte une bande verticale bleue en plus des bandes horizontales rouge et or, le drapeau andalou à bandes vertes encadrant une bande blanche, un drapeau violet non identifié par moi, et les drapeaux de partis de gauche : rouge pour les communistes avec la faucille et le marteau, noir et rouge pour les anarchistes, rouge avec une étoile blanche (POUM probablement ?), enfin le drapeau républicain rouge jaune et violet.

 http://www.publico.es

 

 

 

 

Orwell quitte l'Espagne 

 

 

 

 

Dans les jours qui suivirent la fin des émeutes, les gardes d'assaut du gouvernement central patrouillent dans les rues et dans les tramways, demandant aux habitants de Barcelone de montrer leurs papiers; s'ils trouvaient sur eux une carte de la FAI/CNT, ils la déchiraient et la piétinaient.

Pourtant ce n'est pas la FAI et son bras syndical la CNT, sans doute trop implantées dans la population pour être attaquées de front, qui vont être les victimes directes de l'échec de l'insurrection, mais le POUM, qui avait plutôt été suiviste par rapport aux anarchistes.

Le 15 juin 1937, le POUM est déclaré illégal, ses dirigeants sont arrêtés avec sans doute l'assistance d'agents des services secrets soviétiques (l'ancienne Guépéou, devenue le NKVD); les adhérents et sympathisants du POUM, y compris parmi les étrangers venus aider les républicains, remplissent les prisons.

Certains chefs du POUM, comme Nin, disparaissent sans laisser de traces, probablement exécutés.

Orwell, après les émeutes de mai, a rejoint le front où il est presque aussitôt blessé à la gorge, blessure grave mais qui n'a pas touché d'organe vital (que suerte, s'exclament les médecins, quelle chance !) mais qui provoque pendant un certain temps des difficultés d'élocution, tandis qu'un de ses bras est momentanément paralysé par une lésion des nerfs.

Ignorant les réglements de comptes politiques qui se déroulent à l'arrière du front, il revient à Barcelone pour passer sa convalescence et là sa femme l'avertit qu'il faut qu'il se cache, il risque d'être arrêté comme sympathisant du POUM (dont il n'avait pourtant jamais fait partie); magré les dangers, il rend visite dans une prison surpeuplée à un ami, le colonel Kopp, un belge venu aider les républicains et arrêté comme sympathisant du POUM, sans pouvoir rien faire pour le libérer.

 Orwell et sa femme décident alors de quitter l'Espagne où leur situation est devenue dangereuse; ils se procurent des passeports au consulat britannique, ce qui n'est pas une assurance de pouvoir quitter sans encombre l'Espagne.

Quelques jours après ils passent la frontière française en train, et regagnent l'Angleterre, partagés entre la culpabilité de quitter l'Espagne et le sentiment que leur présence ne peut plus servir à rien dans le gâchis qui se met en place, où une partie du camp républicain considère une autre partie comme son ennemi, les communistes n'hésitant pas à dire que les membres du POUM sont à la solde des fascistes.

Déjà apparaissent (du moins en Europe occidentale, car elles sont déjà connues en URSS) les méthodes d'intoxication et de calomnie des procès staliniens, qui pour se débarrasser des partisans en désaccord avec la ligne décidée par le parti, les accuse de collusion imaginaire avec le camp "contre-révolutionnaire" et fournit des éléments truqués pour justifier ses accusations.

Inseparables

Affiche la FAI (Fédération anarchiste ibérique) et de la FIJL ( Federación Ibérica de Juventudes Libertarias, fédération ibérique des jeunesses libertaires, un autre mouvement anarcho-syndicaliste, puissant en Catalogne) : la révolution et la guerre sont inséparables. Sur la cheminée de l'usine, le drapeau du syndicat CNT.

Wikipedia.

Orwell note aussi qu'en mettant hors jeu les partis qui ne voulaient pas séparer la guerre contre les fascistes de la révolution sociale, on conduit beaucoup de prolétaires à se désintéresser de l'issue du combat : à quoi bon continuer la guerre si au bout, il n'y a pas la justice sociale.

Certes on peut toujours dire que ce sera pire si les fascistes gagnent la guerre, mais cette raison de combattre semble insuffisante et Orwell constate chez beaucoup de personnes dans les milieux populaires une lassitude de la guerre. En gros, que finisse la guerre, même si ce sont les fascistes qui gagnent, semble une idée qui progresse à cause de la politique conduite par les communistes, sur les consignes de Moscou, opposé à toute extension de la révolution pour ne pas heurter les démocraties libérales européennes dont l'URSS a besoin.

Tel est le point de vue de Orwell en 1938 quand écrit Hommage à la Catalogne.

Assez curieusement il pensait que même si Franco était vaincu, l'Espagne serait fasciste, mais il imaginait que ce facsisme pourrait au moins moderniser le pays. On voit mal d'où serait venu ce pouvoir fasciste, distinct du franquisme, qui aurait pu s'installer en Espagne. 

Quant au franquisme , Orwell émet ce jugement : 

" Franco, ...pour autant qu’il ne fût pas simplement le fantoche de l’Italie et de l’Allemagne, était lié aux grands
propriétaires terriens féodaux et soutenait la réaction cléricale et militariste pleine de préjugés étouffants. Le Front populaire était peut-être bien une supercherie, mais Franco était sûrement, lui, un anachronisme. Seuls les millionnaires et les gens romanesques pouvaient souhaiter son triomphe".

Une analyse assez exacte puisque Franco fut bien moins le promoteur d'une nouvelle conception de la société, comme prétendait l'être le fascisme, que le défenseur d'un ordre social conservateur, inégalitaire et traditionnel, dominé par les grands propriétaires et le clergé. Il avait certes le soutien d'un mouvement fasciste comme la Phalange, fondée par José Antonio Primo de Rivera, le fils de l'ancien dictateur qui avait gouverné l'Espagne dans les années 20, mais Franco s'arrangea pour neutraliser la Phalange, dont le chef fut une des premières victimes de la guerre civile dans le camp nationaliste, fusillé par les républicains.

Le traditionalisme de Franco pouvait séduire quelques esprits passéistes, d'où sans doute la référence aux "gens romanesques" qui le soutenaient, dont parle Orwell, qui note aussi, avec quelque regret, semble-t-il, en voyant de vieilles affiches décolorées de corridas antérieures à la guerre civile, que tous les meilleurs toreros étaient "fascistes"...

Franco con Angel Luis y Alvaro Domecq

Une certaine image de l'Espagne : le Caudillo et Chef de l'Etat, le général Franco, accueilli par les toreros Álvaro Domecq, Manolete, El Andaluz, Ángel Luis Bienvenida, El Estudiante, dans les années 1950.

la-lidia.blogspot.fr

 

 

 

La question des nationalismes périphériques 

 

 

 

Le franquisme, comme tout un pan de la droite espagnole classique, détestait les nationalismes périphériques.

Ceux qui se proclamaient eux-mêmes des nationalistes espagnols (ou sans doute mieux, castillans) détestaient les nationalismes basque et catalan, et même le nationalisme andalou pourtant plus modéré. La devise de l'Espagne franquiste était "una, grande, libre" (une, grande, libre), le "una" ayant le même sens que chez les Jacobins français, les mots "une et indivisible" appliqués à la République. Républicains français et antirépublicains espagnols avaient la même hostilité pour les identités des régions périphériques et la prétention des populations de ces régions à être des peuples à part entière. 

C'est cette hostilité de la droite centralisatrice espagnole qui a fait que les nationalismes périphériques de la péninsule ibérique ont fait cause commune avec la gauche, non sans paradoxe : alors que dans beaucoup de régions espagnoles, les républicains s'en prenaient violemment à la religion catholique, fusillaient les prêtres et les religieuses, au pays basque, les nationalistes basques, catholiques, dont de nombreux prêtres, soutenaient la république parce que celle-ci admettait une forme d'autonomie locale.

 Dans son livre, Orwell passe pratiquement sous silence l'existence du nationalisme catalan. Tout au plus, il évoque brièvement le gouvernement demi-autonome de la Generalitat et, comme on a vu, parle du "drapeau national catalan". Pour Orwell, la situation politique de l'Espagne 'et la Catalogne ne fait pas exception) s'explique en termes de lutte des classes. Les questions d'identité régionale ne sont pas réellement perçues par lui.

Pourtant, il sait bien qu'il faut distinguer divers peuples (ou populations) à l'intérieur de l'Espagne.

Une de ses remarques est caractéristique :

" Mais je défie qui que ce soit de se trouver brusquement,comme il m’arriva, au sein de la classe ouvrière espagnole – je devrais peut-être dire : catalane, car hormis quelques Aragonais et quelques Andalous, je n’ai été qu’avec des Catalans – et de n’être pas frappé par le sens inné qu’ils ont de la dignité humaine, et surtout par leur droiture et leur générosité."

 

 Ainsi Orwell sait que les Catalans et les Espagnols sont deux concepts différents, sans aller vraiment plus loin dans la réflexion. Et son livre s'appelle Hommage à la Catalogne, et pas Hommage à l'Espagne !

 

 

 

 La longue marche du nationalisme catalan

 

 

L'histoire du nationalisme catalan est celle d'une longue marche.

L'identité catalane remonte au haut-Moyen-Age. L'évolution historique amena le comté de Barcelone à faire partie de la couronne d'Aragon (sorte d'union fédérale sous un souverain unique, comprenant notamment le royaume d'Aragon, le royaume de Majorque, le royaume de Valence, le comté ou principauté de Catalogne, chacun gardant son individualité et ses institutions). Le mariage du roi d'Aragon avec la reine de Castille, à la fin du 15ème siècle (les Rois catholiques), marqua le début du royaume d'Espagne.

A partir de ce moment, la Catalogne fut amenée à s'opposer aux rois d'Espagne lorsque ceux-ci voulurent toucher à son staut particulier.

Dès le milieu du 17ème siècle, les Catalans défient le pouvoir royal espagnol et son premier ministre, le comte-duc d'Olivarès qui tente d'abroger leurs privilèges fiscaux.

La contestation est d'abord une affaire de notables, rejoints par le peuple..

En 1640, les paysans catalans se soulèvent. C'est la guerre des Faucheurs - on les appelle ainsi car ils sont armés de faux (en hommage à ces rebelles, l'hymne catalan s'appelle Els Segadors, les Faucheurs). Les Faucheurs entrent dans Barcelone  pour libérer un des chefs de la contestation catalane, emprisonné sur les ordres du vce-roi espagnol et  tuent le vice-roi.

L'un des chefs des rebelles, le dirigeant de la députation générale de Catalogne, l'ecclésiastique Pau Claris, proclame la république catalane en 1641, puis demande l'appui de la France. Le roi Louis XIII intervient et Pau Claris est obligé de reconnaître en échange le roi de France comme comte de Barcelone. Mais l'intervention française n'aboutit, malgré un succès militaire, qu'à détacher de la Catalogne la partie nord (Roussillon), qui est rattachée à la France. Le pouvoir espagnol négocie et rétablit son autorité théorique, tandis que les Catalans conservent leurs droits traditionnels.

Lors de la guerre de succession d'Espagne (à partir de 1701) les Catalans, comme les autres composantes de la couronne d'Aragon,  soutiennent le prétendant de la famille Habsbourg contre le duc d'Anjou (petit-fils de Louis XIV), choisi par testament du dernier roi de la ligne directe des Habsbourg d'Espagne. Le duc d'Anjou accède au trône sous le nom de  Philippe V.

Après une guerre très dure qui est devenue européenne avec l'intervention de Louis XIV pour soutenir son petit-fils. Philippe V  remporte la victoire et punit ses adversaires en supprimant le statut particulier des principautés de la couronne d'Aragon, dont la Catalogne (décrets de Nueva Planta, de 1707 à 1715),

Le dernier combat livré par les Catalans eut lieu le 11 septembre 1714 (date de la prise de Barcelone) et c'est cette date qui a été choisie comme jour de fête nationale de la Catalogne (diada nacional) depuis le rétablissement du statut d'autonomie en 1978, après la fin du franquisme.

Depuis 1714, les Catalans ont cherché à récupérer leur statut particulier; se considérant comme un peuple à part entière, défini par sa langue et ses traditions, qui ne peut être confondu avec le peuple espagnol (lui-même formé de diverses composantes, où "l'espagnolisme" est assuré par la domination des Castillans, notamment du fait de la langue castillane, qui est à proprement parler la langue espagnole).

Les Catalans vont tenter de profiter de toutes les occasions de remettre en cause le pouvoir central de Madrid.

C'est ainsi que certains Catalans (comme des Basques) ont soutenu les rébellions carlistes, dirigées au 19ème siècle par des prétendants au trône d'Espagne. Ces rébellions avaient un caractère conservateur très marqué mais elles étaient l'occasion de s'opposer au pouvoir central et d'espérer récupérer une sorte d'autonomie en jouant un prétendant au trône traditionaliste contre des gouvernements madrilènes,"libéraux" (mais bien peu démocrates) et surtout centralisateurs.

Ces insurrections ne parvinrent jamais à contrôler les grandes villes et cessèrent en 1876.

L'idée que la Catalogne devait avoir de nouveau un statut particulier et même pouvait devenir un Etat distinct de l'Espagne, s'appuyait sur un fort sentiment d'identité culturelle façonné par de nombreux intellectuels et qui avait l'appui de la bourgeoisie industrielle catalane. Les catalanistes, partisans d'une autonomie, ou même de l'indépendance, commencèrent à avoir un poids important dans la vie politique de la Catalogne, tandis que d'autres Catalans devenaient des hommes politiques importants de l'Etat espagnol, comme l'intellectuel Francisco (Francesc) Anto Pi i Margall, éphémère Président de la Première république espagnole en 1873.

Pi i Margall était partisan du fédéralisme, mais il laissa passer l'occasion d'établir une république fédérale et démissionna devant la conjonction de difficultés. Pi i Margall eut aussi une postérité sur les milieux anarchistes qui devaient être importants en Catalogne.

A la fin du 19ème siècle, Valentì Almirall, Enric Prat de la Riba et d'autres fondèrent les bases théoriques du nationalisme catalan moderne. Ils affirmaient que les Catalans formaient une nation, mais jugeaient que le séparatisme n'était pas une solution réaliste. Ils espéraient pouvoir déboucher sur un statut d'autonomie dans le cadre d'une fédération.               

Les partis catalanistes du début du 20ème siècle étaient plutôt conservateurs, hésitant entre fidélité à la monarchie espagnole et républicanisme. Ces partis réunis dans la Lliga regionalista, gouvernaient déjà les affaires locales dans le cadre des quatre provinces traditionnelles de la Catalogne. En 1912, les partis catalanistes obtinrent du gouvernement espagnol la création de ce qu'on appelait la Mancomunidad de Catalunya, regroupement des quatre provinces catalanes, à vocation purement administrative. Pour obtenir le vote final du parlement espagnol, les quatre députations des provinces catalanes organisèrent un plébiscite en faveur du projet dans toutes les communes catalanes et une grande manifestation dans les rues de Barcelone.

Le président le plus populaire de la Mancomunidad fut Enric Prat de la Riba, auteur de La Nacionalitat catalana (la nationalité catalane), qui meurt prématurément en 1917.

Cette même année pour la première fois la Ligue régionaliste catalane participe au gouvernement espagnol.

En 1919, la Mancomunidad  lança une campagne en faveur de l'autonomie de la Catalogne. Un projet de statut fut approuvé par 98 % des citoyens catalans consultés. (Wikipedia).

Mais en 1923, l'installation à Madrid de la dictature du général Primo de Rivera, soutenu par le roi, met fin aux espoirs des catalanistes. En 1925, Primo de Rivera dissout la Mancomunidad, pourtant soucieuse de conciliation. Il interdit les symboles régionaux, tels que les drapeaux basque ou catalan.

 

 

 

 

Deux symboles du nationalisme catalan : Macià et Companys 

 

 

 

Un homme allait incarner le renouveau du catalanisme et en faire une force vraiment populaire.

Ce fut le colonel Francesc Macià. Ce militaire de carrière démissionna de l'armée en protestation contre le verdict d'un procès où des militaires auteurs de violences contre des journalistes catalans furent acquiités et les journalistes, de victimes, devinrent les accusés, en 1905. Il entra alors en politique et fut élu plusieurs fois député pour le parti Solidaritat catalana au début du 20ème siècle.

Puis en 1919 il fonda son propre parti, qui donna naissance en 1922 au parti Estat català (état catalan). Ce nouveau parti, défini d'emblée comme interclassiste, voulait mener une lutte radicale contre l'Etat espagnol et se donnait comme modèle la lutte des nationalistes irlandais. Il obtint l'aide financière des Catalans exilés à Cuba.

C'est le parti Estat català qui inventa le drapeau catalan dans sa présentation indépendantiste, l'estelada (l'étoilé) ou le drapeau avec les bandes rouge et or traditionnelles est complété par un triangle (généralement bleu) du côté de la hampe avec une étoile blanche, qui évoque justement le drapeau de Cuba, qui avait acquis depuis le début du siècle son indépendance (il est vrai pour devenir aussitôt une sorte de protectorat américain).

 

La dictature du général Primo de Rivera, à partir de 1923, qui supprima la Mancomunidasd de Catalunya (pourtant peu soucieuse d'affrontement), obligea Macià à fuir l'Espagne; Macià organisa une tentative de coup de force depuis la France, qui fut dénoncée aux autorités françaises et l'obligea à fuir en Belgique; sa popularité fut accrue par sa réputation d'infatigable lutteur pour les droits de la Catalogne. Il alla même à Moscou pour essayer d'obtenir l'aide des soviétiques mais le courant ne passa pas entre lui et ses interlocuteurs communistes.

En 1931, de retour en Espagne après la chute de la dictature de Primo de Rivera  (peu féroce il est vrai, on la surnommait la dictablanda, la dictadouce, par jeu de mot plus clair en espagnol, où dictature se dit dictadura, dura, dure,  étant le contraire de blanda, douce) il fonde l'Esquerra republicana catalana (gauche républicaine catalane) par fusion d'Estat català et d'autres partis, dont un parti dirigé par l'avocat Lluis Companys. Son but est une Catalogne complètement autonome voire indépendante.

 Les élections municipales organisées en 1931 donnent une majorité républicaine. En Catalogne, ce sont les partisans de l'Esquerra republicana catalana qui ont la majorité.

Le 14 avril 1931, Macià, depuis le balcon du Palais du Gouvernement de Barcelone, proclame "la Republica catalana dins d'una federació de Repúbliques ibèriques" (la République catalane à l'intérieur d'une fédération des républiques ibériques" - fédération qui n'existe pas...

Le même jour à Madrid,  Alcala Zamora proclame la République espagnole. Il va falloir que les deux républiques arrivent à s'entendre.

 

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Portrait de Francesc Macià, tenant contre son coeur la senyera, le drapeau catalan.
enciclopedia.cat

 

 


Les républicains espagnols et les autonomistes de diverses régions avaient passé avant les élections des accords dits de Saint Sébastien, selon lesquels la République reconnaitrait l'autonomie des régions.

Pour éviter une situation délicate, Macià accepte de transformer la République proclamée en avril en Generalitat (ancien nom du gouvernement autonome de la Catalogne avant Charles V) et des nouveaux accords sont négociés pour un statut d'autonomie (statut de Nùria) qui sont approuvés par les municipalités et le corps électoral catalan; mais lors de la promulgation de la constitution espagnole en décembre 1931, celle-ci n'est pas un définie comme état fédéral mais comme " Estado integral compatible con la autonomía de municipios y regiones" ce qui oblige à modifier le statut de Nùria dans un sens restrictif.

Macià, jusque là président du gouvernement provisoire de la Generalitat, est élu président de la Generalitat lors des élections qui suivent la promulgation du statut définitif et le reste jusqu'à son décès en décembre 1933.

L'enterrement de celui qu'on surnommait l'avi, le le grand-père, est suivi par un immense concours de population.

 

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Monument à Francesc Macià, à Barcelone, inauguré en  1991 sur la plus grande place de Barcelone, la place de Catalogne, en plein  centre de la ville.           .

Wikipedia.en

 

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 Lluis Companys ( 1882-1940); deuxième président de la generalitat de Catalogne depuis son rétablissement au 20ème siècle, eut un destin tragique : il fut fusillé par les franquistes.

(photo extraite du site Viquipèdia (wikipedia en catalan) http://ca.wikipedia.org

 

 

C'est Lluis Companys, l'un des fondateurs de l'Esquerra republicana, jusque là président du Parlement catalan, qui est élu pour lui succéder à la Generalitat.

Dès 1934 il entre en conflit avec le gouvernement central espagnol dirigé à ce moment par Alejandro Lerroux, un homme de centre-gauche hostile aux autonomies régionales. Le gouvernement a pris une orientation plus à droite (entrée au gouvernement des ministres de la CEDA, Confederación Española de Derechas Autónomas, dirigée par Gil Robles, qui est un regroupement de droite favorable aux grands propriétaires et à l'Eglise) et veut contrer la politique progressiste (Companys veut faire passer une loi en faveur des petits agriculteurs) et autonomiste de Companys qui en retour, accuse le gouvernement central de fascisme (déjà).

Le 6 octobre, après avoir pris ses dispositions, Companys proclame la République de Catalogne dans le cadre d'une République fédérale qui n'existe toujours pas. Il demande au général commandant l'armée espagnole en Catalogne de se metttre à sa disposition.

Au lieu de cela, le général fait encercler le palais de la Generalitat. Les forces populaires (syndicats et mouvement anarchiste) sont divisées et ne soutiennent pas le coup d'état, car on peut considérer que ç'en est un même si Campanys ne proclame pas l'indépendance.

Le soir même, l'armée fidèle à la République espagnole, met fin à l'insurrection, non sans pertes humaines :74 morts et 250 blessés dans toute la Catalogne ( mais quelques morts seulement à Barcelone) dans les affrontements entre militaires d'un côté et policiers aux ordres de la Generalitat et militants de l'ERC de l'autre. 

Companys et ses ministres ainsi que d'autres accusés passent en jugement; Companys est condamné à 30 ans de prison. Le statut d'autonomie de la Catalogne est suspendu.

Cet échec provoque un profond malaise chez les catalanistes; les militants issus d'Estat català, qui ont pour but principal l'indépendance, reprennent leur autonomie par rapport à l'ERC, reprochant à Companys sa responsabilité dans le désastre.

En 1936, les forces républicaines de gauche remportent les élections et forment le Fronte popular.

En conséquence, les accusés du 6 octobre sont amnistiés, le statut d'autonomie est rétabli et Companys retrouve son poste à la Présidence de la Generalitat. Mais ce retour au statu quo est de courte durée.

 

 

 

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Commentaires
Le comte Lanza vous salue bien
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