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Le comte Lanza vous salue bien
10 mars 2023

LES BRONZES DU BÉNIN : COLONIALISME, REPENTANCE ET RESTITUTION PARTIE 3

 

LES BRONZES DU BÉNIN : COLONIALISME, REPENTANCE ET RESTITUTION

PARTIE 3

 

 

 

 

[ Nous utilisons dans ce message des photos trouvées sur internet, que nous créditons. En cas de contestation, nous les supprimerons à la première demande des ayant-droit ] 

 

 

 

 

UN RÉCIT ÉQUILIBRÉ : BARNABY PHILLIPS

 

 

Le thème de la restitution des bronzes du Bénin est devenu un thème d’actualité en Grande-Bretagne, dans la mesure où il se rattache à un passé colonial qui a encore suffisamment de partisans.*

Selon un sondage de 2020, 32 % des Britanniques estimaient qu’on pouvait être fier de l’Empire colonial, 37% que c’était quelque chose dont il n’y avait pas plus à être fier qu’à en avoir honte, 27% regrettaient qu’il n’existe plus. En Europe, seuls les Néerlandais sont plus nombreux à être nostalgiques de la période coloniale (50% sont fiers de l’Empire et 45% regrettent qu’il n’existe plus).

L’ancien journaliste de la BBC (qui a aussi travaillé pour Al Jazeera) Barnaby Phillips (aucun lien de parenté avec James Phillips, le leader de l’expédition massacrée en 1897), a publié en 2021  Loot: Britain and the Benin Bronzes (Pillage : la Grande-Bretagne et les bronzes du Bénin, 2ème édition révisée en 2022). Dans une interview, Phillips rappelle que l’accueil étonné des Européens lorsqu’ils découvrirent la qualité des objets voilés en 1897 (réaction qui semble légèrement surfaite rétrospectivement, voir partie 2). Il dit : « Quand ces objets vinrent en Grande-Bretagne, ils furent vus inévitablement comme des objets d’art mais leur vocation originelle était spirituelle et religieuse et dans certains cas il s’agissait de rappeler des souvenirs historiques. »

On peut douter que les premiers conservateurs de musée ont pris ces objets d’emblée comme des objets esthétiques, au contraire il s’agissait pour eux de documents ethnologiques (dont la valeur spirituelle et religieuse était reconnue même si c’était dans le contexte très différent de la science européenne).

Phillips fait lui aussi référence au mouvement Black lives matter (« aux USA un mouvement  initialement opposé aux brutalités policières, mais qui en Europe s’est concentré souvent sur des questions plus historiques, notamment en rapport avec le colonialisme »).

Il introduit quelques remarques intéressantes : tout d’abord la valeur financière des bronzes du Bénin n’était pas à l’époque ce qu’elle est devenue plus tard.

Surtout il n’imagine pas, au contraire de Hicks, la possibilité – ou l‘obligation – de tout rapatrier, mais imagine une forme de partage, avec une partie des objets restant dans les collections occidentales*. Il souligne aussi les efforts faits avant l’indépendance du Nigéria par des conservateurs britanniques d’antiquités pour rapatrier au Nigéria autant d’objets qu’il leur était possible.

                                                                                            * « Personne n’envisage un monde dans lequel tout retourne à son lieu d’origine, un monde dans lequel les cultures sont limitées aux frontières politiques de chaque état-nation. » 

 

Phillips se fait l’écho de voix, y compris au Nigéria, qui disent que si les objets étaient restitués, ils seraient de nouveau volés ou vendus pour le profit.

( voir notamment : Visual Arts Interview: The Colonial Elephant in the Room — Talking with Barnaby Phillips, author of “Loot: Britain and The Benin Bronzes” (interview de B. Philips par D. d’Arcy) Site The Art Fuse, 2021, https://artsfuse.org/230982/visual-arts-interview-the-colonial-elephant-in-the-room-talking-with-barnaby-phillips-author-of-loot-britain-and-the-benin-bronzes/

                                               )

 

Phillips traite assez longuement de la question des sacrifices humains dans son livre Loot. Il remarque que l’argument selon lequel les nombreux récits des Britanniques qui en entrant dans Benin city, trouvèrent partout les traces et les restes des sacrifices humains, ne sont que de la propagande destinée à justifier l’intervention de 1897, ne tient pas : il y a une trop grande abondance de textes pour que tous les auteurs (témoins visuels) aient spontanément – ou sur ordre – raconté des contre-vérités , d’autant que certains témoignages figurent dans des écrits qui n’étaient pas faits pour la publication (lettres à la famille, journaux intimes). Si dans quelques parutions, les témoins ont pu, dans un souci de sensationnalisme, majorer les effets de leurs descriptions horrifiantes, Philips conclut que les témoignages sur les sacrifices humains ne peuvent pas être remis en cause.

Son livre a été qualifié d’équilibré (balanced) par des auteurs de recension.

Mais Phillips, qui n’est que journaliste, ne peut pas prétendre à l’autorité de Hicks qui est professeur d’université. L’argument d’autorité est mis au service des convictions progressistes. De façon curieuse, Phillips dont le livre semble avoir paru après celui de Hicks, ne mentionne pas (sauf erreur) le nom de ce dernier dans ses références (ou bien le livre de Hicks n’était pas encore paru quand Phillips a écrit le sien, ou Phillips a préféré ne pas engager de polémique).

 

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Libérateurs ou criminels de guerre ? Un groupe d'officiers supérieurs britanniques en partance depuis l'Angleterre pour l'expédition dite "punitive" de 1897. Notez les costumes civils. L'homme assis est peut-être le consul-général Moor qui se trouvait en congé en Angleterre quand on apprit le massacre de James Phillips et de ses accompagnateurs; Moor se joignit à l'expédition. Le commandement fut confié au contre-amiral Rawson qui fit route depuis Le Cap vers la côte du Niger. 

Photo reproduite à partir du site  https://www.insideoau.com/2022/09/02/history-the-real-story-behind-the1897-benin-invasion-by-the-british-force/

Source de la photo: compte Twitter de Dan Hicks https://twitter.com/profdanhicks/status/1318285684411686913

 

 

 

 

 QUELQUE CHOSE DE POURRI DANS LE MONDE ACADÉMIQUE

 

 

Le récit de Hicks parait être devenu le modèle dominant pour faire l’historique du pillage des bronzes du Bénin. Mais on se doute que tout le monde n’est pas d’accord avec ce qui est présenté ironiquement par un journaliste comme un “récit à la mode qui montre les actes  ignobles commis par des mâles blancs Européens morts*” (Michael Mossbacher, Who really owns the Benin bronzes?, The Spectator, août 2021 https://www.spectator.co.uk/article/who-really-owns-the-benin-bronzes/).

                                                                                      * L’expression utilisée est devenue un poncif chez les activistes intersectionnels et logiquement, est retounée contre eux par les “conservateurs”.

 

Parmi les voix critiques qui s’efforcèrent de démontrer les biais dans le livre de Hicks, on trouve Nigel Beggar, auteur d’un article argumenté dans la revue The Critic, intitulé Whites and wrongs (Blancs et torts), 2021.

 Pour lui, non seulement le livre de Hicks est typique du mouvement « décolonial » mais aussi, du fait de la position universitaire de l’auteur, c’est le symptôme qu’il y a « quelque chose de pourri au cœur du monde académique ».

Il considère que Hicks fait preuve de schizophrénie, il est d’ »un côté indulgent et moralement neutre pour les cultures non-occidentales, ce l’autre intransigeant et sans pardon pour la culture occidentale, notamment britannique.

Beggar accuse Hicks d’avoir écarté et même ridiculisé l’idée que les Bini pratiquaient les sacrifices humains. Il rappelle que le spécialiste de l’Afrique Robin Law a indiqué qu’il y avait eu une augmentation substantielle des sacrifices humains au Bénin entre les années 1830 et 1880.

Il refait le parcours historique des faits de 1897 pour pointer les approximations et déformations de Hicks. Il écrit que lorsque les Britanniques décidèrent l’expédition punitive, c’était d’abord pour punir le massacre de la colonne Phillips (et éviter la répétition de faits semblables), et dans un deuxième temps établir la liberté du commerce et mettre fin aux pratiques de l’esclavage et des sacrifices humains (alors que Hicks met en avant les seules préoccupations économiques).

.De façon plus large, il écrit que « la possibilité que l’éradication de l’esclavage africain pourrait avoir requis et justifié la domination britannique » n’est jamais prise en considération par Hicks, alors qu’elle est reconnue par un grand historien nigérian comme, Philip Igbafe.

« Dans la construction d’une histoire cohérente, nos convictions morales et politiques jouent un rôle organisateur. Mais l’honnêteté intellectuelle nous oblige à ne pas détourner les yeux de faits qui ne conviennent pas à nos présupposés. Dans son désir de servir la cause de la « décolonisation »*, Hicks a failli à ce principe ».  Son livre ne mérite pas la confiance. Il conclut, en reprenant le jeu de mots de Hicks,  que les Britanniques ne furent pas si brutaux au Bénin (The British were not so brutish in Benin).

                                                                                             * Au sens ici de ce qu’on appelle en France le « décolonialisme ».

 

(Nigel Beggar, Whites and wrongsThe Critic, 2021, https://thecritic.co.uk/whites-and-wrongs/)

 

SE REPENTIR ? ET DE QUOI ? 

 

 

La vague de repentance qui prend de l’ampleur en Grande-Bretagne a submergé l’Eglise anglicane. Non seulement celle-ci a décidé cde restituer certains objets arrivés en sa possession, mais récemment, une fresque de douze pieds de haut (environ 3, 60m) représentant l’oba des Bini Ovonramwen (déposé en 1897 après l’expédition punitive), peinte par un artiste nigérian, a été installée dans la crypte de la cathédrale Saint-Paul, d’ailleurs à l’initiative de Dan Hicks, à proximité du monument érigé en son temps à la mémoire de l’amiral Rawson qui avait, entre autres faits militaires, commandé l’expédition punitive de 1897.

L’auteur Mick Hartley  sur son site Type Pad s’interroge : au moment où l’Eglise anglicane bannit de ses édifices des monuments qui évoquent des esclavagistes (britanniques), elle installe l’effigie d’un esclavagiste africain ; pour M. Hartley, il s’agit d’ « une distorsion racialisée de la moralité, selon laquelle la complicité dans l’esclavage est impardonnable chez les Blancs mais moralement inoffensive chez les personnes noires ». L’auteur rappelle que le Bénin a pratiqué jusqu’à sa chute en 1897 les sacrifices humains, s’est enrichi par la traite des esclaves, qui a peut-être été plus importante pour son essor qu’elle n’a été pour la Grande-Bretagne. Dans ces conditions, l’Oba Ovonramwen était au sommet d’une pyramide d’exploitation. Pourquoi devrait-il être honoré et l’amiral Rawson vilipendé ? (Mick Hartley, A racialised distortion of morality, mars 2022 https://mickhartley.typepad.com/blog/2022/03/a-racialised-distortion-of-morality.html )*

 

Voir aussi l’article du professeur Robert Tombs, Why is St Paul’s Cathedral commemorating a Benin slave trader? (pourquoi la cathédrale Saint-Paul commémore-t-elle un marchand d’esclave du Bénin ?), The Spectator, mars 2022, https://www.spectator.co.uk/article/why-is-st-paul-s-commemorating-a-benin-slave-trader/

 

Dans The Spectator, Michael Mossbacher écrit que les bronzes furent pris “ à un royaume qui pouvait difficilement être confondu avec une communauté végane pacifiste.  Le Bénin devint riche avec sa participation à la traite transatlantique et par le massacre d’éléphants. Il pratiquait les sacrifices humains et peut-être le cannibalisme rituel. Cela ne coupe pas l’appétit aux partisans du retour des objets. Le jugement moral ne parait s’appliquer qu’aux Occidentaux.” (article cité).

 

De son côté le professeur Robert Tombs* est particulièrement engagé contre la repentance et la politique de restitutions.

                                                                                                          * Robert Tombs, professeur émérite d’histoire contemporaine à Cambridge. Le professeur Tombs est connnu en France pour ses travaux sur la Commune de 1871, dans lesquels il exprime une certaine sympathie pour celle-ci. Pourtant il est plutôt conservateur et fait partie de ceux qui pensent qu’il y a plus de raisons d’être fier de l’Empire britannique que d’en avoir honte (voir par exemple son article dans The Spectator, In defense of the British Empire, mai 2020, https://thespectator.com/topic/defense-british-empire/).

 

Le professeur Tombs écrit : « Pour être franc, je n'ai pas de sentiments très forts quant à la conservation de ces bronzes » qui sont pour lui l’image d’ une société « brutalement inégalitaire et avide », selon les termes d’une histoire de l’Afrique de référence. « Certains sont d'une beauté saisissante, mais tous sont tachés de sang ». « Peut-être certains devraient-ils être distribués plus largement dans le monde, sous forme de prêts ou même de dons, y compris à l'Afrique de l'Ouest. Mais je ne vois aucune obligation morale à les remettre à la Cour Royale du Bénin, le successeur des propriétaires d'esclaves. » Alors pourquoi la Grande-Bretagne, par le biais de ses institutions culturelles, devrait-elle se sentirait obligée de s'excuser d'avoir libéré le peuple nigérian des despotes propriétaires d'esclaves et devrait-elle accorder une réparation même symbolique aux héritiers des esclavagistes ?

« La réponse semble claire. Ceux qui exigent le « rapatriement » sans conditions proclament la pure méchanceté du « colonialisme ». C'est le message lancé aux médias et naïvement avalé. Ils ferment les yeux sur les horreurs de la tyrannie africaine historique. Ils n'accepteront pas que le renversement du royaume du Bénin ait été une libération pour son peuple. Ils refusent de reconnaître que l'Empire britannique du XIXe siècle était le plus grand adversaire de l'esclavage dans le monde. Ce serait trop perturbant pour les dogmes de la « décolonisation. » (R. Tombs,  The bloody truth about the Benin bronzes, site Spiked, août 2022, https://www.spiked-online.com/2022/08/09/the-bloody-truth-about-the-benin-bronzes/

 

 

 

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 Autorité morale respectée ou descendant d'esclavagistes ?  Les deux ne sont pas contradictoires. L'oba du Bénin Ewuare II avec la seconde de ses cinq épouses, la reine (Oloi) Iyayota Ewuare.

https://theafricanroyalfamilies.com/2022/07/10/queen-of-benin-kingdom-nigeria/

 

 

 LA PREMIÈRE RESTITUTION : L'OKUKOR DE CAMBRIDGE

        

                                   

R.Tombs a notamment envoyé une lettre ouverte à la directrice (master) du Jesus College de Cambridge* qui a rendu aux représentants du Nigéria (dont un représentant de l’oba) un objet pris lors de l’expédition de 1897 (un coq de bronze - ou laiton,) appelé Okukor, qui avait été donné au collège par le père d'un étudiant au début du 20 ème siècle..

                                                                            * Il s'agit d'un collège universitaire faisant partie de l'université de Cambridge.

 

Tombs écrit que d’après le dicours prononcé par la directrice lors de la cérémonie de restitution, il n’apparaissait pas que cette restitution était simplement un geste de bonne volonté envers un peuple ami mais la réparation d’un tort commis par les Britanniques contre le Bénin.

« Mais en passant sous silence l’histoire esclavagiste du Bénin, c’est comme si vous aviez dit que les raids pour capturer des esclaves, le commerce et le meurtre d’esclaves par des dirigeants africains n’avaient aucune importance. Est-ce que cela signifie que pour Jesus college, les Africains relèvent de règles morales différentes des Européens  ? » (An Open Letter to the Master of Jesus College, Cambridge, site History Reclaimed, novembre 2011 https://historyreclaimed.co.uk/an-open-letter-to-the-master-of-jesus-college-cambridge/).

Aucune réponse ne parait être parvenue au professeur Tombs.

 

 

 

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Sonita Alleyne, OBE (knight of the Order of the British Empire), directrice (ou présidente - master) du Jesus College (qui fait partie de l'Université de Cambridge) et le professeur Abba Isa Tijani, directeur general de la Commission nationale pour les musées et monuments du Nigéria, lors de la remise officielle de "l'Okukor" aux représentants du Nigéria, novembre 2021. Mme Alleyne se félicita que le Jesus College soit la première institution occidentale à restituer au Nigéria un bien pillé en 1897. L'Okukor, un coq en bronze du Bénin, avait été donné en 1905 au Jesus College par un officier qui avait participé à l'expédition de 1897, dont le fils était étudiant au College. Parmi les représentants du Nigéria présents à cette cérémonie, Son Altesse royale (His Royal Highness) le prince Aghatise Erediauwa, frère cadet de l'oba du Bénin, déclara : « En parvenant à la conclusion que retenir de tels objets était immoral, Jesus College a défié l'argument erroné selon lequel l'art volé ne peut être restitué. » 

Photograph: Joe Giddens/PA.

https://www.varsity.co.uk/news/22330

 

 

Dans un article paru fin 2022 dans le journal The Telegraph, après la décision de la Charity commission* d’autoriser le musée d’anthropologie de l’université de Cambridge de rendre un certain nombre d’objets du Bénin,  Tombs est encore plus abrupt : il rappelle que l’expédition punitive fut la conséquence du massacre d’une délégation britannique désarmée et d’un grand nombre de porteurs africains, qu’elle eut comme conséquence l’abolition de l’esclavage au Bénin, un des royaumes esclavagistes les plus brutaux – que ce n’était pas plus un motif de honte qu’un bombardement d’un quartier-général de l’Etat islamique (Repatriating the Benin Bronzes is an unforgivable act of vandalism (rapatrier les bronzes du Bénin est un impardonnable acte de vandalisme), The Telegraph, décembre 2022, https://www.telegraph.co.uk/news/2022/12/13/repatriating-benin-bronzes-unforgivable-act-vandalism/).

                                                                                      * Commission compétente pour donner son approbation aux décisions des organismes enregistrés comme charities. On appelle en Grande-Bretagne charities des institutions (musées, hôpitaux, associations humanitaires, etc) indépendantes de l’Etat mais recevant des subsides publics en raison de leur caractère d’utilité publique. Leurs décisions stratégiques doivent recevoir l’approbation de la Charity Commisssion for England and Wales (il y a aussi des commissions autonomes pour l’Ecosse et l’Irlande du nord).

 

L'esprit de repentance suscite l’ironie dans les médias conservateurs ou sceptiques sur la “décolonisation” (qu'on appelle en français le décolonialisme)  : l’Eglise d’Angleterre  est en négociation avec le Nigéria pour la restitution de deux bustes du Bénin. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas été pillés en 1897 mais créés dans les années 1980 et sont un don de l’université du Nigéria à l’ archevêque de Canterbury de l’époque. “Certaines institituons veulent à tous prix être coupables, même quand il n’y a aucune raison pour qu’elles le soient (Some institutions want to be guilty, even when they have nothing to be guilty about), commente avec ironie le journaliste Michael Mossbacher (art. cité).

 

 

LES DESCENDANTS D’ESCLAVES ( OU DES DESCENDANTS …) PROTESTENT CONTRE LA RESTITUTION DES OBJETS DU BÉNIN

 

 

Mieux, un groupe constitué par des personnes résidant en Occident et déclarant parler au nom des descendants d’esclaves, le Restitution Study Group (groupe d’études sur la restitution), a pris  position contre la restitution des bronzes à l’oba et plus généralement, au Nigéria.

Ce groupe écrit qu’il est reconnu que les bronzes du Bénin étaient fabriqués à partir des manilles payées par les Européens en échange des esclaves venus par le Bénin. Que le trafic des esclaves par le Bénin dura 300 ans, même si le royaume cessa de faire le commerce des hommes au 17ème siècle pour commercer uniquement des femmes, puis reprit le commerce des deux sexes (both genders) au 18ème siècle. Selon les calculs d’historiens, au moins 1 million de personnes furent vendues durant cette période de 300 ans par le royaume de Bénin. Les auteurs de la pétition poursuivent par des statistiques sur le très grand nombre de Caraïbéens et d’Afro-Américains ayant un ADN qui correspond à des ancêtres au Nigéria.

Tout en admettant qu’une partie des bronzes peut faire retour au Nigéria, les pétitionnaires estiment que les descendants des propriétaires d’esclaves ne doivent pas être les détenteurs exclusifs des bronzes. Ceux-ci font aussi partie de l’histoire des descendants d’esclaves, qui résident dans les pays occidentaux, où leurs ancêtres ont été transportés. Ces descendants doivent continuer à avoir accès aux bronzes dans les musées occidentaux et devraient bénéficier des retombées économiques qui sont attendues par les pays africains du rapatriement.

 

Le groupe suggère que les descendants des esclaves devraient être considérés comme co-propriétaires des objets déposés dans les musées occidentaux.

Il écrit aussi, de façon caractéristique, que pour de milliers d’esclaves au Bénin même, l’expédition punitive de 1897 fut une libération.

Le groupe a saisi les musées ou institutions  qui s’étaient prononcés pour la restititution des objets ou étaient en passe de le faire.

 

Ces institutions n’ont pas beaucoup tenu compte de sa  protestation. La Charity commission anglaise ne semble pas avoir répondu et la présidente de la Smithsonian Institution de Washington a répondu que la décision de restituer les bronzes au Nigéria était définitive. Le recours du groupe contre la décision de la Smithsonian, déposé devant la cour du District de Columbia en octobre 2022, a été rejeté.

Voir notamment les articles suivants :

Benin Bronzes: who has the moral right to decide? (Bronzes du Bénin, qui a le droit moral de décider ?), site History Reclaimed, août 2022, https://historyreclaimed.co.uk/restitution-study-group/

Why slave descendants want the Benin Bronzes to stay in US (Pourquoi des descendants des esclaves veulent que les bronzes du Bénin restent aux USA), BBC, novembre 2022, https://www.bbc.com/news/world-africa-63504438,

Restitution Study Group Unable to Stop Smithsonian’s Benin Returns (Le Restitution study group incapable d’arrêter le retour des bronzes du Bénin par la Smithsonian), site Cultural property News, octobre 2022, https://culturalpropertynews.org/restitution-study-group-files-suit-to-stop-smithsonians-benin-bronze-returns/

 

On peut aussi ajouter qu'au Nigéria même, un groupe qui déclare représenter les descendants des fondeurs de bronze conteste à l'oba la propriété de la plupart des bronzes : ces derniers auraient été principalement volés en 1897 dans les quartiers des fondeurs, ou chez des aristocrates. Ce groupe rappelle aussi que certains objets résultaient de pillages par les soldats des obas successifs dans les régions avoisinantes.

https://www.ripplesnigeria.com/descendants-of-bini-bronze-casters-write-nigerian-govt-oppose-return-of-looted-artefacts-to-oba-of-benin/

 

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Tête commémorative d'un oba. Alliage de cuivre, art du Bénin, 18ème siècle.

Cette tête fait probablement partie des objets du Bénin  que la Smithsonian Institution de Washington a décidé de restituer au Nigéria.

Smithsonian Institution - National Museum of African Art

https://www.si.edu/object/nmafa_85-19-16

 

 

 

Un article de  Tiffany Jenkins, Why western museums should keep their treasures (pourquoi les musées occidentaux devraient garder leurs trésors), paru en 2018 dans le journal britannique  The Guardian (généralement proche du Parti travailliste),  rappelle que les objets en bronze ont été fabriqués avec les manilles de laiton que les royaumes africains obtenaient en vendant diverses marchandises -  dont les esclaves : l'auteur conclut qu'on pourrait rendre les bronzes du Bénin, à condition qu’au préalable l’oba fasse des excuses pour ses ancêtres qui ont pratiqué l’esclavage et vendu des esclaves.

Why western museums should keep their treasures, The Guardian, novembre 2018 https://www.theguardian.com/culture/2018/nov/25/benin-bronzes-why-western-museums-should-keep-treasures

 

 

 

ESCLAVAGE BIS

 

 

Il existe des hésitations sur l’importance du trafic des esclaves au royaume du Bénin.

Par exemple, les notices du Metroplitan museum of Arts de New-York sur les bronzes du Bénin conservés par ce musée comportent toutes le passage suivant :  

« Malgré les exigences de la traite négrière atlantique, pendant des siècles, ils [les dirigeants du Bénin] ont limité leur participation à la vente de prisonniers de guerre aux Portugais. Les historiens ont suggéré que cela n'a changé qu'au XVIIIe siècle, lorsque les rivalités entre les puissances régionales [africaines] ont suscité la demande d’armes à feu européennes. Au cours de cette période, l'instabilité engendrée par les conflits de succession et la guerre civile fut alimentée par l'échange de captifs contre des armes à feu.

https://www.metmuseum.org/art/collection/search/316393    

Ainsi, le rôle du Bénin dans la traite transatlantique se trouve minimisé sans disparaître complètement.

On peut verser au dossier les remarques suivantes :

“À partir du XVIIe siècle, la traite s’est développée de manière considérable entre la baie du Bénin et la baie du Biafra, ce qui a conduit à la déportation de deux millions d’esclaves vers les Amériques au XVIIIe siècle. À compter de la seconde moitié du XIXe, la traite atlantique a commencé à décliner sans que cela ne fasse disparaître pour autant l’esclavage. À la veille de la colonisation, les esclaves invendus ont été réinvestis dans le marché intérieur nigérian « dans l’économie de guerre et l’agriculture des cités-États militarisés du Sud-ouest, dans l’économie de plantation des communautés villageoises de la baie du Biafra (pays Igbo, Efik), ou dans la production artisanale, commerciale et agricole de l’empire de Sokoto ». Laurent Fourchard rapporte par exemple qu’à Ibadan, à la veille de la colonisation, quelques centaines de familles contrôlent près de 50000 esclaves » (extraits de  l’ouvrage collectif Groupes religieux, sociaux et criminels dans la traite des filles et femmes nigérianes. Le cas des temples, des clubs de femmes, et des groupes cultists, 2019,   

https://hal.science/hal-03337280/document ).

On fera observer que les remarques précédentes ne concernent pas que le royaume de Bénin proprement dit mais aussi des régions (de l’actuel Nigéria) extérieures au Bénin. Mais on se souviendra que le royaume du Bénin recevait des tributs des provinces vassales, ce qui fait qu’il a pu bénéficier de la vente transatlantique des esclaves comme vendeur direct pendant une période et ensuite comme suzerain percevant des revenus provenant des ventes effectuées par les vassaux du royaume, notamment des régions littorales, jusqu’au début du 19ème siècle.

De toutes façons, à partir de l’abolition de la traite transatlantique des esclaves (en gros 1815) par les pays occidentaux (ou du moins de son illégalisation), l’esclavage se maintint en Afrique comme un usage interne (comme il l’avait toujours été d’ailleurs). Discuter du rôle du Bénin dans la traite impliquant les Occidentaux et seulement celle-ci, c’est ignorer (délibérément ou pas) le caractère esclavagiste de la société du Bénin depuis les origines  jusqu’à son intégration dans l’Empire britannique en 1897.

 

 

 

L’HOMME BLANC SEUL COUPABLE …

 

 

On a un témoignage de cette façon unilatérale de voir l’histoire, du côté africain, avec une statue installée dans Benin City qui montre un groupe d’esclaves enchainés, conduits par un personnage en casque colonial qui les fouette ; ce groupe (sans doute de la fin du 20 ème siècle, dont on ne discutera pas la qualité) est évidemment d’une fausseté criante : quand les Blancs portaient des casques coloniaux (fin du 19ème siècle), l’esclavage avait été aboli par eux depuis des décennies et les puissances occidentales se donnaient comme but de supprimer l’esclavage dans les territoires africains qui le pratiquaient encore (même si les puissances coloniales pouvaient manifester de la brutalité envers les populations noires, bien entendu).

 On peut penser que l’artiste a voulu montrer une scène d’une époque antérieure, celle de la traite transatlantique : mais le message transmis par l’œuvre est que l’esclavage fut seulement un acte de barbarie des Blancs. Or, au Bénin (et ailleurs) les razzias et les ventes d’esclaves étaient organisées par les dirigeants des royaumes africains (avec le transport des esclaves enchaînés jusqu’au lieu de vente). De plus, l’esclavage a été pratiqué par les sociétés africaines comme institution permanente. La statue qui se focalise sur les torts (indéniables) des Blancs, reflète une pensée qui oublie volontiers que les sociétés africaines, non seulement ont vendu des esclaves aux Blancs, mais ont pratiqué l’esclavage pour leur propre compte durant des siècles.

 

D’autres comme Dan Hicks croient clôre le sujet en disant que la fin de l’esclavage interne au Bénin fut chèrement payée par les destructions opérées par l’expédition punitive, que les destructions n’épargnèrent probablement pas les exclaves.  C’est évidemment très probable (sauf à revenir sur le nombre de victimes directes et indirectes de l’expédition punitive qui est inconnu) – mais Dan Hicks appliquerait-il le même raisonnement à d’autres circonstances historiques, où il y eut aussi un « prix à payer » pour la fin d’un régime oppressif ? Ou faut-il y voir encore une « distorsion de la moralité » ?

 

 

 

UN RETOUR SUR LES SACRIFICES HUMAINS

 

 

Nous avons vu que B. Phillips admet comme véridiques les récits des participants britanniques de l’expédition punitive de 1897 qui ont rapporté avoir trouvé en pénétrant dans Benin City des traces de nombreux sacrifices humains (plusieurs centaines de cadavres).

Il semble qu’au moment de l’intervention britannique, il y a eu un paroxysme des sacrifices humains dans l’objectif de s’assurer la bienveillance des dieux contre la menace présente.

Mais les sacrifices humains ont fait partie, dans la longue durée, de la culture du royaume du Bénin.

Sans prétendre à un quelconque travail exhaustif, nous nous bornons ici à mentionner des études qui établissent l’existence des sacrifices humains dans la société bini, en complément de ce qu’on a déjà indiqué en partie 1.

Une réplique (une « restitution », dans le sens scientifique), d’un autel du Bénin consacré aux dieux et aux ancêtres fut installée dans le musée de la Penn University ( Pennsylvanie, USA) au début du 20 ème siècle (avec des pièces  authentiques acquises par le musée)*.

                                                                                                         * Il est peu probable que cette restitution existe encore sous cette forme. Le musée de l’université de Pennsylvanie est donc aussi un lieu qui détient des objets du Bénin (sauf s’il les a revendus depuis ?) et qui doit se poser la question de leur restitution. Au passage, les ethnologues dès l’époque,  déplorèrent que le pillage de 1897 se soit effectué dans des condition qui ne permettaient pas d’identifier exactement la disposition des objets dans leur environnement d’origine et donc l’interprétation culturelle et religieuse de l’agencement originel.

 

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Photographie d'un autel royal à Benin City, prise en 1891 par l'explorateur et commerçant Cyril Lynch (1857-1932). Il s'agit sans doute de la seule photo décrivant un autel dans le Bénin indépendant, quelques années avant l'intervention britannique. L'inscription mentionne : « Juju altar, king's compound, Benin city, may 1891 » (autel juju, enceinte du roi, Benin City, mai 1891). La photographie fut reproduite dans le livre de Henry L. Roth The Great Benin, Its Customs, Art and Horrors (1903).

Sur la notion de juju, voir plus bas.

Smithsonian InstitutionEliot Elisofon Photographic Archives,

https://sova.si.edu/details/EEPA.1993-014

 

 

 

Un  ethnologue américain réputé, Henry Usher Hall (1876–1944) rédigea pour les annales du musée un long article offrant une synthèse des connaissances sur les cultes du Bénin, sous le titre The Great Benin royal altar.                                                                                                                      

L’auteur rappelle que les termes juju et fétiche, quelle que soient la connotation péjorative ou de blâme qui s’y attache [en Occident] demeurent appropriés pour désigner le pouvoir magique ou surnaturel qui peut bénéficier ou au contraire nuire à certains individus. En ce sens, le pouvoir de l’oba du Bénin était « fétiche » - la personne de l’oba était sacrée et entourée règles terrifiantes.

«  Ceux qui offensaient ces règles, comme les esclaves et les prisonniers de guerre, fournissaient l’essentiel des sacrifiés aux dieux ».

« Les autels et les images contenant l’esprit de l’ancêtre, étaient trempés du sang des victimes, volailles, chèvres, bœufs, hommes et femmes. »

Ces sacrifices permettaient de transmettre aux dieux les souhaits des vivants.

« … quand un roi ou un grand chef mourait , des serviteurs devaient être envoyés avec lui dans l’au-delà et d’autres suivaient à chaque anniversaire de sa mort. »

« Etant lui-même « fétiche » et représentant les intérêts de ses prédécesseurs divins, l’oba avait le droit de sacrifier des victimes humaines. Cette prérogative n’était pas unique. Les grands chefs, agents du pouvoir et des fonctions royales, même si seul l’un d’entre eux avait rang de prêtre, avaient aussi cette prérogative sacerdotale » - exerçant en fait tous les pouvoirs à la place de l’oba (qualifié par l’auteur de « marionnette royale ») et bénéficiant de la terreur superstitieuse que l'oba inspirait.

« Pas seulement le roi mais aussi la reine-mère, le capitaine de la guerre, le principal juge et le grand prêtre, pouvaient sacrifier des êtres humains à leurs ancêtres. »

L’auteur indique que Edo (Benin city) était considérée comme sacrée et que sa suprématie sur les autres villes résultait apparemment du fait qu’elle était gouvernée par une hiérarchie dotée de pouvoirs surnaturels, inspirant une crainte superstitieuse renforcée par la terreur des meurtres rituels.

L’auteur parle des « orgies de massacre » auxquelles l’occupation britannique a mis fin et commente une des rares (sinon la seule)  photographies prises, avant 1897*, d’un autel (apparemment un autel royal) – tout en précisant que chaque famille avait un autel des ancêtres.

                                                                                                                                                                                             * Reproduite ci-dessus.

 

Selon des études d’ethnologues, l’habitude sur la côte du Niger et son arrière-pays, était de placer des têtes humaines récemment coupées sur les autels, mais aussi de conserver les crânes. C’est une modification de cette coutume qui serait à l’origine, chez les Bini, des  têtes de bronze placées sur les autels, posées sans autre base que leur cou.

L’auteur commente une sculpture de bronze qui montre une victime humaine prête pour le sacrifice : certaines victimes étaient tuées à genoux ou bien, dans certaines occasions, étaient autorisés à plaider pour qu’on les épargne dans cette attitude de supplication (Henry Usher Hall, Great Benin Royal Altar, The Museum Journal, Volume XIII / Number 2,  1922

https://www.penn.museum/sites/journal/998/ ).

Evidemment nous n’avons pas qualité pour apprécier dans quelle mesure un ethnologue d’aujourd’hui s’exprimerait de façon similaire sur le sujet, ou quelles modifications il apporterait  – peut-être même est-il devenu incongru de consacrer des études ethnographiques aux populations africaines ?

 

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 Un autel royal du Bénin, reconstitué au musée de la Penn University, tel qu'on pouvait le voir vers 1922. Les têtes d'oba comportent un orifice au sommet qui servait à insérer une défense d'éléphant. Phtotographie dans l'étude de Henry Usher Hall, Great Benin Royal AltarThe Museum JournalVolume XIII / Number 2,  1922, https://www.penn.museum/sites/journal/998/ ).

 

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Pièce d'autel multi-figures (aseberia) en laiton, alliage de cuivre et terracotta, montrant un captif agenouillé portant un collier avec une cloche, les mains liées sur le devant, avec à côté de lui, de chaque côté, quatre têtes coupées et quatre figures derrière lui (deux brisées); devant le captif, une tortue, un crocodile et un objet non identifié. Royaume du Bénin, 19ème siècle. (description du Penn Museum). Il est intéressant de voir que la description de l'objet dans la notice actuelle du musée évite le mot "sacrifice", qui figurait par contre dans l'étude de Henry U. Hall, qui consacre un passage à cet objet.

Collections du Penn Museum.

https://www.penn.museum/collections/object/60595

 

 

 

AUTRES ÉCLAIRAGES SUR LES SACRIFICES HUMAINS

 

Un autre d’article d’ethnologue plus récent (Curnow, Kathy, The Art of Fasting: Benin's Ague Ceremony, 1997), évoque aussi les sacrifices humains au Bénin*, lors des fêtes consacrés à la récolte des ignames (patates douces, en anglais yam). Des devins examinaient d’abord le produit d’une plantation symbolique dans un champ appartenant à l’oba, « ordonnant parfois des sacrifices humains pour prévenir un désastre prévisible (sometimes ordaining human sacrifices to avert disasters). Puis après la récolte générale, avait lieu la cérémonie d’Ague-osa, commençant par une période de jeûne. L’oba et ses courtisans devaient subir 7 jours d’isolation dans une chambre d’un des palais de l’enceinte de l’oba ; « des sacrifices humains prenaient place sur le seuil de la chambre au moment où  l’oba était sur le point d’y entrer et quand il allait sortir ».

                                                                                  * Rappelons que lorsqu’on parle ici de Bénin, il s’agit du royaume du Bénin dans le Nigéria actuel, à ne pas confondre avec le territoire aujourd’hui appelé république du Bénin (ancien Dahomey).

 

L’article indique que l’oba avait confié à deux chefs héréditaires le culte de deux divinités originaires d’Ife (la région dont la dynastie de l’oba était issue) ; ces dieux avaient un autel commun dans le palais de l’oba, où le culte était limité à un petit cercle. «  Ces chefferies étaient autrefois associées au sacrifice humain, au bain ou à la consommation de sang humain, et même au cannibalisme, un concept qui était anathème pour les Edo »*

                                                                                                          * On peut s’étonner que des actes de cannibalisme apparaissent ici, si les Edo étaient hostiles au cannibalisme. On peut avancer deux raisons : le culte dont il s’agit n’était pas un culte d’origine edo mais originaire d’Ife ; ou bien, un usage religieux peut comporter un acte qui est considéré comme horrifiant dans la vie normale, marquant ainsi le caractère sacré (et donc terrifiant) de la relation avec les dieux (?).

 

(Curnow, Kathy, The Art of Fasting: Benin's Ague CeremonyCleveland State University, Department of Art and Design Faculty Publications. 17, 1997, https://engagedscholarship.csuohio.edu/clart_facpub/17 )

 

Cet article ne concerne pas toutes les cérémonies religieuses de l’ancien Bénin qui pouvaient impliquer des sacrifices humains mais seulement les  cérémonies du Yam festival

 

Des sacrifices humains se déroulaient  lors d'autres fêtes ou célébrations (lors du décès d'un oba, lors des anniversaires de ce décès, etc, comme dit précédemment). Il y en avait notamment lors des cérémonies de la fête nommée Igue*.

La fête d’Igue se place à la fin de l’année (actuellement mi-décembre); il s’agit d’une fête de remerciement pour l’année écoulée et une supplication au Créateur pour lui demander paix et prospérité pour la nouvelle année. C’est un ensemble de rituels destinés à purifier et fortifier le roi et le peuple en préparation de la nouvelle année. La fête d’Igue actuelle commence avec Ague [il semble qu’il y a plusieurs périodes de jeûne nommées Ague dans diverses fêtes, voir plus haut], une période de jeûne durant laquelle l’oba et les chefs sont soumis à une stricte réclusion ; ils ne sont autorisés à voir personne durant cette période. C’est seulement après que l’Ague a été heureusement accomplie que commence l’Igue à proprement parler. La fête se compose de 9 cérémonies différentes ou ugie (https://infoguidenigeria.com/igue-festival-benin-kingdom-nigeria/)

Un article récent de deux universitaires nigérians évoque (sans trop de détails) ces sacrifices. Les auteurs écrivent :

« La fête de l’Igue a atteint son apogée avant la conquête européenne en 1897 ». Elle était « célébrée avec beaucoup d'apparat : des vaches, des chèvres, des volailles, des léopards et d'autres animaux étaient abattus pour apaiser les esprits des Obas décédés et des nombreux dieux du peuple (Ayeni, 1975). Des sacrifices humains ont également été faits pendant la période de l’Igue. En fait, on dit qu'avant l'époque de la domination européenne, le nombre d'êtres humains abattus pendant la période de l’Igue se rapprochait en termes quantitatifs de celui des animaux de moindre importance (Ayeni, 1975) (sic !] *».

                                                                              * « In fact, it is said that before the European Era, the number of human beings slaughtered during the period of Igue festival approximated in quantitative terms to that of the lesser animals. »

 

Après le rétablissement de l’oba (en 1914) un changement est intervenu : « Autrefois, les rituels étaient cachés au public. Mais quand les chrétiens et autres ennemis de l'Oba à l'intérieur ont accusé l’Oba Eweka II [régnant de 1914 à 1933] d'accomplir des sacrifices humains, il décida de rendre publiques la célébration et les rituels d'Igue (…) la majeure partie du festival Igue qui était jusqu'alors faite dans la nuit s’est faite dans l'après-midi. Cela en a réduit le mystère et l'importance. »

« Dans le royaume de Bénin actuel, les familles chrétiennes ne célèbrent pas la fête d’Igue car elles seraient alors considérées comme idolâtres (…) (Igbinidu, 2016) ».

L’article conclut que le christianisme (notamment dans sa variante pentecôtiste en expansion), l’urbanisation rapide, l’industrialisation et le progrès de l’éducation occidentale ont contribué au déclin relatif de la fête d’Igue (pourtant toujours célébrée).

(Daniel Ayodele Orobator & Victor Osahon Aiguobarueghian, Regaining the Lost Heritage: A Critique of the Revival of Igue Festival in Benin, Nigeria, Icheke Journal of the Faculty of Humanities, Vol.18, septembre 2020, https://ichekejournal.com/wp-content/uploads/2021/06/2.-Regaining-the-Lost-Heritage-A-Critique-of-the-Revival-of-Igue-Festival-in-Benin-Nigeria.pdf )

 

 

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Autel ancestral dédié à l'oba Ovonramwen, palais de l'oba, Benin City, photographie par Eliot Elisofon, 1959.

Après la restauration de la monarchie du Bénin en 1914, le nouvel oba Eweka II (mort en 1933) fit fabriquer des têtes et d'autres objets (remplaçant ceux pillés en 1897) pour déposer sur un autel dédié à son père l'oba Ovonramwen. Cette  photographie fut prise en 1959 par Eliot Elisofon pendant un reportage en Afrique pour le célèbre magazine Life. On peut supposer que les traces sur l'autel sont des traces de sang de sacrifices animaux.

Smithsonian Institution, National Museum of African Art, Eliot Elisofon Photographic Archives.

 https://learninglab.si.edu/resources/view/232294#more-info

 

 

 

IGUE FESTIVAL AUJOURD'HUI

 

 

On se souvient que c’est pendant que l’oba Ovonramwen célébrait la fête d’Igue (ou la période de jeûne qui la précédait ?*) que la malheureuse expédition de James Phillips avait pénétré sur le territoire du Bénin, au tout début 1897 (il se peut que les dates de célébration aient un peu été modifiées dans le temps).

                                                                                                                          * Il ne faut pas, semble-t-il, confondre Ague et Igue. Le jeûne (Ague) peut prendre place lors d'autres fêtes comme la fête de la récolte de l'igname, comme on l'a vu plus haut.

 

Lors de l'Igue de décembre 2022, un article de journal titrait : Igue Festival Gets Wide Scale Acceptance As Dignitaries Pay Tributes  - le festival d'Igue acquiert une large reconnaissance tandis que les dignitaires rendent hommage (à l'oba). (The Independenthttps://independent.ng/igue-festival-gets-wide-scale-acceptance-as-dignitaries-pay-tributes/).

Bien loin des sacrifices d'autrefois, l'Igue est aujourd'hui une suite de cérémonies religieuses, de danses traditionnelles et de réceptions au palais de l'oba.

 

 

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Panneau publicitaire à Port-Harcourt pour la fête d'Igue 2022, Happy Igue Festival, avec photo de l'oba. L'inscription fait état d'un United Kingdom of Great Benin Empire (royaume uni de l'empire du Grand Bénin), qui semble ouvrir la voie à une revendication de l'autorité (morale) de l'oba sur des territoires au-delà des frontières du Nigéria. Voir l'article dans The Guardian Nigeria, https://guardian.ng/news/igue-festivals-billboard-debuts-in-port-harcourt-2/ . L'article signale que c'est la première fois qu'un panneau pour le festival d'Igue est installé en-dehors de l'Etat d'Edo, puisque Port-Harcourt est la capitale du Rivers State (Etat des rivières) - cette ville portuaire est un grand centre pétrolier.

          

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 Dans le cadre des cérémonies d'Igue 2022, l'oba du Bénin avec les chefs traditionnels, ont reçu les autorités de l'Etat d'Edo dont le gouverneur de l'Etat, Godwin Obaseki. A cette occasion l'oba a apporté son soutien à l'action des dirigeants administratifs en faveur de la paix et de la prospérité de l'Etat d'Edo. Le gouverneur Obaseki est l'homme souriant, sur la  file de droite, proche de l'estrade où se tient l'oba. Décembre 2022.

Site City Voice.

https://cityvoice.ng/igue-festival-obaseki-shaibu-visit-oba-of-benin-as-monarch-hails-governors-support-for-royal-museum/

 

 

 

«  UNE FOIS QUE L’HOMME BLANC EST ARRIVÉ, IL N’Y A PLUS EU DE SACRIFICES HUMAINS… »

 

 

Comme pour l’esclavage, il existe une tendance qu’on pourrait appeler « politiquement correcte » à minimiser ou même passer sous silence les sacrifices humains dans l’ancienne société du Bénin (sinon à traiter les allégations de sacrifice humain comme une simple propagande « blanche »).

On peut juger de la tendance à la minimisation par une notice du Metropolitan Museum of Art, relative à un anneau du Bénin : «  L'imagerie de cette bague en laiton se rapporte au sacrifice humain. Disposés le long de la circonférence de l'anneau se trouvent trois têtes bâillonnées et coupées et quatre corps ligotés et décapités; les vautours sont représentés en train de manger les restes. (…) Accomplis rarement [sic], ces sacrifices étaient des événements importants conçus pour renforcer et protéger une communauté ou le royaume entier. »

On peut aussi mentionner le témoignage d’un homme âgé, l’Esogban du Bénin (le second dans la hiérarchie des chefs), le chef David Edebiri, lors de l’intronisation de l’actuel oba, en 2016. Le journaliste lui demande si des sacrifices humains avaient lieu autrefois lors de l’intronisation de l’oba : « Si cela est arrivé, je n’étais pas né (...) une fois que l’homme blanc est arrivé, il n’y a plus eu de sacrifices humains. Il est possible que cela soit arrivé dans ce temps [avant l’arrivée des Blancs], je ne peux pas vous le dire, mais à notre époque, des animaux sont utilisés pour les sacrifices, pas des êtres humains ». Ces phrases qui admettent - avec réticence - la possibilité de sacrifices humains autrefois,  contrastent avec la belle affirmation catégorique reprise en titre : Human sacrifice has no place in our tradition (le sacrifice humain n'a pas de place dans notre tradition).

Le chef déclare aussi qu’il y a peut-être des sacrifices humains ailleurs au Nigéria (actuellement), mais pas à Edo.

(Oba Ewuare II coronation: Human sacrifice has no place in our tradition – Edebiri, the Esogban of Benin Kingdom, 

The Vanguard, novembre 2016).

 

 

JUJU

 

 

Felicity Bodenstein, dans son article déjà cité en partie 2 (Une typologie des prises de butin à Benin City en février 1897) évoque certains objets de bronze qui se trouvaient sur les autels des Juju Priests (lors de la prise de Benin city), en précisant qu’il s’agit de la « désignation péjorative des officiants des religions ouest-africaines ». On peut supposer que pour des auteurs actuels, les références multiples dans les textes de l’époque, au juju et aux pratiques magico-religieuses, sont attribués aux préjugés et  clichés coloniaux destinés à discréditer les populations africaines (et donc à justifier la colonisation, présentée comme apportant la civilisation).

Pourtant le juju (le terme viendrait curieusement  du mot français « joujou »*) est une réalité au Nigéria (et notamment dans l’Etat d’Edo) aujourd’hui encore.

                                                                                   * Bien que certaines sources lui attribuent comme origine un mot du langage Hausa signifiant fétiche ou esprit du mal (Encvclopedia Britannica).

 

Le mot sert à désigner de façon générale, la sorcellerie, ou de façon particulière, certains objets chargés de pouvoir magique.

« L’utilisation du terme juju ne saurait masquer la diversité et la richesse des croyances désignées. Elles s’inscrivent dans une histoire renvoyant à d’innombrables mythes, symboles, récits (…) dans un processus de transmission toujours en cours. Ce terme renvoie à un contenu assez flou. Des auteurs soulignent que les termes «juju» ou « vodoun» sont «utilisés de façons relativement indifférentes par les acteurs locaux pour désigner l’usage de pouvoirs perçus comme mystiques. »

« … La pratique de la sorcellerie (« àjé ») que les occidentaux désignent comme le « juju » permet les échanges entre le monde visible et invisible (M-A. de Montclos, Le Nigéria, Karthala, 1994, p. 248).

 « Le discours sur la sorcellerie s’impose comme une réalité quotidienne de la vie sociale et des rapports humains, y compris dans le milieu urbain des sociétés africaines contemporaines » (S. Fancello, « Sorcellerie et délivrance dans les pentecôtismes africains », Cahiers d’Études africaines, XLVIII (1-2), 189-190, 2008, pp. 161-183). »

 (citations extraites de l’ouvrage collectif Groupes religieux, sociaux et criminels dans la traite des filles et femmes nigérianes. Le cas des temples, des clubs de femmes, et des groupes cultists, 2019  https://ecpat-france.fr/www.ecpat-france/wp-content/uploads/2019/04/WEB_rapport_nigeria_FR.pdf)

Il ne saurait être question ici de réduire des pratiques traditionnelles à leur utilisation dans des activités illégales – mais elles s’appliquent aussi dans de telles activités.

Une des auteures de l’ouvrage précité, évoquant la cérémonie en 2018 au cours de laquelle l’oba a délivré de leur promesse les jeunes femmes qui s’étaient engagées devant des prêtres et après serment selon les rituels du juju, à rembourser les frais de leur transfert en Europe, écrit :

« Lors de la cérémonie du 8 mars, Ewuare II a rassemblé des chefs traditionnels importants et les Chief priests ou Native doctors qui se livrent à la pratique de cette forme de sorcellerie, qu’on appelle le « juju ». Pour mémoire, c’est devant ces Native doctors que les jeunes femmes qui vont migrer prêtent le serment de s’acquitter de la dette souscrite pour venir en Europe, tout en s’engageant à ne jamais parler à la police et à ne jamais évoquer le contrat souscrit. » (Bénédicte Lavaud-Legendre, Retour sur la déclaration de l’Oba du Bénin du 8 mars 2018, (https://traite.hypotheses.org/638)

Quelques témoignages de femmes :  « Quand j’ai refusé de travailler [de me prostituer], ma madam [proxénète femme] a appelé le juju priest qui avait reçu le serment, il m’a menacée moi et ma famille, de telle sorte que j’ai accepté de travailler .»

« Après que nous ayons prêté serment, le juju priest a bu du sang de poulet et a versé le reste sur les divinités, tout en récitant des incantations, un peu de sang a été mis dans le pot dans lequel il nous avait demandé de placer nos culottes ; alors il nous a dit qu’il faisait cela parce que nos culottes contenaient encore un peu de nos sécrétions vaginales. Il a aussi dit que ces culottes étaient son lien avec nous. » (Groupes religieux, sociaux et criminels dans la traite des filles et femmes nigérianes, ouv. cité).

La permanence des rites faisant appel au juju fait partie de la vie et des croyances d’une grande partie de la population au Nigéria. L’ouvrage précité indique : « Dans le contexte de Benin City et de l’État d’Edo en général, l’économie politique de la traite, la puissance des croyances et la violence liée aux cults [|groupe mafieux plus ou moins à façade religieuse] sont quotidiennes, omniprésentes et interviennent directement dans la vie des habitants. »

La christianisation (au sud du Nigéria), héritage de la colonisation, n’est pas contradictoire avec la croyance dans la sorcellerie et les pouvoirs des divinités : « Le fait de se dire chrétien est en principe incompatible avec la pratique des rituels associés au juju, même s’il sera observé que de nombreux aménagements sont mis en œuvre pour associer ces croyances » (ouvrage cité). 

On peut penser qu’après environ un siècle de colonisation britannique et bien plus longtemps de contacts avec l’Occident, les croyances et les coutumes traditionnelles du Nigéria ont évolué et se sont modifiées dans le sens du syncrétisme et du métissage. Elles ne sont plus exactement semblables à ce qu’elles étaient avant les contacts avec les Occidentaux.

Mais on tout état de cause, il vaut mieux éviter de parler de cliché à propos du rôle de la sorcellerie et du juju* dans la société nigériane – aussi bien autrefois qu’aujourd’hui –  sans quoi on  fait la preuve de son incompréhension des sociétés autres et finalement et paradoxalement, de son  ethnocentrisme.

                                                                                                         * Le terme lui-même est jugé dépréciateur ou non selon le contexte par le site Benin Digital (dont on parlera en partie 4).

 

 

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Un prêtre du juju (juju priest), probablement à Benin City (noter le portrait de l'oba à droite, revêtu de sa tenue cérémonielle faite de perles de corail).

Photo extraite d'un article du journal allemand Der SpiegelVerflucht und verkauft, 2019.

https://www.spiegel.de/politik/verflucht-und-verkauft-a-fb0b8287-0002-0001-0000-000161914762

 

 

BLOOD ART

 

 

Les partisans des restitutions, pour beaucoup d’entre eux, ont en vue, outre la restitution des biens culturels aux populations dont c’est l’héritage historique, la condamnation de l’Occident à travers la condamnation du colonialisme. On peut même penser que c’est cette condamnation – et ses implications dans le temps présent dans le cadre des théories décoloniales et intersectionnelles, qui est le principal objet de leur activisme, plus que la question secondaire des restitutions.

Dans un article du Washington Post, une chroniqueuse afro-américaine, Karen Attiah, titre son article : Blood art has no place in museums (l’art sanglant n’a pas sa place dans les musées); elle compare les œuvres acquises du fait de la colonisation  aux « blood diamonds », les diamants mis en vente par des groupes rebelles africains des années 90 pour se procurer des armes lors des luttes sanglantes pour le pouvoir. Elle préconise avec d’autres de parler, pour les biens culturels acquis lors de la colonisation, de « blood art » (art sanglant, art de sang). L'auteur se réfère au mouvement Black lives matter qui a  permis un coup de projecteur attendu depuis longtemps sur les musées occidentaux; elle s'indigne de ce que le British Museum propose seulement, à la différence d'autres institutions comme la Smithsonian, de prêter à titre temporaire au Nigeria les objets qu'il détient : « Prêter à leur légitime propriétaire des objets volés ajoute une insulte moderne aux blessures de l'époque coloniale. » 

Parmi les nombreuses réponses des lecteurs (dont beaucoup critiquent l’auteur de l’article, accusée de partialité) on note celle-ci, qui n’a évidemment pas dû modifier l’opinion de l’auteur :  « Ces bronzes étaient des trésors sanglants bien avant que les Britanniques s’en emparent. » 

 (Blood art has no place in museums, Washington Post, mars 2022, https://www.washingtonpost.com/opinions/2022/03/14/smithsonian-benin-bronzes-stolen-art-british-museum/)

 

 

 

 

 

 

 

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Le comte Lanza vous salue bien
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