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Le comte Lanza vous salue bien
19 janvier 2021

POSTCOLONIAL, DÉCOLONIAL, POLITIQUEMENT CORRECT ET HISTOIRE SEPTIÈME PARTIE

 

 

 POSTCOLONIAL, DÉCOLONIAL

 

POLITIQUEMENT CORRECT ET HISTOIRE

SEPTIÈME PARTIE

 

 

 

 

 

[ Nous utilisons dans ce message des photos trouvées sur internet, que nous créditons. En cas de contestation, nous les supprimerons à la première demande des ayant-droit ]

 

 

 

Les débats historiques sur la période coloniale (avec la nécessité ou pas de présenter des excuses etc) sont la partie la plus accessible au grand public des débats engendrés par la colonisation. Ils se présentent comme ayant toujours un rapport étroit à l’histoire, événementielle, politique ou sociale.

Mais ce qu’on appelle plus proprement les études postcoloniales (sans trait d’union) ou parfois décoloniales, forment un ensemble de théories qui concernent tous les domaines de la pensée – et pas seulement le domaine historique. Elles finissent par recouvrir la critique de la pensée occidentale dans ses diverses manifestations

Pour certains spécialistes, elles se distinguent nettement des études portant sur l’histoire ou l’état économique, culturel et social des anciens pays colonisés, qui seraient justement qualifiées de post-coloniales (avec un trait d’union).

 

 

 

VU DU QUÉBEC : UNE PRÉSENTATION

 

 

Pour présenter les études postcoloniales, nous suivons un article (canadien), Les études postcoloniales et le « sous-développement » de Dimitri Della Faille*, qui se place du point de vue de ce qu’elles peuvent apporter aux étudiants et spécialistes du développement économique : « Elles sont un ensemble hétérogène de travaux de recherche, d’écrits théoriques et d’œuvres littéraires et artistiques qui ont émergé dès la fin des années 1970. »

                                                    * Revue Québécoise de droit international, Des analyses « Tiers-mondistes » aux « Postcolonial Studies », 2012. https://www.persee.fr/doc/rqdi_0828-9999_2012_hos_1_1_1439

 

L’auteur indique que les « études postcoloniales portent avant tout sur l’impérialisme britannique et dans une moindre mesure sur le colonialisme des pays d’Europe occidentale (comme la France et la Belgique)* ». Trois auteurs sont particulièrement représentatifs, le philologue palestinien Edward Saïd, la philosophe indienne Gayatri Chakravorty Spivak et le Camerounais Achille Mbembe.

                                               * L’auteur de l’article est forcément plus familier des travaux de langue anglaise, même en tant que Canadien francophone. En France, il n’est pas surprenant que les études postcoloniales portent surtout sur le colonialisme français et ses conséquences actuelles.

 

Les études postcoloniales sont proches du Groupe des études subalternes*, apparu dans les années 80, « qui ont remis en question les orientations dominantes et élitistes de l’explication de l’histoire de la modernité politique du sous-continent indien telle que proposée, entre autres, par le matérialisme historique et les récits nationalistes portés par les États ».

                                             * Appelées souvent, même en français,  subaltern studies : apparues d’abord chez des auteurs indiens, influencés par Gramsci, elles opèrent un recentrement sur les subalternes (groupes de rang inférieur, qu'il s'agisse de race, de classe sociale, de genre, d'orientation sexuelle, d'ethnie ou de religion), et non sur les élites, comme agents du changement social et politique (Wikipedia).

 

Les études postcoloniales s’appuient sur des œuvres pionnières dirigées contre la colonisation : Aimé Césaire, Frantz Fanon, Albert Memmi. Mais aussi sur la philosophie poststructuraliste de Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Michel Foucault et Jacques Lacan : ces philosophes ont analysé les discours européens humanistes, modernistes et universalisants, « pour aboutir à une entreprise radicale de déconstruction du langage, des catégories et de la terminologie des sciences humaines ». Ces études « font plus que s’intéresser au fait colonial. Elles sont à la fois une proposition épistémologique* et un champ des sciences humaines ayant ses propos règles et son histoire. »

 

                                                     * Epistémologie : étude critique des sciences (formelles, naturelles, humaines et sociales.) et des méthodes de connaissance scientifique : il s’agit notamment de vérifier si les sciences sont aptes à une connaissance exacte de l’objet considéré

 

Les études postcoloniales proposent un réexamen de l’histoire et de son poids contemporain à partir d’une analyse des conséquences culturelles et identitaires des relations inégales de la colonisation, « elles ont transposé la « critique du colonialisme du champ économique et politique au champ culturel », et se distinguent donc des études post-coloniales (avec un trait d'union), simplement descriptives des histoires, des sociétés ou des économies des pays ayant accédé à l’indépendance.

Par exemple, dans le domaine des études sur le développement, les auteurs postcoloniaux critiquent ces études comme caractérisées par une « instrumentalisation des sciences sociales au service de l’impérialisme occidental », par «  un biais élitiste » qui favorise l’autorité des dirigeants, un regard « ethnocentriste issue du modernisme européen « universalisant », totalisant et créant des exclusions ». L’idée de nation et les transformations sociales dans les pays dits « sous-développés » qui en résultent seraient à l’image des États européens homogénéisants, violents et créant des exclusions.

Les auteurs postcoloniaux mettent en cause la science « non indigène » marquée par l’esprit de supériorité des Occidentaux. Ils appellent à une « indigénisation » des discours académiques et veulent montrer que « les politiques culturelles homogénéisatrices des États-nations [sur le modèle occidental] sont un élément générateur de conflits et d’exclusion qui a comme objectif de tenter d’assurer un contrôle permanent sur l’ensemble du territoire », tentative hégémonique contestée par les groupes subalternes qui lui opposent leur propre culture.

Pour ces auteurs, les récits historiques établis sur les modèles occidentaux, relèvent de « stratégies (..) d’appropriations » « au profit « d’élites culturelles, commerçantes, industrielles et politiques » tandis que « certains groupes sociaux (…) n’ont pas accès à l’histoire entendue comme mise en narration des faits tels qu’imaginés par les groupes contrôlant l’écrit et sa diffusion. »

Les études postcoloniales sont une critique des méthodes de connaissance occidentales, soi-disant universalistes mais en fait caractérisés par « des limites, des biais de classe, de genre et de culture », refusant de prendre en considération les cultures minorées : « Si l’on part du principe que la rationalité des sciences sociales est le produit spécifique de l’histoire et de la culture « occidentale », qui fragmente et atomise, qui oppose et qui établit les principes de « vérité »,« réalité » et « neutralité » comme autant de dogmes et de piliers universels, on peut se demander si elle est apte à connaître adéquatement ce qu’elle étudie. »

L’étude critique du vocabulaire est une des voies privilégiées par les études postcoloniales, qui « voient dans la communication, la culture, la langue, le discours un lieu important de lutte et de logiques d’asservissement. En substance, les études postcoloniales montrent qu’aucune langue est neutre et que toute communication est politique. »

Elles veulent montrer comment, par le biais du discours, certains groupes sociaux en sont venus à intégrer les catégories ethniques et classifications administratives imposées par les administrations coloniales et postcoloniales. (…) ces catégories ont créé leur propre réalité et (…) certains groupes sociaux se définissent dorénavant en relation avec ces appellations sans fondements ethnologiques et culturels. » « D’une manière générale, les études postcoloniales proposent une analyse complexe décentralisée dont le refus des hiérarchies et des oppositions est une proposition politique. C’est une proposition qui favorise une vision multiple qui voit de l’hybridité plutôt que des oppositions. (…) de la complémentarité plutôt que du morcellement. »

 

Au lieu de se borner à la « vision matérialiste de l’économie, de la politique et de la géographie », les études postcoloniales sont ouvertes à l’étude de l’imaginaire et s’intéressent à la production symbolique, à la transmission de la culture, à l’univers des représentations : « territoires imaginés ou imaginaires sont au moins autant de facteurs explicatifs de l’action qu’une réalité objective du monde et des frontières politiques. » Elles tiennent compte « de la manière dont certains groupes sociaux se représentent leur rapport à l’espace alors qu’ils fonctionnent à partir de cartes mentales d’un territoire imaginé qui inclut (…) à la fois des espaces proches et lointains, mais également des lieux aux aspects quelque peu mythologiques », dépassant les frontières arbitraires fixées après la fin des Empires coloniaux et permettant à ces groupes de « se définir comme un ensemble au-delà des aléas de l’histoire ».

 Elles sont un appel à ne pas perdre de vue les périodes les plus sombres de l’histoire mondiale et prendre conscience que «  [les] phénomènes sociaux, économiques, politiques et culturels [qui] se sont mis en place lors des derniers siècles sont encore bien vivants, soit dans leurs conséquences matérielles, soit au travers de leurs institutions actuelles ou de l’héritage des entreprises passées, soit dans l’important effet structurant de leur souvenirs ».

 

L’auteur s’est-il converti aux études postcoloniales ou adopte-t-il une position prudente et consensuelle ? En tant que spécialiste du développement, il les considère comme « alternative au développement », un « mouvement au-delà du développement [qui] n’est pas contre la contemporanéité, mais (..) contre les travers du modernisme et de l’humanisme », « un effort de construction d’une critique des relations internationales », perceptible « même dans les approches plus littéraires des études postcoloniales qui soutiennent un réexamen de l’histoire et qui exhortent aux discours d’émancipation. »

Pourtant, ces remarques générales ne permettent pas de se faire une idée de l’apport potentiel des étude postcoloniales, par exemple dans le domaine du développement socio-économique. Par ailleurs, les avantages « éthiques » des études postcoloniales (refus des hiérarchies et des oppositions, hybridité) sont difficiles à se représenter concrètement.

 Enfin, l'auteur, qui est un spécialiste du développement, s'intéresse aux études postcoloniales en ce qu'elles peuvent apporter aux questions de développement ;  - mais les études postcoloniales, on y reviendra, s'appliquent autant et sinon plus aux pays occidentaux dans leurs relations avec leurs populations "non-blanches", qu'aux pays anciennement colonisés.

 

 

LES INITIATEURS SUD-AMÉRICAINS

 

 

Les études postcoloniales ont été en grande partie initiées par des penseurs sud-américains* critiques sur le modèle de pensée occidental tel qu’il a été imposé (selon eux) au reste du monde à travers la colonisation;  le modèle de pensée occidental, qui régit les raisonnements,  la connaissance scientifique, les relations inégales entre groupes humains et entre sexes, sera donc critiqué dans chacun de ces domaines.

                                                             * Ce que ne dit pas l’article précité – mais les penseurs sud-américains ont souvent enseigné dans les universités nord-américaines ; on peut citer parmi ces penseurs Aníbal Quijano, Maria Lugones (morte en 2020), Zulma Palermo, Enrique Dussel, Walter Mignolo, Ramón Grosfoguel, Nelson Maldonado-Torres, Santiago Castro-Gómez et d’autres.

 

Ainsi certains penseurs sud-américains récusent le terme d’Amérique, créé par les Européens, « au profit de l’appellation « Abya Yala », la « Terre de vie » ou terre des ancêtres des populations kunas de l’actuel Panama. Une telle requalification constitue un premier décentrement par rapport à une habitude de désignation eurocentrée du territoire » (Anne-Laure Bonvalot, Lumière sur le mouvement décolonial latino-américain https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02889298/document).

 

Les penseurs sud-américains ont développé des notions dont on peut donner deux exemples :

-      Colonialité du pouvoir (Quijano) : La colonialité du pouvoir désigne un régime de pouvoir apparu avec la modernité coloniale, mais qui n’a pas disparu avec la décolonisation. Ce régime de pouvoir s’appuie sur une racialisation du travail dans le système capitaliste et l’expansion de l’Etat-nation.

 

-      Colonialité du genre (Lugones) : Le genre et le sexe sont des constructions socio-historiques. Avec l’expansion coloniales, alors que les femmes et hommes colonisateurs blancs sont opposés sur la base de rôles sociaux de genre, les femmes et hommes racisées sont animalisés et opposés sur la base du dysmorphisme sexuel, mâle et femelle. Le genre est en quelque sorte un luxe de blancs.

(Définitions sur le site de l'Institut de Recherche sur les Mouvements sociaux (IRESMO), Vocabulaire décolonial

https://iresmo.jimdofree.com/2018/04/14/vocabulaire-d%C3%A9colonial-et-r%C3%A9f%C3%A9rences-en-fran%C3%A7ais/)

 

Pourtant, il est difficile de ne pas s’apercevoir de l’aspect arbitraire de ces notions; il s’agit d’interprétations personnelles, parfois fondée sur le vécu de l’auteur, plus que de conclusions objectives, s’appuyant sur un ensemble de constats, scientifiquement établis et valables pour toutes les périodes coloniales.

 

Nous n’avons pas la capacité d’approfondir ici la question de savoir si le mot décolonial est un simple synonyme de postcolonial. Pour certains penseurs du mouvement, il existe une différence théorique :

« Dans cette contribution, je voudrais proposer un exemple de critique décoloniale, en prenant soin de la différencier de la critique postcoloniale, et en centrant mon propos sur les débats autour du concept d’« universalité ». Si la critique décoloniale reconnaît les apports des Postcolonial Studies, elle s’en distingue pourtant dans la mesure où elle s’efforce de décoloniser la critique postcoloniale et de dépasser ses limites en défendant un projet de décolonisation épistémique radicale qui prend au sérieux la pensée critique issue des traditions intellectuelles non-occidentales (Mignolo 2000 ; Grosfoguel 2006). »

(Ramón Grosfoguel (UC-Berkeley), Vers une décolonisation des Uni-versalismes occidentaux : le Pluri-versalisme décolonial d’Aimé Césaire aux Zapatistes http://arquitecturadelastransferencias.net/images/p-grosfogel/Grosfoguel-Vers-un-decolonisation.pdf).

 

Il semble que, dans l’usage courant, l’utilisation du mot “décolonial” (on parle aussi de décolonialisme) implique une intention plus militante. Le terme est fréquemment employé en-dehors du monde universitaire par les militants antiracistes radicaux. Mais postcolonial et décolonial sont quasiment devenus synonymes et sont utilisés comme tels notamment chez les adversaires du mouvement,

 

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 Photo d'illustration pour le texte Les racines féministes et lesbiennes autonomes de la proposition décoloniale d’Abya Yala (Deuxième partie) de Jules Falquet, avril 2017, revue en ligne Contretemps, revue de critique communiste. Le texte (en deux parties) est ainsi introduit : " Le projet décolonial est né d’une critique profonde de l’imposition universelle, à travers la colonisation, de la « modernité occidentale », tant sur le plan idéel que matériel. Il articule l’analyse de la colonialité du pouvoir, du savoir et de l’être, en cherchant à ouvrir de nouvelles perspectives théoriques, politiques, éthiques et épistémologiques." Abya Yala est le nom que certains militants décoloniaux donnent à l'Amérique.

https://www.contretemps.eu/racines-feministes-lesbiennes-autonomes-decoloniale-dabya-yala/

 

 

 

DÉCONSTRUCTION ET ÉCRITURE JARGONNANTE

 

 

 

Les études décoloniales ont d’abord conquis les campus américains avant de se répandre en Europe. Sans insister sur ce qui mérite d’autres développements, les théories savantes des penseurs sud-américains et de leurs suiveurs nord-américains ont rencontré les mouvements des activistes féministes ou antiracistes, qui bien entendu , existaient déjà, et ont dès lors constitué une nébuleuse commune où l’action militante et les réflexions théoriques s’épaulent mutuellement, aussi bien en Europe qu’en Amérique. Il n’est pas sûr que les autres parties du monde soient concernées par ces théories – à part quelques penseurs isolés qui suivent les exemples américains ou européens - ce qui est déjà un point qui mériterait une  interrogation – que nous laissons à plus savants que nous.

 Il est probable que si elles n'avaient concerné que les pays et populations anciennement colonisés, les études postcoloniales ou décoloniales auraient eu moins d'audience. Mais ellles ont investi, autant et sinon plus, le champ des relations sociales entre populations européennes et populations immigrées (généralement issues des anciens pays colonisés), et aux USA (et plus largement en Amérique), populations blanche et non-blanche.

Il est souvent question dans le jargon à la mode de “déconstruire” l’idéologie coloniale (ainsi que beaucoup d’autres choses), d’où l’appellation “décoloniale”: les études de la mouvance “décoloniale” sont une application, aussi bien aux sociétés coloniales historiques, qu’ aux sociétés occidentales actuelles, de la thèse selon laquelle les Blancs, mâles hétérosexuels ont imposé leur conception hiérarchique du monde à partir de la conquête de l’Amérique. Comme nous vivons toujours dans l’univers qui a été façonné par eux, il est important de montrer qu’il est conçu pour dominer les minorités – qui sont peut-être parfois des majorités : en gros, tous ceux qui ne sont pas des Blancs, hommes, hétérosexuels.

 

Ces thèses, lorsqu’elles sont exprimées dans le milieu universitaire, ont le plus souvent comme caractéristiques d‘être exprimées dans un jargon obscur  (ou mieux, une écriture complexe) – marque infaillible qu’on appartient au milieu intellectuel.

 

Par exemple, un colloque de 2016 intitulé Tracer et transgresser, construire et déconstruire les limites en contexte (post)colonial “ était présenté en ces termes : « Sur ce plan, on s’attachera autant à la cartographie mentale de l’utopie/dystopie coloniale et à sa concrétude incarnée dans les espaces conquis, qu’aux différentes pratiques qu’elle génère, notamment celles qui mobilisent le corps censé performer le sens assigné aux lieux mais se mouvant aussi en altérant et en transgressant les spatialités normatives. En ce sens, l’urbanité n’a pas le monopole de la tension entre la force du code injonctif matérialisé et ses possibles contestations et cette rencontre se veut aussi une occasion d’envisager les lieux du colonial et du contre-colonial au travers d’un ensemble d’entités localisées capables d’exprimer cette tension dans tous les espaces qu’elle occupe et qu’elle prend pour moyen de se manifester. »

Bien entendu, les études postcoloniales n'ont pas l'exclusivité d'un discours souvent obscur - c'est assez fréquent dans le domaine des sciences humaines, pour des raisons multiples.

Mais iI est curieux que ceux qui prétendent s’opposer à l’impérialisme de la pensée occidentale aient recours à une de ses pires pratiques, l’usage d’un langage destiné à séparer les initiés de la masse des ignorants – il serait d’ailleurs intéressant de traduire la citation qui précéde en langage compréhensible – peut-être aurait-on quelque chose de très banal. On peut aussi se poser la question de l’utilité de telles contributions, faites, a priori, pour ne pas sortir du petit univers où on les apprécie et où elles servent à la promotion de ceux/celles qui les produisent – mais  c’est le cas de beaucoup de productions universitaires.

 

 

 

PREMIÈRES POLÉMIQUES

 

 

Les thèses universitaires « décoloniales » soutiennent l’action médiatique des groupes « discriminés » (et de leurs partisans non-discriminés), elles en sont la forme savante, qui cherche à acquérir un poids dans l’institution académique, comme l’action des groupes militants cherche à acquérir une influence dans l’opinion. Même si on ne peut confondre les deux registres (études universitaire/militantisme) il s’agit d’une nébuleuse de plus en plus puissante, où chaque registre vient en appui de l’autre.

En France (mais aussi dans d’autres pays) les études postcoloniales ont assez vite suscité des polémiques universitaires : d’abord les polémiques ont porté sur la valeur scientifique des études. Mais depuis la première vague de critiques provenant des universitaires classiques (vers 2010*) s’est ajoutée une autre vague qui tient compte de l’audience grandissante des études désormais dénommées plus souvent « décoloniales », en lien avec les mouvements dénonçant le racisme, le patriarcat, le sexisme, la société hétéronormée etc. Cette nouvelle vague de critique met en cause l’aspect intolérant et sectaire des partisans des études décoloniales.

                                                            * Après la parution de livres fondateurs, en France, des études postcoloniales, comme La fracture coloniale, de P. Blanchard, N. Bancel et d’autres (2005). Pour une idée de la réception mitigée de ces auteurs encore marginaux à l'époque par les universitaires classiques, on peut se reporter aux contributions parues sous le titre     L'écriture de l'histoire de la colonisation en France depuis 1960, par Sophie Dulucq, Catherine Coquery-Vidrovitch, Jean Fremigacci, Emmanuelle Sibeud, Jean-Louis Triaud, in Afrique & histoire, 2006 (notamment contribution de J. Fremigacci) https://www.cairn.info/revue-afrique-et-histoire-2006-2-page-235.htm, complétées par un (acide) Post-scriptum aux souvenirs des années 1960-1980 de Catherine Coquery-Vidrovitch, de Daniel Rivet, in Afrique & histoire, 2009 https://www.cairn.info/revue-afrique-et-histoire-2009-1-page-321.htm (qui rappelle la pesanteur idéologique du progressisme à couleur marxisante sur les hstoriens des années 60-70, néanmoins très différente  des orientations des études post-coloniales actuelles).

 

                     .

En 2010, l’historien et spécialiste des sciences politiques Jean-Claude Bayart exprimait sa méfiance envers les études postcoloniales, qu’il appelait volontiers du nom anglais qui les désignait à leur apparition en France, postcolonial studies, dans son livre Les études postcoloniales. Un carnaval académique : « Les postcolonial studies s’emparent désormais de toutes les situations de domination à travers les âges, sans craindre les anachronismes ni les non-sens » Il reprochait notamment aux auteurs de ce courant de « réifier » [transformer en concept sans rapport avec la réalité] le colonialisme ou la colonie - d’en faire une abstraction qui méconnait la diversité juridique, géographique  et temporelle des statuts coloniaux* ; la théorie postcoloniale invente  « la colonie de [ses] cauchemars, et aussi de [ses] rêves, c’est-à-dire de [son] combat contre l’exclusion, l’injustice sociale, le racisme ordinaire ». Elle s’enferme dans une « posture de dénonciation » et un « rituel d’affliction plus ou moins doloriste et morbide » et à terme, favorise une fragmentation communautariste de la société qui est grosse de dangers pour l’avenir.

Enfin, les thèses postcoloniales ont recours à un jargon  que J.-C. Bayart assimile à une « novlangue » (on en a déjà vu des exemples).

J. C. Bayart reproche aux auteurs postcoloniaux de récuser les usages admis des sciences sociales au prétexte que la science occidentale ne serait pas apte à parler pertinemment de ce qui n’est pas occidental.

 

                                                                        * Sur ce point notamment, voir l'article stimulant de Jean-François Bayart et Romain  Bertrand, De quel «legs colonial» parle-t-on? Esprit, 2006 https://esprit.presse.fr/article/bayart-jean-francois-et-bertrand-romain/de-quel-legs-colonial-parle-t-on-13808

 

 

 

 

CENTRALITÉ DE LA QUESTION RACIALE POUR LES ÉTUDES POSTCOLONIALES

 

 

A ces reproches et à ceux d’autres auteurs, Nicolas Bancel, un des auteurs du courant d’études postcoloniales répond dans un article Que faire des postcolonial studies ?, sous-titré « Vertus et déraisons de l'accueil critique des postcolonial studies en France » (Vingtième siècle, 2012   https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2012-3-page-129.htm). Il s’étonnait que des études plutôt marginales (à l’époque) suscitent des réactions passionnées, généralement d’hostilité, d’autant que ces études ne forment pas une théorie globale mais émanent d’auteurs très divers, liés entre eux par quelques idées-force.

Répondant à une objection fréquente, il conteste que les empires coloniaux aient été des empires comme tous ceux qui se sont succédé, car « la question coloniale moderne est gouvernée par la question raciale : la colonie [est] un symptôme de cette « bête » de l’Europe*, visible (quels que soient les modes de gouvernementalités coloniales), dans les formes ethnicisées de la domination sociale et politique ». Dès lors il refuse le reproche de méconnaître les formes précises des «gouvernementalités coloniales », certes importantes, mais qui occultent l’essentiel de la colonisation, « la question du pouvoir, de l’asymétrie et du rapport de force » entre dominants et dominés.

                                                               * Au passage, l’auteur conforte implicitement l'idée que le racisme s'identifie à l’Europe et son expansion américaine. Certes, dès lors qu'on parle des Empires coloniaux européens, il est justifié de limiter sa recherche à l' Europe; mais cette considération coïncide opportunément avec les déclarations militantes qui considèrent que le racisme est seulement une attitude des Blancs.

 

Il souligne que « les subaltern et postcolonial studies poursuivent une entreprise épistémologiquement ambitieuse sous forme de déconstruction de la Raison, appréciée comme une forme d’appréhension du réel. Dans cette perspective, la déconstruction du logos occidental permet d’identifier ses effets rhétoriques et les limites des conquêtes de la modernité (la démocratie, les droits de l’Homme, la liberté individuelle, le contrat social, la prévalence de la loi) dans le cadre colonial. » Il s’agit d’une remise en question épistémologique des concepts et méthodes des sciences sociales, soupçonnés de participer à la domination occidentale.

 

 

 

DURCISSEMENT DES POLÉMIQUES

 

 

La réponse de N. Bancel en 2012 était équilibrée, courtoise, universitaire.

Depuis, la polémique semble s’être durcie. Ce qui est en cause est le militantisme des auteurs postcoloniaux ou décoloniaux. Les universitaires classiques reprochent à ces derniers de mélanger la recherche universitaire et le militantisme, ce qui est d’ailleurs une position assumée par beaucoup d’auteurs postcoloniaux. Mais le militantisme induit un comportement agressif envers ceux qui ne partagent pas leurs idées, y compris dans le champ universitaire.

En 2018, une tribune signée par 80 intellectuels (dont Elisabeth Badinter, Pierre Nora, Mona Ozouf, Alain Finkielkraut, Jean-Claude Michéa, Michèle Tribalat, Dominique Schnapper) dénonçait les pratiques des mouvements dits décoloniaux, aussi bien dans leur doctrine (ils étaient accusés d’entretenir la haine raciale par leur dénonciation systématiques des Blancs) que dans leurs méthodes : « La stratégie des militants combattants « décoloniaux » et de leurs relais complaisants consiste à faire passer leur idéologie pour vérité scientifique et à discréditer leurs opposants en les taxant de racisme et d'islamophobie. (…) D'où, également, l'utilisation de méthodes relevant d'un terrorisme intellectuel » rappelant le stalinisme ou le recours (jugé abusif) aux tribunaux.

La tribune énumère les intellectuels (dont certains signataires) qui ont dû subir des campagnes de dénigrement et désigne nommément les principaux mouvements décoloniaux, qui tout en dénonçant le « racisme d’Etat », demandent et obtiennent souvent des subventions publiques et l’appui des autorités de tutelle.

La mise en cause vise plus les mouvements politiques que les études universitaires décoloniales elles-mêmes (et leurs auteurs), mais les signataires insistent sur l’«'entrisme des militants décolonialistes dans l'enseignement supérieur (universités ; écoles supérieures du professorat et de l'éducation ; écoles nationales de journalisme) et dans la culture » et indiquent que « l'accueil de cette idéologie à l'université s'est fait au prix d'un renoncement à l'exigence pluriséculaire de qualité qui lui valait son prestige ». Pour les signataires, « La situation est alarmante », le pluralisme est menacé.

https://www.lepoint.fr/politique/le-decolonialisme-une-strategie-hegemonique-l-appel-de-80-intellectuels-28-11-2018-2275104_20.php

 

 

GARDIENS DU TEMPLE (UNIVERSITAIRE) CONTRE BONIMENTEURS

 

 

En 2019, dans la tribune parue dans L’Express (déjà citée à propos de P. Blanchard, cf. quatrième partie) Les bonimenteurs du postcolonial business en quête de respectabilité académique, les signataires* s’intéressent aux études postcoloniales (ou décoloniales) proprement dites.

                                                        * Laurent Bouvet (université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), Nathalie Heinich (CNRS), Isabelle de Mecquenem (université de Reims), Dominique Schnapper (EHESS), Pierre-André Taguieff (CNRS), Véronique Taquin (professeur de khâgne).

 

Certains des auteurs de la mouvance postcoloniale sont accusés de produire des études qui conjuguent les préoccupations politiques et l’insuffisance scientifique, comme le politiste Olivier Le Cour Grandmaison, qui déclarait dès 2005 : « La France a été un État colonial... La France reste un État colonial ». Il est qualifié de « dénonciateur professionnel de "l'islamophobie » ; les signataires de la tribune rappellent que son livre Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l'État colonial (2005)avait donné lieu à des critiques sans aménité (« sottisier », « Assimiler peu ou prou le système colonial à une anticipation du IIIe Reich, voire à un "précédent inquiétant" d'Auschwitz, est une entreprise idéologique frauduleuse », critique de Gilbert Meynier et Pierre Vidal-Naquet dans la revue Esprit).

Les signataires de la tribune soulignent l’idéologie qui selon eux, est celle des auteurs postcoloniaux et ses conséquences dans la société (ici la société française) : « la haine de l'Occident théorisée par les adeptes du postcolonialisme et du décolonialisme alimente le racisme anti-Blancs diffusé par des minorités actives formées de prétendus "racisés ». 

Ils mettent en cause la continuité qui existerait entre les travaux « savants » et les actions militantes : « La stratégie culturelle de l'ACHAC* consiste à mêler les universitaires et les chercheurs aux militants "décoloniaux", voire "indigénistes", les premiers conférant une respectabilité académique aux seconds. » « Entre les discours de facture académique des partisans du postcolonialisme et ceux des indigénistes ou des décoloniaux, il y a un continuum**. »

                                                     * L’ACHAC (Association pour la connaissance de l’histoire de l’Afrique contemporaine) est le groupe de recherches dirigé notamment par Pascal Blanchard. Ce dernier est souvent mis en cause car il dirige aussi une agence de communication à destination des grands groupes industriels ou de services, afin d’améliorer leur image en termes de positionnement antiraciste.

                                                    ** Les auteurs de l’article évoquent par exemple la collaboration de Pascal Blanchard et Nicolas Bancel avec l’universitaire Françoise Vergès, militante décoloniale féministe et anticapitaliste, pour plusieurs ouvrages, La Fracture coloniale 2005, Ruptures postcoloniales, 2010, Sexe, race & colonies , 2018. F. Vergès dénonce la « colonialité républicaine française » et la domination blanche; ses positions sont proches du parti des Indigènes de la république.

 

Les auteurs de la tribune remarquent aussi l’abus du jargon dans ls études décoloniales. On rappelle aussi l’appréciation portée par les auteurs sur le livre Sexe, race & colonies, de Blanchard et autres: « un livre qui, si l'on excepte quelques études solides de véritables historiens, n'est que le miroir du gauchisme culturel décolonial sévissant dans certains milieux intellectuels et quelques campus universitaires ».

Mais ces oppositions émanent de quelques spécialistes.

Les médias progressistes à forte audience (Le Monde, Libération, L’Obs) ou destinés à des publics plus restreints (Les Inrocks, Télérama, Le Monde diplomatique), les radios de service public, accueillent avec empressement toute nouvelle parution (notamment de vulgarisation)  qui “dénonce” ou “s’en prend” au colonialisme, à l’idéologie coloniale toujours présente, etc – et les salue comme un acte de courage et une rupture avec le discours établi, comme si on était en 1960 ou 1970.

 

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Photo d'une peinture (indienne?) en illustration de l'article d'Aurore Koechlin, compte-rendu du livre de Françoise Vergès, Un féminisme décolonial,  sur la revue en ligne Contretemps, revue de critique communiste, mars 2019.

https://www.contretemps.eu/feminisme-decolonial-verges/

 

 

 

 

« LANGUE DE BOIS ET RÉPÉTITION MILITANTE »

 

La tribune parue dans L’Express a évidemment suscité de protestations, notamment la réponse de Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et GillesBoëtsch, Il faut brûler la recherche postcoloniale: l’Empire contre-attaque

https://blogs.mediapart.fr/pascal-blanchard-achac/blog/271219/il-faut-bruler-la-recherche-postcoloniale-l-empire-contre-attaque

Ou encore Pourquoi a-t-on si peur en France des études postcoloniales ?, signé par deux universitaires enseignant aux USA, Alain Mabanckou et Dominic Thomas, https://histoirecoloniale.net/Pourquoi-a-t-on-si-peur-en-France-des-etudes-postcoloniales.html

A l’opposé, François Rastier, directeur de recherches émérite au CNTS a aussi consacré une étude en 4 parties, Sexe, race et SHS* (Site Non-fiction, octobre 2020, https://www.nonfiction.fr/article-10529-sexe-race-et-shs-44-contre-les-sciences-de-la-culture.htm), aux études décoloniales (et aux études de genre qui leur sont associées, soit pragmatiquement, soit plus théoriquement du fait que pour les penseurs décoloniaux,  le système de domination blanche est à la fois racial, masculin et hétérosexuel).

                                                                 * Sciences humaines et sociales

 

 Il remarque que pour des théoriciens décoloniaux comme Grosfoguel, la connaissance, « émanation de l’ennemi occidental », est un « complot colonial », on tient pour acquise « la colonialité de la connaissance ».

« … les études décoloniales sont donc hostiles non seulement à la science, mais à la connaissance, elles se définissent comme une insurrection (insurgency) : ainsi Grosfoguel, professeur à Berkeley, considère que « l’institution de programmes d’études ethniques et raciales aux États-Unis est une forme d’insurrection épistémique contre le racisme/sexisme épistémique* ». L’insurrection est conduite par des « chercheurs activistes » (activist researchers). »

                                                               * Epistémique : relatif à la connaissance.

 

F. Rastier écrit que, pour les auteurs décoloniaux, « Le critère de la vérité n’est pas l’expérimentation ou le croisement des sources et des documents, mais la vision du monde de l’individu et du groupe auquel il appartient* ». Les travaux universitaires qui se réclament de ce courant se sont pour lui, non des travaux scientifiques, mais un simple langage, « une langue de bois », un « idiome …fondé sur la répétition militante » qui tente « d’imposer une idéologie et de participer ainsi à un contrôle social renforcé ».

 

                                                              * Il cite Claire Gallien, spécialiste de littérature anglaise et de la construction du savoir orientaliste : « Contrairement à la croyance en une vérité a-perspectiviste et universelle dans le discours scientifique, la décolonialité présuppose que la connaissance est toujours le résultat d'une incarnation et d'un engagement »

 

Dès lors (selon lui), un bon nombre d’études décoloniales se contentent de ressasser des mots et concepts qui ont valeur de marqueurs, à défaut d’un discours logique. Par exemple dans l’ouvrage publié en 2019 sous le titre Sexualité, identité & corps colonisés, nouvelle édition refondue et augmentée du livre de Blanchard, Bancel et d’autres dont on a parlé plus haut), avec  avant-propos, du président du CNRS Antoine Petit (mais sans les illustrations); on peut lire : « Si le sujet cherche à devenir autre que lui-même, l’expérience sexuelle doit-elle être privilégiée pour l’hybridation identitaire ? La confusion entre identité sexuelle et identité personnelle peut nous aveugler sur l’hybride sexuel car le queer et le genre s’inscrivent dans des renversements interraciaux, parfois complets, de postures, de positions et de rôles. En hétérosexualisant les homosexuel·le·s, ou en homosexualisant les hétérosexuel·le·s, le risque est de perdre la variation identitaire de l’hybride qui peut tout à la fois être métis·se, homo, bi, trans, hétéro selon la situation performative ».

François Rastier commente : « La déconstruction revendiquée des « imaginaires coloniaux » semble appeler une telle phraséologie convenue. » (https://www.nonfiction.fr/article-10526-sexe-race-et-sciences-sociales-14-le-soutien-des-tutelles.htm).

 

 

QUEL CAMP SOUTIENNENT LES INSTITUTIONS ?

 

 

Le même mouvement existe aussi, bien entendu, dans d’autres pays européens. En Grande-Bretagne, les auteurs décoloniaux estiment que l’Université n’est pas encore assez ouverte aux travaux de la mouvance -ni aux personnes de couleur.

Pourtant, comme l’indique un opposant, on trouverait difficilement «  une seule université britannique proposant, où que ce soit, un cours où ne serait pas régurgité le récit dominant d'un Occident malfaisant » et qui ne présenterait pas la critique «  de « l'altérisation » des cultures et des sociétés non occidentales ». (Doug Stokes, Universités britanniques : l'obsession de la décolonisation, article publié initialement dans le magazine australien Quillette, traduit dans  Le Point,  https://www.lepoint.fr/debats/universites-britanniques-l-obsession-de-la-decolonisation-16-03-2019-2301605_2.php

 

L’opposition au mouvement postcolonial/décolonial, dans sa version universitaire, n’est pas qu’une dispute académique (ce qu’elle était encore à l’époque du livre de J-F. Bayart cité plus haut), visant des travaux jargonnants ou manquant de solidité scientifique.

 

Pour certains, l’affirmation des études décoloniales dans le monde universitaire  – qui est parallèle à l’agitation médiatique au nom des minorités discriminées dans les pays occidentaux - prend la forme d’une conquête de positions par un mouvement sectaire et intolérant, qui a réussi sa percée dans les milieux du pouvoir.

Les adversaires des études décoloniales (conçues dans leur aspect militant) accusent les autorités de l’Etat d’adopter une attitude de soumission envers les chercheurs “activistes” des études décoloniales.

 

Selon Taguieff et autres dans la tribune déjà citée Les bonimenteurs du postcolonial business en quête de respectabilité académique, les diverses productions « décoloniales » obtiennent le soutien des institutions publiques (la direction de CNRS*, la DILCRAH (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT), malgré [ou à cause ?] de leur contenu militant, de leur « anti-occidentalisme assumé et théorisé » , de leur soutien aux « minorités actives appartenant à la mouvance indigéniste-décoloniale, qui, sous couvert d'antiracisme, travaillent à racialiser l'espace culturel ».

                                                                    * De son côté, F. Rastier écrit : « Le soutien du CNRS au courant décolonial ne date pas d’hier et couronne une évolution continue, dont témoignent maints projets de recherches, thèses, séminaires et colloques… Ils attestent du clivage racial qui s’est installé et théorisé, avec l’appui des tutelles. (…) Il affecte la Recherche comme l’Université » (https://www.nonfiction.fr/article-10526-sexe-race-et-sciences-sociales-14-le-soutien-des-tutelles.htm)

 

Les auteurs de la tribune veulent mette en évidence « la démission de certaines autorités administratives de la recherche et de l'édition scientifiques devant les prétentions des tenants du postcolonial business », leur « soumission aux dernières modes idéologiques parées d'antiracisme et d'antisexisme, alors que leur devoir est de tout faire pour garantir la qualité de la recherche française ». Il existe de la part des pouvoirs publics une tendance à plier devant la vague décoloniale, à accepter de « Créer des chaires pour les activistes des études postcoloniales et soutenir de diverses manières la publication de leurs textes » qui marquent pourtant une régression de l’exigence scientifique.

En 2020, Pierre-André Taguieff (sociologue et politiste au CNRS) a publié un livre intitulé L'imposture décoloniale : Science imaginaire et pseudo-antiracisme.

 

Il existe donc des opposants aux études dites décoloniales, qui mettent en doute leur sérieux, bien que ces études obtiennent l’aval de grandes institutions, ce qui à l’évidence pose problème.

 

Qui a tort et qui a raison ? Les études sont-elles du verbiage qui ne se justifie que par la force du politiquement correct qui a conquis (partiellement encore) les institutions, ou de vrais travaux scientifiques, que refusent d’admettre des esprits réactionnaires ? *

Ce n’est qu’un des aspects du débat. L’autre est l’accusation d’utiliser des moyens sectaires pour imposer les théories décoloniales.

                                                                       * Sans entrer dans le débat des critères occidentaux de scientificité, rejetés par une partie de la mouvance décoloniale !

 

 

 

LA MISE EN CAUSE DU « PRIVILÈGE BLANC » AUX USA

 

 

Les partisans des études décoloniales dans le cadre universitaire et les militants « antiracistes » dans le cadre de leur action sur l’opinion, les médias et les dirigeants, utilisent des moyens similaires pour faire prévaloir leurs points de vue. Nul besoin d’appartenir à un groupe discriminé pour soutenir les positions de ces mouvements. Il suffit d’être solidaire et éventuellement d’édifier sa carrière de spécialiste ou d’universitaire sur cette solidarité.

Ce mode de pensée qui recherche la promotion des minorités et corrélativement, l’abaissement ou l’effacement du groupe dit privilégié, (sauf si celui-ci reconnait ses torts et devient un auxiliaire du mouvement) s’est implanté d’abord aux USA.

 

La domination des idées décoloniales et antisexistes ont abouti à des situations comme la maintenant célèbre université d’Evergreen où l’enseignement était (ou est toujours ?) subordonné à toutes les règles et méthodes de “déconstruction” du “privilège” des Blancs*, mâles, hétérosexuels, ou plutot l’enseignement semblait avoir été remplacé purement et simplement  par l’étude de ces règles (au mieux appliquées à chaque matière enseignée)**. Mais Evergreen n’est que la vitrine peut-être aberrante d’une mécanique à l’oeuvre partout : les groupes dénommées EDIWG (Equity, Diversity, and Inclusion Working Group) exercent une action à l'intérieur des entreprises et institutions  dans le sens du contrôle de l'application des valeurs progressistes.

 

 

                                                          * La théorie du privilège blanc a été formulée en 1989 par Peggy McIntosh dans un article jugé pionnier : White Privilege: Unpacking the Invisible Knapsack (le privilège blanc, défaire le sac-à-dos invisible) ; selon cette théorie, un Blanc, même miséreux, sera un dominant, un non-Blanc richissime sera un dominé. On voit les implications de cette théorie – qui expliquent en partie que les mouvements de gauche aient abandonné la défense des travailleurs (certes tous les travailleurs ne sont pas Blancs, mais dans les pays occidentaux, ils sont en majorité Blancs), qui n'ont pas besoin d'être défendus, puisqu’après tout, ce sont des privilégiés - pour se focaliser sur la défense des minorités en tant que telles, des migrants et à la rigueur des travailleurs appartenant aux minorités (inutile de dire qu'une partie de la gauche refuse d'admettre ouvertement ce changement, mais nous n'entrerons pas plus avant dans la discussion).

                                                          ** Sur Evergreen, on renvoie au documentaire bien connu sur You Tube – que ne manquront pas de “déconstruire” les “minorités” et leurs supporters (https://www.youtube.com/watch?v=u54cAvqLRpA&t=1571s)

 

Bien entendu, à aucun moment il ne peut être admis que le racisme ne provient pas que des Blancs, que les attitudes discriminantes peuvent être présentes dans tous les groupes y compris ceux qui se plaignent d’être discriminés. La rhétorique minoritaire a ses réponses toutes prêtes à ces remarques, l’une de ces réponses étant le concept de « fragilité blanche » - qui est imparable : si vous protestez en disant qu’en tant que Blanc, vous ne vous sentez pas spécialement avantagé, c’est que la critique a porté, vous vous défendez parce que vous sentez que vous avez tort !*

                                                     * Le concept peut se rapprocher de celui de whitesplaining, présenté comme l’attitude présumée  hypocrite d’un Blanc qui veut démonter à une personne de couleur qu’elle se trompe sur ce qui est raciste ou ne l’est pas. Le principe est finalement simple à comprendre : le Blanc a toujours tort (sauf s'il admet tous les reproches qui lui sont faits). Ce qui est amusant, c’est que ces concepts ont souvent été inventés aux USA par des Blancs, dont c’est (au sens strict du mot) le fonds de commerce, le business.

 

Depuis quelque temps, les militants antiracistes, féministes et pro-minorités sexuelles se donnent le nom de woke (éveillés) car ils sont  conscients des discriminations et de  la nécessité de les combattre; ce militantisme devient un objectif de vie, aboutissant parfois, selon un schéma observé dans les mouvements sectaires ou politiques extrémistes, à une "course à la pureté idéologique". On parle aussi, de façon souvent dépréciative,  des Social justice warrior (en abrégé SJW, guerrier de la justice sociale), actifs surtout sur les réseaux sociaux, définis comme des personnes qui défendent des causes progressistes de façon  jugée extrémiste, fallacieuse ou outrancière (définition Wikipedia).

 

Les concepts créés aux USA se répandent ensuite dans les autres pays occidentaux où existent des populations non-blanches importantes (pays de peuplement anglo-saxon, pays européens...). En France, le concept de privilège blanc apparaît dans les débats à partir de juin 2020 (Wikipedia), tandis que l'expression woke comence à être connue dès 2018.

 

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 Le whitesplaining, dessin d'Emmanuelle Dufour (dessinatrice québecoise), tiré d'une suite militante invitant à "déconstruire" le racisme. Ici le whitesplaining est présenté comme une attitude inappropriée, mais dépourvue de méchanceté, sans la connotation d'hypocrisie et de racisme caché qui l'accompagne souvent chez ceux qui le dénoncent.

http://www.emanuelledufour.com/lettre-agrave-mes-amis-blanches.html

 

 

 

 

 

EN FRANCE : LE COMBAT DES « RACISÉS »

 

 

En France, les choses sont peut-être moins avancées qu’aux USA, mais des groupes similaires existent et ils s’efforcent, comme tout groupe d’intérêts, d’augmenter leur poids et leur infuence dans la société, ayant bien retenu la leçon de Gramsci que le pouvoir s’acquiert d’abord par la dominatio culturelle.

 

Ces groupes activistes (il peut s’agir de formations avec une dominante : minorité racisée* ou minorité sexuelle, ou de groupes réunissant plusieurs formes de minorités) sont rejoints par des personnes n’appartenant pas forcément à ces catégories mais qui ont trouvé une cause  à laquelle se rattacher et sont acharnés à dénoncer la société occidentale – en tout cas jusqu’à ce qu’elle se réforme dans le sens souhaité. Au-delà des groupes spécifiques d’action minoritaire, des formations classiques ont adopté leur démarche comme certains syndicats étudiants, ainsi que quelques partis “à gauche de la gauche” ou des mouvements “antifascistes” (antifa) qui définissent le fascisme par tout ce qui n’est pas d’extrême-gauche. A partir de ces positions, le mouvement cherche à étendre (et y réussit partiellement) son audience globale.

 

Le terme “racisé”* est fréquemment employé par cette mouvance pour remplacer le mot “racial” qui serait utilisé seulement par les racistes.”Racisé” renverrait à une construction sociale et à une situation subie, non à une appartenance objective; le mot évite (dans la pensée de ceux qui l’utilisent) d’accréditer l’idée que les races existent réellement.

                                                            * Il est issu des travaux de la sociologue Colette Guillaumin dans les années 1970.

 

Le mouvement décolonial est un des aspects du mouvement antiraciste extrêmement puissant aujourd’hui. La force du mouvement décolonial est aussi d’être intégré à d’autres combats : le féminisme radical, la défense (ou affirmation) des minorités sexuelles. Le regard critique sur la période coloniale n’est qu’un des aspects des “luttes” dites intersectionnelles, qui s’appuient mutuellement, dans l’action concrète*.

                                                                               * Le terme intersectionnalité a été créé en 1989 par la juriste américaine Kimberlé Williams Crenshaw à propos des femmes noires pauvres qui subissaient  plusieurs discriminations ou dominations en même temps. Mais l'expression s'applique couramment à une convergence d'action de la part de personnes ne subissant pas forcément plusieurs dominations simultanées.

 

Plus théoriquement, l’intersectionnalité des luttes est une conséquence logique de la domination de la pensée blanche, telle qu’elle s’est exprimée dans le colonialisme, régissant tous les aspects de la vie (domination des Blancs sur les autres populations, domination sexuelle de l’homme sur la femme, domination hétérosexuelle, domination des concepts de la pensée et de la science occidentale)*. L’apport des penseurs décoloniaux sud-américains consiste justement dans l’exposé de la domination blanche et des moyens de la contester.

 

                                                                     * Les liens entre appartenance à la “race” blanche et subordination des femmes aux hommes , par exemple, sont donnés comme évidents – pourtant il semble qu’on trouve aussi une telle subordination dans les populations non-Blanches et non-occidentales…

 

Mais pour beaucoup de militants, il n’est pas utile d’aller chercher des justifications élaborées – celles-ci sont disponibles au besoin et mises en avant par les théoriciens du mouvement. On peut dire que largement, le mouvement antiraciste actuel et les théories décoloniales sont imbriquées.

Bien entendu, on peut distinguer les groupes militants et les théoriciens universitaires, qui ne s’expriment pas forcément par les mêmes moyens. Mais comme iI existe une convergence entre les uns et les autres, iI existe aussi des modes d’action communs ou au moins similaires

 

Le mouvement antiraciste, à partir d’ un constat avec lequel quasiment tout le monde est d’accord, (le refus des discriminations basées sur l’appartenace dite raciale) a bâti une idéologie avec laquelle on a parfaitement le droit de ne pas être d’accord*.

                                                                        *  Depuis plusieurs années déjà, des penseurs comme Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner voient l’antiracisme comme un nouveau totalitarisme.

 

Enfin, il faudrait être naïf pour ne pas penser qu’iI existe dans les mouvements décoloniaux des stratégies d’ambitions personnelles à l’oeuvre (comme partout), voire même que ces ambitions sont la vraie motivation de quelques uns des acteurs de la mouvance.

 

 

PRUDENCE OU CONNIVENCE DES DIRIGEANTS ?

 

 

Devant ces mouvements très actifs, qui à la fois peuvent occuper les rues et occuper les colonnes des journaux, où se situe le politiquement correct ?  Il est dans l’aspect dogmatique avec lequel les mouvements expriment  leurs valeurs et leur vision du monde et cherchent à discréditer leurs adversaires,  retrouvant des aspects comportementaux présents dans les partis extrémistes et les sectes.

 

Mais il est tout autant dans l’accueil de soumission qui est fait à ces mouvements par ceux qui, en principe, sont ses adversaires désignés ; les dirigeants de la société, que ce soit dans le domaine politique et gouvernemental, dans le domaine économique, dans le domaine médiatique et culturel, qui en général sont ceux qui sont supposés avoir profité à plein du “privilège blanc” ou du privilège masculin.

 

Les dirigeants des sociétés européennes et plus largement de la société occidentale doivent compter avec ces mouvements de rassemblement des minorités. Font-ils seulement la part du feu ou sont-ils conquis par la nouveauté (pas si nouvelle maintenant) du mouvement, donc par l’effet de mode, par son dynamisme, par la vérité de certaines au moins de ses affirmations, d’autant plus que le courant très fort du féminisme rejoint le courant décolonial et le courant des minorités sexuelles dans leurs combats (jusqu’au jour où peut-être ces compétiteurs pour le pouvoir, aujourd’hui alliés, s’affronteront?).

Il est assez ironique de voir des personnalités qui représentent la somme de tous les privilièges accueillir avec des mines gourmandes toutes les manifestations, même les plus absurdes, qui se font au nom de l’égalité et de l’antiracisme, persuadées qu’en les soutenant, rien ne viendra porter atteinte à leurs privilèges - et que si facture à payer il y a, elle sera supportée par d’autres, moins privilégiés.

 

 

Au lieu de s’opposer fermement, là où c’est utile, aux exagérations des mouvements , les diigeants se plient plus ou moins docilement à leurs desiderata - jamais assez pour les militants. C’est ici que joue à plein l’effet politiquement correct qui veut que devant certaines affirmations, la réaction soit de s’effacer et de paraître accepter, ou même devancer les revendications des groupes minoritaires qui deviennnent au moins dans l’influence, des groupes majoritaires:

« … deux stratégies d’emprise se complètent, celle des groupes sectaires, militants du genre ou de la race, et celle des appareils bureaucratiques. Par exemple, l’écriture dite inclusive est maintenant recommandée voire imposée par des universités, laboratoires, écoles d’ingénieurs, car elle s’accorde pleinement avec l’idéologie managériale. Elle prolonge à sa manière les tableaux Excel et autres formatages. Il ne s’agit nullement de convaincre, mais simplement d’imposer et de s’imposer. Les tenants d’une langue de bois se moquent du contenu de ses formules du moment qu’elles sont employées, de gré ou de force, peu importe : ce ne sont pas des signes mais des signaux, pas des pensées mais des marques attendues de soumission » (François Rastier, Sexe, race et SHS [sciences humaines et sociales]. Enjeux managériaux et politiques, 3/4, site Non-fiction https://www.nonfiction.fr/article-10528-sexe-race-et-shs-34-enjeux-manageriaux-et-politiques.htm).

 

En face des revendications et de l’affirmation des mouvements décoloniaux et assimilés, l’attitude du pouvoir est souvent ambivalente ou contradictoire: elle traduit le “en même temps” caractéristique de notre époque. Tandis qu’un ministre  désapprouve, ses subordonnés approuvent ou laissent faire. Attitude classique de toute période de changement de mentalités, qui permet encore aux activistes de crier à la persécution tandis qu’ils engrangent les succès et accèdent à des positions de pouvoir.

 

 

 

CANCEL CULTURE ET MACCARTHYSME

 

 

Il est vrai que les activistes disposent maintenant de moyens de “persuasion” bien rodés, connus sous le nom de cancel culture (mot-à-mot culture de l’annulation) ou cancel attitude : appels au boycott, à la suppression de ce qui dérange, à la punition des déviants, avec l’audience démultipliée des réseaux sociaux où le réflexe de meute joue à plein, éventuellement recours disproportionné aux tribunaux – vous n’allez pas nous reprocher de faire appel à la loi, n’est-ce pas ?*

                                                 * Ces recours, ainsi que le recours (ou dénonciation) aux instances de contrôle (en France, par exemple, le Conseil supérier de l'audiovisuel, CSA) posent évidemment la question de la neutralité des instances judiciaires ou de contrôle d'un secteur professionnel.

 

Regardons, par exemple, sur un média pourtant proche des thèses antiracistes, l’article de Claire Levenson, Aux États-Unis, le nouvel antiracisme vire à la paranoïa, Slate,  juin 2020, sous-titré :” Les démissions, dénonciations et excuses publiques se multiplient, dans un environnement où un nombre toujours croissant d'attitudes sont considérées comme racistes”. http://www.slate.fr/story/191916/etats-unis-nouvel-antiracisme-vire-paranoia-denonciations-reseaux-sociaux

 

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Cancel Culture, dessin de Rick McKee, Counterpoint

reproduit sur site The Independent, a voice for Southern Utah.

Le premier amendement de la Constitution américaine protège la liberté d'expression. Le premier de ceux qui tirent sur la corde pour abattre la statue, voyant qu'elle va tomber sur eux, dit : Hey, c'est une mauvaise idée, le dernier dit (à peu près): On va l'avoir.

https://suindependent.com/cancel-culture/r

 

 

L’article cite par exemple un analyste politique qui avait déclaré (en se référant à une étude ancienne) que les émeutes après la mort de George Floyd pouvaient amener les gens à voter contre le parti démocrate, par hostilité au désordre. Il a été mis en cause comme raciste et malgré ses excuses, il a été  licencié par son employeur. Un journaliste  (d’origine asiatique selon son patronyme ?) avait relayé une interview d’un Noir disant qu’on occultait les violences commises par des Noirs à l’égard d’autres Noirs – là encore, mis en cause pour “racisme” (au motif qu’il est raciste de parler de la criminalité dans les quartiers afro-américains), il a dû humblement s’excuser. D’autres exemples sont cités par l’article,

 François Rastier dans sa série d’articles citée plus haut, mentionne le cas d’une eneignante d’université aux USA, menacée par une pétition de 2000 signatures demandant son  licenciement parce qu’elle dormait pendant une conférence antiraciste.

 La cancel culture a aussi comme cible les adversaires ou présumés tels du féminisme ou des minorités sexuelles. On peut s'en prendre à des oeuvres ou des auteurs morts parfois depuis longtemps. Aux USA on vient récemment de mettre en cause Homère au prétexte que des passages de l'Odyssée présenteraient une culture du viol... Il est significatif que ce soit une oeuvre majeure (voire fondatrice) de la culture occidentale qui est ici contestée.

Evidemment, pour ceux qui l'utilisent (forcément dans le sens politiquement correct - il semble inimaginable qu'il existe une cancel culture en sens inverse), la cancel culture ne frappe que ceux qui méritent de l'être. Comme l'indique Lisa Nakamura, une enseignante d'université américaine qui approuve la tendance, si quelqu'un veut " écarter" les transgenres, il n'y a pas de raison qu'il ne soit pas écarté à son tour [mais justement, les adeptes du politiquement correct ont des conceptions très extensives sur ce qui est nocif de leur point de vue]. Elle considère que même si parfois le châtiment est exagéré ou se trompe de cible, le progrès de la société est à ce prix.

Pour reprendre la formule du professeur américain Joseph Bottum : « On chassait [au 17ème siècle] les sorcières à Salem, on chasse désormais les incorrects dans tout le pays ».

 

En France, le mouvement antiraciste et/ou antisexiste radical n’a pas (encore ?) atteint une telle puissance.

Mais les exemples de mise en oeuvre (ou tentatives) de la cancel culture se multiplient François Rastier cite une philosophe empêchée de s’exprimer lots d’une conférence sur la censure, au motif qu’elle serait hostile aux minorités sexuelles et favorable au “patriarcat”, un linguiste empêché de s’exprimer lors d’une conférence sur l’écriture inclusive, des étudiants passant des concours (d’agrégation pour certains!) qui pétitionnent contre  la (soi-disant) culture du viol dans les poèmes de Ronsard ou d’André Chénier proposés au concours, l’annulation d’un spectacle où les acteurs jouant une pièce d’Eschyle portaient un masque noir. Les exemples sont très nombreux.

 

Les « autorités » laissent faire;  ainsi que l’écrit un chroniqueur : « Prudence et pusillanimité sont à l’ordre du jour » chez les présidents d’université et directeurs d’institution. « Surtout ne pas entraver la liberté d’entraver tout débat. Ces gens portent une lourde responsabilité dans les menaces qui pèsent de plus en plus sur la liberté d’expression » (Pierre Jourde, Tous ensemble contre le fascisme dans les écoles d’art, [le titre est ironique !] Bibliobs, février 2020 https://www.nouvelobs.com/les-chroniques-de-pierre-jourde/20200213.OBS24809/tous-ensemble-contre-le-fascisme-dans-les-ecole-d-art.html

 

D'autres contestent qu’iI existe un “maccarthysme”* mis en action par les militants radicaux, antiracistes et féministes, à l’université, au-delà de quelques incidents; la situation était bien pire après mai 68 ! (article de Simon Blin, Y a-t-il un «maccarthysme» à l’université ? Libération, novembre 2019, https://www.liberation.fr/debats/2019/11/19/y-a-t-il-un-maccarthysme-a-l-universite_1764334)

                                                                                                   * Le maccarthysme (ou maccarthisme) désigne la politique anticommuniste mise en place aux Etats-Unis sous l'influence du sénateur républicain Joseph McCarthy au début des années 1950, aboutisant à l'exclusion sociale et professionelle des supposés communistes ou sympathisants (ce qu'on a appelé la "chasse aux sorcières" par référence notamment aux  persécutions des prétendues sorcières au 17ème siècle en Amérique). Par extension, toute attitude politique qui tend à priver ses adversaires du droit à l’expression. En 2019, à propos d’incidents dans les universités françaises (les représentants des groupes minoritaires s’étaient opposés à des conférences ou des représentations théâtrales), le ministre de l’Education déclarait : « C’est une sorte de nouveau maccarthysme qui fait que l’on veut s’attaquer à la liberté d’expression », mais soulignait que l’autonomie était un principe fondamental des universités qui faisait obstacle à toute intervention directe de l’Etat (https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/conference-d-agacinski-annulee-blanquer-condamne-une-sorte-de-nouveau).

 

 

 

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Illustration de l'article de Peter W. Wood, Cancel Culture Comes to Science (La Cancel culture arrive chez les scientifiques), Wall Street Journal, janvier 2020

https://www.wsj.com/articles/cancel-culture-comes-to-science-11578867753

 

 

 

NOUVELLES CONFRONTATIONS

 

 

A la suite de l’affaire Samuel Paty (assassinat par décapitation d’un enseignant par un islamiste), une centaine d’universitaires et chercheurs signent dans Le Monde du 1er et 2 novembre 2020 un manifeste dans lequel ils condamnent « les idéologies indigéniste, racialiste et décoloniale » (transférées des campus nord-américains) », présentes dans les universités et qui nourrissent « une haine des « Blancs » et de la France »  et le « militantisme parfois violent [qui] s’en prend à ceux qui osent encore braver la doxa antioccidentale et le prêchi-prêcha multiculturaliste ».

 « Il serait temps de nommer les choses et aussi de prendre conscience de la responsabilité, dans la situation actuelle, d’idéologies qui ont pris naissance et se diffusent dans l’université et au-delà. L’importation des idéologies communautaristes anglo-saxonnes, le conformisme intellectuel, la peur et le politiquement correct sont une véritable menace pour nos universités. La liberté de parole tend à s’y restreindre de manière drastique, comme en ont témoigné récemment nombre d’affaires de censure exercée par des groupes de pression. »

 Les signataires soutiennent les déclarations du ministre de l’Education qui a dénoncé l’implantation dans l’Université d’un courant islamo-gauchiste.

 

 Ce manifeste a suscité des réactions, bien entendu. De façon mesurée, Jean-Louis Laville, professeur au CNAM, écrit sous le titre La théorie-décoloniale ne constitue pas un repaire d’islamo-gauchistes: « Certes, dans cet ensemble hétérogène que l’on désigne comme la pensée décoloniale, il existe des textes dans lesquels une orientation racialiste est perceptible, et des groupuscules s’en revendiquent pour justifier leur identitarisme. Mais cela n’autorise pas à invalider l’ensemble de l’école décoloniale » (Le Monde, novembre 2020). L’auteur rappelle que les préoccupations écologiques rejoignent les thèses décoloniales, puisque, comme on sait, l’exploitation à outrance des ressources naturelles est une composante de la pensée occidentale.

 Ou l’article de Stéphane Dufoix, professeur de sociologie à Nanterre sur le site The Conversation, L’impossible décolonisation des sciences sociales françaises, novembre 2020 , qui réagit aux propos du ministre de l’Education nationale, qui accusait « les idéologies indigéniste, racialiste et “décoloniale” », implantées dans les universités françaises, d’alimenter la « haine des “Blancs” et de la France ».

L’auteur cite les critiques faites aux théories décoloniales selon lesquelles elles « essentialisent »* des identités (Blancs, Noirs, etc). Pour lui, au contraire, « La question de l’intersectionnalité, remise en cause par [le ministre de l’Education] J.-M. Blanquer, est ainsi un concept qui permet de dé-essentialiser, soit ne pas réduire à une seule catégorie, les individus et collectifs dont on discute/sur lesquels on porte un regard » [dès lors que dans l’intersectionnalité, les individus et groupes sont considérés selon plusieurs appartenances] (https://theconversation.com/limpossible-decolonisation-des-sciences-sociales-francaises-149411)

                                                                       * Essentialiser est devenu un maître-mot du débat contemporain. En gros c’est réduire une personne ou une entité à une caractéristique, généralement péjorative – mais cette définition n’est pas forcément commune à tous les utilisateurs du mot, toujours pris en mauvaise part. Quand il s’agit de considérer une catégorie de population (une communauté), il est difficile voire incohérent de ne pas considérer qu’il existe des caractéristiques communes entre ses membres.

 

 L’auteur cite une tribune de revues de SHS (sciences humaines et sociales) parue dans Le Monde, qui avait aussi réagi aux propos du ministre, ironisant sur l’absurdité qu’il y aurait à considérer que « les terroristes auraient été guidés par des « “études décoloniales” dont ils ignorent l’existence ».

 

 

 

CHAQUE CAMP DÉNONCE UNE POLICE DE LA PENSÉE

 

 

 

Mais surtout 2000 universitaires et chercheurs ont répondu au ministre en dénonçant “une police de la pensée”: « Au fond, une seule « thèse » est ici avancée : un courant d’étude et de pensée se développerait dans les universités, qui nourrirait « une haine des “Blancs’’ et de la France ». Une telle affirmation est sidérante. En quoi l’étude des identités multiples et croisées, des oppressions et des combats pour l’émancipation conduirait-elle à de tels sentiments ?

Nous connaissons l’histoire de France dans toute sa diversité. On y trouve des engagements pour l’émancipation, l’égalité et le droit ; on y trouve aussi des horreurs, violence coloniale, violence sociale et formes terribles de répression. Mais rien qui en fasse une « essence ». »

 

Plus militant encore, Contretemps, revue en ligne de critique communiste*, publie un texte de Fanny Gallot, intitulé  Cachez ces dominations qu’ils ne sauraient voir. Quand la liberté académique est remise en cause.

                                                                                * L'utilisation du mot communiste n'implique plus, aujourd'hui, une référence quasi automatique au  Parti communiste français. Contretemps se définit comme non partisan mais engagé aux côtés de la gauche radicale.

 

Le texte accuse les adversaires des études décoloniales de s’en prendre aux ”libertés académiques” pour faire annuler des colloques “intersectionnels” et cite une étude qui identifie les signataires de la tribune contre l’islamogauchisme comme “Vieux, privilégiés, blancs, peu familiers en moyenne des mondes étudiants non-privilégiés [?] : telles sont les caractéristiques dominantes parmi les universitaires affolés par l’emprise maléfique de l’islamogauchisme*. »

                                                                 * On trouve le mot avec ou sans trait d’union. Sur l’islamo-gauchisme, voir l’article de P.-A.  Taguieff, Aux sources de l’islamo-gauchisme, Libération, octobre 2020)https://www.liberation.fr/debats/2020/10/26/aux-sources-de-l-islamo-gauchisme_1803530

 

 

L’auteur estime que les « chercheurs et les chercheuses racisé-e-s* » sont victime de persécution : les « campagnes de dénigrement dont iels** font l’objet conduisent au discrédit, à la disqualification pouvant aller jusqu’à des menaces de sanction disciplinaire ou d’autres mesures de rétorsion. Ces attaques participent ainsi d’une forme de harcèlement au travail, pesant sur les carrières et sur la santé » et ajoute que « certain-e-s font face à une surveillance d’État *** », et n’obtiennent aucun soutien des institutions.

Elle écrit : « Cependant, si le rapport de forces nous est certainement défavorable au moment où nous écrivons, les réactions massives des chercheurs/ses en sciences humaines et sociales – notamment des jeunes chercheurs/ses – contre ce qu’il faut bien nommer un maccarthysme académique (…),  il se pourrait bien que la dynamique soit dans notre camp. »****( https://www.contretemps.eu/recherche-racisme-intersectionnalite-islamophobie-postcolonial-autoritarisme-academique/)

                                                             * L’auteur ne parle que des chercheurs « racisés » - sans mentionner les nombreux non-racisés, pour reprendre l’expression, qui appartiennent à la même mouvance.

                                                                      ** Dans l’écriture inclusive, “iels” peut remplacer ils et elles (il existe aussi un usage encore plus militant chez les “non-binaires”).

                                                           *** Notamment dans le cadre de la politique antiterroriste. L'auteur renvoie à l'article de Félix Tréguer et Camille Noûs, Les chercheurs face à la surveillance d’État : état des lieux et contre-mesures, revue Traces, 2019.

                                                           **** On peut penser au manifeste des 2000 universitaires et chercheurs prenant la défense des études décoloniales.

 

Chaque camp se renvoie les accusations de maccarthysme, d’exercer une influence sectaire dans le champ universitaire et de vouloir priver (et d’y parvenir parfois) ses adversaires du droit à l’expression. Chaque camp prétend que les autorités académiques soutiennent l’autre camp ou au moins adoptent une grande prudence dans leurs réactions (« pas de vagues » dans ce domaine comme dans d’autres).

 Il est vrai que les membres de l’Université et des laboratoires de recherches sont aussi (et parfois surtout) dans des démarches de carrière professionnelle : celles-ci dépendent largement de facteurs externes à l’activité académique ou scientifique proprement dite, et pour ceux qui exercent des fonctions administratives de direction, de leur positionnement par rapport aux multiples autorités et réseaux d’influence, parfois opposés, dont ils dépendent.

 

En supposant que chaque camp ait raison dans cette dénonciation contradictoire, ce ne peut pas être de façon générale, mais au cas par cas, en considérant le paysage universitaire ou de la recherche comme une sorte de champ de bataille ou des positions sont disputées, gagnées ou défendues.

 

Enfin, pour être complet, on signale que très récemment (janvier 2021) a été lancé un Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires qui se donne pour but de défendre le pluralisme et de « mettre un terme à l’embrigadement de la recherche et de la transmission des savoirs ». 76 universitaires (dont Pierre-André Taguieff) appellent à soutenir l'Observatoire.

 NB : dernier développement en février 2021 : la ministre de l'enseignement supérieur a demandé un enquête sur la présence de "l'islamo-gauchisme" à l'université - qui serait confiée au CNRS (enquête sociologique a-t-elle précisé ensuite). En retour, plusieurs centaines de chercheurs et universitaires ont signé une pétition (les signatures continuent et selon le  site Université ouverte, elles atteindraient 12000 ?) qui accuse la ministre d'attaquer la liberté académique et demande sa démission, tandis que pour la ministre, ce sont les comportements des islamo-gauchistes qui portent atteinte à la liberté d'expression et d'enseigner. Evidemment, la polémique concerne aussi la pertinence du mot "islamo-gauchiste" - qui serait dépourvu de contenu "scientifique", bien qu'inventé par un universitaire réputé, P.A. Taguieff. Dans les colonnnes des journaux et sur les plateaux d'émission télévisées, on a vu Eric Fassin (sociologue engagé dans le combat antiraciste) ou Pascal Blanchard venir expliquer que l'islamo-gauchisme n'existait pas et que c'était une invention nauséabonde comme le judéo-bolchevisme des années 30 (argument réfuté parTaguieff) ... 

 

 

À QUOI SERVENT LES ÉTUDES DÉCOLONIALES ?

 

 

A ce point on peut poser une question candide. A quoi servent, dans le domaine universitaire, les études tendant à déconstruire* la pensée coloniale, le privilège blanc, etc ? Dès lors que la cible des auteurs (au moins pour certains d’entre eux) est rien moins que la pensée occidentale moderne, on peut se demander pourquoi et comment ils croient possible par leurs travaux - qui ne seront guère lus que par leurs confrères et consoeurs probablement déjà convaincus -  de changer des mentalités qui seraient constitutives de l’Occident.

                                                          * Bien que la notion  (empruntée notamment à la philosophie de Derrida) soit rarement expliquée, on peut comprendre qu’ elle signifie montrer les contradictions ou le caractère implicitement favorable à groupe social, sexuel ou ethnique d’une idéologie, d'un récit historique ou autre, et généralement montrer que les différences et inégalités constatées dans le champ social ne sont pas naturelles mais "construites" et donc modifiables.

 

Croient-ils naïvement, comme l‘ont écrit certains de leurs maîtres à penser, que toute parole (parlée ou écrite évidemment) est « performative », que « dire, c’est faire » et que lorsqu’on « dénonce » ou « déconstruit », dans une thèse ou une publication universitaire, on déconstruit aussi dans la réalité sociale ?

Ne les jugeons pas si naïfs – comme pour les militants médiatiques avec lesquels ils forment une nébuleuse ou un continuum, il s’agit avant tout d’imposer des attitudes, de créer des réflexes :  que soutenir certaines idées est valorisant et bien, qu’en soutenir d’autres est « nauséabond » et mal. Les idées que veulent promouvoir les décoloniaux s’imposeront à travers le ralliement plus ou moins sincère des leaders d’opinion, grâce à des réseaux d’influence, à la pression médiatique impulsée par la nébuleuse. A  partir de là, des politiques seront mises en oeuvre, des changements et ajustement auront lieu dans les domaines sur lesquels l’Etat peut intervenir (peut-être à la marge), par exemple dans les programmes d’enseignement.

Ces politiques ne changeront sans doute pas fondamentalement la vie de ceux qu’on désigne comme « racisés » (et encore moins des pauvres Blancs, puisque ceux-ci sont des privilégiés !), mais changeront probablement celle d’une partie des penseurs impliqués dans le mouvement, qui seront amenés à profiter des petits-fours des réceptions, des postes de chargés de mission pour commencer et de directeurs d'institution pour continuer, des titres et fonctions universitaires à se partager entre les meilleurs représentants de la pensée victorieuse.

Encore n’y en aura-t-il pas pour tout le monde - car il est peu probable que tous les doctorants – ou pire ceux qui n’arriveront pas à ce niveau – puissent tirer profit de leur investissement militant - mais c’est autre histoire…

 

 

 

CONCLUSION (PROVISOIRE, ÉVIDEMMENT)

 

 

La confrontation entre les partisans des études postcoloniales ou décoloniales, et leurs adversaires, peut paraître une de ces disputes académiques qu’on aime bien en France. Sauf qu’il s’agit d’une confrontation internationale et que le caractère académique du débat est remplacé par la volonté d’imposer avec dogmatisme de nouveaux modèles de pensée de la part des partisans du mouvement décolonial.

Est-il exagéré de penser, comme certains, que le pluralisme est menacé ? En effet, pour les décoloniaux, leurs adversaires représentent le système de domination blanche et masculine qu’ils veulent abattre. Il s’agit de vaincre un ennemi accusé de turpitudes avec lesquelles on ne peut pactiser ("racisme d'Etat", islamophobie, sexisme,  norme hétérosexuelle, "racisme systémique", "privilège blanc"), de faire triompher une morale, une conception du bien.

Pas d’ennemi à gauche disaient autrefois les dirigeants de la gauche de gouvernement. Pas d’ennemis chez les minorités actives, et chez ceux qui parlent en leur nom, disent les dirigeants de toutes sortes de nos sociétés.

 

Nous en sommes là et l’avenir est ouvert – mais si on en juge par exemple par la disproportion des effectifs (à la centaine d’universitaires défavorables aux études décoloniales - au moins sous l’aspect politique de celles-ci - signataires de la pétition de 2020, s’opposent 2000 signataires de la pétition contraire), l’avenir ne parait pas s’annoncer sous des couleurs encourageantes pour ceux qui préfèrent l’esprit critique aux idéalismes fanatisants, qu’ils soient sincères ou intéressés, et la recherche neutre, au politiquement correct.

 

 

 

 

 

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Le comte Lanza vous salue bien
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