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Le comte Lanza vous salue bien
7 février 2016

LE SANG IMPUR DE LOUIS XVI PREMIERE PARTIE

 

 

 

 

LE SANG IMPUR DE LOUIS XVI

PREMIERE PARTIE

 

 

 

 

 

[ J'ai ajouté récemment un "chapitre" intitulé "le sang impur de Louis Capet" à mon message sur La Marseillaise (deuxième partie),  au risque de rendre celui-ci, par son ampleur, difficilement lisible par les gens pressés que nous sommes tous ;  et puis je me suis dit que ça valait la peine d'explorer un peu plus le sujet et de lui consacrer un message entier  ]

 

 

 

ENCORE LE SANG IMPUR

 

 

On pense ce qu'on veut de La Marseillaise, hymne admirable ou relique partisane d'une époque tragique.

Mais une chose m'irrite particulièrement, c'est quand on  veut lui faire dire autre chose que ce qu'elle dit.

D'ailleurs quand on parle de "ce que dit La Marseillaise", de quoi parle-t-on ?

De  ce qu'a voulu dire l'auteur (Rouget de Lisle, mais aussi les auteurs des couplets qu'il n'a pas lui-même écrits), de ce qu'ont compris ceux qui l'ont chantée à l'époque (chantée ou détestée d'ailleurs !), ou de ce qu'ont compris les générations suivantes, jusqu'à nos jours ? 

Il y a quand même, au delà des interprétations individuelles ou d'une époque, un sens évident sur lequel on peut s'entendre.

Comme les hymnes des pays sud-américains qui exaltent la liberté et ont été les hymnes de régimes dictatoriaux, je ne crois pas qu'on puisse trouver un "programme" bien clair contenu dans la Marseillaise, sauf se battre contre les ennemis de la patrie et de la liberté.

C'est suffisamment clair, dira-t-on ?

Pas forcément; car à toutes les époques on peut avoir des idées très différentes sur ce qu'est la patrie ou la liberté. 

Beaucoup de dictatures, de tendance idéologique opposées, se réclamaient de la liberté. L'Espagne du général Franco avait comme devise Una, Grande, Libre (pas besoin de traduire), les régimes dictatoriaux de l'Amérique du sud d'autrefois étaient des grands amis des Etats-Unis, pays de la liberté, et prétendaient défendre la liberté contre le communisme, et les régimes communistes défendaient évdemment la liberté contre...l'impérialisme américain. 

Est-ce d'ailleurs si important, dans la mesure où un hymne est le plus souvent une sorte de représentation musicale du pays, bien plus qu'un véritable programme moral ou politique ? Les hymnes les plus sincères sont ceux qui se contentent de dire des choses comme "mon beau pays"...

On peut faire dire aux hymnes à peu près tout ce qu'on veut, mais dans la limite du sens évident. L'essentiel reste de ne pas dénaturer les paroles elles-mêmes pour remplacer les idées et sentiments d'une époque par des idées et sentiments représentatifs de la mentalité actuelle.

On a compris que je m'en prends ici à l'interprétation très récente (aucune trace avant le début des années 2000 ) selon laquelle, dans le refrain, les mots fameux "qu'un sang impur " renvoient au sang des révolutionnaires et des patriotes (français bien sûr) et non au sang des ennemis de la France et des contre-révolutionnaires.

Selon cette interprétation, les révolutionnaires se seraient qualifiés eux-mêmes comme ayant un "sang impur",  pour répondre à la prétention des "nobles" d'avoir du sang pur. En gros, le sens serait quelque chose comme : " Vous dites que nous avons le sang impur, eh bien, vous allez voir comment nous, les "sang impur", nous allons nous battre pour notre idéal et verser notre sang".

Pensée alambiquée qui avait peu de chance de se former dans l'esprit d'un homme de la fin du 18ème siècle et surtout pas celle de Rouget de Lisle, monarchiste constitutionnel, encore moins ans le milieu qui était le sien :  il fut chargé de composer un air entraînant pour les volontaires qui rejoignaient l'armée par son ami le baron de Dietrich, maire de Strasbourg, lors d'un repas auquel assistaient le comte de Broglie, le duc d'Aiguillon (de la famille de Richelieu), le marquis du Chastellet (ou du Châtelet), tous  officiers et révolutionnaires modérés  d'origine noble, qui certes ne portaient plus leurs titres de noblesse depuis l'abolition des titres. Enfin Rouget dédia son chant au commandant en chef de l'armée du Rhin, le maréchal  Lückner, vieux mercenaire allemand au service de la France, ci-devant baron (en France) et comte au Danemark.

 Comme on sait, beaucoup de ceux qui furent mêlés à la création de La Marseillaise furent guillotinés sous la Terreur (Dietrich, Broglie, Lückner), du Chastellet se suicida en prison, d'Aiguillon mourut en émigration, Rouget de Lisle n'échappa à la guillotine que grâce à la chute de Robespierre.

J'ai donc recherché des références prises à l'époque révolutionnaire, où les mots "sang impur" désignent clairement le sang des ennemis de la révolution - on en trouve à foison, et évidemment on n'en trouve aucune avec le sens contraire.

 

Et ce n'est pas la peine de me parler des élucubrations de Gavroche dans Les Misérables de Victor Hugo (1865). Il s'agit d'une sorte de monologue, où Gavroche  cite notamment des passages de La Marseillaise dont le fameux "sang impur", tout cela alors qu'il participe à une émeute révolutionnaire durant laquelle il va trouver la mort, inspirée de faits réels survenus en 1832. 

Or, rien n'indique vraiment que dans ce texte qui ressemble à un discours intérieur, Victor Hugo accrédite l'idée que le sang impur est celui des révolutionnaires.

Ensuite, même si on devait le comprendre ainsi, ce serait un retournement du sens immédiat, une invention propre à Victor Hugo, une sorte de paradoxe voulu, allant contre l'interprétation admise et vaudrait pour le personnage de Gavroche et non pour d'autres . Ce retournement de sens, dans un ouvrage de 1865, n'aurait aucune valeur en ce qui concerne la compréhension du passage en cause de La Marseillaise ni dans son contexte d'époque (la révolution française, soixante-dix ans avant l'écriture du roman), ni par la suite.

Pour moi la cause est définitvement entendue et ce débat  devrait être clos. Il a surtout pour résultat de montrer la généralisation de l'inculture historique et de l'absence d'esprit critique :  ceux qui sont à l'origine de cette nouvelle lecture et ceux qui l'acceptent "les yeux fermés" mettent ce qu'ils souhaitent à la place d'une vérité historique et modifient celle-ci selon ce qui convient à leurs idées: ici le but est d'éloigner de l'hymne national l'horrible soupçon de xénophobie - alors que  la xénophobie joue un rôle important durant la période révolutionnaire. Mieux, cette interprétation tend insidieusement à avaliser (anachroniquement) la conception de la France comme un creuset de populations d'origines différentes, où le "sang pur" (au sens où il signifierait une seule origine) n'existe pas, et contribue ainsi à l'éloge actuel du métissage.

 

Et le plus agaçant, c'est que les partisans de la version à la mode taxent volontiers d'inculture tous ceux qui  interprètent les paroles du refrain de La Marseillaise comme on l'a toujours fait depuis plus de deux siècles !

Dans ce camouflage, bobos partisans d'une version "de gauche" de l'hymne national et cocardiers "de droite" soucieux de moderniser leurs idéaux se rencontrent.

 En insistant sur le sacrifice des révolutionnaires,on évacue aussi la violence révolutionnaire, comme si le sang versé avait été d'un seul côté. 

A ce compte-là, mieux vaut être complètement ignorant et indifférent à l'histoire, que prétendre s'y intéresser pour la travestir et faire du révisionnisme idéologique, aboutissant à relire l'histoire  selon les conceptions politiquement correctes du présent (qui seront sans doute devenues elles-mêmes caduques dans quelques années).

 

 

 

 LE SANG IMPUR DE LOUIS CAPET

 

 

 

 

C'est donc dans mes recherches sur le "sang impur" que je suis tombé, de nouveau,  sur une illustration fameuse (toutes les personnes qui s'intéressent un peu à l'histoire révolutionnaire ont du la rencontrer, reproduite dans des livres) , montrant la tête décapitée de Louis XVI brandie par une main (celle du bourreau, de toute évidence). Du cou coupé, le sang tombe en gouttes.

Sous cette image frappante s'étale la phrase célèbre "Qu'un sang impur abreuve nos sillons".

Le dessin parut peu après l'exécution de Louis XVI (21 janvier 1793).

A ce moment on ne dit plus Louis XVI, mais Louis Capet. Puisque sa famille est celle des Capétiens, les révolutionnaires l'ont affublé d'une sorte de nom de famille inventé pour la circonstance (à ce compte-là, Louis Bourbon aurait été plus exact pusqu'il appartient à la branche de ce nom de la lignée des Capétiens)..

 Cette image a été mise en rapport par des historiens de l'art avec l'image célèbre de la Gorgone, monstre mythologique dont le regard avait la capacité de pétrifier, tenue à bout de bras par le héros qui l'a tuée, Persée (même si vous ne connaissez pas la mythologie, vous avez sans doute vu  le film hollywoodien Le choc des Titans (The clash of Titans), version de 1981 de Desmond Davis et remake en 2010). Sur ce point d'iconographie, voyez l'appendice à la fin de mon message.

  

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 Gravure de 1793 représentant la tête décapitée de Louis XVI, attribuée à Villeneuve (graveur ou imprimeur?). Légende en haut : MATIERE À REFLECTION (sic) POUR LES JONGLEURS COURONNÉES (sic).

Légende en bas : Qu'un sang impur abreuve nos sillons.

Site de vente Waddesdon

Le texte sous l'image rappelle que Louis XVI est "tombé sous le glaive des lois" le 21 janvier 1793 à dix heures. Suit un extrait d'un discours de Robespierre sur la mort du "tyran".

 http://collection.waddesdon.org.uk/search.do?id=43021&db=object&page=1&view=detail

 

 

 

 

 QUELQUES MOTS SUR LE PROCES

 

 

 

Nous n'allons pas raconter dans le détail le procès de Louis XVI.

Après la prise des Tuileries (journée révolutionnaire du 10 août 1792) la déchéance du roi fut décidée, puis son procés. Le roi devait être jugé par la nouvelle assemblée nationale élue en septembre 1792 (les élections eurent lieu au milieu des fameux massacres de septembre, circonstance bien peu favorable pour la sérénité des choix électoraux !). Cette assemblée prit le nom de Convention nationale.

 

Si on considère que le roi déchu fut jugé par les représentants de la Nation donc indirectement par la Nation elle-même, alors il faut aussi signaler que la Convention fut élue, au suffrage universel masculin (en excluant les domestiques et les indigents), par environ 10 à 15% du corps électoral. En principe les électeurs nommaient une assemblée électorale qui votait pour les députés dans chaque département.

L'écrasante majorité des électeurs ne participa donc pas au vote, et dans le contexte d'époque, les candidats ne pouvaient se présenter que comme des partisans convaincus de la révolution. A Paris, les élections eurent lieu au siège du club des Jacobins, pendant qu'on massacrait les détenus monarchistes dans les prisons de Paris, ce qui garantissait une représentation monocolore (en effet quasiment tous les élus parisiens étaient des révolutionnaires convaincus). 

Dans les Bouches-du-Rhône, l'assemblée électorale réunie à Arles, apprenant les massacres qui se déroulaient à Paris, éclata en applaudissements (plus ou moins sincères, peut-être).

Si des modérés furent quand même élus, ils représentaient des localités plus calmes et ils restaient discrets sur leurs opinions politiques, préférant sans doute se présenter comme des partisans révolutionaires mais ennemis du désordre.

 

 Après une instruction menée dès septembre 1792, le procès du roi commença en décembre 1792. Le roi avait pour défenseur deux avocats, Tronchet et de Sèze, et un juriste, son ancien ministre, le vieux Malesherbes, qui devait lui aussi être guillotiné pendant la Terreur et qui s'était présenté spontanément pour défendre le roi.

 Le procès ne se passait pas dans des conditions idéales de tranquillité d'esprit.

Les militants révolutionnaires (les sans-culottes),  les membres des clubs politiques les plus révolutionnaires, peuplaient les tribunes de la salle des séances, menaçaient  et insultaient les députés qui, même de façon prudente, trouvaient des circonstances atténuantes au roi.

A Paris, les révolutionnaires convaincus tenaient la rue et leur présence était partout - les députés provinciaux, surtout ceux qui avaient des opinions modérées, avaient certainement l'impression de vivre dans un milieu hostile, ce qui ne les poussait pas à faire peuve d'un courage inconsidéré.

 

 

 

 

LE SANG DE CE MONSTRE, TOUT IMPUR QU'IL EST ...

 

 

 

Pendant ce procès, des députés émirent des avis imprimés destinés à l'opinion publique (et à leurs électeurs) sur la culpabilité du roi et la sanction à lui infliger. Les avis qui se prononçaient contre la peine de mort étaient évidemment rédigés de façon prudente, accablant le roi pour conclure  toutefois qu'il ne fallait pas voter la mort.

Ces avis, ainsi que l'ensemble des débats et des interventions orales des députés, du roi et de ses défenseurs, ont été recueillis dans un ouvrage publié en 1795 Le procès de Louis XVI, ou, Collection complette [sic] des opinions, discours et mémoires des membres de la Convention nationale, sur les crimes de Louis XVI, dont l'auteur était Jean-Charles Poncelin de La Roche-Tilhac.

 Les avis des députés permettent de voir que l'expression "sang impur" était couramment employée pour caractériser Louis XVI et plus largement les ennemis de la Révolution, même par les députés enclins à refuser la peine de mort.

 

Pardoux Bordas, député de la Haute-Vienne, écrit :

 

"J’ai vu que le sang impur de Louis pouvait devenir le prétexte et l’aliment d’une guerre contre toutes les têtes couronnées.

… Au contraire, Louis, gardé en otage, pouvait encore nous ménager quelques neutralités...

[ Après avoir dit que  la mort violente des tyrans produit toujours de nouveaux tyrans il conclut : ]


Je vote pour la réclusion perpétuelle de Louis XVI."

 

Pemartin, député des Basses-Pyrénées, propose un décret  ainsi rédigé:

 

"...considérant que la nation française, toujours généreuse et magnanime, ne veut pas souiller son territoire du sang impur d’un roi,

Décrète

Que Louis Capet et sa famille sont bannis du territoire français."

 

Anthoine, député de la Moselle, récapitule les crimes de Louis XVI - du moins ce qu'il considère comme des crimes, et écrit :

 

" Il laissa dissiper les finances de l’Etat par sa femme, par ses frères, par la horde impure dont il ne cessa de s’entourer ; il fit sucer à d’horribles vampires le plus pur sang des hommes. Louis mérite la mort.

Il donna des lettres de cachet en blanc à ses ministres, à ses gouverneurs, à ses intendants ; ce fut par ses ordres que des femmes prostituées ensevelirent des hommes vivants dans le sépulchre (sic) de la Bastille. Louis mérite la mort."

Pour Anthoine, ce sont les victimes du pouvoir royal qui ont versé le "plus pur sang", tandis que les courtisans sont une "horde impure".  

Il serait amusant de donner ce texte à commenter à des lycéens d'aujourd'hui - il est probable que certains prendraient au premier degré l'allusion aux vampires suceurs de sang, qui évoquent une mode des histoires de vampires dans des  livres et surtout des films destinés au public adolescent !

Quant aux "prostituées" (artistocratiques bien entendu) qui grâce à la faveur du roi, ont obtenu des emprisonnements à la Bastille, on voit mal de quoi parle le député.  A moins qu'il s'agisse des protagonistes de l'affaire dite du Collier de la reine (dont l'escroc Cagliostro et l'aristocratique cardinal de Rohan, tous deux vite relâchés) et que l'allusion aux "femmes prostituées" concerne au premier chef la reine elle-même... 

Tout le monde sait que la Bastille était à la fin de l'ancien régime une prison relativement confortable et qu'au 14 juillet on y trouvait emprisonnées sept personnes : deux malades mentaux (dont un comte) qui furent ensuite transférés à l'asile de Charenton,dans des conditions d'internement bien plus mauvaises, quatre escrocs et un aristocrate emprisonné à la demande de sa famille pour "crimes atroces" (peut-être un amour incestueux avec sa soeur ?). Le célèbre marquis de Sade, détenu un moment à la Bastille, avait été transféré  à Charenton le 3 juillet 1789 et n'y était plus le 14.

 

Brunel, député de l’Hérault, est contre la peine de mort et espère qu'elle sera abolie ; il ne peut donc, en raison de ces principes, voter la mort :

" Néanmoins l’horreur que j’ai pour l’effusion de sang, même le plus impur, le plus souillé de crimes, l’espoir prochain de voir disparaître de notre code pénal la peine de mort, me font incliner à commuer la peine des deux coupables [ le roi et la reine ] en les livrant à leurs remords et à leur infamie dans une prison perpétuelle."

 

 Enlart, député du Pas-de-Calais, souhaite assez curieusement que la Convention invite les représentants des peuples " libérés" par les armées révolutionnaires (Niçois, Savoyards, Belges, Allemands de Mayence) à venir juger le roi, afin de pemettre un jugement objectif, qui ne peut pas être celui des députés ou même du peuple français (le député récuse implicitement la compétence de la Convention) et suppose, avec des formules alambiquées, que si ces étrangers repoussent la peine de mort, la France en sera heureuse :

 

 " Puisse le sang des barbares autrichiens, et celui, plus impur encore, des émigrés, versé dans la Belgique et dans les Electorats [l'armée française révolutionnaire était entrée dans les Electorats allemands - principautés dont les souverains, portant le titre de Grand Electeur, avaient le droit de vote pour élire l'empereur germanique, d'où leur nom], suffire pour délivre le monde des tyrans ... la mort de Capet est inutile pour cimenter la liberté".

 On voit qu'ici, le sang impur (l'expression n'est d'ailleurs pas appliquée au roi) est celui des ennemis qui combattent avec les armes la  révolution, Autrichiens "barbares" (pourquoi ne pas parler des Prussiens également?) et surtout, émigrés français qui combattent dans l'armée dite des Princes (dont fera partie par exemple Châteaubriand), considérés comme des traîtres.

 

 

Le député Drouet de la Marne (il s'agit du célèbre maître de postes de Sainte-Menehould,  qui avait reconnu le roi lors sa  tentative de fuite et avait été à l'origine de son arrestation à Varennes en 1791; la  célébrité acquise par Drouet l'avait poussé dans une carrière politique) veut prouver que si la Convention refuse de juger le roi, alors le peuple se fera justice lui-même et massacrera le roi. Alors, 

" le sang de ce monstre, tout impur qu'il est, rejaillirait sur vous"

 

Il vaut donc mieux le juger et le condamner légalement.

 

Nous dirons plus tard quelques mots du destin de ces Conventionnels (voir annexe 1).

 

 Ajoutons quelques mots sur le  journaliste Jean Charles Poncelin de La Roche-Tilhac (ou Tillac), auteur du recueil d'opinions et compte-rendu du procès de Louis XVI dont nous avons extraits ces passages et qui mérite d'être mieux connu.

Voici ce que dit le Dictionnaire des journalistes, 1600- 1789, en ligne. Il est né en 1746 dans le Poitou; son père, Jean Poncelin, est employé dans la gabelle. Après de bnnes études, il se destine à la carrière ecclésiastique et il est nommé chanoine de Notre-Dame de Montreuil-Bellay en Anjou. Il achète la charge de conseiller du roi à la Table de marbre (juridiction de l'amirauté) et devient avocat du roi. Puis il s'établit à Paris. Au début de la Révolution, il ouvre une maison de librairie-imprimerie et se lance dans une activité journalistique intense.  

Notons au passage que sous l'Ancien régime, le fils d'un employé des impôts pouvait devenir chanoine puis acheter une charge de conseiller du roi (sans doute assez peu rentable puisqu'il l'abandonne pour le journalisme), ce qui dénote au moins une forme d'ascenseur social. Par ailleurs, la charge conseiller du roi était (généralement) anoblissante.

Poncelin (dont la particule aristocratique semble de fantaisie) "s'impose comme l'un des journalistes les plus actifs et les plus persévérants, et ses feuilles revêtent une importance et un intérêt incontestables."

D'abord révolutionnaire, au fur et à mesure que les événements se déroulent, il prend ses distances avec le mouvement révolutionnaire, surtout après le 10 août 1792 (prise des Tuileries, chute de la monarchie). C'est après la chute de Robespierre (juillet 1794) qu'il s'affirme sans réserve royaliste (aurait-il pu le faire avant ?).

 Il court des risques personnels : condamné à mort dans les suites de  l'insurrection néo-royaliste du 13 vendémiaire an IV (octobre 1795) puis condamné à la déportation, comme beaucoup de rédacteurs et imprimeurs, sous le Directoire après le coup d'état du 18 fructidor an V (septembre 1797), qui s'en prend aux personnalités jugées crypto-royalistes, il parvient à se cacher dans les deux cas, mais ses presses sont jetées à la Seine. Enfin la suppression de la plupart des journaux par Bonaparte met fin à son activité de journaliste. Après de mauvaises affaires comme libraire, il se retire et mène une retraite studieuse jusqu'à sa mort en 1828, à 82 ans.http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/650-jean-charles-poncelin-de-la-roche-tilhac

 

 

 Dans son livre sur le procès de Louis XVI, Poncelin évoque les débuts de Robespierre à la Convention (mais Robespierre, ancien député à la Constituante, n'était pas entièrement un inconnu). Le journaliste note (en 1795, un an environ après la mort de Robespierre)  qu'on aurait pu dès ce moment "démêler les sinistes projets de ce monstre" et l 'envoyer à l'échafaud (évidemment, ce n'est qu'une fomule rhétorique)  avec ce commentaire  : "un peu de sang impur, versé alors, eut épargné des flots du plus pur sang de la France".

Ici c'est Robespierre qui représente le sang impur, mais on retrouve les mêmes expressions que chez les députés, où le sang pur qualifie toujours les bons (ceux qui sont favorables à la révolution) et le sang impur les méchants (les contre-révolutionnaires).

 

 

 

 LE VOTE

 

 

 Après les débats, le vote sur le verdict eut lieu à partir du 15 janvier 1793.

 

Les députés devaient répondre à quatre questions :

 

  1. Louis Capet est-il coupable de conspiration contre la liberté publique et d'attentats contre la sûreté générale de l'État, oui ou non ?
  2. Le jugement de la Convention nationale contre Louis Capet sera-t-il soumis à la ratification du peuple, oui ou non ?
  3. Quelle peine sera infligée à Louis ?
  4. Y aura-t-il un sursis à l'exécution du jugement de Louis Capet, oui ou non ?

 

 Comme le reconnait (en restant sans doute en-desous de la vérité) le site du ministère de la justice :

 " la pression populaire dans et hors de l'enceinte de l'assemblée a certainement dû faire changer certains votes de députés incertains et/ou apeurés. Pour preuve la déclaration d'un député Montagnard à ce propos : "Il faut que vous ne laissiez pas passer une question sans l'appel nominal : par cette mesure nous ferons connaître à la République les membres qui ne sont pas à la hauteur de leur mission"...

De fait, chaque député ne votant pas la mort était invectivé, injurié et même menacé par la foule qui s'était déplacée en masse sur les lieux du jugement" ( http://www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/proces-historiques-10411/le-proces-de-louis-xvi-22604.html ).

 

 Les députés ne purent donc pas se retrancher sur un vote anonyme. Si tel avait le cas, quel aurait été le résultat ?

 Les quatre questions posées, les comptes et décomptes - il fallut recompter les votes  sur certaines questions et même revoter - ne rendent pas facile d'indiquer clairement combien ont voté pour la mort ou pour d'autres peines (personne n'ayant voté l'acquittement pur et simple) ; les votes pour la mort avec sursis   pouvaient de la part de certains députés être autant l'expression sincère de leur jugement  "en leur âme et conscience" qu'une précaution personnelle pour ménager la chèvre et le chou.

 

 Certains députés refusèrent de participer au vote, estimant qu'ils avaient été élus comme législateurs et pas comme juges et qu'il y avait confusion des pouvoirs.

 Dans le département de Paris (devenu département de la Seine un peu après) sur les 24 députés, 21 votent pour la mort.

 Dans d'autres départements, au contraire il y eut une majorité contre la mort : ainsi, un seul député de la Corse sur six  vota pour la mort.

Dans les Basses-Pyrénées , sur six députés, aucun ne vota la mort.

Mais lorsqu'on vota une dernière fois pour le sursis ou pas, les courages faiblirent. Ainsi sur les cinq députés corses ayant voté contre la mort, trois s'arrangèrent pour ne pas être là lors du vote sur le sursis, deux étant "malades", un autre absent sans excuse.

 Ils n'étaient pas les seuls. Certains députés qui avaient voté contre la mort pensèrent sans doute "se rattraper" en votant contre le sursis.

 

Au total sur 749 députés (pas tous présents) 361 votèrent au troisième vote (quelle peine sera infligée à Louis Capet?) pour la mort sans condition (soit une voix de majorité), mais 44 autres votèrent pour la mort avec sursis et 26 pour la mort avec vote pour l'amendement Mailhe (qui cherchait de manière contournée à faire confirmer le verdict par une nouvelle délibération).

Le sursis fut rejeté par 380 voix contre 310, 41 députés étant absents (dont un démissionnaire et 21 malades) et 10 autres s'abstenant.

Enfin l'appel au peuple (confirmation de la sentence par le peuple) avait été rejeté en deuxième vote, alors que la logique aurait voulu que cette option soit présentée à la fin, une fois le verdict rendu.

 

Le 20 janvier 1793 les représentants du gouvernement (le ministre de la justice Garat) et de la Commune de Paris (Hébert) et l'un des avocats du roi, Malesherbes, vinrent annoncer au roi le verdict.

En voyant Malesherbes en larmes, le roi déclara : " Je m'attendais à ce que vos larmes m'apprennent ; remettez-vous, mon cher Malesherbes."

Le révolutionaire extrémiste Hébert, qui devait finir sur la guillotine, au moment où les Jacobins décidèrent d'éliminer leurs adversaires  "exagérés" (on pourrait avec un peu d'anachronisme dire "gauchistes"),  nota à cette occasion, avec une sorte d'irritation,  le comportement plein de dignité du roi.

La délégation apprit aussi au roi que la sentence serait exécutée le lendemain même, tout délai étant refusé.

 

 

 

 

 

LE 21 JANVIER 1793

 

 

 

 L'exécution de Louis XVI eut lieu place de la Révolution, aujourd'hui place de la Concorde.

Nous ne ferons pas le récit entier de l'exécution elle-même,  mais seulement de quelques points, puis nous évoquerons les réactions à celle-ci.

Selon Michelet dans son Histoire de la Révolution française :  

" Autour de l'échafaud, on avait  réservé une grande place vide, bordée de canons ; au-delà, tant que la vue  pouvait s'étendre, on voyait des troupes. Les spectateurs, par conséquent,  étaient extrêmement éloignés. "

Sur les 100 000 hommes en armes de la Garde nationale qui assistaient à l'exécution, y avait-il 80 000 hommes qui la désapprouvaient ? C'est ce que des monarchistes ont dit, parlant de "80 000 victimes en conduisant une au supplice" (cité par Joseph Mathieu, La célébration du 21 janvier, 1865, ouvrage dont on reparlera).

Commentant cette phrase, Mathieu dit : "Une poignée de soi-disant patriotes, en cette circonstance comme en bien d'autres de ces temps malheureux, suffit pour en imposer à une population  entière".

Le roi, arrivant au pied de l'échafaud, ne voulut pas être lié :

" Les bourreaux voulaient lui lier les mains, et il  résistait. Ils avaient l'air d'appeler et de réclamer la force. Le Roi  regardait son confesseur et lui demandait conseil. Celui-ci restait muet  d'horreur et de douleur. Enfin, il fit l'effort de dire : Sire, ce dernier outrage est encore un trait de  ressemblance entre Votre Majesté et le Dieu qui va être sa récompense.  Il leva les yeux au ciel, ne résista plus : Faites  ce que vous voudrez, dit-il, je boirai le calice jusqu'à la lie " (Michelet).

Selon ce qu'a confié plus tard à Alexandre Dumas, en 1830, le fils du bourreau Sanson, qui était présent avec son père :

" Un des aides attendait donc avec une corde, tandis qu'un autre lui disait : "Il est nécessaire de vous lier les mains." À cette proposition inattendue, à la vue inopinée de cette corde, Louis XVI eut un mouvement de répulsion involontaire. "Jamais ! s'écria-t-il, jamais !" Et il repoussa l'homme qui tenait la corde. Les trois autres aides, croyant à une lutte, s'élancèrent vivement. De là, le moment de confusion interprété à leur manière par les historiens. Alors, mon père s'approcha, et, du ton le plus respectueux : "Avec un mouchoir, Sire" dit-il. À ce mot, Sire, qu'il n'avait pas entendu depuis si longtemps, Louis XVI tressaillit ; et, comme au même moment son confesseur lui adressait quelques mots du carrosse : "Eh bien, soit; encore cela, mon Dieu !" dit-il. Et il tendit les mains. » (Wikipedia, article L'Exécution de Louis XVI)

 Sur l'échafaud il affirma son innocence et qu'il pardonnait à ses ennemis.

Mais les dernières actions et paroles du roi ont été rapportées différemment.

Selon Michelet : "pendant qu'on lui mettait les  sangles, il cria, dit-on, d'une voix forte qui put s'entendre au loin : Je meurs innocent.... je  pardonne à mes ennemis.... Je désire que mon  sang apaise la colère de Dieu."( http://www.mediterranee-antique.fr/Auteurs/Fichiers/MNO/Michelet/Revolution_Francaise/T5/T5_113.htm)

On trouve aussi la formule : " je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe pas sur la France."

 

Mais contrairement au récit de Michelet, le roi semble s'être avancé sur le bord de l'échafaud pour haranguer la foule (comme on l'a vu, majoritairement des gardes nationaux). C'est à ce moment qu'il aurait dit qu'il mourait innocent, pardonnait à ses ennemis et parlé de son sang. 

Sanson, le bourreau, témoin immédiat, déclara quelque jours après que le roi avait dit : "Je souhaite que mon sang puisse servir à cimenter le bonheur des Français", ce qui est autre chose que de parler de la colère de Dieu.

 " Il veut poursuivre mais Santerre (commandant de la Garde nationale) donne  l'ordre de faire battre à nouveau les tambours pour couvrir sa voix." (Wikipedia).

 

Peut-être faut-il distinguer deux choses : les paroles que le roi tente d'adresser au public et les paroles qu'il prononce ensuite, alors que le bourreau procède à son installation sur la guillotine et que seuls les témoins très rapprochés ont pu entendre.

Son confesseur, l'abbé Edgeworth de Firmont, lui crie alors : "Fils de Saint Louis, montez au Ciel !" (il existe d'autres versions des paroles du confesseur au dernier moment).

L’un des assistants de Sanson présenta la tête de Louis XVI au peuple, cependant que des cris s'élevaient de  : “Vive la Nation ! Vive la République !” .

Mais y a t-il eu un immense cri ou des cris clairsemés poussés par des convaincus, mais guère repris ?

 Une salve d’artillerie  annonça l'exécution.

Voici ce que rapporte le journaliste (révolutionnaire) Prudhomme  dans son jounal Les révolutions de Paris  sur ce qui eut lieu après l'exécution du roi : 

" ...Quantité de volontaires [marseillais et brestois] s'empressèrent aussi de tremper dans le sang du despote, le fer de leur pique, la baïonnette de leur fusil ou la lame de leur sabre. Les gendarmes ne furent pas des derniers. Beaucoup d'officiers du bataillon de Marseille et autres, imbibèrent de ce sang impur des enveloppes de lettres qu'ils portèrent à la pointe de leur épée... en disant :  Voilà le sang d'un tyran. Un citoyen monta sur la guillotine même, et plongeant tout entier son bras nu dans le sang de Capet, qui s'était amassé en abondance, il en prit des caillots plein la main, et en aspergea par trois fois la foule des assistans, qui se pressaient au pied de l'échafaud, pour en recevoir chacun une goutte sur le front. Frères, disait le citoyen en faisant son aspersion, frères, on nous a menacés que le sang de Louis Capet retomberait sur nos têtes; eh bien qu'il y retombe ; Louis Capet a lavé tant de fois ses mains dans le nôtre. Républicains, le sang d'un roi porte bonheur." 

Un autre citoyen, témoin à l'écart de cette scène digne des pinceaux de Tacite, s'écria : « Mes amis, que faisons-nous ? Tout ceci va être rapporté ; on va nous peindre chez l'étranger comme une populace féroce et qui a soif de sang ! ». On lui répondit : Oui, soif du sang d'un despote. Qu'on aille le redire, si l'on veut, à toute la terre."

 

 Dans le récit de  Prudhomme, comme dans la gravure de Villeneuve, c'est bien le sang du roi qui est impur.

Michelet nuance ainsi l'outrage des soldats et des citoyens :

 

"Mais déjà sur l'échafaud, des soldats et  autres, soit outrage, soit vénération, avaient trempé leurs armes, du papier,  du linge, dans le sang qui était resté. Des Anglais achetaient ces reliques  du nouveau martyr."

Joseph Mathieu ( La célébration du 21 janvier)  indique que parmi les  Marseillais venus assister à l'exécution  (il ne s'agit pas des gardes nationaux marseillais qui avaient participé à la prise des Tuileries le 10 août 1792 - et popularisé sur leur chemin le chant de Rouget de Lisle; ceux-ci étaient rentrés à Marseille, mais un nouveau bataillon marseillais dit "de la relève" avait été formé à la demande du Conventionnel Barbaroux pour être présent lors du procès du roi) un jeune homme, nommé Allemand, qui était secrétaire de Barbaroux, avait aussi ramené un mouchoir taché du sang du roi. Mais remué par ce qu'il avait vu, il montrait ensuite ce mouchoir avec émotion, les larmes aux yeux.

Il devait finir guilllotiné quelques mois après comme contre-révolutionnaire. Le frère de ce jeune homme, l'abbé Allemand, est le créateur de l'Oeuvre de la Jeunesse, encore bien connue à Marseille.

 

 

 

 

 LES REACTIONS A LA MORT DU ROI

 

 

 

 Comment réagirent les gens ? Michelet, dans son Histoire de la Révolution française, évoque ainsi les réactions (se limitant sans doute à Paris, et sans rechercher particulièrement l'ensemble des réactions en province) :

 

" Il y avait eu à peine sur le passage quelques faibles voix  de femmes qui avaient osé crier grâce, mais, après l'exécution, il y eut chez  beaucoup de gens un violent mouvement de douleur. Une femme se jeta dans la  Seine, un perruquier se coupa la gorge, un libraire devint fou, un ancien  officier mourut de saisissement. On put voir cette chose fatale que la  royauté morte sous le déguisement de Varennes, avilie par l'égoïsme de Louis  XVI au 10 août, venait de ressusciter par la force de la pitié et par la  vertu du sang."

Au passage, notons  que ce que Michelet appelle " l'égoïsme de Louis  XVI au 10 août"  parait se référer à la prétendue indifférence du roi pour le sort des défenseurs du palais - qui effectivement furent massacrés par les vainqueurs révolutionnaires. Qu'aurait pu y faire le roi, prisonnier avec sa famille ?

Le journaliste Prudhomme évoque, pour le minimiser,  l'abattement qui suivit l'exécution du roi, "cet air morne que Paris offrit toute la journée", du moins chez ceux qui n'étaient pas des révolutionnaires frénétiques. Il ne parle d'ailleurs que pour Paris,  mais c'était la ville où les révolutionnaires étaient aussi en position dominante.

Après avoir évoqué sur un ton ironique la crainte des bourgeois qui croyaient que la journée serait marquée par des violences et qui ne se rassurèrent qu'en milieu de journée, il rend responsable de la morosité... la population féminine !

" Les femmes, de qui nous ne devons pas raisonnablement exiger qu'elles se placent tout de suite au niveau des évenements politiques, furent en général assez tristes, ce qui ne contribua pas peu à cet air morne que Paris offrit toute la journée. Il y eut peut-être quelques larmes de versées. On sait que les femmes n'en sont pas avares...tout cela est bien pardonnable à un sexe léger, fragile..."

 Un autre journaliste, Nicolle de Ladevize, dans le Jounal français du 22 janvier 1793, note :

 " Il est inutile de dissimuler. Paris est plongé dans la stupeur. La douleur muette, pour me servir d'une expression de Tacite, se promène dans les rues et la terreur qui enchaîne l'expression de tous les sentiments, se lit sur le font des citoyens. Le roi est mort. L'anarchie est-elle aux abois ? Les factieux sont-ils terrassés? La sûreté individuelle des citoyens est-elle respectée ?" (cité par Joseph Mathieu La célébration du 21 janvier).

 Le journaliste, sans doute par prudence, fait mine, plutôt que de critiquer en elle-même la mort du roi, de considérer qu'elle est inutile car elle ne met pas fin aux dangers ; or ces dangers sont pour lui ceux de l'anarchie, terme qui à l'époque vise les révolutionnaires extrémistes comme Marat, ceux qui s'en prennent justement  "à la sûreté individuelle des citoyens". Pour faire bonne mesure - et se prémunir contre l'accusation d'être un contre-révolutionnaire, le journaliste ajoute plus tard le danger des émigrés. Y croit-il vraiment?

On note sa formulation sur l'atmosphère du moment  : " la terreur qui enchaîne l'expression de tous les sentiments".

Malgré sa prudence, le journaliste en a trop dit. Il est arrêté le jour même et ne doit d'échapper à la punition de ses opinions modérément révolutionnaires qu'à l'intervention des Girondins, dont l'influence contrebalance encore un peu celle, ascendante, des Jacobins.

 

 

 

 

 LES PALINODIES DE PRUDHOMME

 

 

 

Il n'est pas inintéressant de dire quelques mots du journaliste Louis-Marie Prudhomme, qui avait un grand succès avec son journal Les révolutions de Paris, auquel collaboraient des révolutionnaires convaincus comme Chaumette (guillotiné en 1794 en tant que partisan de Hébert), Sylvain Maréchal (futur partisan de la conjuration des Egaux de Babeuf sous le Directoire) et Loustalot. Prudhomme cessa de faire paraître son journal quand la lutte entre les groupes révolutionnaires (Jacobins, Dantonistes, Cordeliers, Exagérés), devint trop dangereuse et qu'un journaliste risquait sa tête en se mettant à dos les uns ou les autres.

En 1797, il fit paraître l’Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la Révolution française, ouvrage saisi par le Directoire. Il publie ensuite un journal Le Voyageur, puis il devient directeur des hôpitaux de Paris. Défavorable à Napoléon, il accueille avec plaisir la Restauration et fait paraître en 1814 L'Histoire de la vie privée et politique du vertueux Louis XVI, puis  en 1825 L’Europe tourmentée par la Révolution de France, ébranlée par dix-huit années de promenades meurtrières de Napoléon Bonaparte. Il meurt en 1830.

Apparemment Prudhomme avait évolué avec son temps. Celui qui en 1814 faisait l'éloge du "vertueux Louis XVI", voulait sans doute oublier qu'un jour de janvier 1793, il avait parlé du sang impur du despote...

 

 Dans l'édition de1824 de l’Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la Révolution française, voici comment Prudhomme présente l'ambiance à Paris lors de l'exécution de Louis XVI (à comparer avec son récit contemporain de l'événement) :

 

" Le plus morne silence régnait parmi tous les habitants de la capitale ; le plus grand nombre état renfermé chez soi ; personne n’osait même paraître à sa fenêtre pendant le passage du cortège [amenant Louis XVI à l'échafaud] composé de tout ce qu’il y avait de plus vil en hommes et en femmes et payés pour crier vive la république !

 (...)

La mort du roi consterna généralement tous les Français, même plusieurs députés qui avaient voté la mort."

 

Prudhomme raconte que le député Poultier, qui avait voté la mort, voulait se suicider. Poultier aurait déclaré à Prudhomme :" Nous sommes des monstres et des lâches".

Il lui expliqua que la Commune de Paris (composée des révolutionnaires extrémistes) tenait les députés modérés sous sa menace si le vote pour la mort n'obtenait pas la majorité :

"nous étions désignés pour être égorgés si nous n’avions pas obtenu la majorité pour la mort du roi."

Le même Prudhomme évoque le député régicide Le Peletier de Saint Fargeau, qui fut assassiné par un royaliste la veille de l'exécution du roi et qui fut enterré en grande pompe par la Convention, considéré comme le premier martyr de la république.

Selon Prudhomme, Le Peletier avait voté la mort du roi sur l'insistance de Philippe d'Orléans (le cousin du roi, qui avait pris le nom de Phlippe-Egalité, lui aussi régicide) avec qui il était lié : Phiippe-Egaité avait fait valoir que tous deux et beaucoup d'autres seraient assassinés par les révolutionnaires extrémistes s'ils ne votaient pas la mort.

 

 

 

 

 

A MARSEILLE

 

 

 

Augustin Fabre, dans son Histoire de Marseille (1829-1830), historien de tonalité libérale et nullement nostalgique de l'Ancien régime, décrit les réactions publiques à Marseille lors de l’exécution de Louis XVI :

« Des bandes de misérables firent des farandoles en insultant toutes les personnes bien habillées et en criant : les aristocrates à la lanterne ».

« Le fanatisme républicain faisait agir les uns, la peur dirigeait tous les autres ».

« Les plus riches se distinguaient par les manifestations les plus éclatantes [d'approbation] parce qu’ils étaient les plus effrayés et les plus lâches ».

 

Ainsi, la mort du roi n’a rien eu d’un moment de réflexion abstraite où chacun, dans sa conscience, se serait sereinement posé la question de la culpabilité du roi, comme on le croit volontiers aujourd’hui. La mort du roi signifiait que les révolutionnaires extrémistes et violents, déjà largement maîtres de la rue, avaient clairement pris le dessus.

Pour toute une partie de la population (peut-être la majorité), le sentiment dominant était plus que jamais la crainte (« la peur dirigeait tous les autres ») et c’est à sa propre sécurité qu’on pensait.

 

Pourtant les illuminations de façades plus ou moins spontanées, et les fêtes données par les sections (circonscriptions électorales) du Manège (Sylvabelle), Saint-Ferréol, Saint-Jean, Saint-Thomas, de la Trinité, Notre-Dame-du-Mont...,  furent de mise à Marseille.

Le journaliste Ferréol Beaugeard qui publie à cette époque Le Journal de Marseille, mentionne les fêtes données par les  sections   "avec autant d'ordre que de gaieté", tandis que certaines sections préféraient donner l'argent de la fête à de bonnes oeuvres (cité par Joseph Mathieu, La célébration du 21 janvier de 1793 à nos jours).

 Quand on sait que Beaugeard était un modéré, un peu plus tard favorable à l'insurrection fédéraliste, et par la suite accusé de royalisme, en tous cas opposant au Jacobinisme, on peut supposer qu'il n'exprimait que très indirectement ses sentiments dans sa relation des fêtes données pour l'exécution de Louis XVI.et qu'il fallait lire entre les lignes. Pour lui comme pour beaucoup de ceux qui faisaient semblant d'applaudir, exprimer ses véritables opinions était impossible. 

 

 

 

 

LE NOBLE SANG DE DAMIENS

 

 

 

Joseph Mathieu, comme nous l'avons dit, publia en 1865 un petit livre (131 pages) La célébration du 21 janvier de 1793 à nos jours.

L'ouvrage parut  chez Marius Lebon, libraire à Marseille, "rue Cannebière, 35". Il date donc de l'époque où La Canebière s'écrivait avec 2 n et était une rue qui partait du port et s'arrêtait à la rue Noailles (au tiers de sa dimension actuelle) . Son auteur, Marseillais, qui ne cache pas ses sympathies royalistes (Marseille contrairement à ce qu'on pense, fut longtemps un bastion royaliste au 19ème siècle) consacre beaucoup de son livre aux événements marseillais en rapport avec le 21 janvier, sans se limiter à cette vision locale.

Il rappelle qu'aussi curieux que cela puisse paraître, une tragédie intitulée La mort de Louis XVI parut en 1793 - l'auteur était  jeune homme de 20 ans, Aignan, qui devait plus tard être de l'Académie française.

Aignan présente la condamnation à mort du roi comme une manoeuvre politique qui doit permettre à son cousin le duc d'Orléans de prendre sa place. On a parlé plus haut du duc d'Orléans  : il avait adopté les idées révolutionnaires et se faisait appeler Philippe-Egalité; membre de la Convention,  il vota la mort du roi, peut-être par peur pour sa propre sécurité comme on l'a dit, ce qui ne l'empêcha pas de monter quelques mois après à l'échafaud. Robespierre et Marat sont présentés comme agissant en faveur du duc d'Orléans.

A un moment de la pièce, Robespierre dit :

Damiens, ton noble sang bouillonne dans nos veines

Damiens était l'homme qui en 1757 avait tenté de poignarder Louis XV et qui avait avait été condamné par le Parlement de Paris (cour de justice supérieure du royaume qui joignait aux attributions judiciaires des attrinutions administratives et des prétentions politiques) à subir,  pour la dernière fois en France, l'horrible supplice de l'écartèlement (on a dit que Lous XV l'aurait volontiers grâcié mais qu'ayant déjà de mauvaises relations avec le Parlement, il n'avait pas voulu l'offenser en annulant sa sentence).

 

Ainsi donc, en cherchant des prédecesseurs, le régicide Robespierre, du moins dans la pièce, attribue un sang noble à Damiens  - et non un sang impur de roturier !

Il est curieux que cette pièce - médiocre sans doute, et probablement non représentée - n'ait pas valu quelques ennuis à son auteur - il est probable qu'elle passa inaperçue. Ce que dit  Aignan des accointances de Robespierre et Marat  avec le duc d'Orléans pour permettre son accession au trône semble sans fondement historique.

Mais Aignan, qui avait pris un poste dans l'administration révolutionnaire, fut bien arrêté sous la Terreur (sans doute pour d'autres motifs que sa pièce); sauvé par le 9 thermidor comme beaucoup d'autres, il fut par la suite fonctionnaire préfectoral sous le Consulat et l'Empire, puis aide des cérémonies de l'empereur, enfin secrétaire-général de la préfecture de la Seine; il  succéda à Bernardin de Saint-Pierre (l'auteur de Paul et Virginie)  à l'Académie française en 1815.

 

 

Joseph Mathieu rappelle que les révolutionnaires (en tous cas les révolutionnaires les plus durs) avaient été agacés par la contenance digne et courageuse de Louis XVI sur l'échafaud.

Ils firent donc répandre le bruit que jusqu'à la fin, Louis XVI avait cru qu'il serait grâcié, d'où sa contenance courageuse. En comprenant sur l'échafaud qu'il allait bien être exécuté, Louis XVI se serait débattu et aurait cédé à la panique. Ce récit parut dans un journal initulé Le thermomètre du jour, en février 1793; on  donnait comme témoin le bourreau Sanson.

Celui-ci répondit au même journal quelques jours après. Sanson relate les derniers moments du roi et rapporte, comme on l'a déjà dit, ses dernières paroles  sous cette forme: " Je souhaite que mon sang puisse servir à cimenter le bonheur des Français".

Sanson ajoute : " Et pour rendre hommage à la vérité, il a soutenu tout cela avec un sang-froid et une fermeté qui nous a tous étonnés, Je reste très convaincu qu'il avait puisé cette fermeté dans les principes de la religion dont personne plus que lui ne paraissait pénétré ni persuadé.

Vous pouvez être assuré, citoyen, que voilà la vérité dans son plus grand jour...le 21 février 1793."

Les révolutionnaires durent grincer des dents et Sanson ne manquait pas de courage pour confirmer que l'attitude du roi avait été digne et courageuse et ses dernières paroles des paroles de  pardon et de sollicitude pour les Français.

Sanson dissimulait un secret, dont parle Joseph Mathieu.

Le soir même de l'exécution de Louis XVI, il s'était rendu dans une petite maison de la porte de la Villette, où se cachaient un prêtre réfractaire et deux religieuses, qui étaient connus d'un ami (ou d'un de ses aides ?) et il leur avait demandé de célébrer une messe à la mémoire de Louis XVI. Il avait remis au prêtre un mouchoir tâché du sang de Louis XVI, sans pourtant dire qui il était.

Pendant toute la période de la Terreur, Sanson protégea autant qu'il pouvait et ravitailla ces religieux réfractaires, qui une fois la tranquillité revenue, en témoignèrent.

Puis quand il fut possible de nouveau de célèbrer publiquement le culte, Sanson et sa famille ne manquèrent jamais de faire dire une messe le 21 janvier dans leur paroisse.

 Ces faits sont-ils exacts ou est-ce un enjolivement de journalistes du 19ème siècle ?

Les messes célébrées tous les ans à la mémoire de Louis XVI à la demande de la famille  de Sanson paraissent  exactes.

 

 

 

 

 

 

PUISSE MON SANG ....

DANS VOS COEURS ETEINDRE LA HAINE

 

 

 

Après la mort du roi, son testament fut connu. Il avait été rédigé dans la prison du Temple, le jour de Noël 1792, alors que le roi ne connaissait pas encore l'issue de son procès.

Dans ce document, le roi pardonne à ses ennemis, préfigurant ainsi ses dernières paroles sur l'échafaud. 

" Je pardonne de tout mon coeur à ceux qui se sont fait mes ennemis sans que je leur en aie donné aucun sujet, et je prie Dieu de leur pardonner, de même que ceux qui par un faux zèle, ou par un zèle mal entendu, m’ont fait beaucoup de mal.

 (....)

Je recommande à mon fils, s’il avait le malheur de devenir Roi, de songer qu’il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens, qu’il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément tout ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j’éprouve. Qu’il ne peut faire le bonheur des Peuples qu’en régnant suivant les Lois, mais en même temps qu’un Roi ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son coeur, qu’autant qu’il a l’autorité nécessaire, et qu’autrement, étant lié dans ses opérations et n’inspirant point de respect, il est plus nuisible qu’utile.

 (....)

Je pardonne encore très volontiers à ceux qui me gardaient, les mauvais traitements et les gênes dont ils ont cru devoir user envers moi. J’ai trouvé quelques âmes sensibles et compatissantes, que celles-là jouissent dans leur coeur de la tranquillité que doit leur donner leur façon de penser."

 

 

Les révolutionnaires  diffusèrent le testament pour ridiculiser la dévotion du roi et ses paroles de pardon, en les taxant d'hypocrisie -  puis il semble qu'ils firent saisir les copies et arrêter ceux qui les détenaient car ce document avait l'effet contraire à ce qu'ils espéraient.

En même temps des chansons circulaient sur la mort du roi.

La plus célèbre sans doute, Les adieux de Louis XVI, se chantait sur l'air de Pauvre Jacques, une romance sentimentale qui passait (à tort semble-t-il) pour avoir été composée par Marie-Antoinette :

 

Ô mon peuple, que vous ai-je donc fait ?

J'aimais la vertu, la justice

Votre bonheur fut mon unique objet

Et vous me traînez au supplice {bis}

 

 (...)

 

Si ma mort peut faire votre bonheur

Prenez mes jours, je vous les donne

Votre bon roi, déplorant votre erreur

Meurt innocent et vous pardonne {bis}


Ô mon peuple, recevez mes adieux

Soyez heureux, je meurs sans peine

Puisse mon sang en coulant sous vos yeux

Dans vos cœurs éteindre la haine {bis}

 

 La chanson reprend presque exactement les dernières paroles du roi sur l'échafaud, avec une inflexion un peu différente.

Comment le régime révolutionnaire prit-il cette émouvante chanson, au fur et à mesure qu'il se radicalisait, notamment à partir du moment où les Girondins ayant été éliminés (juin 1793), le gouvernement révolutionnaire et la Convention furent sous la domination des Montagnards, représentés notamment par les Jacobins et les Cordeliers ?

Nous le savons par les archives du tribunal révolutionnaire.

Un certain Louis Desacres de l'Aigle, en possession de cette chanson, fut condamné et guillotiné le 8 mars 1794.

Les deux soeurs Lucas de Blaire possédaient aussi cette chanson, et d'autres de même tonalité : l'une des soeurs, qui était folle (peut-être devenue folle en prison ?) fut acquittée, l'autre condamnée et décapitée le 20 mai 1794.

Il semble que détenir cette chanson était suffisant pour mériter la guillotine.

On dira que ces personnes avaient un patronyme aristocratique.

 Mais la possession de chansons contre-révolutionnaires amenait aussi des gens du peuple à l'échafaud.

 

C'est le cas d'une chanson qui dénonce la persécution du culte catholique réfractaire :

 

Grand Dieu, l'orgueil des mortels

A renversé les autels,

Ton auguste sanctuaire

Des serpents est le repaire

(...)

Ne détourne pas tes yeux

De ton peuple malheureux

(...)

Nous n'avons d'espoir qu'en toi,

Toi seul soutiens notre foi.

 

Ah ! s'il faut dès cet instant

Sceller ma foi de mon sang,

Bourreau...que rien ne t'arrête,

La victime est toute prête,

Fidèle à mes vrais pasteurs,

Je te pardonne...et je meurs.

 

Cette chanson était en possession de René Croullière, fils d'un charpentier. Il fut condamné à mort le 24 juin 1794 et exécuté le jour même.

 

(pour ces citations, Orphée phrygien, Les musiques de la Révolution, sous la direction de Rémy Julien et Jean-Claude Klein, 1991)

 

On remarquera que dans toutes ces chansons, le sang qui est versé est celui des victimes de la révolution -  qui pardonnent à leurs bourreaux. 

 

 

 

 

 

 

QU'AVAIENT-ILS FAIT, CES ENFANTS ...?

 

 

 

Le pardon est toutefois absent des chansons qui après la chute de Robespierre et des Jacobins (suivie du procès de certains des Terroristes) évoqueront les victimes de la Terreur :

Ainsi  la chanson Les Noyades de Nantes :

 

Ces infâmes ont fait noyer

Quatre cents enfants, quelle rage,

Ils n'avaient pas quatorze ans d'âge

(...)

Qu'avaient-ils fait, ces enfants,

Pour leur ôter ainsi la vie ?

(...)

... quarante femmes enceintes,

Malgré tous leurs cris et leurs plaintes

(....)

Hélas, tous ces monstres barbares

Les ont traînées dans un bateau,

Puis ils les ont jetées dans l'eau

(...)

Vingt mille sont guillotinés

D'autres ont passé par les fusillades

(...)

Ils avaient construit des bateaux

Avec des espèces de trappes

(...)

Jamais le temps n'effacera

Tant de victimes égorgées,

Hélas, des eaux ensanglantées

Toujours la Loire roulera

(...)

Six mille périrent en prison

de maladies épidémiques

(...)

Ils voulaient dévaster la France,

Partout ce n'est que sang, horreur

Causés par ces dominateurs [les révolutionnaires terroristes]

(....)

Voyez ce scélérat Carrier,

De meurtres, il se faisait fête,

(...)

Va, sous le glaive de la loi

Porter ta scélérate tête.

 

La chanson rappelle exactement les massacres de Nantes sous toutes leurs formes - y compris les morts dans les prisons par épidémie - dont le responsable (ou l'un des responsables, il n'était pas seul !) était le Conventionnel Carrier, dont on a particulièrement retenu les noyades dans la Loire, souvent  grâce à des bateaux trafiqués ("Des milliers d'hommes, de vieillards, de femmes, d’enfants meurent ainsi dans ce que Carrier appelle la « baignoire nationale », Wikipedia, article Les noyades de Nantes).

 Carrier fut "lâché" par ses collègues et condamné à mort, après le 9 thermidor auquel il avait pourtant participé parmi les adversaires de Robespierre; pour sa défense, il déclara avoir seulement exécuté les ordres de la Convention.

Dans la chanson, l'énormité des crimes et l'absence de perspective religieuse (le pardon chrétien) laisse la place au seul désir de punition des coupables. .

 

( cité dans Orphée phrygien, Les musiques de la Révolution, sous la direction de Rémy Julien et Jean-Claude Klein, 1991. Le même livre cite d'autres chansons contre révolutionnaires - ou contre-terroristes, dont l'une de Méhul, l'auteur du Chant du départ, Le Petit Nantais, qui évoque les mêmes massacres de Nantes, ou L'infortunée lyonnaise qui  évoque les fusillades de Lyon après la reprise par les Jacobins de la ville en octobre 1793)

 

 

 

 

REACTION EN ANGLETERRE

 

 

 

 

 Le dessin de Villeneuve et son commentaire faiblement humoristique ("Matière à réflexion...") sont bien loin de la  gravure de Gillray, véritable génie de la caricature, parue en Angleterre en février 1793, représentant le sang de Louis XVI jaillissant en gerbe vers le ciel et criant vengeance.

 Lorsque Gillray publia son dessin, la France révolutionnaire venait de déclarer la guerre à la Grande-Bretagne et aux Provinces-Unies (appellation d'époque des Pays-Bas) le 1er février 1793 (devançant probablement la déclaration de guerre anglaise).

Le prétexte de cette déclaration de guerre (qui fut reçue seulement vers le 10 février) était que la cour d'Angleterre avait pris le deuil après l'annonce de l'exécution de Louis XVI et rompu les relations diplomatiques.

.Si Louis XVI, sur l'échafaud, pardonna à ses ennemis, dans le dessin de Gillray, son sang demande justice et de façon assez chauvine, c'est aux Anglais, baptisés "vice-régents de la justice éternelle", et "arbitres du monde", en quelque sorte délégués par Dieu pour rendre la justice, qu'il demande de venir au secours de sa famille et de la France. 

 

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Le sang de l'assassiné criant vengeance.

Gravure de Gillray publiée le 16 février 1793 par H. Humphrey, No 18. Old Bond Street, Londres. Signée par James Gillray avec la mention en latin " pro bono publico" (pour le bien commun).

Collection  du British Museum.

L'inscription (verbeuse et qui n'est sans doute pas le meilleur dans le dessin) dans la gerbe de sang dit : "Est-ce que mon sang montera vers la justice ? O, Britanniques (Britons)  vice-régents de la justice éternelle ! Arbitres du monde ! Regardez vers moi ...je gis privé de ma vie et de mon royaume, baignant dans mon sang qui vole vers votre auguste tribunal. Par votre affection pour vos femmes et vos enfants, venez au secours des miens, par votre amour pour votre pays, par les bienfaits de la vraie liberté que vous possédez, par les vertus de la couronne britannique, par tout ce qui vous est sacré et cher, vengez le sang d'un monarque injustement massacré et venez au secours du royaume de France, devenu la proie de la violence, de l'usurpation et de la cruauté."

 http://www.britishmuseum.org/research/collection_online/collection_object_details.aspx?objectId=1477669&partId=1&searchText=Gillray+Children&page=1

 

 

Le lendemain de la déclaration de l'état de guerre, le roi de Grande-Bretagne, George III, écrivit au premier ministre William Pitt : "Vous savez à quel point j'aime la paix. Pour me forcer à la guerre, il fallait vraiment que notre devoir et notre intérêt nous imposent de nous battre contre cette nation barbare et entièrement dénuée de principes."

Pour l'Angleterre, et pour beaucoup de pays d'Europe, la guerre contre la France révolutionnaire était en quelque sorte une guerre pour la civilisation.

 

 Enfin, pour la curiosité, il faut signaler que peu après l'execution de Louis XVI, parut un récit de son exécution, avec une gravure, dans un magazine britannique destiné aux francs-maçons, publié à Dublin, The sentimental and masonic magazine.

L'exécution de Louis XVI était présentée comme un "martyre" et le roi était décrit avec sympathie. Toutefois contrairement à ce qu'on dit parfois, le magazine (au nom savoureux - il devait plus tard en changer et devenir The scientific and masonic magazine and repository  - répertoire et magazine maçonnique et scientifique  ) ne disait pas que Louis XVI était lui-même franc-maçon, ni qu'il avait fait sur la guillotine le signe de détresse maçonnique, mais au contraire, que s'il avait été franc-maçon, rien de mauvais n'aurait pu lui arriver (Freemasonry and the French Revolution http://revaugercecile.over-blog.com/article-1487602.html) .

 

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Image de l'exécution de Louis XVI qualifiée de "martyrdom" (martyre) dans The sentimental and masonic magazine.

Livre appartenant à la collection de George Washington, Mount Vernon. Le directeur du magazine envoya en 1795 plusieurs volumes reliés à George Washington, président des Etats-Unis et franc-maçon lui-même, en geste d'hommage.

http://www.mountvernon.org/preservation/collections-holdings/browse-the-museum-collections/object/w-391b/

 

 

 

 En juillet 1793, The Sentimental and Masonic Magazine publia  « l’Adresse à Sa Majesté de la Grande Loge de l’ancienne fraternité des francs et acceptés maçons, faite par un homme de condition et de haut rang dans le monde public ». L'auteur était le major-général comte de Moira, marquis de Hastings, Acting Grand Master (faisant fonction de Grand Maître) de la Grande Loge d’Angleterre; le comte de Moira  combattait au même moment les troupes révolutionnaires avec l'armée britannique.

 Le comte de Moira, s'adressant au roi George IIIs'exprimait ainsi :

" Il est écrit, Sire, dans les fondements de notre ordre [maçonnique], que nous ne nous livrerons pas durant nos assemblées à des discussions religieuses ou politiques : en effet notre ordre fraternel étant composé d’hommes de nations diverses, professant des doctrines religieuses différentes, et attachés à des systèmes de gouvernements opposés, de telles discussions, qui dressent les esprits les uns contre les autres, pourraient offenser ou semer la désunion parmi les frères. Cependant, une crise aussi imprévisible que la crise actuelle, justifie selon nous une exception à cette règle ; notre premier devoir en tant que Britanniques l’emportant sur toute autre considération, nous joignons, sans plus tarder, notre voix à celle de nos concitoyens pour proclamer l’attachement fervent que nous éprouvons tous à l’égard du gouvernement assuré par le roi, la Chambre des Lords et la Chambre des Communes, établi par la Glorieuse Révolution de 1688".

 ( cité par Pierre-Yves Beaurepaire, « William Pitt, les francs-maçons anglais et la loi sur les sociétés secrètes de 1799 », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 342 | octobre-décembre 2005,https://ahrf.revues.org/1935 )

 

  Ainsi, au moment où la Grande-Bretagne était devenue un acteur majeur de la croisade contre-révolutionnaire, la franc-maçonnerie britannique proclamait sa fidélité aux institutions du pays et son engagement dans la lutte contre la révolution française. 

 

 

 

 

 

ANNEXE 1: DESTINS  DE CONVENTIONNELS

 

 

 Nous dirons quelques mots des votes et du destin des Conventionnels dont on vu plus haut les extraits des avis sur le procès de Louis XVI. 

A part Drouet (à la rigueur), aucun n'est vraiment un des acteurs importants de la période et pourtant leur destin est caractéristique de ce que sont devenus les Conventionnels. Trois moururent octogénaires voire nonagénaire après avoir fait des carrières tranquilles dans le personnel politique, l'administration et la magistrature de l'Empire et de la Restauration.

L'un mourut de maladie alors qu'il était en fonctions en pleine période révolutionnaire. Un autre se suicida alors qu'il était aux mains d'insurgés jacobins au cours de la période qui suivit la chute de Robespierre. 

 

 

Enlart, député du Pas-de-Calais, s'absenta pour ne pas avoir à prendre part au vote définitif sur le sursis après le vote de la peine de mort.

Il lui paraissait suffisant d'avoir déclaré lors du vote précédent : "Je demande que Louis soit enfermé dans une ville ou château quelconque pendant la guerre et banni à la paix."  

Il ne se fit pas remarquer pendant la Terreur. Il fut magistrat sous l'Empire (président du tribunal civil de Montreuil-sur-Mer, sa ville natale) et député à la Chambre élue lors des Cent-Jours (mars-juin 1815). Ceci explique sans doute que le régime de la Restauration lui contesta assez mesquinement sa Légion d'honneur attribuée par l'Empire et lui retira son siège de magistrat, qui lui fut toutefois rendu dès 1818. Remplacé par son fils en 1831, il fut nommé président honoraire par le régime de Louis-Philippe qui lui restitua la Légion d'honneur.Il  mourut dans sa ville natale à 82 ans.

 

 Pardoux Bordas, député de la Haute-Vienne, vota contre la mort du roi, mais aussi contre le sursis après le vote majoritaire pour la peine de mort. Il ne se fit pas remarquer sous la Terreur mais lors de la chute de Robespierre , il rejoignit les thermidoriens adversaires des Jacobins. Député sous le Directoire, il approuva le coup d"état de fructidor (dirigé contre les néo-royalistes et les modérés) et s'opposa au coup d'état de Brumaire (prise de pouvoir par Bonparte en novembre 1799)  avant de se rallier à lui et d'accepter un poste de chef de service au ministère de l'intérieur et de juge suppléant.

En 1816 il s'exila en Suisse à la suite de la loi obligeant les conventionnels régicides (ce qui n'était pas exactement son cas) qui avaient de plus approuvé le retour de Napoléon aux Cent-Jours, à quitter la France. Il revint en 1829 mais risquant d'être arrêté, il sortit de nouveau de France, puis revint définitivement en 1830 après le changement de régime. ll mourut à 94 ans.

 

 Pemartin, député des Pyrénées-Atlantiques (Basses-Pyrénées à l'époque), qui refusait le rôle de juge, déclara lors du procès du roi :

  " Il est des devoirs que les nations civilisées ne peuvent reconnaître, même par leur propre puissance : législateur, je ne puis prendre qu'une mesure politique. Je vote pour la réclusion jusqu'à la paix et le bannissement ensuite."

Il vota pour le sursis. Il se fit discret sous la Terreur et approuva la chute de Robespierre puis toutes les mesures "réactionnaires" contre les Jacobins. Rallié au Consulat et à l'Empire, il présida le Corps législatif de l'Empire. Il fut nommé chevalier d'Empire. Il accepta d'être sous-préfet de sa ville natale Oloron, lors des Cent-Jours, puis une nouvelle fois lors du changement de régime en 1830, mais ne se mêla plus activement de la vie politique. Il mourut en 1842 à Oloron, âgé de 88 ans.

 

Anthoine, député de la Moselle, vota pour la mort et contre le sursis

Envoyé dans les départements de l'Est avec son collègue Levasseur en mars 1793 pour activer la levée nationale de 300 000 conscrits décidée par la Convention, il tomba malade et mourut de maladie de poitrine à Metz en août 1793, à 35 ans. Il légua tous ses biens à la Nation, mais la Convention refusa d'accepter le legs, qui lésait la famille du Conventionnel, notamment sa veuve et contredisait les règles sur l'héritage.

 

Brunel, député de l'Hérault, eut un sort tragique.

Il vota contre la mort du roi, pour l'appel au peuple et pour le sursis. Après l'écrasement de la Gironde (mai-juin 1793), il fut envoyé en mission à Lyon avec son collègue Rouyer, mais tous deux adoptèrent une attitude conciliante envers les modérés qui avaient pris le pouvoir dans la ville (été 1793). Accusé de complicité avec les " fédéralistes" et les contre-révolutionnaires, il fut incarcéré et sauvé par le 9 thermidor (juillet 1794, chute de Robespierre). Il fut ensuite partisan des mesures contre les Jacobins et envoyé dans le Midi pour mettre en place la réaction anti-jacobine. il était présent à Toulon lorsque le 18 mai 1795, une insurrection jacobine prit brièvement le pouvoir dans la ville. Brunel fut obligé par les insurgés de signer la mise en liberté des détenus jacobins, puis il se brûla la cervelle. Il avait 53 ans.

Les insurgés jacobins, se mettant en marche vers Marseille, furent mis en déroute par l'armée et les meneurs furent guillotinés.

La Convention thermidorienne, aux mains des modérés, adopta la veuve et les enfants de Brunel.

 

 

Drouet, le célèbre maître de poste de Sainte-Ménehould qui avait reconnu le roi lors de la fuite qui se termina à  Varennes, député de la Marne à la Convention, vota la mort du roi, le refus de l'appel au peuple et du sursis.

Il combattit les Girondins et approuva  toutes les mesures des Montagnards. Après le vote de la loi des suspects ( septembre 1793) il déclara: " Vous avez ordonné que les gens suspects seraient arrêtés. Je voudrais que vous déclarassiez à ces hommes coupables que si par impossible la liberté était en péril, vous les massacreriez impitoyablement; que vous ne rendrez aux tyrans la terre de la liberté que couverte de cadavres." (sa motion fut ajournée). Nommé représentant aux armées, il fut capturé par les Autrichiens en octobre 1793. Les Autrichiens, informés de qui il était, ne paraissent pas l'avoir spécialement mal traité. Après une tentative d'évasion ratée, il fut finalement échangé avec d'autres prisonniers républicains contre la fille de Louis XVI ( Marie-Thérèse, Madame Royale) en décembre 1795. Il fut, par mesure de reconnaissance envers les députés prisonniers de l'ennemi, réintégré d'office comme député au Conseil des Cinq-cents (car le régime du Directoire avait été mis en place à ce moment).

Mais Drouet, absent de France durant deux ans,  conservait sa sympathie pour les idées  jacobines qui n'étaient plus vraiment à l'ordre du jour. Il fut compromis dans la Conjuration des Egaux de Gracchus Babeuf (auquel quelques anciens Jacobins s'étaient ralliés, marginalement; Babeuf est comme on sait, un précurseur du communisme). Arrêté, il semble que le pouvoir facilita son évasion. Après avoir tenté de gagner les Indes, il revint en France après quelques tribulations (naufragé aux Canaries, il participa avec la population à la résistance contre la tentative de débarquement des Anglais).

Il fut acquitté par la Haute-Cour des accusations qui pesaient sur lui. Rallié au coup d'état de Brumaire, il fut pendant toute la période consulaire et impériale sous-préfet de Sainte-Ménehould, puis député lors des Cent-Jours. Touché par la loi de 1816 contre les régicides, il ne quitta pas la France et se cacha à Mâcon sous un faux nom. " Il vécut dans l'isolement et dans la piété. On fut très surpris d'apprendre alors que le tranquille et pieux vieillard qui venait de mourir était l'ancien maître de poste de Sainte-Ménehould."

Ce texte d'épque pourrait laisser penser que Drouet mourut à un âge avancé, mais il n'avait que 61 ans.

 

 

 

ANNEXE 2  : LE GESTE DE PERSEE TENANT LA TETE DE  MEDUSE

 

Comme on l'a vu, le dessin de Maisonneuve montrant la tête de louis XVI brandie à bout de bras a été mis en rapport avec des représentations de Persée, personnage mythologique,qui après avoir tué la Gorgone Méduse, brandit sa tête.

Persée, jeune fils de la mortelle Danae et de Zeus, vivait avec sa mère sur l'île de Sériphos. Le roi de Sériphos, Polydecte, pour se débarrrasser du jeune homme, lui demande d'aller couper la tête de la Gorgone Méduse (seule mortelle parmi les trois Gorgones), qui possédait le pouvoir de pétrifier par son regard.  Après des aventures compiquées, Persée tue Méduse, rapporte la tête à Polydecte. Comprenant que celui-ci a voulu abuser de Danae, il le pétrifie avec la tête de Méduse qui a gardé son pouvoir. Ensuite Persée offre  à Athéna la tête de Méduse, que la déesse, avec l'aide d'Hépaïstos (Vulcain chez les Romains), fixe sur son bouclier, l'égide.

A vrai dire en 1793,  on voit mal quelle oeuvre,sculpture ou peinture,  inspirée par cette histoire mythologique était suffisamment célèbre pour inspirer à son tour le dessin de Maisonneuve.

La première statue rerésentant Persée et la tête de Méduse est celle de Benvenuto Cellini.

Il est peu probable que cette oeuvre - majeure il est vrai - de la Renaissance italienne ait été suffisamment connue en France au point d'être une des sources de Maisonneuve.

 

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Benvenuto Cellini, Persée et la tête de Méduse, statue en bronze, Florence, Piazza della Signoria..

La statue fut commandée à l'artiste par  le duc de Toscane Cosme Ier de Médicis qui a demandé que la tête de Méduse soit brandie dans les airs par Persée, illustration du triomphe du bien sur le mal et symbole de la victoire des Médicis sur les républicains de Florence qui les avaient expulsés de la ville en 1494. L'artiste a choisi de montrer le jeune héros se tenant sur le corps de Méduse - le sang passablement stylisé pour les nécessités de la sculpture et presque solidifié, coule aussi bien de la tête que du cou de Méduse, ce qui impresionna les premiers spectateurs.

La statue fut inaugurée en 1554 sur la Piazza della Signoria à Florence, Loggia dei Lanzi (où se trouvait déjà le Donatello de Michel-Ange et d'autres oeuvres), après plusieurs années de travaux; l'oeuve représente autant un exploit technique qu'une réussite artistique. Cellini et Cosme se disputèrent ensuite pour le paiement (d'après Wikipedia).

 Photo  Jastrow — Travail personnel, CC BY 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3174111

 

 

 

 

 

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Persée triomphant, statue de Canova (1757-1822), Musées du Vatican, musée Pio-Clementino, Cour de l'Octogone.

 

 La célèbre statue de Canova, chef d'oeuvre du néo-classicisme,  n'a pas pu inspirer Maisonneuve, car elle est postérieure à la révolution.

Elle est d'ailleurs liée aux modifications géopolitiques qui suivirent la révolution française.

 Selon la notice du site des Musées du Vatican: " Le héros porte un couvre-chef ailé, des sandales de Mercure et la petite faux que ce dernier lui offrit pour décapiter Méduse. Cette   œuvre fut sculptée par Antonio Canova (1757-1822) en quelques mois, entre la   fin de l'an 1800 et les premiers mois de 1801. Promis au tribun [député de la République cisalpine] Onorato Duveyriez, premier propriétaire de l'œuvre, le Persée fut cédé à la République cisalpine [dont Napoléon Bonaparte était président en même temps que Premier consul en France] pour le nouveau Forum Bonaparte de Milan. Par la suite, la statue fut achetée par le pape Pie VII et placée sur le socle de l'Apollon du Belvédère, qui avait été transporté en France suite au Traité de Tolentino. C'est de cette célèbre statue que s'inspire le Persée, par sa pondération, ses proportions et sa force expressive."

 

Photo Wikipedia, Canova CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=369828

 

 

 

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 Affiche française du film Le choc des Titans (1981).

 http://dragonnecinevore.canalblog.com/archives/2014/05/01/29775780.html

 

Le Choc des Titans (Clash of the Titans) est un film de Desmond Davis réalisé en 1981, inspiré de l'histoire de Persée. Pour l'affiche du film (ici en version française) le personnage reprend l'attitude bien connue de Persée brandissant la tête de Méduse. Le film est considéré comme un chef d'oeuvre du péplum mythologique, avec des effets spéciaux de Ray Harryhausen, l'auteur des effets spéciaux de Jason et les Argonautes. Film avec Harry Hamlin dans le rôle de Persée, Laurence Olivier, Claire Bloom, Ursula Andress. Un remake a été réalisé en 2010.

 

 

 L'image ci-dessus illustre la persistance d'un mythe au sens propre (de la mythologie), auquel ne doit rien la gravure de Maisonneuve qui reproduit simplement le geste réel de l'aide bourreau de montrer au public la tête du décapité.

Ce geste était-il courant pour les décapitations à la hache, avant que la guillotine soit installée en France ?

On sait en tous cas que le bourreau montra à la foule la tête décapitée du roi d'Angleterre Charles Ier en 1649, provoquant chez les spectateurs "un gémissement tel que j'espère ne jamais en entendre de nouveau un semblable dans ma vie" déclara un témoin.

L'exécution de Charles Ier se passa dans des conditions bien différentes de celles de Louis XVI, le roi d'Angleterre étant malgré tout traité en roi jusqu'au bout :

"...the Lord President stood up and said: "Charles Stuart, King of England, the Commons of  England ...have resolved to make inquisition for  blood, and according to that debt and duty they owe to justice, to God, the  kingdom, and themselves, and according to the fundamental power that rests  in themselves, they have resolved to bring you to trial and judgment..." (Le Lord président se leva et dit : Charles Stuart, roi d'Angleterre, les Communes d'Angleterre... ont résolu d'enquêter pour crime de sang, et selon leur obligation et leur devoir  envers la justice, Dieu, le royaume et elles-mêmes et selon le pouvoir suprême qui demeure en elles-mêmes, elles ont résolu de vous citer en procès et jugement...) Compte-rendu de la première séance du procès, le 20 janvier 1649, http://www.wwnorton.com/college/english/nael/17century/topic_3/trial.htm

 

 

Il est peu probable, vu la multiplication des exécutions par la guillotine lors de la révolution française, que le bourreau ait chaque fois montré la tête du mort à "la foule" - en fait aux militants et amateurs de sensations fortes - ou les deux à la fois - qui assistaient aux exécutions.

Il ne devait probablement  le faire que pour les victimes d'importance et on se rappelle la phrase de Danton parlant au bourreau avant  son exécution : tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine.

 Alexandre Dumas, dans son recueil de contes fantastiques, Les Mille et un fantômes,  qui se déroulent pour la plupart à l'époque révolutionnaire*, raconte que lors de l'exécution de Charlotte Corday, la meurtière de Marat, qui était une très belle jeune femme, l'aide du  bourreau montra la tête à la foule et pour flatter la foule, gifla le visage de Charlotte Corday.

Alors, selon Dumas (mais est-ce vrai ?) la tête décapitée rougit sur les deux joues. La foule impressionnée, se mit à huer  l'aide-bourreau. Il fut arrêté et condamné à trois mois de prison pour son geste irrespectueux.

 

                                                                                                                      * Les récits de Dumas pourraient être considérés comme un démenti à l'opinion de Dickens que les morts tragiques par exécution pendant la Révolution n'ont été à l'orgine d'aucune histoire de fantôme. Mais Dickens avait dans l'esprit des légendes populaires spontanées et non l'invention délibérée de récits fantastiques.

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
P
Superbe travail qui nous sort un peu d'un siècle et demi de pensée néo-jacobine et de l'histoire officielle de la France révolutionnaire racontée génération après génération, par le sérail des historiens Robespierristes.<br /> <br /> Pierre.
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Le comte Lanza vous salue bien
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