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Le comte Lanza vous salue bien
17 septembre 2022

L'ÂGE DES INDÉPENDANCES 4 KENYA, SINGAPOUR

 

L'ÂGE DES INDÉPENDANCES 4

KENYA, SINGAPOUR

 

 

 

 

NOTA BENE 2022 :

Pour des raisons de lisibilité, j'ai coupé en six parties mes messages initiaux, publiés à l'origine en 2013 en trois parties seulement.

La mort de la reine Elizabeth II (septembre 2022) a appelé l'attention sur le rôle du Commonwealth et ses liens historiques avec la Grande-Bretagne.

J'ajoute que si je devais réécrire aujourd'hui ce texte, je le ferais sans doute différemment.

 

 

 

 

 

KENYA : LE LION KENYAN DEVIENT LIBRE 

 

 



L’indépendance du Kenya ne fut sans doute pas aussi harmonieuse qu'on aurait souhaité.


Elle fut précédée d’une période d’insurrection, qui pourtant n’aboutit pas à l’indépendance et fut fermement réprimée et vaincue.
Le Kenya avait la réputation d’être parmi les colonies britanniques, celle où  la discrimination raciale de la part des colons blancs était la plus présente (si on ne tient pas compte de l’Afrique du Sud). Les colons s’étaient appropriés les terres des tribus et la situation des Africains, soit travailleurs agricoles sous-payés, soit contraint à des formes de travail forcé pendant des décennies, était malheureuse.


En 1925, un administrateur britannique déclarait, en parlant des services rendus aux populations noires : si nous partions, la seule trace de notre présence qui resterait serait les baraques installées pour les collecteurs de taxes. En 1923, on calculait que « the maximum amount that could be considered to have been spent on services provided exclusively for the benefit of the native population was slightly over one-quarter of the taxes paid by them” (le montant maximum consacré au bénéfice de la population noire était un peu plus du quart des taxes payées par elle), tandis que les Européens payaient un minimum (d’après Wikipedia, The Mau-Mau uprising ; la tonalité de l’article est très anticolonialiste, mais les citations de colons justifiant les massacres ou les traitements violents sont sans doute exactes).


Certes après la guerre de 1939-45, la situation avait un peu évolué. Les planteurs blancs se félicitaient d’avoir fait du Kenya un pays prospère, mais cette prospérité ne profitait que très peu aux Africains.


Cette situation peut expliquer l’insurrection des Mau-Mau, une appellation tribale dont l’origine est incertaine, issue de l’ethnie Kikuyu. Les rebelles avaient aussi une appellation plus technique Kenya Land and Freedom Army (KLFA), mais utiliser préférentiellement le terme de Mau-Mau de la part des Britanniques était une façon de repousser les prétentions des rebelles à former autre chose qu’une simple révolte de sauvages.

La révolte dura de 1952 à 1956 où on peut considérer qu’elle fut entièrement maîtrisée. Pendant cette période, les Mau-Mau, qui étaient formés d’éléments de l’ethnie majoritaire Kikuyu, attaquaient non seulement les forces britanniques et les forces locales, mais faisaient régner la terreur, délibérément, chez les Kikuyu loyalistes. Leur action fut toujours très violente et si finalement assez peu de civils britanniques furent tués (certaines familles furent massacrées) des centaines ou des milliers de Kikuyu furent massacrés par les Mau-Mau, généralement à la machette.
Les Britanniques utilisèrent des moyens importants pour réprimer la révolte (10 000 militaires Britanniques et Africains, 21 000 policiers et 25 000 miliciens de la Kikuyu Home Guard), ils bombardèrent les forêts où se cachaient les Mau-Mau et arrêtèrent des milliers de suspects détenus ensuite dans des camps de tri.

Le bilan humain est parlant (sans mentionner les blessés) :

12 000 Mau-Mau furent tués officiellement, parmi lesquels 1090 exécutions capitales, mais on parle de 20 000 tués.
Chez les forces de l’ordre britanniques et africaines, il y eut 200 tués.
Chez les civils, 26 Asiatiques (des Indiens notamment, qui étaient surtout implantés dans le secteur du commerce) furent tués par les Mau-Mau, 32 Britanniques et 1819 Africains, mais il faut compter aussi parmi les Africains, des centaines de disparus, sans doute assassinés par les Mau-Mau.
A cela s’ajoutent des milliers de morts ( évidemment le nombre de ces victimes indirectes n'est pas facile à déterminer).du fait des conditions sanitaires et de la malnutrition dans les villages protégés où les Britanniques concentraient les populations. Des historiens - plutôt hostiles à la colonisation - ont parlé de centaines de milliers de morts, d'autres - prétendant à la neutralité - ont contesté ce chiffre. 


En effet, afin de priver les Mau-Mau de soutien, les Britanniques regroupèrent les populations dans des villages « protégés » ; les Britanniques ouvrirent aussi aux Kikuyu l’accès aux licences d’exploitants de café ; cette politique, ainsi que la terreur  contre-productive causée par les Mau-Mau,  firent que ceux-ci  se retrouvèrent isolés. Les britanniques armèrent des milices loyalistes parmi les Kikuyu et n’eurent pas de peine à recruter  des soutiens.
Par ailleurs, les Mau-Mau se recrutant parmi les Kikuyu, les autres ethnies se gardèrent bien de se joindre à la rébellion.
Contre ceux qui étaient montrés comme des bêtes féroces, tous les moyens étaient permis et les Britanniques procédèrent parfois de façon expéditive et inhumaine (tortures, exécutions sommaires) .

Au milieu de 1956, l’insurrection était clairement vaincue, voire même dès la fin 1955. Mais l’état d’urgence (emergency) fut maintenu jusqu’en 1960.
La Grande-Bretagne avait accusé de piloter la rébellion un certain nombre de dirigeants nationalistes, dont Jomo Kenyatta.

Celui-ci, d’abord connu comme Johnstone Kamau, avait adopté en 1938 le nom de Jomo Kenyatta (lumière du Kenya). Il fit des études à l’University College de Londres et à partir de 1935, étudia l’anthropologie sous la direction de Bronisław Malinowski à la London School of Economics (LSE).
Kenyatta passa plusieurs années en prison, puis fut relâché en 1961.


En janvier 1960, la Conférence de  Lancaster House admettait la règle du gouvernement majoritaire africain et  mettait en place une période transitoire vers l’indépendance, malgré les protestations des colons blancs et les inquietudes des Indiens , en grand nombre au Kenya, bien que des sièges aux assemblées élues soient réservés par un système de quotas, aux Blancs et Asiatiques..


Deux partis se créaient, le Kenya African National Union (KANU), considéré comme pro-occidental et pro-capitaliste, et par scission de ce parti, l’African Democratic Union (KADU), tandis qu’un programme d’aide américain contribuait à former aux USA une élite locale à partir de 1959. En 1961, KANU et KADU se partageaient les voix des Africains lors des élections, tandis que Jomo Kenyatta, libéré de prison, devenait Président de KANU. Ces deux partis formaient un gouvernement de coalition,
Une Constitution était édictée, abandonnant le système des quotas pour les non-Africains et l’autonomie interne était accordée au Kenya, Jomo Kenyatta devenant Premier ministre. Celui-ci poursuivait la route vers l’indépendance, lors des conférences régulières à Lancaster House, avec le soutien des Britanniques qui désormais lui faisaient confiance et tenaient pour quantité négligeable les colons blancs ou les Indiens qui manifestaient leurs appréhensions ; Kenyatta renforçait les pouvoirs du gouvernement central, à l’encontre de KADU qui préférait un système semi-fédéral.


En 1963, Kenyatta déclarait :
“We are determined to have independence in peace, and we shall not allow hooligans to rule Kenya. We must have no hatred towards one another. Mau Mau was a disease which had been eradicated, and must never be remembered again “
(Nous sommes déterminés à obtenir l’indépendance dans la paix, et nous ne permettrons pas aux voyous de gouverner le Kenya. Nous ne devons pas avoir de haine les uns envers les autres. Mau-Mau était une maladie qui a été éradiquée et qui doit être bannie de nos mémoires).
Le 12 décembre 1963, le Kenya devenait indépendant en tant que Dominion, avec la Reine Elizabeth à sa tête. Le Prince Philip assistait aux cérémonies, en compagnie du triomphateur du jour, Jomo Kenyatta, le père du Kenya.


 

 

kenya1

Le prince Philip, Jomo Kenyatta et une antilope anonyme (en fait, une décoration)  lors de l’indépendance du Kenya, 12 décembre 1963.
orijinculture.com

 

 


Puis, en 1964 le Kenya devenait une République dans le Commonwealth, dont Kenyatta était Président.
Beaucoup de planteurs ou éleveurs blancs quitteront le pays, ainsi que la plus grande partie des Asiatiques.

Certaines familles blanches emblématiques restèrent, en adoptant la nationalité kenyane, condition pour conserver la plénitude de leurs droits, comme la famille de Lord Delamere, considéré comme un des fondateurs de la colonie.

Symbole de continuité : avant l'indépendance, le dernier gouverneur colonial fut Malcolm Mac Donald (fils de l'ancien Premier ministre travailliste Ramsay Mac Donald). A  l'indépendance, pendant l'année où le Kenya resta une monarchie ayant comme souverain la reine Elizabeth, Mac Donald  fut gouverneur-général, c'est-à-dire représentant de la reine et donc vice-chef de l'Etat. Puis quand le Kenya devint une république, il devint High Commissioner de Grande-Bretagne au Kenya -  High Commissioner  est le nom donné dans les pays du Commonwealth aux ambassadeurs d'un autre pays du Commonwealth. Malcolm Mac Donald avait noué des solides liens d'amitié avec Kenyatta.

Quand il quitta le Kenya pour quelques mois de vacances après la proclamation de la république, Kenyatta vint l'accompagner à l'aéroport et souhaita que lorqu'il reviendrait comme High Commissioner, il ait plus de temps pour se consacrer à sa passion, l'ornithologie. Mac Donald répondit : en ce moment, je peux observer le plus sage de tous les vieux oiseaux d'Afrique - c'était de Kenyatta.dont il parlait ! 

 


Durant les années de la Présidence de Kenyatta jusqu’à sa mort en 1978, et ensuite, où KANU resta au pouvoir avec Daniel Arap Moi, vice-Président de Kenyatta et son successeur, les richesses du pays furent concentrées dans les mains des Kikuyu et du parti au pouvoir, qui pour le reste, prit des positions pro-occidentales et gouverna en accord avec des conseillers représentant les intérêts britanniques et américains.

On peut noter que trente ans après l'iundépndance, le plus haut magistrat du Kenya (Chief Justice) était encore un Blanc (le dernier Blanc à avoir exercé cette fonction de 1989 à 1993).  Le premier Noir africain à occuper le poste fut Kitili Maluki Mwendwa en 1968, suivi par deux Blancs, un Indien et un Noir (originaire du Guyana), auquel succéda encore un Blanc jusqu'en 1993, puis seuls des Noirs furent nommés.

 

 

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 Quelques années après l'indépendance, Jomo Kenyatta (3ème à compter de la gauche) pose avec les magistrats du Kenya; au 2ème rang à compter de la gauche, Charles Njonjo, Attorney général, au 4ème rang, Sir James Wicks, Chief Justice.

Twitter.

 

 

 

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Daniel Arap Moi, dauphin et sucesseur de Jomo Kenyatta, prête serment comme Président après le décès de Kenyatta en 1978. Le Chief Justice en perruque qui reçoit son serment est encore un Blanc.

nation.co.ke

 

 

 


La question de savoir si la révolte des Mau-Mau a accéléré ou retardé le mouvement vers l’indépendance peut paraître oiseuse : mais il apparaît que les Britanniques ont voulu remettre un pays « en ordre » à leurs successeurs et n’ont pas hésité sur les moyens pour réprimer l’insurrection. Ce n’est donc pas celle-ci qui a obtenu l’indépendance puisqu’elle était éliminée en 1956 et que les leaders africains (même un moment suspects de soutien à l’insurrection comme Kenyatta, du moins aux yeux des Britanniques), s’en sont fortement démarqués*.

                                                                                                                 *  Au pouvoir, Kenyatta semble n’avoir eu aucune complaisance envers les anciens Mau-Mau.

.
On remarquera d’ailleurs que les Britanniques, confrontés à deux insurrections importantes (en Malaisie et au Kenya - mais en Malaisie  il s’agissait d’une insurrection communiste qui avait contre elle l’immense majorité de la population malaise) ont d’abord vaincu militairement et psychologiquement l’insurrection, en accordant ensuite l’indépendance à des pouvoirs locaux qui s’étaient prononcé contre l’insurrection, voire, dans le cas de la Malaisie, qui était déjà dotée d’un gouvernement fédéral local avant l’indépendance, avaient activement lutté contre elle.


 Pendant la période de gouvernement de KANU, qui en 1982 devint même parti unique, les Mau-Mau furent oubliés et occultés, d’autant que des positions clé dans le pays, en politique et dans les affaires, étaient tenues par d’anciens loyalistes. L’opposition au contraire, récupéra le souvenir des Mau-Mau. Aujourd’hui les Mau-Mau sont considérés comme des partisans du mouvement national, mais le souvenir de l’insurrection n’a jamais cessé d’être instrumentalisé par les partis kenyans (Wikipedia).


Le multipartisme n’est rétabli au Kenya qu’en 1992 mais le parti KANU arrive à se maintenir avec Daniel Arap Moi jusqu’en 2002 où une coalition, la National Rainbow Coalition, arrive au pouvoir. Mais le nouveau Président  Kibaki, désavoué par les électeurs en décembre 2007, est pourtant proclamé vainqueur contre son compétiteur Odinga, déclenchant une série de graves violences qui ne se termine que grâce à la médiation de Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU : les deux rivaux signent un accord, Kibaki reste président et Odinga  est nommé Premier ministre.


En 2010, une nouvelle Constitution est proclamée, incluant une Charte des droits et libertés tandis que le pays adopte une administration décentralisée : les provinces disparaissent. Le pays est divisé en 47 comtés semi-autonomes (Counties) par rapport au gouvernement central. Ces entités peuvent lever des impôts ou adopter des règlements locaux ainsi que gérer les ressources naturelles, humaines et les infrastructures pour autant que leur décision ne soit pas contraire ni à la Constitution ni aux lois de l'État – selon Wikipedia.


Le Kenya est-il enfin sorti des années difficiles ?

Des survivants des Mau-Mau ou simplement des personnes internées à l’époque comme suspects de connivence avec l’insurrection, ont demandé des indemnisations à la Grande-Bretagne ces dernières années, pour viols, tortures et traitements inhumains.  Des archives ont été redécouvertes, révélant l'ampleur des traitements violents exercés à l’époque de l’état d’urgence par les militaires et policiers. La Grande-Bretagne indemnisa en 2013 plus de 5000 plaignants, mais refusa par la suite d'autres demandes, le nombre de nouveaux demandeurs (40 000) étant probablement un effet opportuniste.

En 2015 la Grande-Bretagne paya l'édification d'un monument de réconciliation en hommage aux Kenyans victimes de traitements inhumains lors de la contre-insurrection. Erigé à Nairobi, il fut inauguré par le haut-commissaire britannique et le président de l'association des vétérans Mau-Mau.

Le fils de Jomo Kenyatta, Uhuru Kenyatta, a été élu président du Kenya en avril 2013 (réélu en 2017). Son principal compétiteur est Raila Odinga, fils du principal opposant à Jomo Kenyatta et à Daniel Moi. La vie politique du Kenya s'articule sur l'existence de dynasties familiales avec un fort support ethnique. Les rivalités politiques sont toujours très marquées au Kenya, mais aucune flambée de violence similaire à celle qui a suivi les élections de 2007 n'a eu lieu depuis, tandis que le Kenya doit affronter un terrorisme d'origine islamiste en lien avec la guerre civile en Somalie qui déborde sur les frontières kenyanes.

 

 

 

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Le Président kenyan Mwai Kibaki signe la nouvelle Constitution, août 2010.
Photograph: Dai Kurokawa/EPA- guardian.co.uk

 

 

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 Pour le 50 ème anniversaire de son indépendance, en 2013, le Kenya a émis pas moins de 100 timbres représentant les grands événements de son histoire. sur ces deux timbres on voit l'actuel président Uhuru Kenyatta (fils de Jomo Kenyatta) avec son vice-président William Ruto. Tous deux ont fait  l'objet de poursuites devant la cour pénale internationale pour leur implication dans les violences de 2007-2008, puis les poursuites ont été abandonnnées. L'autre timbre représente la reine avec le prince Philip.

http://waxondanielsan-postcards.blogspot.fr/

 

 NOTA  2022 : Aux élections présidentielles de 2022, Uhuru Kenyatta ne pouvait pas se représenter. Les favoris étaient  le vice-président Ruto et Raila Odinga, éternel opposant. Le parti de Kenyatta soutenait Odinga. Les résultats turent très serrés mais Ruto arriva premier. Odinga et ses soutiens contestèrent les résultats (comme d'habitude au Kenya), mais la Cour suprême proclama Ruto élu (septembre 2022).

 

 



SINGAPORE IS OUT !*

                                                                                                     « Singapour est dehors » (en dehors de la Fédération de Malaysia).                                              
 

 



En 1963, la Fédération de Malaya, que nous avons vu devenir indépendante en 1957,  s’agrandissait, puisque trois territoires qui avaient demandé à en faire partie étaient reconnus comme états fédérés.
Il s’agissait de deux territoires ne faisant pas partie géographiquement de la Malaisie, le Sarawak et le Nord-Bornéo, tous deux situés sur l’île de Bornéo (dont le reste fait partie de l’Indonésie) et de Singapour.
Le Sarawak et le Nord-Bornéo étaient des colonies britanniques dont le gouvernement britannique ne voyait aucun obstacle à les remettre à la Federation de Malaisie : jusqu’à la seconde guerre mondiale et à l’occupation japonaise, le Sarawak avait été dirigé par une dynastie d’origine britannique, la famille Brooke, qui s’était vu reconnaître le titre de rajah et gouvernait sous protectorat britannique; le Nord-Bornéo avait été administré par une compagnie commerciale, The North Borneo Chartered Company, également sous protectorat britannique – mais après la guerre, ni la famille Brooke ni la Compagnie n’étaient plus en état de reprendre leur rôle dirigeant et ces territoires étaient devenus des colonies directes.

Lors de son entrée dans la Fédération, le Nord-Bornéo changea son nom en Sabah.
La Fédération de Malaya changea alors de nom après avoir intégré ces trois nouveaux états fédérés et devint la Fédération de Malaysia*.

                                                                                                *   Ce changement n’est pas perceptible en Français où on parle dans les deux cas de Malaisie.

 


Finalement les difficultés ne vinrent pas des deux états non situés en terre malaise, mais de Singapour, petite île au bas de la péninsule malaise.
Base importante de l’empire britannique,  aussi bien stratégique que commerciale, Singapour, colonie de la Couronne, était restée en dehors de la Federation de Malaya et avait suivi son évolution propre dans les années 50. Son chief minister, David Marshall, s’efforçait d’obtenir une complète autonomie interne, mais les Britanniques étaient hésitants compte tenu de la menace causée par l’insurrection communiste en Malaisie.
Son successeur Lim Yew Hock, ayant montré sa détermination à agir contre les communistes, les Britanniques et lui parvinrent à un accord en 1957.
En application de cet accord, la colonie devint en 1959 un état autonome, dont la Reine Elizabeth restait souveraine, la Grande-Bretagne demeurait compétente pour la défense et les relations extérieures. Le nouvel Etat de Singapour avait sa propre citoyenneté.


La souveraine était représentée sur place par un personnage faisant office de vice-chef de l’Etat, le Yang di-Pertuan Negara (littéralement Chef de l’Etat, mais cette expression était impropre puisque le Chef d’Etat nominal était la Reine). Le premier Yang di-Pertuan Negara fut le dernier gouverneur britannique, Sir William Goode, de juin à décembre 1959, puis il fut remplacé par Yusof bin Ishak

 

 

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Timbre de l’Etat de Singapour (état autonome établi en 1959)
 jollygreenp.co.uk

 




L’homme fort de Singapour était le Premier ministre nouvellement nommé, Lee Kuan Yew, dont le parti avait remporté les élections. Ce parti, le People's Action Party*, s’appuyait notamment sur les syndicats, puissants à Singapour. Son leader pensait que l’avenir économique de Singapour passait par son union avec son voisin malaisien.

                                                                                                             * Ce parti gouverne toujours Singapour, sans interruption depuis plus de quarante ans. Yew, considéré comme le Grand Homme de Singapour, celui qui a guidé son pays dans les difficultés, est toujours vivant [à la date de la première version de ce texte. .Lee Kuan Yew est mort en mars 2015]. Mais la mainmise de son parti sur la vie politique du pays peut suggérer des critiques sur une démocratie incomplète. Yew s’est rendu célèbre par son avis favorable aux punitions à coups de canne aussi bien dans le cadre scolaire (il déclare avoir été puni ainsi à la Raffles Institution durant sa scolarité, sans avoir été choqué) que judiciaire. Les châtiments corporels sont en vigueur à Singapour et la criminalité ou les incivilités y sont rares.


Il négocia avec la Malaisie avec succès l’intégration sous forme d’un état fédéré (Singapour conservait d’ailleurs certaines institutions autonomes comme son Yang di-Pertuan Negara qui au lieu de reprsenter la reine Elizabeth, représentait désormais le Yang di-Pertuan Agong de Malaysia).
Mais la composition ethnique de Singapour, où les chinois étaient nombreux (Lee Kuan Yew étant lui-même chinois) créait d’emblée une défiance entre le reste de la Malaisie et la population de Singapour. Des difficultrés sur les procédures commerciales, des mesures fédérales favorables à l’ethnie malaise mal acceptées à Singapour, augmentèrent l’incompréhension entre les singaporiens et le reste des habitants de Malaysia, que venaient encore compliquer le contexte de la guerre froide (certains membres du parti de Yew  avaient des positions pro-communistes).


Des émeutes raciales à Singapour, opposant malais musulmans et chinois, firent des morts en 1964 dont le gouvernement singaporien eut tendance à accuser le parti au pouvoir en Malaisie. Le gouvernement malaysien, redoutant de nouvelles tensions, prit acte de l’échec de l’intégration de Singapour.
Le 9 août 1965, le Parlement de Malaysia, en l’absence des représentants de Singapour, votait  par 120 voix contre aucune, l’exclusion de Singapour de la Fédération*.

                                                                                                                                      * Yew aurait voulu sauver le maintien de Singapour dans la Fédération. Ses amis politiques le convainquirent que l’avenir de Singapour, malgré les difficultés que cela impliquait pour un Etat d’aussi petite taille, était dans la sortie de la Fédération. Yew négocia en secret la sortie de Singapour avec le premier ministre malaisien, Tunku Abdul Rahman, afin que la nouvelle apparaisse comme un fait accompli sans laisser le temps au gouvernement britannique (toujours intéressé au devenir de la région) d’intervenir dans la question.

 


Le même jour, le Parlement de Singapour déclarait Singapour souverain et indépendant et le Premier ministre Yew, en larmes, annonçait la nouvelle à la télévision, en déclarant : «  For me, it is a moment of anguish. All my life, my whole adult life, I have believed in merger and unity of the two territories. » (pour moi, c’est un moment d’angoisse, toute ma vie d’adulte j’ai cru à la fusion et l’union des deux territoires)*.

                                                                                                                    *   Néanmoins, ce que Yew appelait fusion et union de Singapour et de la Malaisie gardait le caractère d’un lien fédéral.

 


En décembre une révision constitutionnelle fit de Singapour une république avec effet rétroactif depuis sa sortie de la Fédération de Malaysia, et le Yang di-Pertuan Negara, en poste depuis 1959, Yusof bin Ishak, devint le premier Président.
Le pays restait membre du Commomwealth.
Singapour fut donc probablement un des rares pays à être contraint à l’indépendance.

Lee Kuan Yew allait faire en quelques années de Singapour un des Tigres asiatiques les plus actifs, de quoi bien moins regretter l’échec de l’union avec la Malaisie.


 

 

sing 2


Une du journal The Straits Times (Straits = détroits, on se souvient que Singapour et Malacca étaient appelés les Etablissements des Détroits), annonçant l’expulsion de Singapour de la Fédération de Malaysia en 1965, avec le sous-titre : la nation devient indépendante dans une succession d’événements dramatiques (notez l’abréviation S’pore).
ci4-productions.com/

 

 

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Ouverture du premier Parlement de Singapour en tant qu’état indépendant en 1965.
La diversité ethnique et culturelle de Singapour se note dans les deux officiers se tenant de part et d’autre du Président de séance (Chairman ou Speaker), l’un malais ou chinois, l’autre indien en turban (sikh probablement), dans les magistrats en perruques et robes (sauf l’un à droite qui porte turban). Les greffiers portent la perruque courte comme à Westminster, mais les magistrats et professions juridiques singaporiennes abandonneront la perruque au fil du temps.

traveldk.com

 

 


Singapour a conservé certaines traditions qui lui viennent de ses anciens colonisateurs, même si elles ont un peu été modifiées par l’esprit singaporien.
Ainsi les célèbres joueuses de cornemuse de la police, qui arborent des tenues écossaises, n’ont évidemment pas leur équivalent à l’époque coloniale puisque les régments écossais étaient strictement masculins.
La police de Singapour est aussi formée en partie de corps de Gurkhas, ces montagnards népalais qui sont toujours présents aujourd’hui dans l’armée britannique. Le recrutement des Gurkhas fut une idée de Lee Kuan Yew pour avoir une police qui serait neutre par rapport aux divisions ethniques de la population singaporienne. Les Gurkhas ont leurs propres joueurs de cornemuse (pipe band).

On pourrait pour un peu se croire encore à l’époque coloniale lorsque les uns et les autres défilent les jours de fête, entre Queen Elizabeth Walk et Victoria Street ou devant la statue de Sir Stanford Raffles, qui regarde, les bras croisés, prospérer la ville qu’il a fondée.
 

 

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Staff Sgt Norashikin Daud, Singapore Police.
Le sourire du sergent-major féminin des joueuses de cornemuse de la police de Singapour, site internet de la police. Les puristes objecteront que la tenue écossaise avec kilt et bonnet était au départ masculine…


 

 

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L’une des deux statues urbaines de Raffles à Singapour. La première est installée en face du Victoria Concert Hall et date de 1887. Celle-ci, qui est la copie de la précédente, fut installée en 1972 à l’endroit où Raffles débarqua en 1819.

La plaque dit : « On this historic site, Sir Thomas Stamford Raffles first landed in Singapore on 28th January 1819, and with genius and perception changed the destiny of Singapore from an obscure fishing village to a great seaport and modern metropolis » (Sur ce site historique, débarqua le 28 janvier 1819 Sir Thomas Stamford Raffles  et avec génie et sens du futur, il changea la destinée de Singapour, faisant d'un obscur village de pêcheurs un grand port de mer et une métropole moderne).
wikipedia
La statue est vraiment une icône de Singapour, où le nom de Raffles se retrouve très souvent : Raffles City est le grand centre d’affaires, Raffles Hospital est le grand hôpital de Singapour, Raffles Hotel est un palace universellement connu, Raffles Institution est une célèbre école secondaire (dont fut élève le Premier ministre Lee Kuan Yew)  etc. La classe affaires des Singapore Airlines est appelée la Raffles Class…

 

 NOTE 2022 : En 2019, pour le bicentenaire de la fondation de Singapour, plusieurs statues de personnages historiques (Malais, Chinois ou Indiens) furent installées à proximité de celle de Raffles, pour évoquer le caractère multiracial de la ville-Etat et de son histoire

 

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La duchesse de Cambridge, Kate, lors de la visite faite par le Prince William et elle-même à Singapour en 2012 à l'occasion du Diamond Jubilee, ici accueillie à l'Hôtel Raffles par le traditionnel portier sikh.

 http://www.theaustralian.com.au

 

 

 

 

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