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Le comte Lanza vous salue bien
24 août 2021

VERLAINE COMMUNARD LA COMMUNE DE 1871 : REGARDS SUR QUELQUES MYTHES, 9

 

 

 

VERLAINE COMMUNARD

LA COMMUNE DE 1871 : REGARDS SUR QUELQUES MYTHES, 9

 

 

 

 

[ Nous utilisons dans ce message des photos trouvées sur internet, que nous créditons. En cas de contestation, nous les supprimerons à la première demande des ayant-droit ] 

 

 

 

 

J'ai déjà évoqué la participation de Verlaine à la Commune dans les messages de la série Verlaine et Rimbaud, les Amants du Panthéon. La présente étude est plus complète.

 

 

 

LA COMMUNE EST UNE FÊTE

 

 

 

Il existe une double lecture actuelle de la Commune – à laquelle on n’aurait pas pensé il y a quelques décennies.

 

Un spécialiste de la Commune, Jean-Louis Robert*, écrit :

 « On sait que tout un pan de la nouvelle histoire américaine s’était fondé sur une relecture de l’histoire des dominés et des dominations : histoire des femmes, des Noirs, des minorités sexuelles. Cette histoire s’associe volontiers à une lecture, déjà relativement ancienne, de la Commune comme une révolution libertaire (libertaire plus qu’anarchiste, tant il est impossible d’écrire que la Commune, gouvernement élu et ne cessant d’édicter décrets et arrêtés s’imposant, parfois durement, aux citoyens, fût anarchiste**). » (Jean-Louis Robert, Les retours de la Commune, site En attendant Nadeau, mars 2021,                                          

                                                            * Universitaire, longtemps président de l'Association des amies et amis de la Commune de Paris (1871).

                                                           ** Le distinguo anarchiste/libertaire n’est pas très clair. Il semble que le principal intérêt de cette subtilité soit de sauver l’idée - aujourd’hui dominante – du caractère libertaire de la Commune, en dépit des faits.

 

 

L'autre lecture, complémentaire de la précédente, est de considérer que la Commune fut une sorte de période de fête populaire, un moment dégagé des conventions et obligations, où tout était possible. Il n’est pas dans nos intentions de discuter cette nouvelle vision des choses qui semble plus inventée que réaliste, et où l’expérience – ou le souvenir fantasmé - de mai 68 projette son ombre.

 

Il est peu probable qu’on trouve dans la Commune de quoi alimenter « l’intersectionnalité des luttes » en ce qui concerne les minorités sexuelles.  Mais comme au moins deux homosexuels célèbres, Verlaine et Rimbaud prirent parti pour la Commune, c’est suffisant pour imaginer que la Commune était favorable à l’expression des minorités sexuelles.

Bien entendu, à l’époque de la Commune, Verlaine et Rimbaud ne s’étaient pas encore rencontrés et Verlaine n’avait pas encore manifesté son homosexualité (ou plus exactement sa bissexualité), mais certains les imaginent profitant ensemble de la période de liberté ouverte par la Commune.

 

Peut-être se les représente-t-on tels qu’ils sont figurés sur une photo très répandue, où ils apparaissent en tenue négligée, coiffés de curieux sombreros : on indique que la photo aurait  été prise à Bruxelles ou Londres  en 1872 ou 1873 – mais pourquoi pas.à l'époque de la Commune (même si les deux personnages ne se sont rencontrés qu'après !) ?

 En fait il s'agit d'un montage, comme l'établit Michael Dias, dans son message de décembre 2017 sur le site indiqué ci-dessous.

https://medium.com/@Pimpignole/la-photo-de-verlaine-et-rimbaud-qui-nen-est-pas-une-3aec2dfad061

 

 

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Photomontage représentant Verlaine et Rimbaud. On trouve cette photographie sur de nombreux sites - ici sur le site de La République des livres (article d'André Guyaux, Irrécupérable Rimbaud !, 2020, qui précise plutôt discrètement qu'il s'agit d'un montage, Irrécupérable Rimbaud ! - La République des livres (larepubliquedeslivres.com). Les visages sont ceux de photos célèbres de Carjat, prises séparément. Carjat fut mêlé à un épisode célèbre :  il faisait partie avec d'autres littérateurs ou artistes, d'un groupe, les Vilains bonshommes, qui se réunissait pour un dîner mensuel. Verlaine y avait fait inviter le jeune Rimbaud, dès son arrivée à Paris en septembre 1871; d'abord bien accueilli, Rimbaud, finit par se rendre désagréable. Lors d'un dîner en mars 1872, il insulta un des convives et Carjat décida de le jeter dehors. Rimbaud s'empara  alors d'une canne-épée et blessa légèrement Carjat. Celui-ci, dégoûté de Rimbaud, comme la plupart des relations de Verlaine, détruisit la plaque originale de la célèbre photo qu'il avait faite de Rimbaud.

Il n'existe aucune photo véritable représentant ensemble Rimbaud et Verlaine.

 

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Le photomonteur a repris les visages de Verlaine et Rimbaud sur les célèbres photos de Carjat et les a placés sur les corps de personnages d’une autre photo, qu’on a pu retrouver : il s'agit de deux braves fermiers américains, J.R. Perkins et son fils Sam, photographiés en 1901 à Lexington, Oklahoma (à l'époque Indian Territory); photo présentée sur le site Flickr de leur descendant, C. Simpson. (https://www.flickr.com/photos/simpson2011/8350661087/in/faves-79909830@N04/ reproduit par https://medium.com/@Pimpignole/la-photo-de-verlaine-et-rimbaud-qui-nen-est-pas-une-3aec2dfad061)

Ainsi s'expliquent les chapeaux des personnages et leur tenue rustique !

 

  

 

Comment Verlaine a réagi à l’époque de la Commune et la persistance dans ses opinions politiques de l’expérience de la  Commune, tels sont les sujets de cette étude et on verra que les faits sont passablement éloignés des représentations stéréotypées qui ont cours chez certains.

 

 

 

 

 

VERLAINE PATRIOTE

 

 

 Paul_Verlaine_dans_les_années_1860

 Verlaine entre 1860 et 1870. Cette photo montre bien que Verlaine jeune n'avait rien de séduisant.

Photo découverte en 2019.

Wikipédia.

 

 

Verlaine est présenté, définitivement, comme un Communard (du moins un sympathisant actif de la Commune, sinon un combattant). C’est exact, on va voir dans quelles conditions, assez loin de l’image d’Epinal qu’on peut s’en faire.

 

Il est aussi présenté comme patriote (ce qui d’ailleurs, pour beaucoup, va de pair avec le fait d’être Communard). Lorsque la guerre de 1870 éclate, Verlaine, jeune poète déjà connu pour quelques recueils de vers, est aussi jeune marié. Politiquement, Verlaine est républicain et donc opposant à l’empire de Napoléon III, mais aussi intéressé par le socialisme.

Il ne semble pas enthousiaste à l’idée d’être mobilisé dans la Garde nationale : « Depuis le début de la guerre franco-allemande, Verlaine fulmine à l'encontre des bellicistes. Un jour, il manque de se faire écharper en plein boulevard pour avoir crié un « Vive la paix » tandis que la foule scandait « À Berlin ». Mathilde [son épouse] a beau lui expliquer qu'il est nécessaire de défendre la Patrie, il objecte « on voit bien que tu n'es pas obligée d'y aller » et qu'il n'avait pas envie de se faire casser la gueule pour les autres. » (Art. Wikipédia, Mathilde Mauté, basé sur les Mémoires de la femme de Verlaine https://fr.wikipedia.org/wiki/Mathilde_Maut%C3%A9).

 Bien entendu, il s'agit de propos rapportés par la femme de Verlaine. D’ailleurs la position de Verlaine se modifie quand l’empire est remplacé par la République : un peu comme les Tarasconnais décrits par Alphonse Daudet, (La défense de Tarascon, dans les Contes du Lundi), son patriotisme se réveille lorsque le combat est pris en charge par la République (la description de Daudet est surtout ironique, décrivant un patriotisme de gesticulation plutôt que d’action – elle rejoint d’ailleurs certaines notations de Verlaine, même si la situation de Paris était très différente de Tarascon qui était très loin des combats).

 Les Parisiens, eux, allaient devoir joindre les actes aux paroles.

 Verlaine, plus tard, jugera sans aménité l’esprit de l’époque : «  tout ça, ridicule et, au fond, triste commencement patrouillotte de ce qu’on devait dénommer deux ou trois mois plus tard, « la fièvre obsidionale » [la fièvre des assiégés, provoquée par le siège de Paris par les Allemands].(Confessions, 1890, https://fr.wikisource.org/wiki/Confessions).

 

 

 

 Frédéric_Bazille_-_Paul_Verlaine

 Verlaine en 1867, par Frédéric Bazille. Ce portrait montre Verlaine de façon plus avantageuse que la photo ci-dessus.

Frédéric Bazille était un peintre prometteur qui fut tué au combat  lors de la guerre franco-allemande en 1870.

Wilipédia.

 

 

 

VERLAINE GARDE NATIONAL

 

 

 

 wp079ed4c7

 Rassemblement de gardes nationaux, non pas à Paris mais à Strasbourg, au début de la guerre de 1870. Gravure d'Emile Schweitzer

 Francs-Tireurs, Garde Nationale Mobile, Garde Nationale sédentaire, sur la Place d'Austerlitz | Numistral

 

 

Verlaine est ensuite incorporé dans la Garde nationale – mais lui-même présente cette incorporation comme un acte de volontariat.

 En effet, Verlaine était fonctionnaire à l’Hôtel de Ville de Paris*. Selon son ami Lepelletier, c’était un fonctionnaire peu zélé, aux horaires fantaisistes. « Le passage de Verlaine à l’Hôtel-de-Ville ne fut (…) guère brillant. Il n’était même pas parvenu au grade de commis quand la guerre éclata. »

 En tant que fonctionnaire, il pouvait normalement bénéficier d’une exemption ; mais à l’encontre d’une bonne partie de ses collègues, il se fit inscrire dans la Garde nationale. Son explication de ce geste d’un héroïsme mesuré (d’autant qu’il s’agissait de la Garde nationale sédentaire, surnommée les « pantouflards »**) : « Il va sans dire que moi aussi, je coupais dans tous les ponts du moment » [on dirait aujourd’hui tous les bateaux]. « Tous les deux jours, armé de mon fusil à piston (...) je montai des gardes combien inutiles ! » (Verlaine, Confessions, 1890)

                                                                * Exactement, expéditionnaire à la préfecture de la Seine, selon ce qu'il indique lui-même; depuis l'époque napoléonienne, le préfet de la Seine siège à l'Hôtel de Ville; les attributions municipales sont en fait exercées par la préfecture.

                                                                 ** En temps de guerre, la Garde nationale se décomposait en deux groupes : la garde sédentaire, affectée aux gardes ou au maintien de l’ordre intérieur, et les bataillons de marche ou de guerre, qui avaient vocation à combattre ; les hommes au-dessus d’un certain âge ou mariés étaient versés dans le premier groupe, sauf acte de volontariat.

 

 

Finalement, Verlaine semble apprécier les gardes auxquelles il participe, pour leurs à-côtés : « des habitudes de jeu de bouchon, de marchands de vin, de pipes, qu’on arrose et de propos… soldatesques », qui sont une distraction bienvenue par rapport au travail de bureau - lui-même peu prenant.

Mais après une soirée où il revient des remparts imbibé d’absinthe, a lieu la première scène avec sa femme, puis peu après la seconde avec « la première claque » administrée par Verlaine : « Qui a bu, boira et tel, n’est-ce pas, mon Dieu, qui a frappé, périra frappé, selon votre parole », écrit Verlaine à la fin de sa vie, relatant ces faits (Verlaine, Confessions)*.

                                                                                  * Mathilde Mauté situe plus tard les premières violences conjgales, mais peu importe ici.

 

De son côté, son ami Lepelletier écrit dans sa Vie de Verlaine :

 « La défense nationale donnait très soif aux soldats-citoyens. Verlaine fut promptement à la hauteur des forts buveurs du bataillon ».

 

L’enthousiasme militaire (si on peut dire) de Verlaine décroit.  Verlaine doit faire deux jours de prison pour absence injustifiée : « Le rigoureux hiver de 1870 rend cependant ses gardes pénibles, il tente alors de se faire porter pâle ». Finalement il arrive à faire croire à sa hiérarchie qu’il est muté à un autre bataillon après un changement d’adresse. « Il ne reparaîtra plus sous les drapeaux » (art. Wikipedia précité).

 

 

 

 

MOURIR POUR L’AMOUR DE LA TERRE NATALE

 

 

 

Plus tard, dans une nouvelle parue en 1887, Pierre Duchatelet, Verlaine décrit un fonctionnaire qui en 1870 s’engage par patriotisme dans la Garde nationale (alors qu'il aurait pu être exempté), puis s'engage dans les compagnies de combat (alors qu’il aurait pu rester dans la Garde sédentaire) : le résultat de son acte patriotique est catastrophique :  sa femme le quitte, il part à la dérive. Il sert ensuite par habitude dans la Garde nationale de la Commune, ce qui l’oblige après la fin de la Commune à fuir en Angleterre,  où il meurt alcoolique à l’hôpital.

 Mais la nouvelle n’est qu’en partie autobiographique, car si Verlaine fit acte de volontariat au début (dans la Garde sédentaire), il fit ensuite tout ce qu’il pouvait pour être débarrassé de ses obligations de garde national.

 

Sans commentaire (il en faudrait sans doute) voici comment Verlaine décrit les sentiments patriotiques de son personnage Pierre Duchatelet  lorsqu’il va prendre part aux combats après s’être porté volontaire :

« C’était surtout cette attente de la mort pour la France, un doux espoir comme la France, comme le nom de France, doux comme la chère langue française, doux comme les souvenirs d’enfance et de jeunesse, qui lui faisait battre son cœur fortement, mâlement, délicieusement.

 Ah ! oui, mourir pour tout ça, rendre tout ça, en sang, à la Terre qui vous berça, qui vous nourrit, qui vous gâta, vous, vos parents, vos amis, vos fils, et bercera vos arrière-neveux, ah ! c’est bon, c’est bon, c’est bon !

 Et puis, que c’est beau, aussi !…»

 

Notons ici que beaucoup de gens font une confusion : on croit que parce que Verlaine a été garde national, il a été un combattant de la Commune de 1871, comme si garde national et Communard étaient synonymes. Or Verlaine a été garde national à l’époque du siège de Paris par les Prussiens, à l’époque du gouvernement de la Défense nationale du général Trochu, donc avant la Commune. Il n’a pas servi dans la Garde nationale de la Commune*.

 

                                                                                                                   * Pourtant le service dans la Garde nationale était obligatoire sous la Commune pour les hommes de son âge, même mariés. Verlaine devait probablement bénéficier d'une exemption à titre de fonctionnaire, comme il aurait déjà pu y prétendre lors de son service dans la Garde nationale en 1870.

 

 

 

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 Un garde national sédentaire, gravure de la série Souvenirs du siège de Paris. Il s'agit d'un homme qui affiche ses opinions politiques : le foulard rouge, la ceinture rouge, ne font sans doute pas partie de l'uniforme (disparate) des gardes nationaux; même son fanion est rouge, surmonté d'un petit bonnet phrygien. La légende lui fait dire :  « Ni paix ni armistice tant qu’on n’aura pas cogné à fond ». Il est donc partisan de la guerre à outrance. Mais dans ce cas pourquoi fait-il partie de la garde nationale sédentaire, la moins exposée - il pourrait s'engager dans les compagnies de marche ou de combat ? On devine que le dessinateur a voulu se moquer d'une tendance politique qui lui déplaisait, les républicains révolutionnaires bellicistes.

 Reproduction extraite du blog L'Histoire est mon comptoir,  LA GARDE NATIONALE DE LA SEINE, Les deux sièges - 1870-1871 (dossier très riche en documents et renseignements).

L'Histoire est mon comptoir!: LA GARDE NATIONALE A PARIS 1870 1871. (jenevoispaslerapoport.blogspot.com)

 

 

 

 

VERLAINE COMMUNARD : ENTHOUSIASME DU DÉBUT

 

 

 

 

Comment Verlaine réagit-il à l’insurrection du 18 mars 1871 et aux événements qui ont suivi ?

 

Verlaine raconte qu’il fut « emballé » par le ton des premières proclamations (émanant du Comité central de la Garde nationale) : « On y lisait des choses véritablement raisonnables à côté d’insanités presque réjouissantes. » «  … c’était franc, nullement logomachique ». Pourtant on ne sait pas trop ce qui l’emballait dans le programme du Comité central.

 Peut-être justement le manque de précision du programme qui était avant tout une « revanche sur la veulerie des gens du Quatre-Septembre » (le gouvernement de la Défense nationale).

 

 L’explication de Verlaine est loin d’être claire : « j’avais, dès l’abord, aimé, compris, croyais-je, en tout cas bien sympathisé avec cette révolution (…)  pacifique » qu’il juge conforme à l’adage « Si vis pacem para bellum » (si tu veux la paix, prépare la guerre), qui « avait tout bonnement posé, d’aplomb et net et bien, la question politique intérieure et indiqué d’un trait parfait le futur problème social à résoudre illico, fût-ce par les armes ». Que veut-il dire ? Pour finir « j’approuvai, du fond de mes lectures révolutionnaires plutôt hébertistes et proudhonniennes ».

 Il ne dit pas s’il adhérait à la revendication des « libertés ou franchises communales », pourtant centrale dans le mouvement du 18 mars qui débouche sur la Commune. Probablement, comme tout le monde. Sa conception du mouvement ne semble proche ni des internationalistes, ni des fédéralistes, probablement plus des Blanquistes, nostalgiques de la « Grande révolution » de 93-94.

 

 C’est l’atmosphère révolutionnaire que semble apprécier Verlaine, en rupture avec les veuleries des gouvernants précédents. On peut être étonné de la double référence aux Hébertistes (extrémistes de la Révolution française dont les héritiers sont les Blanquistes) et aux Proudhoniens, deux tendances qui seront assez opposés durant la Commune ; ce n’est pas l’indice d’une grande cohérence politique. Verlaine semble au diapason de ses anciens collègues de la Garde nationale; ce qui s’impose c’est un dégagisme par rapport aux hommes anciennement au pouvoir et l’adhésion à des formules simples où chacun met ce qui lui plait.

 

De plus il comptait des amis parmi les nouveaux dirigeants, Raoul Rigault, son ancien camarade de pension, Jules Andrieu, son collègue (d’un rang plus élevé toutefois) à l’Hôtel de Ville, Léo Melliet et d’autres.  Mais étaient-ils des amis proches ? On a parfois insisté sur le milieu pro-Communard auquel appartenait Verlaine. Mais dans ses Confessions, il écrit que ses amitiés ne primaient pas dans ses motifs d’adhésion à la Commune.

 

Verlaine connaissait également Louise Michel, mais ne la mentionne pas dans ses relations pro-Commune :  paradoxalement Louise Michel  était d’abord une connaissance du beau-père de Verlaine, M. Mauté de Fleurville, qui n’était certainement pas pro-Communard, et c’est à ce titre qu’elle était présente au mariage de Verlaine. Puis, c’est l’épouse de Verlaine, Mathilde, qui a des relations de sympathie avec Louise Michel, sans doute plus que Verlaine lui-même.

 Enfin, selon ce que Verlaine  rapporte dans ses Confessions, il n’avait pas envie de quitter Paris, où il avait son travail justement à l’Hôtel de Ville (siège du nouveau pouvoir), ni son « joli appartement sur le quai, avec un balcon », contigu à celui d'un ex-haut fonctionnaire de l'Empire. Or M. Thiers avait ordonné à tous les fonctionnaires de quitter Paris (mais cet ordre concernait en priorité les hauts fonctionnaires).

 

 

 

CE QUE VERLAINE FAISAIT PENDANT LA COMMUNE

 

 

Nous avons la chance que son ami et biographe, Edmond Lepelletier*, ait été un participant de la Commune (il a d’ailleurs écrit une Histoire de la Commune). On peut donc penser que dans sa biographie de Verlaine, parue en 1907, il parlait en toute connaissance de cause.

 

                                                                      * Edmond Lepelletier de Bouhélier, journaliste, fut désigné pendant la Commune comme délégué au Conseil d’Etat et à la Cour des Comptes (comme ces organismes ne se réunissaient plus, en fait son rôle consistait au gardiennage des locaux avec quelques subordonnés). Il fut aussi gérant et collaborateur du Tribun du Peuple de Lissagaray qui parut durant huit jours (Dict. Maitron), Arrêté après la fin de la Commune, et détenu assez longuement, il fut finalement condamné à un mois de prison. Par la suite, l’ancien Communard Alphonse Humbert, rapatrié de Nouvelle-Calédonie, devint son beau-frère (il était déjà fiancé avec la soeur de Lepelletier au moment de la Commne). Franc-maçon important, Lepelletier s’opposa ensuite au Boulangisme, avant d’évoluer vers le nationalisme antisémite au moment de l’affaire Dreyfus. Elu député nationaliste, lui et son beau-frère Humbert (également député, mais de tendance radicale) furent exclus vers 1900 de leur loge maçonnique en raison de leur antisémitisme. Auteur de plusieurs livres dont une Histoire de la Commune de 1871, 3 vol. 1911-1913. Son fils fut le poète Saint-Georges Bouhélier, sa fille épousa le député socialiste Viviani (président du conseil lors de la déclaration de guerre de 1914).

 

 

« Sous la Commune, [Verlaine ] fut un figurant muet et inactif dans le drame formidable, et son rond de cuir à l’Hôtel de Ville, sur lequel il demeura paisiblement campé, ne saurait être comparé à une barricade » ( Lepelletier, Vie de Verlaine)

Avant les événements de la Commune, Verlaine était chargé à l’Hôtel de Ville de Paris (à la fois mairie et préfecture) de mandater les dépenses (traitement des prêtres sous le régime du Concordat ou paiement des entreprises exécutant des travaux publics). Pendant la Commune, il reçut de nouvelles attributions (de plus, le traitement des prêtres avait été supprimé) : « Mes occupations consistaient à parcourir les journaux et à en signaler les articles favorables ou hostiles à la Commune. J’étais aidé dans ce travail peu dur, par un homme d’une cinquantaine d’années, que j’ai eu depuis des raisons de croire avoir été un mouchard déguisé en communard trop fanatique ». Ces extraits étaient accompagnés de « vigoureux commentaires de ma façon », dit Verlaine, et il les portait tous les jours  à quatre heures au cabinet du membre de la Commune compétent.

  

Cet emploi, qualifié parfois de chef du service de presse, est décrit par Verlaine comme une sinécure. Il affirme qu’il y avait bien un titulaire, chef du bureau de la presse, « plus tard fortement condamné par les conseils de guerre » (ce point n’a pas vraiment été éclairci car un certain « Merlaine » fut condamné par contumace – voir plus loin).

 

Selon Mathilde, la femme de Verlaine, c’était un emploi inoffensif. Pourtant il est difficile de ne pas voir qu’il s’agissait d’un travail de censure : les journaux publiant des articles défavorables à la Commune étaient suspendus ou supprimés.

 

Il arrive qu’ on insiste sur l’importance de ses fonctions : voir par exemple l’article déjà ancien de Françoise Han, de ton très militant, paru dans la Revue Europe en 1974 , pour qui Verlaine a bien tenu le poste de chef du bureau de presse (au passage elle minimise de façon outrancière la censure exercée par la Commune sur les journaux d’opposition, forcément qualifiés de Versaillais) - exagère l’engagement qu’il y avait à rester à son poste (pour un employé tout-à-fait subalterne), mais n’explique pas pourquoi Verlaine lui-même aurait minimisé son rôle par la suite, omet bien entendu son attitude durant la Semaine  sanglante dont on va parler, etc http://www.lechasseurabstrait.com/revue/IMG/pdf/anthologie_site-2.pdf

 

Verlaine était-il d’ailleurs plus assidu à son poste que dans les années précédentes ?

Physiquement, Verlaine était resté dans son bureau d’autrefois. Il qualifiera plus tard son rôle pendant la Commune d’« assez sot ».

 

 

 

 

VERLAINE A SAUVÉ NOTRE-DAME DE PARIS !

 

 

 

 

Une anecdote rapportée par Edmond de Goncourt (qui tient seul le Journal depuis la mort de son frère Jules en 1870) peu connue, évoque le rôle de Verlaine pendant la Commune : Goncourt se rend avec un ami dans les bureaux de l'Hôtel de Ville, pour obtenir un laisser-passer pour quelqu'un qui veut sortir de Paris.

Sans doute pense-t-il que Verlaine, chef du bureau de presse (ou faisant fonction) – pourrait l’aider – il n’indique d’ailleurs pas s’il arrive à voir Verlaine (personne ne semble savoir qui il est et où est son bureau). La description de l'ambiance des bureaux de la Commune est très négative*.

                                                                                           * « Sur tous les escaliers battent, entr’ouvertes, les portes des lieux [d’aisance, les toilettes], et cela sent très mauvais partout. (…) On dirait le campement d’une insurrection. Ce n’est pas un pouvoir, c’est un corps de garde mal balayé. »

 

Le soir, il voit Verlaine qui lui confie qu'il s'est opposé à une résolution tendant à démolir Notre-Dame de Paris (résolution émanant forcément de Communards - il devait s'agir de discussions de sous-fifres et non de quelque chose de sérieux ?). Journal des Goncourt, 1871 https://fr.wikisource.org/wiki/Journal_des_Goncourt/IV/Ann%C3%A9e_1871

 

Il est curieux que cette anecdote ne soit pas mieux connue : Verlaine a sauvé Notre-Dame ! – même si la cathédrale n’était peut-être menacée que par une délibération de quelque pochetrons. L’inconvénient de l’anecdote est qu’elle est plutôt négative pour l’image des Communards*.

                                                                     * Mathilde Mauté, la femme de Verlaine racontera de son côté que Lepelletier a sauvé Notre-Dame au moment de la Semaine sanglante en empêchant qu'on y mette le feu !

 

 

s-l1600

 Arrestation d'un réfractaire au service dans la Garde nationale sous la Commune.

Gravue certainement postérieure à la Commune.

Vente E-bay.

 

 

 

Dans ses souvenirs, Verlaine remarque que les choses « s’étaient gâtées » depuis la belle révolution populaire du 18 mars et qu’on avait vu apparaître, «  En face du gouvernement absolu de Versailles », une « impossible Commune de Paris, bavarde, brouillonne, doctrinaire en outre », «  reconstitution, historique jusqu’au plagiat » (il veut probablement dire qu’il s’agit d’un plagiat de la Commune de 1793). Mais il continuait à suivre le mouvement, séduit par le mot Commune, « magique pour mon esprit tout imbu d’hébertisme pittoresque *».

                                                                   * Hébert fut l’un des personnages importants de la Commune de Paris en 1793-94. Opposant ultra-révolutionnaire à Robespierre et aux Jacobins, lui et ses partisans furent guillotinés après avoir été dénoncés par Robespierre comme provoquant à la contre-révolution par leurs positions extrémistes.

 

Il reste aussi solidaire des militants de base de la Garde nationale « à peine dégrossie de l’atelier et du troquet » [du bistrot], Ils sont à la fois sympathiques et un peu idiots : « Et quelle emphase, du reste gentille au fond, dans le langage de ces braves gens imbus de leurs bêtes et méchants journaux mal digérés en eux ! »

A fur et à mesure que le temps avance, l’inquiétude prend le dessus et Verlaine ne semble pas tellement conquis par ce qu’on présente comme la démocratie (plus ou moins directe) de la Commune : un soir de la fin mai, il assiste à une réunion publique dans une église (les fameux clubs), qualifiée par lui de « spectacle d’affreux cabotinage » (est-ce son sentiment de l'époque, ou bien sa façon de considérer les choses 20 ans après, quand il écrit ses Confessions ?).

 

Le lendemain (selon son récit), il apprend l’entrée des Versaillais dans Paris.

 

 

 

 

VERLAINE PENDANT LA SEMAINE SANGLANTE

 

 

 

Comment Verlaine append-il m’entrée des Versaillais dans Paris ? De la façon la plus bourgeoise, par la bonne :

«  Puis je sonnai la bonne pour le chocolat habituel du matin. La falote créature, une linotte, comme je disais en la comparant avec l’oie qu’était une autre servante de chez mes beaux-parents*, avant même d’avoir déposé les deux tasses et les deux croissants sur chacune de nos tables de nuit (…) s’écria en mots entrecoupés : « Ils sont entrés, madame, ils sont à la Porte-Maillot ! »

                                                                            * On peut penser que la bonne est en fait employée par les beaux-parents de Verlaine, qui la « prêtent » au ménage de celui-ci ?

 

« Des fuites de gens dans la rue, le rappel battant de toutes parts, Notre-Dame sonnant une générale précipitée eurent bientôt corroboré cette brusque nouvelle. »*

                                                                             * Dans ses mémoires, Mathilde Mauté ne mentionne pas l’histoire de la bonne annonçant l’entrée des Versaillais dans Paris.

 

 

Selon les mémoires de Mathilde Mauté (résumés dans l’art. Wikipedia précité) :

« En mai 1871, les troupes de Versailles sont à Paris et sont parvenues à l'Arc de Triomphe, d'où elles bombardent le Quartier des Batignolles où réside la mère de Paul Verlaine. Verlaine passe alors la nuit à pleurer et à se lamenter sur le sort de sa pauvre mère. À cinq heures du matin, Mathilde lui propose de partir ensemble en voiture pour aller la chercher. « Il objecta que s'il sortait, il s'exposait à être pris par les fédérés [les gardes nationaux de la Commune] et forcé à faire le coup de feu sur les barricades ».  Mathilde sort donc seule et est aux prises avec beaucoup de difficultés, dans une ville livrée aux combats de la Semaine sanglante, pour rejoindre le domicile de la mère de Verlaine.

 

C’est une version différente que Verlaine donne dans ses Confessions :

Selon lui, c’est sa femme qui insiste pour aller chez ses propres parents voir si tout va bien. Verlaine note « mes beaux-parents, toujours, avec un instinct à l’envers du danger à éviter, avaient réintégré leur domicile de la rue Nicolet ».

 

Finalement, tout ça fait l’affaire de Verlaine : « Je restai à la maison, ayant peut-être des intentions sur la bonne qui était mignonne et qui commençait à avoir si peur, qu’elle semblait ne demander, dès qu’elle se vit seule avec moi, pas mieux que d’être rassurée… »

Verlaine prétend qu’il essaie quand même de rejoindre sa femme mais doit rentrer chez lui, empêché de passer par un escogriffe dans la rue, « mi-sous-off mi-souteneur dans le civil », en tain de surveiller la construction d’une barricade, qui le menace d’un revolver, malgré la carte de circulation de la Commune que lui présente Verlaine.

 

Verlaine ne va pas avoir l’occasion de rassurer la bonne à sa manière car deux de ses amis, selon lui habillés en gardes nationaux de la Commune, se présentent ensuite :

«  …je me trouvai en face de mon ami Edmond Lepelletier, le publiciste bien connu et Émile Richard, mort, longtemps après, président du conseil municipal de Paris, — noirs de poussière et de poudre, qui sortaient d’une barricade toute voisine et me demandaient asile.*» 

« Défaite complète, me dirent-ils. Dans quelques heures les Versaillais occuperont le quartier… »

                                                                                          * Au passage notons que ses deux amis Communards deviendront, l'un (Richard), président radical-socialiste du conseil municipal en 1890, l'autre (Lepelletir), après une carrière bien remplie de journaliste et hommes de lettres, député… nationaliste.

 

 

Verlaine aide ses amis à brûler les éléments de leurs tenues qui pourraient les trahir, les boutons d’uniforme sont jetés aux latrines.

« Nous mangeons de grand appétit, eux surtout, servis par la bonne remontée sur mes pas, que nous plaisantâmes sur ses craintes et qui parut plus tranquille désormais. Moi, cette soudaine visite d’amis chers mais présents me contrariait un peu, étant donné les vues [sur la bonne] dont j’ai parlé plus haut, — mais l’hospitalité, dans des circonstances pareilles, primait tout, n’est-ce pas ? »

 

On appréciera l’héroïsme du récit ! Edmond Lepelletier donne une version un peu différente des faits sur divers points *. Il affirme notamment que Verlaine n’a pas du tout essayé de rejoindre sa femme (« il n’était pas sorti, comme il l’a dit. Il avait passé la journée de la veille, dans un cabinet de toilette sans fenêtres, affolé par la canonnade. Dans ce réduit obscur, il cherchait cependant à attirer la petite bonne, pour la rassurer, disait-il… »).

                                                                                                   * « Nous n’étions ni noirs de poudre, ni équipés en gardes nationaux, comme l’a narré Verlaine » et ils ne venaient pas d’une barricade. Toutefois, Emile Richard portait une tenue de médecin militaire de la Garde nationale qu’il fallut effectivement remplacer par quelque chose de plus civil. Lepelletier indique que Mme Verlaine était sortie pour rejoindre ses propres parents, mais il rapporte ce que lui a dit Verlaine, qui pouvait hésiter à avouer qu’il avait envoyé sa femme prendre à sa place des nouvelles de Mme Verlaine mère.

 

 

Lepelletier insiste sur la frousse de Verlaine : « Le pauvre Paul était si effaré qu’après un repas expédié à la diable, omelette, charcuterie et salade, il ne voulut jamais consentir à monter sur le balcon pour contempler la magnificence hideuse du spectacle » (les explosions, les incendies). A un moment, Verlaine, effrayé par une explosion proche, dit qu’il a peur que le Panthéon tombe dans son assiette.

 

Dans ses Mémoires, Mathilde Mauté indique que Verlaine était persuadé que les Communards avaient entreposé des explosifs dans le Panthéon, très proche de son immeuble, et qu'ils les feraient sauter à l'arrivée des Versaillais (ou que les obus tirés par ceux-ci provoqueraient une explosion d’ampleur). Il avait peur d'être enseveli dans l'explosion - par précaution, il avait disposé des matelas dans le fameux cabinet sans fenêtre, sorte de panic room .* Mathilde écrit : «  …ce que Lepelletier dépeint à merveille, c’est la frousse intense que Verlaine ne cessa d’avoir à cette époque troublée ».

                                                                                  * C’est peut-être l’origine, très déformée, de la phrase qu’on lit parfois, que pendant la Commune, Verlaine aurait "voulu" qu’on abatte le Panthéon ? (à quel titre et pourquoi, d'ailleurs ?)  - la réalité comme souvent est bien loin des récits où on imagine presque Verlaine combattant sur les barricades !   

 

 

De sa fenêtre, Verlaine voit le déploiement dans la rue, des Vengeurs de Flourens : «  Vers dix, onze heures, nous perçûmes distinctement la fusillade qui s’approchait.  (…) Et du balcon nous assistâmes au déploiement en bon ordre du bataillon des vengeurs de Flourens (…) gamins dans les quinze, seize ans, vêtus en chasseurs à pied de la garde impériale, costume noir et vert, culottes de zouaves, large ceinture blanche, et l’air crâne, trop crâne, mais qui se firent tuer jusqu’aux derniers, le lendemain, à la barricade du pont d’Austerlitz par des marins par trop furieux vraiment… »

 

Arrive au petit matin la mère de Verlaine, qui « avait passé la nuit entière à franchir des barricades assiégées » et qui avait assisté « rue de Poissy, à un massacre d’« insurgés, hommes, femmes, enfants » (Verlaine, Confessions), puis peu après, c’est l’épouse de Verlaine qui est de retour saine et sauve.

 

Le récit de Mathilde Mauté est sensiblement différent puisque selon elle, elle a cherché à rejoindre la mère de Verlaine, pour laquelle ce dernier s’inquiétait, alors que pour Verlaine, elle cherchait à rejoindre ses propres parents. Mathilde indique n'avoir pas réussi à aller jusque chez la mère de Verlaine en raison des combats; elle se réfugie successivement chez son père puis chez son demi-frère Charles de Sivry*, et elle ne peut rentrer chez elle que deux jours après en être partie (https://fr.wikipedia.org/wiki/Mathilde_Maut%C3%A9).

 

                                                                                              * Charles de Sivry, compositeur et chef d’orchestre, ami notamment d’Edmond Lepelletier. « Resté à Paris durant la Commune, employé d’état-civil à l'Hôtel-de-Ville [sur recommandation de Verlaine], il est arrêté par les Versaillais et enfermé durant l'été au camp de Satory : durant son séjour, un garde national cherchait un professeur de piano pour son fils de neuf ans ; Sivry lui conseilla sa propre mère, Antoinette, qui donna ainsi des leçons de piano au jeune Claude Debussy » (Wikipedia art. Charles de Sivry). Parmi les compositions de Sivry (surtout compositeur de musique légère), une cantate pour une fête maçonnique.

 

 Les incendies allumés à proximité de l'immeuble de Verlaine ne font pas perdre  à Lepelletier son sens de l'humour : à Mathide, quand celle-ci est rentrée, il demande  de faire servir le café  sur le balcon,  « au coin du feu ».

Lepelletier et Richard prennent congé de la famille de Verlaine réunie, espérant passer entre les lignes car Lepelletier a reconnu parmi les soldats de l’armée régulière qui occupent maintenant le quartier, des hommes d’un régiment (le 110ème de ligne) dans lequel il a servi : il suffira de se faire passer pour des civils qui ont été bloqués par les combats. De façon amusante, certains des soldats sont Corses :

« Deux minutes après, je serrai la main de l’excellent Broca* (aujourd’hui retraité commandant, à Ajaccio, sa ville natale), que je félicitai sur son avancement. Je fus bien vite reconnu, entouré de camarades, sous-officiers, caporaux, soldats. Un marchand de vins avait entrebâillé sa boutique, sur le quai. J’offris un rafraîchissement.

— Il nous est défendu d’accepter à boire des Parisiens, dit le sergent Peretti, mais de toi, qui es de la compagnie, c’est permis !

On trinqua assez gaîment, inutile de dire que c’était au succès des troupes versaillaises.»

                                                                                                                                                              * Broca ou Rocca, qui sonne plus corse ?

 

Aucune animosité rétrospective chez Lepelletier contre les soldats versaillais – dont il note qu’exaspérés par la résistance des Communards, ils étaient prêts à fusiller les passants au moindre soupçon.

 

 

505px-Mathilde_Mauté_(1853-1914)

Mathilde, l'épouse de Verlaine, née Mauté de Fleurville (la particule ne figurait pas à l'état-civil).

Wikipédia.

 

 

 

 

 VERLAINE SE MET AU VERT APRES LA COMMUNE

 

 

 

 

C’est alors la répression contre les Communards. Verlaine, s’estimant compromis par son activité à l’Hôtel-de-Ville, prend peur et cesse d’aller à son bureau. Il vient loger avec sa femme chez ses beaux-parents (la bonne a-t-elle suivi ?), M. et Madame Mauté de Fleurville*.

                                                                                                      * Mathilde, la femme de Verlaine, écrit dans ses mémoires que c’est pour compenser la perte de sa rémunération de fonctionnaire que le beau-père de Verlaine invita le couple à loger dans sa maison : « Mon mari fut enchanté de cette combinaison qui le laissait libre et nous faisait plus riches qu’avant ». L’emménagement définitif a eu lieu en septembre 1871.

 

 

Edmond Lepelletier écrit que Verlaine « n’avait nullement participé à l’insurrection ; il était seulement coupable d’être resté à l’Hôtel de Ville, au lieu d’avoir rejoint M. Thiers à Versailles. Il ne fut l’objet d’aucune recherche, d’aucune poursuite. À cette époque de répression impitoyable et de suspicion générale, on était très facilement dénoncé et arrêté. La non-réintégration de Verlaine à son bureau, quand l’ordre fut rétabli, cette disparition d’un employé qui n’était ni révoqué, ni poursuivi, pouvait constituer un chef d’accusation, être envisagée comme un aveu de culpabilité. Il n’en fut rien. »

 

Selon Lepelletier, être resté à son poste sous la Commune aurait valu au pire à Verlaine une admonestation ou une mauvaise note à son dossier, une fois l’« ordre » rétabli.

 «  Mais il s’alarma. Au fond du cœur, il n’était peut-être pas très fâché de cette occasion de lâcher l’administration, et de recouvrer sa liberté. (…).

Il ne se cacha point. Ce qui prouve que sa terreur politique était exagérée. Il vécut rue Nicolet, chez ses beaux-parents, en famille. Ce fut un désastre. »

 

Lepelletier déclare que jamais Verlaine n’eut le titre de chef du bureau de presse de la Commune. Il ajoute que la police savait où le trouver si elle l’avait voulu, mais « On dédaignait de poursuivre cet employé subalterne, classé comme inoffensif. » Mais Verlaine « « était d’un tempérament nerveux, facilement impressionnable. Il crut se livrer en se présentant à son sous-chef. Il se voyait déjà en Calédonie. Il fut donc démissionnaire de fait. Il disparut de l’administration préfectorale, sans avoir été révoqué par ses chefs, ni inquiété par la police ».  « Il prit donc l’alarme un peu facilement. Peut-être, au fond, était-il désireux de profiter de la circonstance. Un peu las de la servitude, pourtant douce, du bureau, aspirant après l’indépendance, (…) il ne fut sans doute guère fâché du prétexte politique, qui lui permettait de ne plus retourner à l’Hôtel de Ville. »

 

Mais selon la notice Verlaine du Dictionnaire Maitron « le 31 août 1872, le 4e conseil de guerre jugeait par contumace un nommé Merlaine, chef de bureau de la Presse, à l’Hôtel de Ville, dont on ignorait l’état civil, le domicile (…), pour usurpation de fonctions à la déportation dans une enceinte fortifiée ; il devait être amnistié le 20 avril 1879, toujours par contumace. Il est difficile de ne pas penser que Merlaine et Verlaine ne font qu’un *».

 

                                                                                           * La notice semble ignorer le rapport de police qu’on mentionne ci-dessous.

 

 

 

 

UN RAPPORT DE POLICE

 

 

 

Un rapport de police de juillet 1871 adressé au préfet de police, le général Valentin, présente ainsi « Verleine » [sic], poète, « très ambitieux, très lâche », a beaucoup aidé la Commune à l’Hôtel-de-Ville,  membre de l’Internationale [personne n’a jamais repris cette pseudo-information !] ; il aurait commis des malversations à l’Hôtel-de-Ville et aurait poussé à l’incendie [on se souvient que l’Hôtel-de-Ville a été incendié pendant la Semaine sanglante] pour couvrir ses malversations ; « personnage sans valeur » mais « dangereux par la fausseté de son caractère et la bassesse de ses sentiments ». Verlaine est bien habillé pour l’hiver ! Le rapport dénonce aussi l’attitude pro-communarde de l’épouse de Verlaine ( ?), de sa belle-mère*, ainsi que son beau-frère, Sivry. Le rapport indique que « Verleine » « se cache » actuellement en province (le lieu est indiqué avec une erreur d’orthographe) ; il est probable que la police aurait eu les moyens de l’arrêter Verlaine si elle l’avait voulu, soit à ce moment, soit plus tard : il suffisait de se rendre rue Nicolet chez sa belle-famille.

                                                                                           * Selon Mathilde, au contraire Mme Mauté de Fleurville aurait conseillé à Verlaine de suivre le gouvernement à Versailles. Le rapport indique que Mme Mauté mère a des idées de gauche malgré les 15 000 livres de rente de son mari et qu'elle habite un hôtel particulier. 

 

Remarquons pour ceux qui se fieraient à ce rapport pour estimer que l’engagement de Verlaine envers la Commune a été plus important que ce que celui-ci a voulu reconnaitre, que le rapport crédite aussi d’activités importantes Charles de Sivry, dont on sait qu’il était pourtant un très modeste employé (d’ailleurs Sivry est cité avant « Verleine » dans le rapport, consacré à l’ensemble de la famille).

 (Le rapport est reproduit en annexe de l'édition de 1992 des Mémoires de Mathilde Mauté)

Quoi qu’il en soit, en juin 1871, Verlaine quitta prudemment Paris avec sa femme pour un séjour d’environ trois mois dans le Pas-de-Calais, chez des parents. A la même époque, son beau-frère Charles de Sivry est arrêté (à la suite d’une dénonciation) pour sa participation (modeste) à l’administration de la Commune, puis relâché quelque mois après « avec un non-lieu et des excuses » selon les mémoires de Mathilde Mauté.

Après trois mois Verlaine et sa femme reviennent à Paris.

 

Dans ses mémoires, Mathilde écrit que Verlaine ne se cachait pas allait et venait librement dans Paris, mais s’abstenait de démarches qui auraient pu le compromettre comme aller voir son beau-frère, détenu à Versailles, lorsque Mathilde et sa mère s’y rendaient, ou assister aux obsèques de la mère de Lepelletier.

Pourtant, il avait l'idée de faire paraître un recueil de poèmes sous le titre Les Vaincus (une idée déjà antérieure à la Commune, semble-t-il); il explique  à son éditeur Lemerre, dans une lettre de juillet 1871, qu'il ne compte aborder la situation politique que de façon très discrète et même « aérienne », car la colère a fait place à la tristesse. Lemerre lui répond ironiquement : Si vous laissiez tomber la jalousie et la politique, vous seriez un garçon parfait, et le projet est enterré.

 

Installé chez ses beaux-parents, Verlaine n’avait plus les soucis du travail administratif ; il répondit avec enthousiasme de venir à Paris à un jeune poète de Charleville (Ardennes) qui venait de lui écrire, lui payant même le voyage :  c’était Arthur Rimbaud qui débarqua à Paris en septembre 1871. Verlaine profita de ce que son beau-père M. Mauté de Fleurville était parti à la chasse pour plusieurs semaines, pour proposer à Rimbaud de loger chez lui, ou plutôt chez ses beaux-parents.

 

 

 

 

VERLAINE ET LES COMMUNARDS EN EXIL

 

 

 

 

Verlaine s’affiche alors avec Rimbaud de telle façon que leur entourage commence à jaser. De plus, Rimbaud se rend insupportable auprès de la plupart des amis de Verlaine. Leur liaison précipite la désagrégation du mariage de Verlaine, qui en compagnie de Rimbaud, quitte la France pour la Belgique, puis l’Angleterre, avant de revenir en Belgique.

 

Aussi bien à Londres qu’en Belgique, le couple formé par Rimbaud et Verlaine déplait dans le milieu des Communards exilés (cf. Jean-Baptiste Baronian, Rimbaud avec les Communardshttp://www.bon-a-tirer.com/volume114/jbb.html#_ednref4  et le site Rimbaud le poète http://abardel.free.fr/biographie/00_rimbaud_biographie.htm:

 

Les Communards n’étaient probablement pas progressistes dans tous les domaines !

 

Félix Régamey (moins un Communard qu’un sympathisant des Communards), déjà installé en Angleterre, décrit à son frère (octobre 1872) l’arrivée de Verlaine et Rimbaud :

« Maintenant, devine qui j'ai sur le dos depuis trois jours. Verlaine et Rimbaud - arrivant de Bruxelles - Verlaine beau à sa manière. Rimbaud, hideux. L'un et l'autre sans linge d'ailleurs. Ils se sont décidés pour le Gin sans hésitation - moi il est entendu que j’ai horreur de la boisson… Différant sur ce point et sur d’autres il y a gros à parier que nous ne resterons pas longtemps compagnons. »

Régamey est agacé par les pleurnicheries de Verlaine qui se pose en victime de sa femme et se donne le beau rôle.

 

C’est sur cette lettre que Régamey fait le célèbre dessin montrant Verlaine et Rimbaud déambulant à Londres (vendue en novembre 2020 par la maison Christie’s https://www.christies.com/lotfinder/books-manuscripts/rimbaud-arthur-paul-verlaine-6284574-details.aspx?from=salesummary&intObjectID=6284574&lid=1)

 

 Pourtant, écrivant à Lepelletier en octobre 1872, Verlaine prétend ne pas chercher à fréquenter les Communards exilés en Angleterre :

«  Les communards sont tous égaillés dans les faubourgs, où ils se tiennent tranquilles, sauf Oudet, Landeck et Vésinier, récemment exécutés [évidemment c’est une exécution en paroles !] dans une assemblée générale des Proscrits, et qui font un bien bon journal, la Fédération, qu’on dit soutenu par Badingue. Est-ce vrai ? Moi je m’en fous, étant bien résolu à fréquenter le moins possible ces messieurs. [les trois personnages cités, ou l’ensemble des Communards ?] Sauf Andrieu, homme très rassis et lettré, et Régamey, très gentil et très parisien, je n’ai encore vu personne de connaissance, du moins fixé ici. »

                                                                                                              * Landeck est surtout connu pour son action (jugée généralement calamiteuse) lors de la Commune de Marseille en mars-avril 1871 (la Commune de Paris l’avait envoyé à Marseille pour superviser le mouvement local - cf. sur ce blog notre longue étude sur la Commune de Marseille). Verlaine répète l’accusation de certains communards selon laquelle le journal de Landeck et Vésinier était subventionné par l’ex-empereur Napoléon III (surnommé Badinguet, Badingue), lui aussi en exil en Angleterre. Il est exact que Landeck et Vésinier étaient à couteaux tirés avec d’autres exilés, notamment Andrieu.

 

 

 

 A Londres, Verlaine et Rimbaud fréquentent surtout le journaliste Eugène Vermersch, Communard* mais aussi homme de lettres – ils occupent son logement quand Vermersch le quitte après s’être marié. Verlaine fait paraître un poème Des Morts (écrit quelques années auparavant, semble-t-il, mais complété par des allusions à la Commune)dans le journal que publie Vermersch : le poème est un hommage aux morts des insurrections républicaines de 1832 et 1834, pour Verlaine à peine 200 ou 300 jeunes gens, décrits comme des étudiants romantiques -  pour Verlaine il ne s'agit donc pas d'insurrection prolétarienne :

La République, ils la voulaient terrible et belle,
Rouge et non tricolore, et devenaient très froids
Quant à la liberté constitutionnelle
(...)

Ils savaient qu’ils allaient mourir pour leur chimère (...)

 

                                                                       * Vermersch a publié sous la Commune le journal Le Père Duchêne (avec Maxime Vuillaume et Alphonse Humbert) dont le titre faisait référence au Père Duchesne de Hébert sous la Révolution française.

 

 

 

Dans une lettre à son ami Lepelletier, Verlaine exprime sa crainte – plus ou moins fondée – de poursuites à son encontre en tant que fonctionnaire resté à sa place sous la Commune :

«  Outre les « attentions » officieuses des gens de la rue Nicolet [sa femme dont il est séparé et ses beaux parents], j’ai les preuves qu’on poursuit, de par l’autorité militaire, tout ce qu’a épargné la justice civile. Je les tiens, ces preuves, d’un employé (ancien) de mairie, qui n’a échappé que par sa fuite, ici, à un mandat d’amener contre tous ceux qui sont restés [à leur poste de fonctionnaire durant la Commune].»

 

A Londres, Verlaine et Rimbaud fréquentent Jules Andrieu, qui a été membre de la Commune et directeur de son administration, très critique sur les erreurs commises par les dirigeants communards. C‘est un esprit encyclopédique (il collabore d’ailleurs à la British Encyclopedy durant son exil).

 

Verlaine (peut-être sans Rimbaud) fréquente le Cercle d’Études Sociales, - également groupement d’entraide – mis en place par les anciens Communards Lissagaray, Andrieu, Theisz et Jules Vallès, cercle où il faut payer une cotisation que Verlaine trouve excessive ( ? voir  http://renaissance.carnot.pagesperso-orange.fr/Andrieu/Jules%20Andrieu.pdf).

 

En Angleterre, les exilés de la Commune, aigris par la défaite et les difficultés matérielles, se font mutuellement des reproches.

Verlaine note que Vermersch est traité de mouchard. On sait qu’Andrieu est l’objet d’attaques perfides et diffamatoires de Vésinier et de ses amis et quitte le Cercle d’études sociales (voir  http://renaissance.carnot.pagesperso-orange.fr/Andrieu/Jules%20Andrieu.pdf

 

 Parmi les relations de Verlaine et Rimbaud, sans doute à l’écart des Communards les plus remuants, il y a aussi le jeune Camille Barrère, journaliste et lieutenant sous la Commune ; bilingue, il est enseignant dans une école britannique, décrit en 1874 comme «  professeur de collège, à allure de gentleman » (Dict. Maitron) ; Verlaine recommande à Rimbaud de ne pas oublier de lui rendre les livres qu’il lui a empruntés !*

                                                                                               * Rallié par la suite à la république opportuniste de Gambetta, Barrère entrera dans la diplomatie; après avoir été consul général au Caire en 1883, il sera notamment ambassadeur de France à Rome, poste qu’il conservera près de 30 ans. Il sera mis à la retraite en 1924 par un gouvernement de gauche car jugé trop conservateur ! – on dit qu’il favorisa l’arrivée au pouvoir de Mussolini en 1922.

 

Verlaine assiste à des conférences données par Vermersch :

« Vermersch très élégant. Il a répudié, avec beaucoup de bon goût, le facile courage d’engueuler, ici, le bonapartisme de Gautier [Théophile Gautier, partisan du Second empire]. Toute littéraire sa conférence, très documentée, très anecdotique, et très applaudie par les très nombreux Anglais, Français, des plus distingués et des moins communards pour la plupart » (lettre à Lepelletier), 

 

On peut penser que Verlaine et Rimbaud, s’ils fréquentent quelques anciens Communards, s’’intéressent moins à la politique proprement dite qu’aux discussions littéraires et générales de leurs amis exilés.

 

 

 

 

RIMBAUD ET ANDRIEU

 

 

 

Verlaine, brouillé avec Rimbaud, quitte précipitamment Londres pour la Belgique en juillet 1873. Rimbaud, resté en Angleterre, semble alors être très mal vu par d’anciens amis de Verlaine et on sait que Jules Andrieu le met brutalement à la porte.

Selon Delahaye, l’ami ardennais de Rimbaud, Andrieu « reçut Rimbaud avec une mauvaise humeur allant jusqu’aux procédés brutaux. La rupture fut définitive. »

 Cela n’empêche pas Rimbaud, en 1874, lors d’un nouveau séjour à Londres, d’écrire à Andrieu pour lui demander une entrevue afin d’avoir des conseils pour une publication historique en livraisons périodiques que Rimbaud envisage  et qu’il appelle « l’Histoire splendide ».

On ne sait pas ce que Andrieu a répondu - s’il a répondu !

Cette lettre découverte en 2018, a donné lieu à des commentaires presque comiques du style Quand Rimbaud écrivait aux Communards : cette facette ignorée du poète. 

 

Le but de Rimbaud est tout simplement, de publier en Angleterre un ouvrage lucratif (« Je veux faire une affaire ici ») et il dresse une sorte de plan marketing avant la lettre, tout en déconsidérant à l’avance son travail (« Quoique ce soit tout à fait industriel et que les heures destinées à la confection de cet ouvrage m’apparaissent méprisables… »)

La lettre est rédigée de façon surprenante, obscure et péremptoire, d’autant que Rimbaud s’adressait à un homme qui un an auparavant l’avait jeté dehors.

 

En 1874, les relations de Rimbaud avec « d’anciens Communards » à Londres paraissent bien se limiter à la lettre à Andrieu et être sans objet politique immédiat - ajoutons qu’Andrieu lui-même, qui essaie de se faire une place dans la société britannique, parait avoir tourné la page de l’action politique, comme le remarquera Verlaine lui-même (voir plus loin)*. 

                                                                                       * Finalement et non sans difficultés, après l'amnistie des Communards, Andrieu fut nommé vice-consul à Jersey par le premier gouvernement Jules Ferry en 1881.  Avant de partir, le nouveau vice-consul doit signer une lettre au sous-secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, le comte de Choiseul-Praslin (un aristocrate rallié à la république opportuniste) dans laquelle il déclare approuver le gouvernement tel qu'il est. Il n’est pas inutile d’indiquer que le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Ferry était Barthélémy-Saint-Hilaire, qui avait été le bras droit de Thiers (il était secrétaire général du gouvernement) pendant la lutte contre la Commune.

 

 

 

 

APRÈS TOUT, JE NE SUIS PAS UN COMMUNARD  (VERLAINE)

 

 

 

 

En 1874, Verlaine se trouve en prison en Belgique, après l’épisode du coup de révolver tiré contre Rimbaud, qui lui a valu une condamnation à deux ans de prison

 

Lepelletier, lui-même ancien partisan de la Commune, comme on l’a vu, note : « Je m’étais rendu à Mons et à Bruxelles, en 1874, pour chercher à intéresser des notabilités belges au sort du malheureux poète. Ce fut en vain. Avec Lissagaray*, alors proscrit, et réfugié à Bruxelles, nous fîmes diverses visites vaines. Partout on se heurtait à une résistance courtoise, mais ferme. Il nous était impossible, étant nous-mêmes peu favorablement notés alors auprès du gouvernement français, de songer à une intervention de l’ambassadeur. »

                                                                               * Verlaine connaissait probablement Lissagaray dès avant la Commune et l’avait rencontré de nouveau à Londres.

 

 

Verlaine, toujours emprisonné, fait imprimer Les Romances sans paroles et demande à Lepelletier d’envoyer un exemplaire à des amis ou critiques influents. Dans la liste très éclectique, on note quelques participants ou sympathisants de la Commune*

                                                                                  * Camille Barrère, Eugène Vermersch (avec la mention « son ami »),Jules Andrieu, Charles de Sivry (son beau-frère), Carjat (le photographe, auteur notamment des célèbres photos de Rimbaud jeune et de Verlaine) Villiers de l’Isle-Adam, Louis Forain, Régamey.

 

Mais  aussi (et en grand nombre) des critiques ou littérateurs dont beaucoup avaient pris parti contre la Commune, ou d’autres plus difficilement classables : Charles Yriarte (que nous avons abondamment cité dans de précédents messages), Jules Clarétie, Barbey d’Aurevilly, Catulle-Mendès, Leconte de Lisle, Edmond de Goncourt, José-Maria de Heredia, Anatole France, Théodore de Banville (avec la mention «  à mon cher Maître »),  Émile Blémont, Stéphane Mallarmé, Mérat, Aicard, ,François Coppée, etc, etc.

 

Victor Hugo et ses fidèles, Paul Meurice et Auguste Vacquerie (dont le journal Le Rappel fut durant la Commune, partisan de la conciliation mais plutôt favorable à la Commune, au point de valoir des ennuis aux directeurs et journalistes), figurent aussi dans la liste.

 

Lepelletier note : « Je fis les envois, et, sauf de la part de deux ou trois destinataires (…), je ne reçus aucune réponse à transmettre au poète détenu. L’humanité a un vieux fonds de lâcheté superposé à son insondable bêtise ».  Aucune critique ne rendit compte de la parution du recueil de poèmes, « Verlaine était pour tous mort et enterré. La résurrection ne devait survenir que plus tard. »

 

Verlaine semble avoir oublié son engagement pour la Commune. Curieusement, il espère pouvoir retrouver sa place de fonctionnaire à l’Hôtel-de-Ville :

« … je ne désespère pas trop de rentrer à l’Hôtel de Ville ? Après tout, je ne suis ni un déserteur, ni un « communard », comme plusieurs que nous connaissons, et qui émargent* tranquillement, à l’heure qu’il est. » Il minimise l’impact moral de sa condamnation en Belgique sur une éventuelle réintégration ! (Lettre à Lepelletier)

                                                                                                     * Emarger, être payé par les fonds publics.

 

 

En 1875, Verlaine, libéré de prison, décide de se fixer quelque temps en Angleterre. Il ne veut plus retourner à Paris, surtout pour ne pas retomber dans sa conduite passée : « Paris était séjour périlleux. Il ne fallait pas retomber dans les désordres anciens. Il avait comme fait le serment de ne plus s’enivrer » (Lepelletier, Vie de Verlaine) – mais Verlaine craint peut-être, à tort ou à raison,  de réveiller d’éventuelles poursuites judiciaires.

 

 Il se confie à Lepelletier sur ses relations en Angleterre :  fréquenter les anciens Communards n’est pas vraiment à l’ordre du jour.

« J’ai semé dans mon passage à Londres les germes de relations qui me seront utiles un jour. Rien des réfugiés, of course [naturellement]. Revu quelques vieux débris. Lissagaray, m’a-t-on dit, est assez dans la panne. Vermersch est en Suisse, Andrieu a tout à fait fait son trou. C’est tout. »

 

 

 

 

LA ROUTINE DE L’EMPLOYÉ ?

 

 

 

On peut être surpris des variations dans la façon dont Verlaine a parlé de la Commune et envisagé son propre engagement (même s’il a été restreint) en faveur de celle-ci. On a vu que dans une lettre à Lepelletier, il prétendait n’avoir pas été Communard, mais le tout est de s’entendre sur les mots. Selon son ami Lepelletier : « Bien qu’en principe favorable au mouvement du 18 mars, partageant les sentiments de la plupart des Parisiens, républicains et patriotes, éprouvés par les angoisses du Siège, et redoutant de l’assemblée de Bordeaux une restauration monarchiste, il ne participa point à l’insurrection. Si, par la suite, il fut classé parmi les communards, ce fut par une extension complaisante de ce qualificatif périlleux, et qui n’est pas encore réhabilité complètement.

Il ne se rendit pas à Versailles, voilà tout son délit. »

 

Lepelletier explique ainsi l’attitude de Verlaine :

« L’ennui de quitter Paris, pour camper dans une ville encombrée de militaires et de fonctionnaires, et quelques amitiés parmi les chefs du mouvement, notamment celle de Raoul Rigault, un camarade très antérieur à la politique, d’Andrieu, le fils d’un répétiteur de latin que j’avais eu, de Léo Meillet, le décidèrent à rester. Sa femme, d’ailleurs, ne voulait pas laisser ses parents, et il aurait fallu emmener Mme Verlaine mère. Tous ces liens combinés l’attachèrent à Paris. L’Hôtel-de-Ville n’avait pas bougé. Il y retourna avec la docilité de l’habitude. Il subissait l’attraction machinale de l’employé, qui va à son bureau avec une régularité automatique.

 Il revint donc s’asseoir, sur sa chaise coutumière, dans la pièce où il avait sa place marquée »

 

On a du mal à cerner très précisément les raison de l’adhésion de Verlaine à la Commune . Pour Lepelletier c’était un réflexe républicain et patriotique (et non une aspiration à un changement social qu’il ne mentionne pas), comme chez « la plupart des Parisiens », doublé d'une attutude routinière. 

Verlaine avait évoqué, à la lecture des proclamations après le 18 mars, son adhésion à un programme qui « avait tout bonnement posé, d’aplomb et net et bien, la question politique intérieure et indiqué d’un trait parfait le futur problème social à résoudre illico, fût-ce par les armes » - mais de quoi parle-t-il exactement ? Les proclamations du Comité centrale de la Garde nationale, qu’il semble avoir en tête sont sur la ligne patriotique et e condamnation des gouvernants antérieurs, qui ont failli.

Enfin, dans la même page, Verlaine évoque pêle-mêle l’influence de ses lectures proudhonniennes et héberistes (un mélange étonnant) qui en tous cas le prédisposaient à accueillir favorablement un mouvement révolutionnaire.

 

C’est donc un ensemble de facteurs, intellectuels et matériels, qui explique non seulement que Verlaine soit resté à son poste (avec de nouvelles attrbutions) mais aussi qu'il ait adhéré au mouvement insurrectionnel *.

                                                   * Rester à son poste ne signifiait pas (on s'en doute) qu'on approuvait la Commune. On en a le témoignage par les agents de la Bibliothèque nationale qui furent sommés de souscrire une déclaration en faveur de la Commune: ayant répondu qu'ils s'y refusaient, ils furent considérés comme démissionnaires. La Commune licencia aussi les inspecteurs et inspectrices des écoles primaires et plusieurs fonctionnaires suspects. Tous ces agents étaient pourtant, dans l'immédiat, restés à leur poste.

 

 

 

Compte-rendu_de_mandat_par_Edmond_[

Compte-rendu du mandat de député d'Edmond Lepelletier en 1906, en vue des nouvelles élections.

L'ancien Communard est présenté comme candidat républicain, libéral et patriote. Chevalier de la Légion d'honneur, il est aussi qualifié d'ancien magistrat (il avait été juge de paix). Dans sa brochure, Lepelletier explique pourquoi il n'utilise plus l'expresion "nationaliste" pour définir sa candidature, comme aux élections précédentes de 1902 : « Tant qu’il y aura lutte pour la Patrie, pour l’Armée, pour la Défense du sol et pour la protection du travail national, contre ceux qui s'intitulent Internationalistes, ce beau terme de Nationalisme devrait être conservé dans les hautes discussions politiques, dans les écrits historiques, mais il est prudent de l’écarter momentanément du langage électoral courant. » En effet, selon lui, le mot est aujourd'hui employé par des candidats qui sont en fait cléricaux et monarchistes, ce qui n'est pas son cas. Lepelletier ne fut pas réélu aux élections de 1906.

Gallica.

 

 

 

« DEUX MOIS D’ILLUSIONS GÉNÉREUSES »

 

 

 

 

Dans les mois qui suivirent la Commune, au moment de ses voyages en Belgique et en Angleterre, où il fut amené à fréquenter surtout des exilés de la Commune, Verlaine exprima sa solidarité avec la Commune, en publiant le poème Des Morts dans la revue de Vermersch à Londres, puis en complétant son poème Les Vaincus (antérieur à la Commune), dans lequel il envisage une vengeance impitoyable des vaincus (sans explicitement indiquer qu’il s’agit des Communards) à qui les vainqueurs du moment ont eu le tort de laisser la vie : une erreur que nous ne referons pas, dit le porte-parole des vaincus (le poème porte un peu à faux puisqu’il semble faire l’impasse sur le massacre des Communards durant la Semaine sanglante et les jours qui ont suivi)*.

                                                                                                *  La première version du poème parut en 1869 dans un des recueils collectifs du Parnasse contemporain. La seconde version parut en 1884, dans le recueil Jadis et naguère, mais fut certainement rédigée bien plus tôt. Elle est dédiée à  Louis-Xavier de Ricard, poète et participant à la Commune.

 

On sait aussi que Verlaine envisagea longtemps un recueil de tonalité politique, intitulé aussi Les Vaincus. Il aurait également pensé à faire un livre, selon sa femme, sur la répression de la Commune.

 

Mais cette période de solidarité active avec les Communards parait avoir pris fin pour être remplacée par une attitude plus distante à l’égard de son engagement du début. Ce changement est à mettre en lien avec la conversion de Verlaine au catholicisme durant son séjour en prison en Belgique.

 

A partir de ce moment, si Verlaine ne renie pas sa sympathie pour la Commune, il en parle en termes mitigés.

 

En 1886, dans une lettre à Louis-Xavier de Ricard, ancien Communard, poète occitan ("félibre rouge" disait-on) et fédéraliste (mais il semble que l’engagement fédéraliste et occitan de Ricard soit postérieur à la Commune), Verlaine parle ainsi de la Commune : « Quelle époque grotesque et grandiose ! » (http://www.etudesheraultaises.fr/wp-content/uploads/1997-1998-23-louis-xavier-de-ricard-et-verlaine-avec-une-lettre-inedite-de-ricard.pdf

 

Dans sa nouvelle parue en 1887, Pierre Duchatelet, le personnage (dont les tribulations conjugales évoquent celles de Verlaine, à défaut du reste des circonstances), abandonné par sa femme qui ne lui pardonne pas de s’être engagé dans les compagnies de guerre (après avoir quitté le domicile conjugal, elle ne revient, en l’absence de son mari, que pour prendre avec elle  la bonne !), participe à la Commune de façon passive, complètement à la dérive depuis le départ de sa femme :

 

« Il était devenu comme hébété.

Ce fut avec des yeux de congre mort qu’il assista aux premières affres de cette redoutable période, ce fut machinalement que, requis par l’insurrection de reprendre du service dans son ancien bataillon, maintenant fédéré, il marcha et fit le coup de fusil comme un autre : ce fut comme mû par un ressort qu’après la dernière semaine de mai il s’échappa parmi cent périls, atteignit Bruxelles, puis Londres où il connut la boisson. »

 

Le personnage de Duchatelet comporte quelques traits autobiographiques, mais  le récit ne correspond pas à ce qu'a vécu Verlaine. Pourtant, le regard très distant que Verlaine porte sur l' adhésion involontaire à la Commune de son personnage, mérite d'être souligné.

 

Dans la préface à une édition de 1890 de L’infâmie humaine, ouvrage inachevé de son ami Vermersch (mort en 1878), Verlaine indique, un peu inexactement* : « Lors de l’écrasement de la Commune, je fus légèrement compromis et dus me retirer par prudence à Bruxelles puis à Londres ».

                                                                                                  * En effet, il ne quitta Paris (avec Rimbaud) qu'en juillet 1872 et non comme ce qu'il écrit le laisse penser, dès la fin de la Commune. De plus son départ était bien plus lié aux péripéties de sa liaison avec Rimbaud qu'à d'autres causes. 

 

Il fait l’éloge, du strict point de vue littéraire, du journal que Vermersch publiait (avec d’autres) sous la Commune, Le Père Duchêne, en se désolidarisant de ses idées* : « un chef d’œuvre à mon sens, en-dehors d’idées politiques non miennes, absolument non miennes », qui valut à Vermersch la peine de mort (par contumace), « alors si libéralement distribuée par de graves militaires exaspérés d’avoir été vaincus par les Prussiens ».

                                                                                                                     * Le journal était plutôt de tendance blanquiste. Pourtant Verlaine, pendant la  Commune, semble avoir été plus proche du courant blanquiste que d’un autre courant, puisqu’il parle de son « hébertisme » (généralement, les Blanquistes admiraient Hébert). Mais en 1890, il se désolidarise d’idées qui ne sont plus les siennes. Au passage, le journal Le Père Duchêne est cité par Lissagaray dans son Histoire de la Commune de 1871 comme plutôt ordurier et à oublier. Mérite-t-il vraiment les éloges littéraires de Verlaine ? Mais celui-ci était fidèle en amitié.

 

Dans ses Confessions (1895) il porte un jugement ambivalent à la fois sur la Commune et sa propre « participation » à l’événement : il se reproche « l’assez sot rôle que j’avais joué là pendant ces deux mois d’illusions, par le fait généreuses, que je ne regrette pas, somme toute, d’avoir eues »*.

                                                                                       * On remarquera une nouvelle fois la curieuse prose de Verlaine, toute de restrictions et de réticences.

 

 

 

 VERLAINE RÉACTIONNAIRE

 

 

 

 

Après sa conversion au catholicisme (conversion au sens où il adopte activement la religion catholique), Verlaine adopta aussi des positions politiques très éloignées des sympathies communardes et même républicains. Dans les années 1880, il apparait comme un adversaire acharné des valeurs républicaines et révolutionnaires (qu’il ne se donnait pas la peine de séparer), aussi bien dans les principes, dans le déroulement historique que dans la réalité prosaïque des républicains opportunistes au pouvoir.

 

Il se réclamait de la « France ancienne » (dans son poème à la mémoire du prince impérial, Prince mort en soldat à cause de la France, voir plus loin).

Il rêve que les Français des classes populaires redeviennent « les Français d’autrefois » :

 

Ô paysan cassé sur tes sillons,
Pâle ouvrier qu’esquinte la machine

(…)

Redevenez les Français d’autrefois,
Fils de l’Eglise, et dignes de vos pères !

(Or, vous voici promus, petits amis*, in Sagesse, 1881).

                                                                                                  * Les  « petits amis » sont les politiciens républicains, devenus à leur tour les rois multiples d'une « France postiche ».

 

Dans un long texte publié de façon posthume, Voyage en France par un Français, (écrit fin des années 1870 et début 1880), il attaque les fondements de la France républicaine.

 Il condamne « l’an II d’exécrable mémoire » et ceux  qui « se sont précipités tête baissée dans l’inepte, dans l’immonde, dans l’abominable Révolution française », « la France criminelle de l’Encyclopédie et des plus sales faubourgs d’une Gomorrhe nouvelle » contre laquelle se sont levés, sauvant l’honneur, les insurgés fédéralistes du Centre et du Midi, et surtout les Vendéens et les Chouans, dont les provinces étaient « la citadelle terrible de la Tradition », « fiers paysans hâlés au soleil paternel, contemplateurs et familiers des grandes aurores et des grands flots, sourds comme leurs rochers à la démence parisienne ».

 

 Pour lui, le résultat de la Révolution fut la transformation des Français en une population abêtie, pleutre, traitée comme du bétail par l’Etat tout-puissant. La seule valeur commune subsistante est l’argent, tandis que Dieu est « blasphémé tous les jours, défié, crucifié dans son église, souffleté dans son Christ, exproprié, chassé, nié, provoqué ! (…) ! Quelle jeunesse et quelles femmes, — et quel pays ! »

« Plus de respect, plus de famille, le plaisir effronté, — que dis-je, la débauche au pinacle, nul patriotisme, plus de conviction même mauvaise… »

« …. il nous suffira de constater l’énorme aplatissement du peuple français depuis qu’il s’est forgé les chaînes de Quatre-vingt-neuf (...) Un des traits de cet aplatissement, c’est la patience toute nouvelle avec laquelle ce peuple accepte et subit les plus lourdes charges à lui imposées par ses élus. Tous les impôts possibles sur les matières les moins vraisemblablement imposables, un service militaire de plus en plus écrasant et qui leur répugne, l’administration s’alourdissant et se relâchant* chaque année davantage, tout cela passe sur nos Français comme un chien dans un troupeau. On se range et on s’aligne avec une soumission qu’on refuse au bon Pasteur lui-même.

                                                               * Au sens probable de prenant de moins en moins d’égards envers les particuliers ?

 

 Pour autant, les révolutionnaires qui prétendent renverser le nouvel ordre établi de la République bourgeoise ne lui inspirent aucune sympathie : « Qu’on ne me parle pas de juin Quarante-huit ou de la Commune de Soixante et onze : émeutes fabriquées de toutes pièces et de longue main par la Franc-Maçonnerie et sa branche récente, l’Internationale », instrumentalisant la misère et la détresse de pauvres types avinés. Il en vient presque à excuser le « déplorable » M. Thiers : «  jamais la démagogie, un instant comprimée — férocement et mal — par ce qui restait d’énergie à la bourgeoisie, personnifiée par ce Thiers déplorable, jamais la basse démagogie n’a été à la veille d’une telle victoire. »

 

Ainsi, pour Verlaine « réactionnaire », la République bourgeoise des opportunistes et son antagoniste, la « basse démagogie » révolutionnaire, ne valent pas mieux l’une que l’autre : le modèle de la vie droite est donné par ceux qui respectent la tradition, catholique et monarchiste – mais certains échos de sa diatribe peuvent aussi correspondre à des aspirations libertaires contre la puissance excessive de l’Etat  - puissance relative car sans commune mesure avec ce qu’on connait aujourd’hui !

 

 

 

 

ÉCLECTISME POLITIQUE

 

 

 

 

Verlaine consacre un poème à la mort  du prince impérial (le fils de Napoléon III), mort sous l’uniforme britannique, tué par les Zoulous en 1879  (poème paru dans le recueil  Sagesse, 1881) :

 

«  Prince mort en soldat à cause de la France* », « Fier jeune homme si pur tombé plein d’espérance »,

                                                                           * « à cause de la France », qui a obligé la famille impériale à l’exil et donc est cause indirectement, de la mort du prince.

 

Il rappelle que lui, Verlaine, éduqué aux « doctrines sauvages » dans sa jeunesse, avait détesté la famille impériale et le jeune prince. Maintenant,

« J’admire ton destin, j’adore, tout en larmes

 Pour les pleurs de ta mère,

 Dieu qui te fit mourir, beau prince, sous les armes » : c’est en martyr chrétien que le prince est mort en terre païenne et Verlaine lui demande de prier « pour nous, pour cette France ancienne ».

 

Mais pour autant, il n’est pas devenu bonapartiste et continue de donner sa préférence « au Lys de Louis Seize ».

 

Selon une notice du Dictionnaire Maitron, Verlaine aurait fréquenté en 1881 une réunion de socialistes révolutionnaires – si l’ajout de son nom n’est pas une erreur ou une invention de l’indicateur de police qui donne le renseignement, on peut penser que Verlaine rêvait à une synthèse entre les idées socialistes et le traditionalisme politique.

 

Verlaine est-il resté fidèle jusqu’à sa mort aux idées très réactionnaires qu’il exprime dans ses écrits de 1880 ?

On veut considérer son poème Ballade en l'honneur de Louise Michel (recueil Amour, 1888) comme preuve qu’il a renoué avec des idées « révolutionnaires » au sens habituel - mais  la comparaison de Louise Michel avec Jeanne d’Arc, ou l’évocation de « son courroux chrétien » montrent que pour Verlaine, la révolutionnaire n’est pas en contradiction avec les figures religieuses :

 

Citoyenne ! votre évangile
On meurt pour ! c'est l'Honneur ! et bien
Loin des Taxil et des Bazile*,
Louise Michel est très bien. 

                                                                       * Taxil, probablement Léo Taxil, célèbre écrivain à sensation de la fin du siècle, passé de l’anticléricalisme à l’antimaçonnisme après une soi-disant conversion au catholicisme, et propagateur d’une mystification élaborée consistant à prétendre que la franc-maçonnerie rendait un culte secret à Satan. Bazile, personnage de Beaumarchais, caricature indirecte du dévot hypocrite.

 

 

Dans cette ballade, Verlaine rapproche aussi Louise Michel de personnages féminins de l’époque révolutionnaire : Charlotte Corday (qui assassina Marat), Lucile Desmoulins (l’épouse de Camille Desmoulins, guillotinée comme son mari), Théroigne de Méricourt (qui fut agressée par des Jacobins) Pauline Roland (femme du ministre Roland et inspiratrice des Girondins, guillotinée avec eux), et Madame qui est probablement Madame Royale, la sœur de Louis XVI, connue pour sa charité chrétienne, qui fut guillotinée – donc des révolutionnaires mais adversaires et victimes des Jacobins, ou des contre-révolutionnaires.

Dans le même recueil, Verlaine dédie un poème rempli d'émotion au roi Louis II de Bavière à l'occasion de sa mort. Pour Verlaine, ce roi artiste, victime des préjugés vulgaires, fut le seul vrai roi de son époque.  

 

On sait aussi que Verlaine fut séduit par le général Boulanger quand celui-ci devint le chef d'une coalition informelle réunissant des révolutionnaires, des radicaux et des monarchistes, qui parut menacer un moment le régime en place, avant d’être obligé à la fuite et condamné avec deux de ses soutiens (dont Rochefort, sympathisant de la Commune et qui avait été condamné pour ce motif à la déportation en Nouvelle-Calédonie, d’où il fut un des rares à s’évader) à la déportation (par contumace) dans un procès largement biaisé.

 

Dans tous les cas, à la fin de sa vie, Verlaine était considéré comme nationaliste, ce qui l’amenait à se disputer avec un des jeunes poètes de son cercle, nommé Paterne Berrichon, pacifiste et anarchiste – ce dernier devait, comme on sait, épouser la sœur de Rimbaud et adopter des idées catholiques et traditionalistes.

 

Verlaine dans ses dernières années est probablement intellectuellement proche de ses amis « droitiers », qu’on retrouvera peu d’années après à la Ligue de la patrie française antidreyfusarde* : François Coppée, Maurice Barrès, Jules Lemaître, José-Maria de Hérédia, le dessinateur Forain**. Son ami de toujours, Lepelletier sera dans quelques années député de la même tendance.

                                                                              * La Ligue de la patrie française est une organisation politique française, d'orientation nationaliste, fondée en 1898  dans le cadre de l'affaire Dreyfus, rassemblant les antidreyfusards intellectuels et mondains (Wikipedia)

                                                                              ** Celui-ci, ancien sympathisant (ou participant) de la Commune, devenu nationaliste.

 

 

Paul_Verlaine_by_Willem_Witsen,_1892

 Verlaine, photo de Willem Witsen en 1892. Sur cette photo, le poète apparait très sérieux, vêtu avec soin. Mais dans ses dernières années, Verlaine, avec de faibles ressources, malgré une petite rente que lui faisaient quelques amis (dont Robert de Montesquiou), adonné à la boisson, était souvent proche d'un clochard.

Wikipédia.

 

 

 

« AU PEMIER RANG DES MAINTENEURS DE LA PATRIE ET DE LA RACE » (Maurice BARRÈS, discours aux obsèques de Verlaine)

 

 

 

Lors de ses obsèques en 1896, les cordons du poêle [rubans rattachés au catafalque ] sont tenus par Maurice Barrès, les poètes François Coppée (de l'Académie française), Stéphane Mallarmé, Catulle Mendès, son vieil ami Edmond Lepelletier et le comte Robert de Montesquiou*.

                                                                              * Poète lui-même, admirateur et mécène de Verlaine ; on dit que Montesquiou fut l’un des inspirateurs du personnage du baron de Charlus dans l’oeuvre de Marcel Proust, qui était ami de Montesquiou.

 

 

La famille était représentée par l’ex-beau-frère de Verlaine Charles de Sivry (voir plus haut), en l’absence du fils de Verlaine.

Parmi ceux qui suivaient le cortège, on citait des académiciens (Sully-Prudhomme, José-Maria de Hérédia, Jules Lemaître), des écrivains célèbres dans des genres différents : le poète Jean Richepin (futur académicien), la femme de lettres Rachilde, Georges Courteline, Jules Renard, les peintres Eugène Carrière et Raffaëlli, les écrivains et critiques Georges Rodenbach, Henri de Régnier, Charles Maurras, et de nombreux autres connus ou moins connus. A l’église, César Franck tient les grandes orgues.

 

Au cimetière, des discours sont prononcés, notamment  par Mallarmé, Lepelletier, François Coppée, Barrès. Maurice Barrès déclare : « Si l’on admet, comme c’est notre opinion, que le culte des héros fait la force des patries et maintient la tradition des races, il faut placer au premier rang des mainteneurs de la patrie et de la race le groupe des littérateurs et des artistes. (…) Désormais sa pensée [de Verlaine] ne disparaîtra plus de l'ensemble des pensées qui constituent l'héritage national.»

 

 

 

 

 

UNE STATUE POUR VERLAINE

 

 

 

 

Après sa mort, un comité pour l’érection d’une statue de Verlaine est créé sous la présidence de Mallarmé et Coppée, avec Rodin comme vice-président; outre les célébrités qui assistaient aux funérailles, de nombreux autres personnages en font partie dont Anatole France, Alphonse Daudet *, Gabriel Hanotaux, ministre des affaires étrangères, Raymond Poincaré, vice-président de la Chambre des Députés - futur président de la République, Frédéric Mistral, Emile Zola, J.K. Huysmans, Pierre Louys, plusieurs hommes de lettres belges, des romanciers mondains (Paul Hervieu, la comtesse de Martel-Janville, née Mirabeau, qui écrit sous le pseudonyme de Gyp**). On note la présence de deux députés, Alphonse Humbert *** et Clovis Hugues****, anciens Communards mais ce n’est sans doute pas à ce titre qu’ils se sont inscrits. 

                                                                          * Qui n’aimait pas particulièrement, Verlaine, qui le lui rendait bien : « M. Alphonse Daudet est une de mes grandes objections contre le Midi français » (Verlaine).

                                                                         ** Gyp écrivit de très nombreux titres qui ont sombré dans l’oubli. Seul Le mariage de Chiffon est encore un peu connu. Anatole France fut élogieux pour elle. Gyp avait soutenu le général Boulanger et lors de l’affaire Dreyfus, elle allait donner libre cours à son antisémitisme.

                                                                        *** Alphonse Humbert participa à la Commune et fut déporté en Nouvelle-Calédonie. A son retour en France, il devint un journaliste influent; dans les années 1890, il fut président du conseil municipal de Paris et député radical; se rapprocha ensuite des nationalistes; antidreyfusard virulent comme son beau-frère Edmond Lepelletier, exclu de sa loge maçonnique en raison de son antisémitisme.

                                                                      **** Le Provençal Clovis Hugues a peut-être participé à la Commune de Marseille et fut condamné à la prison pour avoir écrit en faveur de la Commune de Paris; député radical, puis socialiste, un moment boulangiste; collaborateur occasionnel de La Libre parole, le journal de l’antisémite Drumont, il sera d'abord antidreyfusard puis se ralliera à la thèse de l'innocence de Dreyfus. Par ailleurs c'était un poète en langue française et provençale, membre du Félibrige.

 

 La statue, du sculpteur Niederhausern-Rodo, ne fut finalement inauguée qu'en 1911, dans le jardin du Luxembourg, en présence du président du Sénat et de sénateurs, dont Léon Bourgeois, ancien président du Conseil, et de nombreux représentants du monde des lettres et des arts;  le gouvernement, en raison du deuil national pour la mort du ministre de la guerre (tué accidentellement sur un terrain d'aviation)  n'avait pu envoyer de représentant, mais le ministre de l'instruction publique exprima son soutien par une lettre. Barrès qui devait prononcer un discours, ne put être présent. Parmi les orateurs, lors de cette journée figurait Lepelletier.  Un compte-rendu de journal notait : « la tribune, élégamment décorée, s'éclaire des toilettes d'été des jolies femmes ».

 

 

 

 

 

VERLAINE POUR LES MILITANTS 

 

 

 

 

Sur les sites militants les plus naïfs, Verlaine apparait comme un pro-Communard convaincu – au point de l’imaginer presque combattant sur les barricades : mais la seule barricade qu’il voit (du moins son on l’en croit ) est celle qu’on est en train d’édifier sous les ordres d’un personnage douteux, « un escogriffe mi-sous-off, mi souteneur dans le civil », lorsque Verlaine se décide à aller à la recherche de sa femme au début de la Semaine sanglante, et que ledit personnage lui ordonne de faire demi-tour. Mais selon sa femme, Verlaine ne voulait pas sortir pour aller prendre des nouvelles de sa mère, de peur d’être requis pour combattre sur les barricades…

 

Sur des sites plus sérieux (quoique toujours militants) Verlaine est présenté comme si son engagement pour la Commune valait en quelque sorte pour sa vie entière, et surtout sans nuances.

 

Pas question (par ignorance ou volonté délibérée d’omission) de mentionner sa « conversion « aux idées réactionnaires » et son positionnement volontiers nationaliste es derniers temps – pourtant pas si paradoxal puisque pas grand-chose ne sépare le patriotisme du nationalisme et que les Communards étaient des patriotes – comme on le disait à l’époque et comme on continue de le dire – mais avec des significations peut-être différentes (on peut imaginer le patriotisme de Verlaine d’après ce qui est dit dans sa nouvelle Pierre Duchatelet, voir annexe).

 

Quant à son activité au service de la Commune, on mentionne rarement qu’elle fut exclusivement bureaucratique et plutôt modeste malgré les discussions sur son importance – de plus, elle s’apparentait à une activité de censure puisqu’elle aboutit probablement à des décisions de suspension ou suppression de journaux.

 

Et que dire de son ironie pour les clubs de la Commune, traduisant un certain désenchantement –  jusqu’à son comportement de la Semaine sanglante,  où on le voit paniqué surtout par les bombardements et malgré cela, profitant de l’absence de sa femme pour essayer de « se faire » la bonne, selon un schéma caractéristique des rapports de domination sociale et sexuelle, inattendus de la part d’un Communard, du moins tel qu’on se le représente aujourd’hui..

 

Là où on imaginait une épopée révolutionnaire, on a une tragi-comédie bourgeoise.

 

Ceux qui présentent Verlaine comme un partisan convaincu de la Commune, ayant conservé jusqu’au bout des idées révolutionnaires (dans le sens habituel du mot) ne retiennent des faits que ce qui va dans leur sens. Appartenant à une famille de pensée qui utilisait déjà Photoshop avant qu’on l’ait inventé, ils éliminent soigneusement tout ce qui cadre mal avec la thèse qu’on veut imposer :  Verlaine, une gloire de la littérature française, fut un révolutionnaire et par conséquent un partisan de nos idées, l’un des nôtres – il ne faut pas dire qu’il a ensuite évolué, ni décrire exactement son comportement durant la Commune et après.

 

Il est enfin impossible aux tenants de cette famille de pensée de concevoir que Verlaine a pu conserver de la sympathie pour les idées de la Commune (quel sens il leur donnait est moins clair) en même temps qu’il était partisan de Boulanger, qu’il admirait le prince impérial ou Louis II de Bavière, qu’il faisait l’éloge des Chouans, et qu’enfin, avec ses amis Lepelletier, Coppée ou Barrès, il se trouvait plutôt à sa place dans le nationalisme fin-de-siècle.

 

Dans sa nouvelle Pierre Duchatelet, il note que lors des combats des gardes nationaux contre les Prussiens, en mourant, certains crient Vive la France, d’autres Vive la République, vive le Roi, Vive l’Empereur ou Vive la Commune (avant l’épisode de la Commune, il y avait déjà des aspirations à un gouvernement insurrectionnel qui serait ainsi dénommé) : Verlaine semble mettre tous ces cris au même niveau, comme si toutes les convictions avaient la même dignité (« Quelques-uns même de ces blessés mortellement (…), criaient, et avaient raison… »).

Mais le passage peut aussi être lu de façon ironique, comme si toutes les « grandes idées » étaient frappées de la même inanité : Duchatelet, très fier de sa première journée de combats, rentre chez lui en criant « Vive la France, Vive la République » pour découvrir que sa femme l’a quitté, tandis que ses camarades , loin de se voir comme des héros, commencent à se voir comme les dindons d’une farce meurtrière.

(voir extrait en annexe)

 

 

Finalement, Verlaine ne semble pas avoir eu des opinions politiques stables et constantes, mais plutôt des sympathies multiples et parfois contradictoires, des réactions sentimentales plutôt que des convictions. Une forme de patriotisme centré sur la terre et la culture française – qu’il pouvait facilement partager avec les nationalistes fin-de-siècle, pourrait bien avoir été son seul attachement « politique » (au sens large) continu durant sa vie entière.

 

Bien entendu, ce n’est pas la pensée politique qui définit le mieux Verlaine.

Poète avant tout, il est aussi l’homme pour qui la religion a compté, après sa « conversion », et -  en s’arrangeant avec les exigences de la religion -  l’amour sous toutes ses formes  y compris les moins « politiquement correctes »,  car s’il fut bissexuel (ce qui, aujourd’hui, est bien considéré), il donnait sa préférence aux adolescents, « chéris » et « gamins » à partir de 15 ans, selon lui-même (jamais avant cet âge ?) - ce qui est de nos jours plus mal considéré...

 

Le Dieu d'amour veut qu'on ait de l'haleine,

Il a raison ! Et c'est un jeune Dieu.

(…)

Que nos cœurs qui furent trop bêlants,
Dès ce jourd'hui réclament, trop hurlants,
L'embarquement pour Sodome et Gomorrhe !

 

(La Dernière Fête galante, in Parallèlement, 1889).

 

 

 

 

 

ANNEXE 

 

 

 

Extrait de la nouvelle  Pierre Duchatelet (parue en 1887)

 

 

C’était surtout cette attente de la mort pour la France, un doux espoir comme la France, comme le nom de France, doux comme la chère langue française, doux comme les souvenirs d’enfance et de jeunesse, qui lui faisait battre son cœur fortement, mâlement, délicieusement.

 

Ah ! oui, mourir pour tout ça, rendre tout ça, en sang, à la Terre qui vous berça, qui vous nourrit, qui vous gâta, vous, vos parents, vos amis, vos fils, et bercera vos arrière-neveux, ah ! c’est bon, c’est bon, c’est bon !

Et puis, que c’est beau, aussi !…

…Le tambour battit, le clairon sonna, quoi ? la retraite !

Cependant des hommes mouraient, criaient, emballés, entre des hurlements de souffrance :

— Vive la France !

 

Quelques-uns même de ces blessés mortellement, superbement exclusifs en l’honneur de nuances grandes encore dans la lumière immense du patriotisme à l’action, criaient, et avaient raison :

— Vive la République !

Vive le Roi !

Vive l’Empereur !

Vive la Commune !

 

On se replia en bon ordre. Par file à ci, par file à là, en avant ! marche !

Ra ta plan, taratata, le jour de gloire est arrivé ! —

Pierre, fier, plus grand que nature, lui semblait-il, marchait ferme sous l’obus parmi les balles. Ô sa petite femme, comme elle serait fière, elle aussi ! Les femmes aiment les militaires, aiment les militaires…

Et il chantonnait, sincère, cette ariette bouffe.

 

On rentra dans Paris. Que de cris, que de questions ! La trouée est donc faite ? Avez-vous vu Bourbaki ? Et Chanzy ? Et Garibaldi ?

Beaucoup d’hommes, dégoûtés de cette farce meurtrière dont ils avaient été les héros, oui ! et les pantins répondaient :

— Zut ! nous sommes trahis. Qu’on nous y reprenne !

 

Pierre, ravi d’avoir été brave et de revoir sa femme, criait, lui, à pleins poumons :

— Vive la République ! Vive la France !

 

En rentrant chez lui, il ne retrouva plus sa femme. Une lettre lui disait :

 

Monsieur,

Adieu pour toujours.

Jeanne Duchatelet.

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
Le comte Lanza vous salue bien
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