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Le comte Lanza vous salue bien
17 septembre 2022

L'ÂGE DES INDÉPENDANCES 3 ASIE, AFRIQUE, EUROPE

 

 

L'ÂGE DES INDÉPENDANCES 3

ASIE, AFRIQUE, EUROPE

 

 

 

 

 

 

NOTA BENE 2022 :

Pour des raisons de lisibilité, j'ai coupé en six parties mes trois messages initiaux, publiés à l'origine en 2013.

La mort de la reine Elizabeth II (septembre 2022) a appelé l'attention sur le rôle du Commonwealth et ses liens historiques avec la Grande-Bretagne.

J'ajoute que si je devais réécrire aujourd'hui ce texte, je le ferais sans doute différemment.

 

 

 



La Birmanie et Ceylan

 





Dans la foulée, si on peut dire, la Grande-Bretagne accorda l’indépendance à la Birmanie et à Ceylan.

La Birmanie avait été détachée de l’empire des Indes en 1937 pour constituer un Dominion incomplet, une assemblée élue et un gouvernement indigène nommé par l’assemblée se voyant confier des attributions limitées.
L’hostilité des birmans à la domination britannique les amena en grand nombre à prendre le parti des Japonais durant la guerre, la Birmanie étant en grande partie occupée par les Japonais. Le chef nationaliste birman Aung San collabora avec les Japonais avant de revenir dans le camp britannique.
Une fois les Japonais battus, les britanniques comprirent qu’il fallait s’appuyer sur le leader nationaliste, le général Aung San, qu’ils avaient un moment pensé à traduire en justice. Celui-ci signa avec le Premier ministre britannique Attlee en janvier 1947, des accorsd prévoyant l’indépendance et forma un gouvernement provisoire.
Mais il fut assassiné avec plusieurs membres de son gouvernement par un rival politique en juillet 1947. Il était  père de la célèbre Aung San Suu Kyi, qui devint dans les années 1990 l'opposante principale à la junte militaire dirigeant la Birmanie, et Prix Nobel de la Paix, née en 1945.

C’est donc dans des circonstances plutôt troublées que le pays accéda à l’indépendance le 4 janvier  1948. 

Les troupes britanniques quittèrent la Birmanie au son de « Auld Lang Syne » (Ce n’est qu’un au revoir) , avec semble-t-il, l'expression de la sympathie de la population.


A la différence d’autres pays, la Birmanie (Union of Burma) devint une république immédiatement et n’adhéra pas au Commonwealth.

Longtemps dirigée par une junte militaire, la République bouddhiste de Myanmar (nouveau nom de la Birmanie) est en voie de démocratisation, grâce à l'action de Aung San Suu Kyi, et s'ouvre maintenant au monde.


Plus policée fut l’indépendance de Ceylan.
Depuis les années 30, Ceylan avait un gouvernement dans lequel siégeaient les élus de la population indigène, le suffrage universel ayant été adopté en 191. Parmi les ministres figurait D. S. Senanayake, qui souhaitait privilégier l’approche constitutionnelle pour atteindre l’indépendance, dans un contexte déjà marqué par l’opposition entre communautés tamoule et cingalaise.
Cet homme d’état, ministre durant 15 ans, membre du cabinet de guerre de Ceylan pendant la 2ème guere mondiale, proposa, en accord avec les autorités britanniques, un projet de constitution avec le statut de Dominion en 1944. Puis il fonda son propre parti politique et remporta les élections en 1947, réusissant à obtenir la participation au gouvernement des représentants de la communauté tamoule, tandis que les britanniques admettaient qu’il n’y avait plus de raison de retarder l’accès à l’indépendance.    
 L’indépendance fut proclamée le 4 janvier 1948, le Duc de Gloucester représentant son frère le roi George VI aux cérémonies.
Le roi du Royaume-Uni devenait roi de Ceylan. Quant au Premier ministre Senanayake, il fut unanimement regardé comme le père de l’indépendance et de la Nation.

Le nouveau Premier ministre et les représentants du gouvernement et du parlement brirannique se félicitèrent d'une indépendance aussi harmonieusement acquise. 

 

senanayake

 


Le cabinet dirigé par le Rt Hon (très Honorable) D.S. Senanayake en tant que premier Premier ministre de Ceylan, en 1947. Sur la photo figurent aussi, à gauche et à droite de Senanayake, le gouverneur de Ceylan, Sir Henry Monck-Mason Moore et le plus haut magistrat, le Chief Justice (en robe et perruque). Parmi les ministres présents sur la photo figure Salomon Bandanaraike qui devait devenir Premier ministre en 1956 et être assassiné par un moine bouddhiste en 1959. Wikipedia.
 

 

 

cortège

Le cortège du Duc de Gloucester se rendant à l’Independence Hall de Colombo pour déclarer l’indépendance de Ceylan, le 4 février 1948

dailynews.lk

 

 

 

ouv parlement ceylan


La reine Elizabetn, reine de Ceylan, lors de sa visite de 1954, dans le Hall de la Liberté, construit dans le style cinghalais pour commémorer l’indépendance. La reine s’apprête à ouvrir la session du Parlement de Ceylan.
tharunaya.co.uk

 

 

 

 

L'histoire du nouvel état devait être dominée par l'hostilité entre les deux principales composantes ethniques de la population, les Cinghalais proprement dits, majoritaires, et les Tamouls venus d'Inde du Sud.

En 1959, le Premier ministre Salomon Bandanaraike, le successeur politique de Senanayake, fut assassiné par un moine bouddhiste pour des raisons semble-t-il, autant politiques que d'intérêt privé. Pour la première fois en Asie et sans doute dans le monde, c'est une femme, sa veuve, qui devint Premier ministre en 1960 : Madame Sirimavo Bandanaraike devait être trois fois Premier ministre durant des périodes assez longues, la dernière fois en 1994.

 

En 1972, Ceylan modifia sa constitution et abandonna le statut de Dominion, donc la forme monarchique de l’Etat, pour devenir une république, tout en restant dans le Commomwealth. Le pays changea aussi de nom pour devenir le Sri Lanka.
Madame Bandanaraike devint pour la dernière fois Premier ministre en 1994, à 78 ans, et le resta jusqu'en 2000. Elle quiita son poste à 84 ans et mourut peu après. Le Président de la République était à l'époque aussi une femme, sa propre fille, Chandrika Kumaratunga, et le Sri Lanka devait faire face depuis longtemps à la rébellion armée des Tamouls, qui ne s'est terminée que récemment.

Bien que majoritairement bouddhiste et avec une forte minorité hindouiste, le Sri Lanka est resté marqué par la présence catholique, introduite par les Portugais. De nombreux Sri Lankais, descendants des colons portugais, sont catholiques et portent toujours des patronymes portugais comme Pereira.

Chandrika Bandanaraike Kumaratunga, la fille de Mme Bandaranaike et elle-même femme politique et Président de la République jusqu'en 2005, a fait ses études au Couvent Sainte Brigitte de Colombo.

 

 

 

 



Quand le Gold Coast devient le Ghana

 

 




La Gold Coast (Côte de l’Or) fut le premier pays africain à devenir indépendant.
Le premier ?  Cela peut se discuter.

 Avant lui le Soudan anglo-égyptien était devenu indépendant en 1956, une indépendance sans difficulté majeure. Le Soudan était un condominium anglo-égyptien, mais le rôle de l’Egypte y était presque inexistant, d’autant que les relations anglo-égyptiennes étaient souvent tendues. Le Soudan, administré par les Britanniques seuls, était une pomme de discorde entre les deux pays, d’autant que l’Egypte elle-même avait pu être considérée comme une quasi-colonie britannique à certaines époques ou au moins un protectorat déguisé*

                                                                                       * Occupée par les troupes britanniques à partir de 1882, elle fut même un protectorat officiel à partir de 1914 jusqu’en 1922, mais sa situation subordonnée persista encore longtemps après la fin du protectorat officiel.


Libéré de la tutelle britannique, le roi d’Egypte Farouk avait réclamé la pleine souveraineté sir le Soudan, mais il avait été renversé en 1952 par les officiers putschistes  dont le général Neguib et le colonel Nasser.
Ceux-ci abandonnèrent toute prétention sur le Soudan par un accord anglo-égyptien de 1954, prévoyant l’indépendance complète du Soudan pour 1956, ce qui fut bien le cas.

En 1956 aussi, le Maroc et la Tunisie, protectorats français, retrouvaient leur indépendance ; il est de règle de parler d'indépendance même pour la fin d'un protectorat - d'autant que les protectorats français étaient très peu différents d'un régime colonial pur et simple. Par la même occasion, le protectorat espagnol sur une partie du Maroc prenait fin.

Enfin, dès 1951, les Nations-unies avaient reconnu l'existence du royaume indépendant de Libye (qui était soutenu d'ailleurs par les Britanniques) : mais la Libye, ancienne colonie italienne, devait son indépendance aux événements de la seconde guerre mondiale; occupée par les alliés après la défaite des Italo-Allemands, la solution de l'indépendance avait été choisie par les vainqueurs au profit d'un vieux "client" des Britanniques, l'émir Idris El Senussi.



On pourrait dire que le Gold Coast fut le premier pays d’Afrique subsaharienne à devenir indépendant.


Mais là encore on pourrait hésiter. Et l’Afrique du Sud ?
Cette fédération créée en 1910 regroupait des anciennes colonies britanniques (le Natal, le Cap, le Zoulouland) et les deux anciens états boers d’Orange et du Transvaal, conquis par les britanniques aptès la guerre des Boers. Les anciens vaincus Boers avaient été admis à une complète égalité de droits avec les Britanniques et du fait de leur nombre, avaient acquis la prépondérance. Le premier premier ministre de l’’Union sud-africaine, puisque tel était son nom officiel, avait été le général Botha, ancien chef des troupes boers.
En ce qui concerne les populations noires ou métisses,  elles étaient exclues des droits civiques et sociaux et allaient le rester longtemps.
L’Union avait le statut de Dominion et comme tous les Dominions avait obtenu une quasi indépendance.
 
Sous l’effet de la partie boer (ou afrikaner) de sa population, l’Union Sud-Africaine, qui était gênée dans son souhait de mener une politique franche d’apartheid  (en place de façon évidente depuis 1948) par les liens même lâches avec la Couronne britannique, devait rompre son allégeance à la Couronne et par referendum, établir la République en 1961 : le « oui » à la République obtint la majorité chez les Afrikaners (eux-mêmes majoritaires dans l’électorat) tandis que chez les habitants d’origine britanniques, il fut minoritaire, les blancs seuls pouvant voter. Le dernier gouverneur-général (représentant de la Reine) qui était un Sud-Africain, devint le premier Président de la nouvelle République d’Afrique du Sud dominée par les blancs.

La décision des blancs d’Afrique du Sud de rompre les liens dynastiques avec la Grande-Bretagne fut peut-être hâtée par la visite en 1960 du Premier ministre britannique Harold Mac Millan qui fit un discours sur le « vent du changement », annonçant le caractère inévitable de la décolonisation et de l’accession des populations colonisées à la direction de leur pays, discours que les Blancs d’Afrique du Sud pouvaient comprendre comme un appel à accorder l’égalité des droits à la majorité noire, d’autant qu’il s’accompagnait d’une critique (un peu voilée) de l’apartheid. 


Mais un peu plus tôt, un événement d’importance avait eu lieu : l’accession à l’indépendance du premier pays noir, dirigé par des noirs et donc faisant figure de pionnier et d’exemple.


L’indépendance du Ghana fut l’œuvre de Kwame Nkrumah (1909-1972). La carrière de cet  homme politique africain allait être conforme à un modèle assez fréquent, celui de l’adversaire du pouvoir colonial, appelé par ce même pouvoir au gouvernement et organisant la transition vers l’indépendance.
Après des études universitaires aux Etats-Unis (dont un diplôme en théologie) * à la fin des années 30 et au début des années 40, où il fréquenta  non seulement des cercles religieux mais des théoriciens  trotskystes, Nkrumah revint en Gold Coast en 1947. Il commença à s’impliquer dans le mouvement pour l’indépendance et fonda le Convention People's Party. Ce parti réclamait l’indépendance et aussi des réformes sociales

                                                                                                                                  *   Wikipedia en anglais indique que Nkrumah était « roman catholic » mais il semble curieux que cette même notice précise que pendant son séjour aux Etats-Unis, il prêcha dans différentes églises noires méthodistes ?


Après une violente répression  de la police coloniale qui fit feu sur des manifestants contre les hausses de prix, Nkrumah organisa une campagne de désobéissance et de grèves qui lui  valut d’être arrêté, avec nombre de militants, et condamné à trois ans de prison en 1950.


Les Britanniques, modifiant leur approche, décidèrent alors d’organiser les premières élections générales au suffrage universel en février 1951, que le parti de Nkrumah remporta largement, lui-même étant élu bien que toujours en prison. Libéré le 12 février, Nkrumah se vit offrir par le gouverneur de former un gouvernement en tant que « Leader of Government Business » le 13 février, ce qu’il accepta. Puis en mars 1952 il fut désigné comme Premier ministre.
En 1953 il présenbta avec succès à l’assemblée son programme pour l’indépendance dans le Commonwealth, « as soon as the necessary constitutional arrangements are made » (dès que les arrangements constitutionnels nécessaires auront été faits).  


Tout en collaborant étroiitement avec les britanniques, il base sa politique sur l’africanisation de l’administration et se présente comme anticommuniste (pour écarter les soupçons qui pèsent sur lui de vouloir créer un état socialiste appuyé par Moscou). Il peut développer les infrastructures de son pays grâce aux excédents de l’Office de commercialisation du cacao. Les domaines de l’éducation et de la santé enregistrent de véritables progrès (Wikipedia).

Il doit affronter l'opposition d'une fraction de la population,les Ashanti, qui manifeste en criant : Nous ne voulons pas de l'indépendance.


Confirmé à son poste de premier ministre lors des élections de 1956 où il remporte 3/4 des sièges en 1956.  Nkrumah négocie avec les opposants Ashanti. Il est maintenant prêt pour l’indépendance, en accord avec la Grande-Bretagne.
Celle-ci est proclamée le 6 mars 1957.


Le jour même de l’indépendance, Nkrumah annonce que le Gold Coast abandonne le nom colonial du pays au profit de l'actuel, en hommage à l'ancien empire du Ghana.
Bien entendu les cérémonies d’indépendance auront lieu avec le même cérémonial qui commence à être rôdé (lever des couleurs à minuit, remise des documents d’indépendance le lendemain, ouverture du parlement), un personnage de la famille royale y représentant la souveraine. D’autant plus que, dans l’immédiat, le Ghana reste un Dominion  (donc un Etat qui conserve la reine à sa tête) ; ce personnage royal doit procéder à la première ouverure solonnelle du Parlement de l’état indépendant et lire le « discours du trône », programme de gouvernement du Premier ministre.

                                                                             
C’est Son Altesse royale (Her Royal Highness, HRH en abrégé) Marina, duchesse de Kent, cousine de la Reine, qui représentera Elizabeth II aux cérémonies, ce qui lui vaudra de valser avec M. Nkrumah au bal donné en l’honneur de l’indépendance, la duchesse en robe longue et M. Nkrumah en robe africaine.


Parmi les invités étrangers, venus pour assister à l’indépendance du premier pays africain, on trouvait le Vice-Président des USA Richard Nixon et le Révérend Martin Luther King
 

 

inde ghana

La foule est massée dans les rues d’Accra, capitale du Ghana, pour accueillir SAR la duchesse de Kent qui arrive pour ouvrir le Parlement du Ghana indépendant au nom de la Reine. (Site Imperial war museum)

 

 

 

nkrumah dansant

Marina, duchesse de Kent dansant avec le Premier ministre Kwame Nkrumah lors des cérémonies d’indépendance, 5-6 mars 1957.
Allposters.com

 

 

 

Puis Nkrumah décida de proclamer la république tout en demeurant  dans le Commonwealth, ce qui fut fait le1er juillet 1960 ;  Nkrumah fut nommé Président et le resta jusqu'en 1966., gouvernant de façon de plus en plus dictatoriale, interdisant les grèves et faisant arrêter ses oposants, jusqu’à ce qu’un coup d’état le renverse, profitant qu’il était en visite au nord Viet-Nam et en Chine*.

                                                                                                                                         * Lauréat du Prix Lénine de la paix en 1963, bien qu’il ait basé son entente avec les britanniques avant l’indépendance sur l’anticommunisme, Nkrumah se réclamait du socialisme et sans rompre avec l’Occident, avait de bonnes relations avec les pays communistes. On a évoqué le rôle de la CIA dans son renversement.


Avant cela, M. Nkrumah avait reçu avec beaucoup de cordialité la reine Elizabeth, en visite au Ghana en 1961, après la proclamation de la République, ce qui permit aux reporters de photographier la reine dansant avec le président ghanéen dans une ambiance particulièrement détendue.

 

 

nkrumah et la reine

Le président Kwame Nkrumah dansant avec la reine à la Résidence présidentielle, 1961. L’ambiance parait plus évoquer le réveillon du nouvel an que le protocole d’une visite officielle et le Prince Philip, qui danse avec Madame Nkrumah, a l’air de s’amuser autant que la Reine, aux bras d’un Président Nkrumah visiblement heureux, qui a troqué la robe africaine pour une tenue occidentale.
kingsacademy.com

 

 

 

 

 

la reine

Quarante ans après, les relations de la monarchie britannique et du Ghana sont toujours cordiales : la Reine et le président ghanéen Kufour, reçu à Buckingham en 2010.

azpm.org

 

 

 

mme thatcher

Témoignage de liens qui perdurent avec la Grande-Bretagne, la poste du Ghana commémore peu de temps après sa mort (2013), la mémoire de Margaret, baronne Thatcher, ancien Premier ministre britannique. Sur d'autres timbres de cette émission, on voit Mme Thatcher reçue par la Reine avec Tony Blair et Edward Heath, eux aussi anciens Premiers ministres.On peut voir ces timbres sur l'excellent site Commonwealth stamps opinion

Le Ghana a aussi émis une série de timbres à l'occasion de la naissance du prince George, fils du prince William, le 22 juillet 2013.

Commonwealthstampsopinion.blogspot.com

 

 

 

 


Merdeka for Malaya

 

 

 


Avant la deuxième guerre mondiale, la Malaisie était composée de 9 états princiers (Kedah, Kelantan, Johore, Negri Sembilan (on trouve aussi le nom sous la forme Negeri Sembilan), Pahang, Perak, Perlis, Selangor, Trengganu), sous protectorat britannique, et de colonies britanniques (les Straits Settlements ou établissements des détroits de Singapour, Penang et Malacca).


Quatre états princiers formaient une fédération, les cinq autres étaient connus comme Unfederated Malay States.
Après la guerre, qui avait vu l’occupation de toute la Malaisie par les Japonais, les britanniques voulaient rationaliser cet ensemble. Ils eurent l’assez mauvaise idée de créer un seul état, réunissant les 9 états princiers et les colonies de Malacca et Penang. Les princes indigènes n’avaient plus de pouvoirs, ce qui était peut-être une façon de manifester envers eux une défiance pour le comportement de certains durant la guerre.
Ce nouvel état colonial, baptisé Malayan Union, mis sur pied en 1946, n’allait pas durer, car mécontentant toute la population, habituée à ses dirigeants et à ses appartenances locales.
Dès 1948, les britaniques mettaient sur pied la Federation of Malaya, qui réunissait les 9 états princiers et les deux colonies de Malacca et Penang. Les dirigeants indigènes* retrouvaient leurs pouvoirs.

                                                                                                                                  * Qualifiés de Sultan pour presque tous les Etats, sauf le Perlis (ayant à se tête un Raja)  et le Negeri Sembilan (dirigé par un prince ayant le titre de Yang di-Pertuan Besar – littéralement : Celui qui est le plus Haut parmi les Neuf – les traductions données par Wikipedia pour des titres malais ayant en commun l’expression Yang di-Pertuan, mais dont le dernier mot diffère, sont curieusement très éloignées l’une de l’autre).

Parallèlement, une insurrection communiste éclatait contre laquelle les Britanniques et les Malais anticommunistes allaient devoir lutter pendant plusieurs années ; l’insurrection, qui se manifestait surtout par une guerilla dans la jungle, était soutenue par la Chine populaire et donc avait ses partisans dans la communauté chinoise. Les Chinois étaient une forte minorité (plus de 40% de la population - aujourd'hui ils sont 26%) mais l'adhésion au communisme était loin de faire l'unanimité chez eux.

De plus,  le fait que les insurgés se recrutaient chez les Chinois avait comme conséquence que les Malais et les Indiens se déclaraient contre l'insurrection, comme probablement la majorité des Chinois d'ailleurs - ce qui n'empêche pas aujourd'hui les vulgarisateurs de la décolonisation de présenter cette insurrection comme si elle avait eu l'assentiment de l'ensemble de la population de la Malaisie. généralement, l'histoire de la décolonisation est simplifiée à l'extrême par ces vulgarisateurts pour qui, entre les colonisateurs et les mouvements insurrectionnels, il n'existe rien.

.

L’insurrection fut mise à peu près hors d’état de nuire en 1958. Les Britanniques, pour la combattre, avaient fait apppel à des forces du Commonwealth dont des contingents australiens et néo-zélandais. Les forces malaises fédérales furent également très actives dans la contre-insurrection. Cet épisode est connu dans l’historiographie de langue anglaise sous le nom de Malaya emergency (état d’urgence en Malaisie).

 Les efforts pour arriver à l’indépendance furent portés avec beaucoup d’énergie par le Premier ministre de la Fédération, Tunku Abdul Rahman, qui était le fils du Sultan du Kedah. Il regroupa autour de lui les représentants des divers groupes ethniques (Malais, Chinois, Indiens) et négocia avec les Britanniques. Lorsqu’il fut à peu près clair que l’insurrection communiste était en perte de vitesse et n’était plus une menace, les Britanniques acceptèrent le principe de l’indépendance en 1956.
Celle-ci fut programmée pour le 31 août 1957.
A minuit, le drapeau britannique fut baissé et le drapeau  malaisien fut hissé devant la foule, à Kuala Lumpur, en présence du premier ministre Tunku Abdul Rahman, tandis que les musiques jouaient l’hymne britannique et le nouvel hymne malaisien


 

 

malaisie

Le jour de l’indépendance de la Malaisie : le nouveau souverain de Malaisie, le Yang di-Pertuan Agong Tuanku (ou Tunku, il s’agit d’un titre princier) Abdul Rahman, prince du Negri Sembilan (à droite) et sa femme en compagnie du dernier haut commissaire, Sir Donald MacGillivray  (en bicorne à plumes) et du Premier ministre, Tunku Abdul Rahman (homonyme du Yang di-Pertuan Agong !),  à gauche en casque colonial à plumes.
Tunkuhalim. wordpress.com



La journée qui suivit, au stade de Kuala Lumpur, en présence de tous les dirigeants des états malais, abrités par des ombrelles, et d’une foule considérable, le Duc de Gloucester, représentant la reine de Grande-Bretagne, remit au premier ministre de la Malaisie Tunku Abdul Rahman, les documents de l’indépendance.  
Le premier ministre déclara alors :


« NOW In the name of God the Com­pas­sion­ate, the Mer­ci­ful, I TUNKU ABDUL RAHMAN PUTRA ibni AL-MARHUM SULTAN ABDUL HAMID HALIMSHAH, PRIME MINISTER OF THE PERSEKUTUAN TANAH MELAYU, with the con­cur­rence and approval of Their High­nesses the Rulers of the Malay States do hereby pro­claim and declare on behalf of the peo­ple of the Perseku­tuan Tanah Melayu that as from the thirty first day of August, nine­teen hun­dred and fifty seven, the Perseku­tuan Tanah Melayu com­pris­ing the States of Johore, Pahang, Negri Sem­blian, Selan­gor, Kedah, Perlis, Kelan­tan, Treng­ganu, Perak, Malacca and Penang is and with God’s bless­ing shall be for ever a sov­er­eign demo­c­ra­tic and inde­pen­dent State founded upon the prin­ci­ples of lib­erty and jus­tice and ever seek­ing the wel­fare and hap­pi­ness of its peo­ple and the main­te­nance of a just peace among all nations*.


( maintenant, au nom de Dieu le Compatissant, le Miséricordieux, moi, Tunku Abdul Rahman etc etc , premier ministre du Persekutuan Tanah Melayu, avec le concours et l’accord de leurs Altesses les dirigeants des Etats malais, je proclame ici et déclare au nom du peuple du Persekutuan Tanah Melayu  que depuis le 31 août 1957, le Persekutuan Tanah Melayu, comprenant les états de Johore, Pahang, Negri Sem­bilan, Selan­gor, Kedah, Perlis, Kelan­tan, Treng­ganu, Perak, Malacca et Penang , est, et, avec la bénédiction de Dieu, restera à jamais un état souverain démocratique et indépendant, fondé sur les principes de liberté et de justice et recherchant toujours le bien-être et le bonheur de son peuple et le maintien d’une paix juste dans le monde)
                                                                                                   * Texte sur Wikipedia en anglais.


 Puiis il cria par 7 fois «  Merdeka » (ce qui peut se traduire par « indépendance » ou « liberté »)*, cri repris par la foule tandis que retentissait l’hymne national malais « Negaraku ». 

                                                                                                  * Hari Merdeka (le Jour de l’Independance) est le jour de la fête nationale de la Malaisie, le 31 août.
 

 

 

 

 

malaisie 2

Tunku Abdul Rahman lors de la cérémonie de la proclamation de l’indépendance dans le stade de Kuala-Lumpur. Derrière lui, les souverains malais sous leurs ombrelles, le Haut-Commissaire britannique et le Duc de Gloucester.
.suaramalaysia.com

 



Le nouvel Etat, soutenu par les Britanniques, accédait à l’indépendance dans le cadre du Commonwealth.
A la différence d’autres pays, il ne conservait pas le souverain britannique comme souverain. Il se dotait d’un roi électif choisi par une procédure mêlant le roulement et l’élection, parmi les 9 dirigeants des états princiers, le choix relevant exclusivement des neuf électeurs princiers.
Le roi ainsi choisi pour 5 ans porte le titre de Yang di-Pertuan Agong (Celui qui est constitué Seigneur). Il est élu par la conférence des dirigeants (conference of Rulers) ; les Etats malais qui ne sont pas constitués en Etats princiers (4 états sur 13 actuellement) ne participent pas à l’élection et leurs gouvrneurs (élus) ne peuvent être candidats au poste de Yang di-Pertuan Agong *.

                                                                                               *  Depuis l’indépendance de la Malaisie, il y a eu 14 Yang di-Pertuan Agong. L’actuel souverain (depuis 2011), Tuanku Abdul Halim, sultan de Kedah, avait déjà exercé les fonctions de Yang di-Pertuan Agong en 1970. Il est le premier à les exercer pour la deuxième fois.


Tunku Abdul Rahman devait rester premier ministre jusqu’en 1970 et après son retrait de la vie poilitique, demeurer jusqu’à sa mort en 1990 une référence pour les Malaisiens et à jamais respecté comme le père de  l’indépendance.

 

 

 

malaisie


Election du nouveau Yang di-Pertuan Agong, 2011 : pour la deuxième fois, le sultan de Kedah devient Yang di-Pertuan Agong (Roi électif) de la Fédération de Malaisie.
Commentaire du Journal The Star, Wednesday December 14, 2011 : Historic moment as Sultan of Kedah ascends to the throne again.
Royal welcome: The 14th Yang di-Pertuan Agong Tuanku Abdul Halim Mu’adzam Shah and Sultan of Perak, Sultan Azlan Shah, leading the royal procession after taking the oath as King at Istana Negara in Jalan Duta here Tuesday. Accompanying them were Raja Perlis Tuanku Syed Sirajuddin Putra Jamalullail and the Yang di-Pertuan Besar of Negri Sembilan, Tuanku Muhriz Tuanku Munawir.

(moment historique, le Sultan de Kedah monte de nouveau sur le trône (de Malaisie) : le 14ème Yang di-Pertuan Agong Tuanku Abdul Halim Mu’adzam Shah et le Sultan de Perak, Sultan Azlan Shah, en tête du cortège royal après la prestation de serment (…). Avec eux le Rajah de Perlis Tuanku Syed Sirajuddin Putra Jamalullail et le Yang di-Pertuan Besar* du Negri Sembilan, Tuanku Muhriz Tuanku Munawir).
thestar.com.my

                                                                                                 *  Yang di-Pertuan Besar est le titre particulier du Sultan de Negri-Sembilan (ou Negeri-Sembilan).

 

 

 



 Chypre : Grecs, Turcs et Britanniques au pays d’Aphrodite

 


 

Chypre était occupée depuis 1878 par les Britanniques avec un statut curieux, du moins à l’origine. L’île continuait d’appartenir théoriquement à l’empire ottoman, avec lesquels un accord avait été passé et les Britanniques levaient un tribut annuel sur les Cypriotes, destiné être payé au Sultan. Mais les Britanniques gardaient pour eux le tribut qui servait à rembourser la dette ottomane vis-à-vis de la Grande-Bretagne*

                                                                                                     * L’Angleterre avait déjà eu un contact avec Chypre, bien longtemps auparavant, car Chypre, possesion byzantine mais devenue de fait indépendante sous l’autorité d’un despote de la famille Comnène, avait été prise par Richard Cœur de Lion sur le chemin de la Croisade au XIIème siècle. Ne pouvant la conserver, il l’avait vendue aux Templiers qui la lui ont rétrocédée très vite car ils la jugeaient ingouvernable. Richard l’a alors donnée en fief (ou vendue ?) à Guy de Lusignan, Roi détrôné de Jérusalem et un ancien vassal français de Richard. Les Lusignan se firent confirmer le titre de Roi de Chypre par le Pape et l’empereur germanique et  leur dynastie allait régner jusqu’à la fin du XVème siècle, non sans difficultés et rivalités entre branches familiales. Le dernier Roi Lusignan, marié à une Vénitienne, Catarina Cornaro, mourut en laissant son Royaume à sa veuve qui l’offrit, plus ou moins spontanément, à Venise (une issue prévue dès le mariage par le gouvernement vénitien). Les Vénitiens perdirent l’île au profit des Turcs en 1571, sans déplaisir semble – t-il de la population orthodoxe, qui parait avoir préféré subir la domination turque que de rester sujets des Vénitiens, âpres au gain et catholiques.

 


Comme on dirait aujourd’hui, l’accord conclu avec la Sublime Porte paraissait être une opération gagnant-gagnant.
Le Sultan s’était débarrassé de sujets indisciplinés qui s’étaient déjà révoltés, et conservait l’espoir de recouvrer au moins le tribut quand ses dettes seraient apurées. Les Britanniques avaient acquis une base qui surveillait le canal de Suez et les détroits des Dardanelles (par exemple contre la Russie). Les Cypriotes (et pas seulement les Cypriotes grecs) échappaient à l’autorité imprévisible de la Sublime Porte et de ses représentants locaux, oscillant entre brutalité et laisser-aller.


Les Britanniques créent un conseil législatif ou Cypriotes turcs et grecs sont représentés, sans grand pouvoir.
Mais le tribut mange une grande partie des ressources de l’île, sans bénéfice pour celle-ci en termes de développement, puisque les Britanniques conservent le produit du tribut pour apurer la dette turque. La présence britannique n’aide donc pas Chypre à sortir du sous-développement.
Au début du 20ème siècle, les Cypriotes grecs commencèrent à exprimer leur souhait de rattachement à la Grèce. En effet, ce n’était pas l’indépendance qu’ils souhaitaient, mais l’énosis (union avec la Grèce).
 .
Jamais en reste de bonnes paroles, les Britanniques manifestèrent leur compréhension et
Winston Churchill, alors sous-secrétaire d’État aux Colonies répondit au députés cypriotes venus réclamer l’union avec la Grèce : « il est naturel que le peuple de Chypre, d’origine grecque, considère son incorporation au sein de ce que l’on appelait sa mère patrie comme un idéal digne d’être poursuivi sérieusement, obstinément et énergiquement. ». Churchill, comme les Cypriotes grecs, oubliait allègrement l’existence des Cypriotes turcs.

Lorsqu’éclata la guerre de 1914, la Turquie se trouvait désormais dans le camp opposé à la Grande-Bretagne. Celle-ci en profita pour s’arroger les droits de souveraineté et transformer le statut de Chypre en statut colonial, officialisé en 1925 tandis que le tribut au Sultan était abandonné. Même si la Grande-Bretagne pouvait envisager un plus grand effort de dévelopement pour ce qui était désormais une colonie, les résultats restaient minces.
Les Cypriotes commencèrent à s’insurger contre le statut colonial et refusèrent de sièger au conseil législatif. L’évêque de Cition, député de Larnaca, proclama à Limassol l’union de l’île à la Grèce et appella à la désobéissance civile aux autorités britanniques.Comme toujours à Chypre, les revendications de réformes sont portées par la hiérarchie orthodoxe.


En 1931, à l’issue d’une manifestation en faveur de l’union avec la Grèce, le palais du gouverneur britannique fut incendié à Nicosie. L’agitation gagna toute l’île. Les Britanniques réagirent vigoureusement : les évêques de Cition et de Cérynie furent expulsés, ainsi que d’autres notables,  un millier d’oposants furent arrêtés, l’enseignement de l’histoire grecque fut interdit. Quand l’évêque de Paphos protesta contre l’interdiction d’enseigner l’histoire grecque, il fut condamné pour mutinerie et placé en résidence surveillée dans son palais.Les Britanniques interdirent même de procéder au remplacement de l’archevêque de Chypre, décédé.

La guerre apporta un répit aux manifestations anti-britanniques. Par solidarité avec la Grèce occupée par les italo-allemands, les Cypriotes furent nombreux à s’engager dans l’armée britannique pour combattre les forces de l’Axe.
La fin de la guerre vit la reprise des revendications.
Désormais les Cypriotes pouvaient espérer se faire entendre des Nations-Unies.
L’archevêché orthodoxe organisa un référendum en 1950 chez les Cypriotes grecs qui obtint  96% des voix en faveur de l’enosis. Le porte-parole des revendications cypriotes était le nouvel archevêque, Mgr Makarios III, ethnarque de Chypre (depuis l’empire ottoman, l’archevêque était considéré comme représentant politique de la communauté grecque).

Le gouvernement grec, d’abord attentiste, se mit à relayer les demandes des Cypriotes grecs. Des déclarations péremptoires du gouvernement britannique amenèrent un durcissement de la situation avec la création en 1954 d’un mouvement clandestin partisan de l’énosis, l’EOKA (Ethniki Organosis Kyprion Agoniston), dirigé par le colonel de l’armée grecque mais cypriote d’origine, Grivas (ensuite général), qui commença en 1955 une action violente contre les intétêts et les personnes des britanniques (souvent des soldats mais certains civils furent visés) et aussi des Cypriotes partisans du statu quo.
Environ 300 militaires britanniques, furent tués dans des attentats ou des combats et probablement 200 civils dont la majorité étaient des Cypriotes. L’EOKA, qui ne comptait que quelques centaines de combattants, perdit soixante hommes. Elle bénéficiait d'un large soutien parmi la communauté grecque.

Le gouvernement btitannique entreprit une campagne anti-terroriste (Cyprus emergency) qui contra durement l’EOKA, en portant les forces de sécurité à quarante mille hommes. Une politique de répression fut appliquée : quadrillages, ratissages, couvre-feux, lois sévères contre les « terroristes », dont neuf furent pendus.*

                                                                                                                                         * D’après site Clio, Chypre: une histoire conflictuelle, par François Crouzet, Professeur émérite à l'université Paris IV-Sorbonne.


Pour les britanniques, les gens de l’EOKA ne furent jamais des combattants dignes de respect, mais des assssins dépourvus d’héroïsme.

Parallèlement, en 1956, les Britanniques firent arrêter Mgr Makarios et d’autres membres du clergé, considérés comme instigateurs de l’EOKA,  et les envoyèrent aux Seychelles.
Devant les protestations, ils furent libérés mais avec interdiction de rentrer à Chypre.

Pendant ce temps, les Cypriotes turcs, à l’époque un cinquième de la population (100 000 contre 40 000 Cypriotes grecs) commençaient à s’inquièter et le gouvernement turc manifestait son opposition à l’énosis, se réservant d’intervenir si Chypre était annexé à la Grèce. Certains cypriotes turcs, appuyés par le gouvernement turc, réclamaient une partition de l’île avec rattachement à la Turquie (taskim, l’équivalent turc de l’énosis), peu réaliste vu l’imbrication des populations.
En 1958, des émeutes inter-communautaires éclatèrent à Chypre, faisant de nombreuses victimes*. La Grande-Bretagne favorisait la communauté turque pour faire pièce aux Cypriotes grecs, tandis que Mgr Makarios commençait à évoluer vers l’idée d’une indépendance acceptable par tous les partis et non plus de l’énosis avec la Grèce.

                                                                                                                          * Elles auraient fait jusqu’au traité de 1959 trois fois plus de morts que les violences de l’EOKA ciblées contre les britanniques et leurs partisans.


Des négociations eurent lieu à Zurich entre les gouvernements turc et grec puis se poursuivirent à Londres avec la participation de Makarios*.

                                                                                                                    
                                                                                                                * Selon certaines sources, Makarios émettait des réclamations qui risquaient de bloquer les négociations. L’Intelligence service vint le voir et menaça de révéler à la presse ses penchants homosexuels, ce qui suffit à l’amener à plus de souplesse.

Un accord fut obtenu en février 1959. Chypre deviendrait une République dont l'indépendance et l'intégrité seraient garanties conjointement par la Grande-Bretagne, la Grèce et la Turquie. L'annexion de Chypre à un autre État, ainsi que le partage étaient prohibés.Le gouvernement cypriote et le Parlement seraient constitués sur des bases ethniques (le Président serait issu de la communauté grecque, le vice-président de la comunauté turque, les sièges de députés partagés au prorata de chaque population)
La Grande-Bretagne acceptait l’idée d’indépendance si elle était assurée de conserver des bases dans l’île.
Le 1er mars 1959,  Mgr Makarios revenait à Chypre dans l’enthousiasme général des Grecs, et il était élu président de la future République dont la date d’indépendance était fixée au 16 août 1960, une fois les derniers accords mis au point.


Compte tenu du contexte, il n’était pas question poir Chypre de devenir, même momentanément, un Realm of the Commonwealth.
Et l’indépendance avait été précédée par trop de tensions et de violences (contre les colonisateurs et entre les ethnies en présence) pour qu’un membre de la famlille royale vienne présenter les documents d’indépendance.

Toutefois, le départ des britanniques ne se fit pas sans respecter quelques traditions, dans une ambiance apaisée.

A minuit le 16 août 1960, une fanfare de trompettes et 21 coups de canon de la Royal artillery annoncèrent l’indépendance tandis que le drapeau britannique était descendu.
Il semble qu’aucun hymne ne fut joué, car la nouvelle République ne disposait pas encore d’un hymne national.

Peu avant minuit, les délégués des différentes parties en présence entraient dans le palais du gouvernement pour signer les documents constitutionnels.
Pendant ce temps, la fanfare de la Police jouait des airs devant le Palais, parmi lesquels With a little bit of luck (avec un petit peu de chance), un extrait de la comédie musicale du moment, My Fair Lady.
My Fair Lady était l’adaptation d’une pièce de Bernarsd Shaw, Pygmalion (un Pygmalion moderne, professeur de diction qui transforme une marchande de fleurs des classes populaires en lady de l’époque edwardienne).


Mais à l’intérieur du Palais, selon un témoin, un autre personnage mythologique accueillait lers signataires : c’est sous un tableau « oversized » (plus grand que nature) représentant Aphrodite sortant des eaux (c’est à Chypre comme on sait qu’Aphrodite est supposée être née de l’écume) qu’avait lieu la signature des 87 documents de l’accord d’indépendance et de la nouvelle constitution, qui prit bien plus d’une heure, chaque document devant être signé par Son Excellence le Gouverneur, Sa Béatitude l’Archevêque, Son Excellence le Dr. Kutchuk (chef des Cypriotes turcs et vice-Président désigné du nouvel Etat) et les Consuls-Généraux grec et turc, les trois puissances étrangères garantissant l’existence de l’Etat cypriote.

 

 

 

 

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Signature du Traité sur l’indépendance de Chypre le 16 août 1960 : de gauche à droite, l’archevêque Makarios, le gouverneur britannique Sir Hugh Foot, le Dr Fazil Kutchuck représentant les Cypriotes turcs. Signent aussi les représentants des gouvernements grec et turc. Malheureusement on ne voit pas le tableau plus grand que nature (« overzized ») représentant Aphrodite … [photo: Press and Information Office].

 http://www.mfa.gov.cy


 



Puis dans la journée qui suivit, le gouverneur Sir Hugh Foot donna une garden-party où les frères ennemis réconciliés pour un moment, Mgr Makarios et le Dr Kutchuck, étaient présents.
Enfin, sa mission terminée, il partit le jour même sur le navire de guerre HMS Chichester.
Le 1er régiment de Highlanders (la Black Watch) était venu lui rendre les honneurs sur le port de Famangouste. Sir Hugh Foot, toujours en uniforme de cérémonie, monta à bord avec sa famille. Tandis que le navire appareillait, les cornemuses du régiment écossais interprétaient un « lament » spécialement composé pour la circonstance et des tirs de canon saluaient son départ depuis les vieilles murailles de Famangouste.

 

 

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Avant de quitter Chypre, le dernier gouverneur, Sir Hugh Foot et Lady Foot, offrent une garden party à laquelle participent Mgr Makarios, qui semble ravi, et le Dr Kutchuk.
britains-smallwars.com
 

 

 

 

 

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Sir Hugh Foot, dernier gouverneur, sur le quai de Famangouste, s’apprêtant à embarquer à bord du HMS Chichester avec sa femme, ses enfants et son chien, le 16 aout 1960. Derrière on voit les militaires écossais de la Black Watch venus lui rendre les honneurs.
Photograph © Cyprus PIO
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 Le même jour arrivaient à Chypre les contingents de militaires grecs et turcs venus stationner dans l’île en application des accords signés.
On dit qu’un vieillard turc, centenaire, se précipita sur un militaire turc pour l’embrasser, disant que ça faisait 82 ans qu’il n’avait plus vu un uniforme turc.

Quant aux Britanniques, s’ils évacuaient les zones faisant partie de la République de Chypre, ils s’étaient réservés deux bases (Akrotiri et Dekhelia) en toute souveraineté et ils y sont encore.


En mars 1961, Chypre était admis comme membre du Commonwealth.
Mais la fracture ethnique n’allait pas tarder à s’élargir. En 1963, les cypriotes turcs refusaient de sièger au gouvernement, où des postes leur étaient réservés, pour protester contre l’attitude hégémonique des grecs.
A  la suite d’incidents, des milices grecques s’en prenaient très violemment aux zones d’habitation turque, entraînant la riposte des cypriotes turcs.
A la Noêl 1963, devant le déchainement de violence, les Britanniques intervenaient pour séparer les factions et on dit que Mgr Makarios aurait alors demandé aux Britanniques s’ils ne voudraient pas reprendre Chypre…
  

 

 

 

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Mgr Makarios, Président de la République, visiblement épanoui, se fait présenter les paras britanniques qui, peu de temps avant, traquaient les « terroristes » cypriotes grecs de l’EOKA.
britains-smallwars.com

 

 

 

 


D’autres violences eurent lieu en 1964, obligeant l’ONU à intervenir pour séparer les communautés. Dès lors les tensions furent permanentes et les Cypriotes turcs vécurent sans pariciper à l’état cypriote, entièrement aux mains des Grecs.
Ceux-ci en profitèrent, symboliquement, pour se doter d’un hymne national : ce fut l’Hymne à la Liberté, paroles de Solomos, qui était déjà l’hymne national… de la Grèce.


 

 

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 Mgr Makarios lors d'une conférence du Commonwealth en 1961.

De gauche à droite : Dr. Kwame Nkrumah (Ghana), Mr John Diefenbaker (Canada), Dr Hendrik Verwoed (Afrique du Sud), Pandit Jawaharlal Nehru (Inde), Field Marshal Mohamed Ayub Khan (Pakistan), la Reine, Sir Roy Welensky (Rhodesie et Nyasaland), Mrs Sirimavo Bandanaraike (Ceylan), Mr Harold Macmillan (Grande-Bretagne), Mr Robert Menzies (Australie), et Mgr Makarios (Chypre).

L'Afrique du Sud allait quitter le Commonwealth peu de temps après cette conférence.

friendsreunited.com

 

 

Le régime des colonels, installé en Grèce depuis 1967, cherchait à obtenir le soutien de l’opinion. Il pensa l’obtenir en  flattant le sentiment nationaliste   en réalisant l’énosis. L'ancien dirigeant  de l'EOKA, le général Grivas, revenu à Chypre, parait avoir été celui qui prépara le complot qui aboutit au coup d'état de 1974 (mais à ce moment Grivas était mort d'une crise cardiaque)..


Le coup d’état eut lieu en    1974 à l’instigation de la Garde nationale cypriote grecque.

Mgr Makarios, en danger de mort, dut s'enfuir (par un passage secret) et se réfugier dans une base britannique avant d'être transporté à Malte par avion militaire britannique; à Malte il fut chaleureusement accueili par le premier ministre Dom Mintoff, puis il continua sa route vers Londres.

Pendant ce temps, les auteurs du coup d'état  installaient à Chypre un gouvernement pro-enosis tandis que des troupes grecques débarquaient pour soutenir le coup d’état.
Mais c’était compter sans les Turcs, qui débarquèrent à leur tour des troupes.


Là encore l’ONU dut intervenir pour séparer les forces des deux pays (pourtant membres de l’OTAN tous deux) et leurs soutiens locaux, et imposer le cessez-le-feu, tandis qu’une partition de fait de l’île prenait place, sous le nom de « ligne verte » ou pour les Turcs, de ligne Attila, après qu’un nettoyage ethnique accompagné d’assasinats et de pillages ait rejeté au Sud les Cypriotes grecs et au Nord les Cypriotes turcs.
Bien loin d’avoir réalisé leur projet, les colonels grecs, discrédités, abandonnaient le pouvoir tandis que Makarios revenait à Chypre.
La communauté internationale refusait de reconnaître la zone Nord, sous protecrion turque, qui devenait République de Chypre Nord.

Aujourd ‘hui on parle toujours de réunification. La République de Chypre, la seule reconnue internationalement, semble jouir d’une économie prospère (son niveau de vie par habitant  dépasserait celui de la France), du moins avant la crise internationale. Il est vrai que la libre entreprise y est reine et certaines activités qui vaudraient peut-être la prison à leurs promoteurs dans d’autres pays, prospèrent à Chypre.
Membre de l’Union européenne (UE), Chypre est toujours membre du Commonwealth.


Quant aux bases britanniques d’Akrotiri et Dekhelia, 14 000 personnes vivent toujours sur leur territoire, dont la moitié de Cypriotes.
Des militaires britanniques sont toujours présents dans des lieux comme Episkopi ou Aghios Nikolaos.
Ces bases fournissent des subtilités pour les juristes : territoires de souveraineté de la Grande-Bretagne (elle-même pays de l’UE) enclavées dans la République de Chypre (pays de l’UE) elles n’appartiennent pourtant pas à l’UE et elles sont aussi le seul territoire britannique où l’euro a cours.

Les Britanniques, pour ne pas susciter de réclamations des Cypriotes, ont toujours limité la destination des zones de souveraineté aux activités militaires. Seuls les militaires et civils employés aux bases et leur famille, y résident. Les Cypriotes qui y résident (des exploitations agricoles sont incluses dans les zones de souveraineté) gardent la nationalité cypriote, et il n’y a pas de statut fiscal spécial ni d’administration civile à la différence de ce qui existe dans les autres territoires d’outre-mer britanniques comme Gibraltar ou les Iles Cayman, les îles Vierges etc.


 Makarios, mort en 1977, est le grand homme des Cypriotes grecs, même si son rôle n’est pas sans reproche dans l’échec de la coexistence des deux communautés à partir de 1963.


Quant aux Cypriotes turcs, leur rêve, outre d’obtenir la reconnaissance de leur état (qui n’est reconnu que par la seule Turquie) ou au moins un statut de membre d'une Fédération cypriote, semble avoir été d’entrer dans l’UE (du moins avant la crise des pays de l’UE).
En attendant, ils nourrissent une nostalgie épisodique poir la Couronne britannique, dont ils célèbrent philatéliquement les événements : ils ont ainsi émis un timbre pour le mariage du prince William et de Catherine Middleton.

 

 

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North Cyprus Stamps, Royal Wedding Prince William and Miss Catherine Middleton -
shopmania.co.uk



Dans un blog consacré aux timbres du Commonwealth, le blogueur dit que ce timbre n’est peut-être pas le plus réussi de ceux, très nombreux, qui ont été émis à l’occasion de ce mariage, mais c’est certainement un de ceux qui sont le plus « heart-felt » (qui viennent du cœur).

Chypre Nord a aussi émis un timbre pour le Diamond jubilee de la Reine en 2012, ce que n'a pas fait la République de Chypre, pourtant membre du Commonwealth.


Les Cypriotes turcs seraient-ils des orphelins, non seulement de la Turquie, mais aussi de la Couronne britannique ?

 

 





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Commentaires
Le comte Lanza vous salue bien
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