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Le comte Lanza vous salue bien
30 juin 2015

LA FRANC MACONNERIE DANS LE MONDE PREMIERE PARTIE

 

 

LA FRANC MAÇONNERIE DANS LE MONDE

PREMIERE PARTIE

 

(LE GENERAL PIKE ET MAZZINI  : PROLONGEMENTS)

 

 

 

En prolongement de nos messages sur le général Pike et Mazzini, il nous a paru intéressant de présenter un tour d'horizon (qui évidemment ne prétend pas à l'exhaustivité) de la franc-maçonnerie dans le monde actuel

 

 

 

 

 

 

FRIEND TO FRIEND MASONIC MONUMENT

 

 

 

Depuis 1993, il existe un monument maçonnique sur le champ de bataille de Gettysburg , une des batailles les plus sanglantes  de la guerre de Sécession. Les Sudistes commandés par le général Lee furent battus et la bataille fut un tournant de la guerre en faveur du Nord (1er-3 juillet 1863).

Ce monument porte les deux inscriptions  : Friend to friend  (de l'Ami à l'ami) et A Brotherhood undivided (une fraternité unie -ou non divisée) avec le compas et l'équerre  maçonniques.

Le monument commémore les faits suivants : grièvement blessé sur le champ de bataille, le général  de l’armée sudiste  Lewis A. Armistead, franc-maçon,  fut secouru par un capitaine franc-maçon de l’armée nordiste, Henry Bingham. Le général lui confia ses dernières volontés et un message pour le général nordiste Hancock, lui aussi franc-maçon, son ami, dont il avait été séparé par les événements. Il mourut lors de son évacuation vers un hôpital militaire.

L’inscription qu’on lit sur le piédestal  du monument dit :

 This monument is presented by the Right Worshipful Grand Lodge of Free and Accepted Masons of Pennsylvania and dedicated as a memorial to the Freemasons of the Union and Confederacy. Their unique bonds of friendship enabled them to remain a brotherhood undivided, even as they fought in a divided nation, faithfully supporting the respective governments under which they lived.

 Ce monument est élevé par la Très respectable Grande Loge des Maçons Libres et Acceptés de Pennsylvanie et dédiée comme un mémorial aux francs-maçons de l'Union et de la Confédération [le Nord et le Sud de la guerre de Sécession]. Leurs liens d'amitié particuliers les ont rendu capables de rester une fraternité unie même quand ils ont combattu dans une nation divisée, soutenant loyalement les gouvernements respectifs sous lesquels ils vivaient.

 

Le monument inauguré le 21 août 1993 illustre le fait que durant la guerre de Sécession, des francs-maçons ont combattu dans les deux camps.

Pourtant dit l’inscription, la maçonnerie, elle, resta « undivided » (unie ? non divisée ?) dans un pays qui était divisé.

C’est un peu, reconnaissons-le, une formule rhétorique. Elle veut  dire non pas que la franc-maçonnerie a pris une position commune lors de la guerre de Sécession, mais que les liens de fraternité maçonnique ne furent pas rompus entre les maçons des deux camps.

Il ne semble pas d’ailleurs, mais des spécialistes pourraient le dire, que la Franc-maçonnerie en tant qu’organisation, ait essayé d’influer sur le cours de la guerre (par exemple en essayant de parvenir à un accord pour terminer le conflit).

 Le monument illustre clairement  que l’idéal maçonnique ne conduisait pas à prendre une position sur le conflit lui-même, mais à  toujours considérer comme des frères et des amis les francs-maçons de l’autre camp. Il s’agit d’un type de comportement fraternel déjà enregistré lors de guerres nationales, comme pendant les guerres  napoléoniennes, où les francs-maçons blessés ou prisonniers dans chaque camp s’entraidaient dans la mesure du possible.

L’exemple d’Albert Pike, général sudiste, montre clairement que des francs-maçons convaincus (en 1859, avant le début de la guerre, Pike est déjà un des hauts dirigeants du REAA) pouvaient défendre la cause du Sud, parce qu’ils étaient Sudistes de naissance ou comme Pike, s’étaient installés  dans le Sud ;  de plus Pike était clairement partisan de l’esclavage, à ce moment du moins.

Le général en chef sudiste, Lee, semble aussi avoir été franc-maçon et il est probable qu’il y avait autant de francs-maçons dans un camp que dans l’autre.

On peut penser que le choix de défendre l’esclavage, ou même le Sud esclavagiste sans être soi-même esclavagiste (on a dit qu’à titre personnel, Lee était contre l’esclavage) était contraire à l’idéal maçonnique de fraternité entre tous les hommes sans distinction.

Le monument préfère insister sur  l’engagement respectable des  maçons de chaque camp pour son gouvernement et son « pays », ce qu’exprime l’inscription sur le monument et le dessin gravé au bas de l’inscription, représentant le drapeau des Etats-Unis et celui des Etats confédérés (le Sud), entrecroisés fraternellement.

 

Masonic_0899

 Le monument maçonnique de Gettysburg.

http://gettysburg.stonesentinels.com/

 

 

 

LA PUISSANCE MAÇONNIQUE AUX ETATS-UNIS

 

 

 

La puissance maçonnique aux Etats-Unis est une sorte de lieu commun, qui fait parler à certains de complot maçonnique : certes, ce « complot » serait mondial, mais jamais mieux réalisé qu’aux Etats-Unis.

Or pour  décrire historiquement et actuellement, la puissance maçonnique aux USA, il n’est pas utile d’avoir recours à la notion de complot. Celle-ci suppose qu’il y a des actions cachées qui tendent vers un résultat, lui-même caché.

 L’activité maçonnique aux Etats-Unis est quasiment depuis l’origine de la nation américaine, claire et ne tend pas vers un but caché.

Les francs-maçons ont été nombreux parmi les présidents américains, depuis le premier d’entre eux ; George Washington. Les buts de la démocratie américaine, depuis la guerre d’indépendance, n’ont pas forcément été inventés dans les loges maçonniques (il semble que certaines loges sont restées fidèles à l’époque de la guerre d’indépendance, au devoir d’obéissance  au souverain britannique) mais ont été discutés, partagés, encouragés par les loges dans leur majorité.

Or dans l’Amérique du 18ème siècle comme dans l’Angleterre de la même époque, les loges étaient un important foyer de sociabilité pour la classe moyenne. Il n’est donc nullement étonnant que les loges, en phase avec l’opinion dominante, aient partagé et formulé les revendications  qui ont débouché sur la guerre d’indépendance dans un premier temps,  et dans un deuxième temps,  que les loges aient partagé et formulé  les idéaux ayant abouti à la formation des Etats-Unis.  

Dire que la plupart ou même tous les signataires de la Déclaration d’indépendance de 1776 étaient francs-maçons ne veut pas dire que la franc-maçonnerie, comme organisme,  est à l’initiative de cette Déclaration. On trouverait certainement  beaucoup de francs-maçons dans les rangs des officiers britanniques ou chez les hommes d’Etat britanniques qui furent les adversaires des signataires de la Déclaration. Cela signifie seulement qu’en Amérique, les responsables politiques de l’époque étaient souvent francs-maçons et que, sans surprise, on trouvait dans les loges les mêmes idées qu’en dehors des loges, notamment que les Américains avaient le droit de se séparer de l’Angleterre  et de créer une forme de démocratie indépendante (démocratie excluant comme on le sait les Noirs dans un premier temps).

Dans ces conditions une sorte d’osmose s’est constituée entre la franc-maçonnerie américaine et la démocratie américaine.

 

 

American Freemasons Tabbert

Couverture d'un livre de Mark A. Tabbert , Les Francs-Maçons Américains, trois siècles de communautés de bâtisseurs. L'auteur est lui-même franc-maçon.

L'illustration représente George Washington et d'autres maçons en cordons et  tabliers, lors de la pose de la première pierre du bâtiment du Capitole (siège du Congrès des Etats-Unis) en 1793, à Washington, ville choisie comme capitale fédérale et nommée d'après le nom du Président dès 1791.

http://www.masonicinfo.com/

 

Mais il ne faut pas exagérer cette osmose et voir la maçonnerie comme ayant une doctrine politique précise et permanente une fois les bases de la démocratie américaine créées : des  comportements différents pouvaient exister :  sur l’étendue de la démocratie (droit de vote pour tous ou pour les plus aisés seulement, démocratie directe ou représentative) sur la question de l’esclavage, sur les droits des Etats par rapport au gouvernement fédéral. Sur tous ces sujets les francs-maçons n’avaient pas une vision unique.

Leur unité tenait principalement à des facteurs comme l’adhésion aux idéaux de la Révolution américaine (qu’on pouvait ensuite interpréter de façon assez différente) et à l’adhésion aux différentes formes de protestantisme avec lesquelles la maçonnerie, sans obliger à professer une religion déterminée, était parfaitement compatible. On peut parfaitement dire que l’appartenance à la franc-maçonnerie a été pendant longtemps, principalement, sinon exclusivement, une caractéristique de la population WASP (white anglo-saxon  protestants –blancs anglo-saxons protestants).

Les premiers Noirs américains qui entrèrent dans la franc-maçonnerie, à la fin du 18ème siècle, le firent dans des loges militaires britanniques. Lorsque ces loges militaires quittèrent l'Amérique devenue indépendante, les Noirs qui avaient été initiés furent refusés dans les loges américaines. L'un des initiés, Prince Hall, fonda alors sa propre loge sous le nom de loge Africa et obtint un agrément de la Grande Loge d'Angleterre.  Les maçons de la loge noire fondèrent d'autres loges. Les loges blanches américaines refusèrent d'abord de reconnaître l'existence des loges crées par les Noirs. Prince Hall devint le Grand Maître des loges afro-américaines.  

Il semble que Albert Pike en tant que dirigeant du Suprême Conseil du REAA pour la juridiction sud, signa par la suite, dans les années 1880, un traité d’alliance et de reconnaissance avec la franc-maçonnerie noire qui avait pris le nom de son créateur (Prince Hall Lodges) mais la franc-maçonnerie blanche n’alla pas plus loin dans l’ouverture. L'activité maçonnique des Noirs continua à avoir lieu dans une obédience spéciale pour la population noire, et non dans les loges ouvertes aux Blancs (et probablemnt aux Asiatiques).

 Les loges régulières de chaque Etat sont placées sous l'obédience de la Grande Loge de l'Etat, il n'existe pas de Grande Loge fédératrice unique pour tous les Etats-Unis.

La plupart des Grandes Loges régulières américaines  reconnaissent les loges Prince Hall (ce qui permet, en théorie, la fréquentation croisée des loges).

" À ce jour, les Grandes loges du courant "mainstream" [courant principal] ne reconnaissent pas les loges Prince Hall dans les états suivants: Alabama, Arkansas, Delaware, Floride (Union Grand Lodge), Georgie, Kentucky, Louisiana Mississippi (Stringer Grand Lodge), Caroline du Nord, Caroline du Sud, Tennessee et West Virginia. Tous ces Etats étaient esclavagistes en 1861, au moment où commença la guerre de Sécession." (Wikipedia, article Prince Hall).

 

Les loges maçonniques américaines observent les règles de la franc-maçonnerie britannique (et sont donc en liens d'amitié avec la Grande Loge Unie  d'Angleterre, Mother of the World (Mère du monde), gardienne de la "régularité maçonnique" (ce qu'on appelle les landmarks).

Ces règles sont les suivantes : référence dans les statuts et les rituels à la croyance en Dieu, interdiction des débats politiques et religieux dans les loges, interdiction des initiations féminines (il existe seulement des activités para-maçonniques auxquelles les épouses et filles de maçons sont invitées, mais pas de "soeurs" maçonnes, à la différence de la franc-maçonnerie de type français). Le seul but que poursuit la franc-maçonnerie est l'amélioration morale de ses membres.

 

Si on regarde les présidents des Etats-Unis à avoir été francs-maçons, on compte le premier président, George Washington, Monroe, Jackson,  ainsi que Théodore Roosevelt, Franklin Roosevelt et Harry Truman, En tout 14  présidents sur  44, ce qui n'est pas exceptionnel. Le dernier en date a été Gerald Ford qui n'a pas marqué son temps. Lyndon Johnson, qui fut initié mais ne dépassa pas le grade d'apprenti, n'est pas compté !

 

 

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Franklin Delano Roosevelt (assis au centre) à l'Architect Lodge de Manhattan  avec ses fils James et Franklin junior, 7 novembre 1935

Site In Roosevelt History, archives et Fondation Roosevelt.

https://fdrlibrary.files.wordpress.com/
 

 

 

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Portrait de Harry Truman, président des Etats-Unis (successeur de Roosevelt en 1945), en tenue de vénérable de loge maçonnique, son chapeau haut de forme à la main (reproduction d'un portait de Greta Kempton).

Au début de sa carrière politique au parti démocrate dans le Missouri, Truman adhéra au Klu-Klux-Klan pour obtenir des soutiens électoraux. il a raconté lui-même qu'il démissionna presque aussitôt, lorsque le Klan exigea de lui des engagements à l'encontre des Juifs et des catholiques irlandais, chez qui il avait des amis.  Cela lui aurait valu des menaces de mort du Klan.

Devenu président, il favorisa les droits civiques des Noirs.

https://www.etsy.com

 

 

 

 

Des présidents illustres comme Lincoln n'ont pas été francs-maçons (mais il avait demandé à l'être et remit à plus tard sa candidature en raison de son élection  à la présidence).

Certes on a dit que Ronald Reagan avait été franc-maçon, mais il semble avoir seulement été  nommé franc-maçon à titre honorifique (et donc sans régularité maçonnique) alors qu'il était président, par une Grande Loge voulant lui rendre hommage. Une véritable initiation aurait demandé plus de temps que son emploi du temps ne le permettait et on se contenta d'une petite cérémonie sans valeur régulière en présence du Président.

 

ll serait exagéré de dire que, depuis la fin du 18ème siècle,  les francs-maçons, représentés dans les cercles dirigeants de la politique américaine, de même que parmi les dirigeants économiques ou des médias, ont agi dans un sens clairement déterminé et à plus forte raison, caché.

En effet comme on l’a vu dans les remarques de Pike, l’idéal maçonnique américain se confond avec un idéal moral altruiste, tolérant et bienveillant, compatible avec les codes moraux en vigueur dans les sociétés occidentales depuis deux siècles ou plus. 

Il ne débouchait pas sur des buts politiques précis, cachés ou pas. Parler de complot maçonnique parait complètement étranger à la réalité puisque les francs-maçons disent que partout où ils agissent, ils agissent dans le sens de la morale universellement admise.

C’est plutôt lorsqu’ils ne font pas ce qu’ils disent que leur comportement peut être critiqué !

Evidemment cela n’empêche pas les francs-maçons de profiter de leur appartenance pour obtenir des avantages, de s’appuyer les uns les autres et donc d’agir comme un réseau d’influence (certains diront même que c'est leur seule raison d’être). Mais tout cela ne constitue pas un complot tellement il s’agit de pratiques évidentes.

Il ne sert donc à rien (sinon pour s’amuser) de montrer des photos où on voit George Bush junior (à l’époque gouverneur du Texas)  environné de francs-maçons en tablier, car cela montre qu’en tant que responsable politique il était obligé de tenir compte de leur poids comme tout responsable politique doit tenir compte du poids de différents groupes. 

Dans le paysage américain, les francs-maçons constituent un groupe qui recrute surtout chez les gens aisés ; par son encrage ancien dans la société américaine, il jouit d’un prestige particulier.

Etre franc-maçon  est moins un marqueur politique qu’un marqueur social comme la pratique de certaines activités valorisantes. Le formalisme de la franc-maçonnerie y contribue, car au-delà du port des ornements maçonniques (tabliers, cordons, dits « décors » (ou regalia dans la franc-maçonnerie anglo-saxonne, terme employé pour des tenues de cérémonie même en dehors de la maçonnerie) , dans beaucoup de  loges américaines, le port du smoking est de rigueur.

Finalement, on peut dire en exagérant à peine qu’être franc-maçon, c’est comme jouer au golf et au bridge ; un symbole de réussite et d’appartenance à un milieu respectueux des traditions historiques.

Ajoutons justement que l’influence de la franc-maçonnerie est contrebalancée par d’autres influences probablement bien plus importantes aujourd’hui ; les chrétiens évangéliques qui sont généralement  anti-maçons (parce qu’ils jugent les francs-maçons trop rationalistes ?), les catholiques, aujourd’hui surtout représentés par les hispaniques, forment aussi un groupe de pression dans les matières de société,  comme les « minorités » ethniques ou sexuelles.

Il faut ajouter les anciens des universités prestigieuses, les membres des nombreux clubs de « service » comme le Rotary ou le Lions. s'agissant des appartenances aux clubs universitaires ou aux clubs de service, elles peuvent se cumuler avec l'appartenance maçonnique (ces clubs de service, sans être expressément des émanations maçonniques, comme le sont les Shriners dont on reparlera, ont des afffinités avec la franc-maçonnerie).

En 1969, l'astronaute Buzz Aldrin, le deuxième homme de la mission Apollo 11 à avoir marché sur la lune, avait emmené avec lui le fanion de la juridiction sud du Conseil suprême du Rite Ecossais Ancien et Accepté, à laquelle il appartenait - cette juridiction illustrée par Albert Pike au 19ème siècle...

Si des Francs-maçons à titre individuel occupent des postes politiques (c'est évident), la franc-maçonnerie elle-même, aux Etats-Unis, interdit toute discussion politique en loge, comme on l'a vu, Dans ces conditions, elle a une activité ou plutôt une existence sociale et culturelle, mais non politique. Evidemment on peut aussi considérer qu'elle se réfère a des valeurs politiques minimales, celles de la démocratie américaine au sens large et non partisan.

 

Penser à un complot des francs-maçons pour dominer le monde ou au moins dominer l’Amérique, c’est comme penser à un complot des golfeurs ou des joueurs de bridge. Le dirigeant américain est franc-maçon comme il va à l’Eglise, parce que « ça fait bien » et pas pour participer à un complot mondial. Bien entendu il recueille de cette appartenance des avantages en termes de valorisation personnelle et parfois des avantages plus directs pour son activité, sa carrière.

Peu importe ici qu’on signale ici ou là que le billet d’un dollar comporte des symboles maçonniques (d’autres diront avec moins de vraisemblance  des symboles des Illuminati ou pourquoi pas des Satanistes) ou que la ville de Washington ait été conçue par un architecte franc-maçon selon un plan « maçonnique ».

Si ces versions sont exactes, elles ne prouvent en rien l’existence d’un complot maçonnique mais plutôt la complaisance et la vanité des francs-maçons des temps héroïques, fiers de mettre leur empreinte sur un pays dirigé en grande partie par eux.

D'ailleurs pour le billet d'un dollar, l'auteur franc-maçon Guy Chassagnard ( http://miscellanea-macionica.fr/blog/blog-48.html) n'y trouve aucun symbole proprement ou exlusivement maçonnique et rappelle que si le billet reproduit le Grand Sceau de l'état américain, ce Grand Sceau fut créé par une commission qui comprenait un seul franc-maçon, Benjamin Franklin. Mais ce dernier, ajouterons-nous, vu son ascendant, a pu influencer ses collègues pour donner une coloration maçonnique au symbole officiel du nouvel état...

Observons aussi que si l’Amérique était vraiment dirigée par des activistes maçonniques, soucieux de l’idéal maçonnique cosmopolite, la politique américaine aurait sans doute été différente, moins axée sur les intérêts propres de l’Amérique. Ceci démontre  que la politique américaine a peut-être été dirigée par des francs-maçons (c’est sans doute moins vrai aujourd’hui que par le passé) mais que l’appartenance maçonnique n’a pas eu d’effet  significatif sur la politique américaine.

Le même raisonnement peut être tenu pour tous les pays où des francs-maçons ont exercé des responsabilités.

Au mieux la solidarité maçonnique peut faciliter les contacts ou les négociations, mais rarement ou jamais l'emporter sur les considérations nationales.

 

 

 

 UN MAÇON NOMME HOMER SIMPSON

 

 

 Dans un épisode de la série d'animation Les Simpsons de Matt Groening, Homer le Grand, Homer Simpson, américain très moyen de la très moyenne ville de Springfield, s'aperçoit que ses collègues de travail à la centrale nucléaire ont des places de parking réservées et de beaux fauteuils - et connaissent le vrai numéro de téléphone de la police !

L'explication est qu'ils appartiennent à la confrérie secrète des Tailleurs de pierre et jouissent des avantages réservés aux membres.

Homer décide de poser sa candidature mais il est presque impossible d'entrer chez les Tailleurs de pierre car il faut être fils de Tailleur de pierre ou sauver la vie d'un Tailleur de pierre. Or le père de Homer est membre de la confrérie. Homer peut donc être initié.

Après son initiation (évidemment comique), les membres de la confrérie entonnent leur hymne qui est devenu populaire chez les francs-maçons, amusés par la parodie :

 

 Qui contrôle la politique ?

Qui s’oppose au système métrique ?

C’est nous ! C’est nous !
Qui sait où se trouve l’Atlantide ?
Qui cache des extraterrestres ?
C’est nous ! C’est nous !
Qui traite les écolos de ringards ?
Qui tient les femmes à l’écart ?
Qui truque les remises des Oscars ?
C’est nous ! C’est nous !
La chanson reprend  des thèmes des théories du complot dont certains classiques (Qui contrôle la politique ?) d'autres extravagants, mêlés à des allusions au conservatisme des véritables  francs-maçons américains (anti-féminisme, hostiles à l'écologie, hostiles aux changements comme l'adoption du système métrique).

 (des modifications légères ont été faites ensuite à la chanson pour de nouvelles versions ; vous pouvez consulter sur cet épisode  les sites suivants de francs-maçons francophones : http://francmaconnerieaujourdhui.blogspot.fr/2011/11/episode-des-simpsons-des-tailleurs-de.html

http://www.gadlu.info/les-simpsons-et-les-francs-macons-alias-les-tailleurs-de-pierre.html

 http://philippebenhamou.blogspot.fr/2014/04/qui-controle-la-politique-les-francs.html

 

Après l'initiation, le Vénérable de la loge annonce qu'il faut passer aux activités : "Maintenant, soûlons-nous et jouons au ping-pong ! "

L'histoire devient ensuite assez extravagante, quand on découvre que Homer porte le signe qui fait de lui le maître suprême de la confrérie. Devenu maître suprême, il conduit celle-ci à la catastrophe (évidemment),  si bien que tous les adhérents la quittent et fondent une nouvelle confrérie, la société des  NoHomers  ( interdite aux Homer).

 Dans cet épisode, l'allusion aux francs-maçons est claire.

On peut se demander pourquoi l'auteur n'a pas clairement parlé de la franc-maçonnerie et suivi de plus près les rituels, la satire aurait été plus fine (mais le principe de la série est de pratiquer une satire burlesque).

Quant au but des réunions maçonniques (boire et jouer au ping-pong), les francs-maçons, au moins américains, savent s'il y a une part de vérité dans cette description !

Les tenues extravagantes des "Tailleurs de pierre" et leurs rites burlesques paraissent plutôt éloignés de la vraie franc-maçonnerie.

Sauf que c'est sans doute là que réside l'humour satirique voulu par l'auteur (qui n'est probablement pas franc-maçon) : montrer qu'un homme en smoking ou en costume classique avec un cordon et un tablier est finalement aussi burlesque qu'un "Tailleur de pierre" avec son habit de chef extra-terrestre pour film des années 30, avec casque et robe  ...

 

 

homerthegreat8

 Homer Simpson prête serment lors de son initiation dans l'Odre des Tailleurs de pierre (Stonecutters) dans l'épisode Homer the Great.

http://tstotopix.me/2014/06/04/topix-history-files-who-are-the-stonecutters/

 

 

 

ARE YOU A MASON ?

 

 

 

Dans les années  1900, on trouvait dans les pays anglo-saxons des cartes postales humoristiques,  représentant des situations diverses, avec l'interrogation "Are you a Mason ?" (Etes-vous franc-maçon ?).

Leur origine parait être une comédie théâtrale intitulée Are you a Mason ? jouée au début du 20ème siècle à Broadway.

Beaucoup de ces cartes évoquaient par allusion une expression célèbre dans la franc-maçonnerie ango-saxonne "riding the goat" (chevaucher la chèvre).

Il s'agit d'une soi-disant épreuve pour l'initiation maçonnique, consistant à rester à cheval sur une chèvre  nécessairement turbulente.

Les cartes postales montraient l'épreuve elle-même, ou bien des jeunes filles (la fiancée du franc-maçon) à califourchon sur une chèvre, ou toute la loge réunie  pour banqueter avec des chèvres hilares, elles aussi membres de la loge.

Ainsi que le dit le site maçonnique américain http://www.phoenixmasonry.org/ ce qu'il y a à retenir dans l'expression "chevaucher la chèvre", c'est que c'est seulement une plaisanterie, apparue dans les loges européennes il y a des siècles et qui a bien pris !

Néanmoins sur certains sites complotistes actuels, peu sensibles à l'humour bon enfant, on peut lire que ces histoires de chèvre sont une allusion au culte rendu... au Diable !

 D'autres cartes avec la légende Are you a Mason ? ne faisaient pas allusion à la chèvre, mais aux activités maçonniques en général, toujours sur un ton humoristique : les maçons se précipitaient sur les alcools après la réunion de la loge ou échangeaient en guise de mot de passe des bouteilles...

 

 

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 The Grip - L'accolade. Le nouveau maçon qui vient de subir les épreuves d'initiation, est chaleureusement accueili par les maçons plus anciens. La chèvre est présente comme pour symboliser la qualité de nouveau maçon. Notez les habits de soirée, manifestement on est dans une loge haut de gamme.

http://www.phoenixmasonry.org/

 

 

 

LUMIERE DU NORD

 

 

 

A l’opposé du débraillé parodique de l’épisode des Simpson dont on vient de parler, certaines formes de franc-maçonnerie sont imprégnées d’esprit presque aristocratique.

Tel est le Rite suédois qui est dominant dans les pays scandinaves et aussi représenté dans une petite partie de l’Allemagne. La franc-maçonnerie de Rite suédois ne forme pas un organisme unique (il y a une Grande Loge par pays) mais les Grandes Loges sont très proches et très attachées à l’unité du Rite.

Le Rite suédois se définit tout d’abord par une exigence religieuse : les francs-maçons doivent être chrétiens protestants et prêter serment de fidélité à la religion chrétienne. Le symbole maçonnique n’est d’ailleurs pas l’équerre et le compas comme ailleurs, mais la croix des Templiers, qui trouve son origine dans l'influence en Europe du Nord de la Stricte obédience templière, maçonnerie qui eut au 18ème siècle un rôle clé dans la difusion des mythes templiers.

Un franc-maçon étranger peut être admis comme visiteur dans les loges nordiques (s’il appartient à une obédience qui se réfère à la croyance en Dieu) mais il ne pourrait y être admis comme membre qu’à condition d’être de religion protestante.

Le rituel comporte des emprunts à la tradition ésotérique, notamment celle des Rose-Croix, confrérie occulte dont on a du mal à savoir si elle a bien existé ou si elle a été inventée de toutes pièces par quelques esprits qui ont ainsi créé une tradition. Il existe aujourd’hui des sociétés rosicrucistes se réclamant de cette tradition et indépendantes de la franc-maçonnerie, tandis que celle-ci, notamment au REAA , a intégré dans une partie de ses rituels des éléments issus de la tradition des Rose-Croix, ou peut-être mieux, d’une interprétation de fantaisie imaginée d’après ce qu’on savait au 18ème siècle des Rose-Croix .

Dans le Rite suédois, comme d’ailleurs dans le reste de la franc-maçonnerie en général, ces  emprunts sont clairement considérés  comme un héritage historique et n’impliquent aucune pratique occultiste et en particulier au Rite suédois, aucune déviance par rapport au protestantisme orthodoxe.

Selon un observateur (néo-zélandais), alors que l'ambiance en franc-maçonnerie anglo-saxonne est "relaxed and friendly" (décontractée et amicale), dans le rite suédois, elle est " mysterious and gloomy " (mystérieuse et sombre).

( http://www.freemasons-freemasonry.com/swedish_constitution.html)

Le Rite suédois compte dans ses rangs de nombreux pasteurs et évêques protestants.

Autre particularité : le Rite suédois a longtemps eu un lien privilégié avec la famille royale de Suède (encore aujourd’hui le roi de Suède est le protecteur de l’Ordre mais il n’est plus le Grand Maître comme ça été le cas dans le passé).

Le roi de Suède est par contre le Grand Maître d’un ordre de chevalerie (ou de mérite), l'Ordre de Charles XIII, qui a la particularité de ne pouvoir être conféré qu’à des francs-maçons du Rite suédois ayant atteint un niveau déterminé. Cet Ordre de Charles XIII est donc à mi-chemin d’une para-maçonnerie et d’une décoration civile uniquement destinée à une catégorie de la population, les francs-maçons.

Le même observateur néo-zélandais note que la franc-maçonnerie nordique, autrefois ouverte principalement aux familles aristocratiques, continue à recruter dans les classes supérieures. Les loges semblent très exigeantes sur le recrutement et seul un postulant sur trois est admis.

Il est difficile de ne pas signaler que le terroriste d’extrême-droite norvégien Anders Breivik, auteur de la tuerie d'Oslo en 2011, a appartenu à une loge de Rite suédois et que lorsque cette appartenance a été connue, la Grande Loge de Norvège a procédé à son exclusion et a déclaré n’avoir rien en commun avec les idées de ce membre complètement égaré.

Le formalisme des francs-maçons du nord se manifeste dans les tenues maçonniques qui sont portées (si on en croit les illustrations) avec l’habit de soirée complet (frac, faux-col, cravate papillon blanche et pour certains chapeau haut-de-forme).

Pour simplifier, les francs-maçons anglo-saxons  recherchent dans la franc-maçonnerie un club convivial, comme ces clubs anglais ou américains où des personnes ayant généralement réussi dans leur profession viennent se détendre, causer avec des amis, boire du whisky, assis dans des confortables fauteuils de cuir.

Les pratiques et le style des francs-maçons du Rite suédois font plus penser au chœur des prêtres dans la Flute enchantée de Mozart ou à L’enchantement du Vendredi Saint, dans Lohengrin.

 

 

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 Défilé d'élégance maçonnique pour le Rite Suédois.

Article Swedish Rite, Wikipedia en anglais.

 

 

 

 

 EVOLUTION DE LA FRANC-MAÇONNERIE ITALIENNE

 

 

Nous avons vu qu’ à l’époque des gouvernements de centre-gauche de la fin du 19ème siècle en Italie, la franc-maçonnerie fut puissante : le personnel politique de ces gouvernements  se recrutait souvent dans la franc-maçonnerie comme le montre l’exemple de Crispi.

Depuis 1901, le Grand Orient, qui a unifié  pour un temps  toutes les obédiences en Italie, est installé au Palazzo Giustiniani (qui est toujours son siège et sert fréquemment à désigner l'organisation.

Toutefois le front commun maçonnique n’existait pas : en 1908 le Grand Maître du Grand Orient   Ferrari, très anticlérical, donna la consigne à tous les parlementaires maçons de voter pour un projet de loi qui supprimait l’enseignement religieux à l’école.Les maçons parlementaires furent un certain nombre à refuser de voter la loi (qui fut repoussée).

 Le Grand Maître Ferrari voulut alors censurer  ceux qui n'avaient pas respecté sa consigne. Saverio Fera, Souverain Grand Commandeur du Rite Ecossais, s'y opposa et mis en minorité, quitta le Grand Orient en amenant avec lui les opposants (ainsi qu'une partie de la caisse) et fonda en 1910  une obédience maçonnique rivale la Serenissima Gran Loggia d'Italia, installée Piazza del Gesù.

Après la fin  de la guerre de 1914-18, l’Italie figurait parmi les vainqueurs mais beaucoup pensaient que les résultats n’étaient pas au niveau des sacrifices faits et une crise sociale de grande ampleur se développait. Deux mouvements révolutionnaires se disputaient le pouvoir, l’extrême-gauche communiste (avec l’appui de certains socialistes) et le mouvement ultra-nationaliste et autoritaire créé par Mussolini, le parti fasciste. La classe politique traditionnelle, représentée par des politiciens qui se maintenaient au pouvoir depuis des décennies par le favoritisme et l’immobilisme (le vieux Giolitti, un des survivants du système Crispi, est encore président du Conseil en 1919) était rejetée.

Le mouvement fasciste, ayant reçu l’appui de la droite parlementaire et d’une partie du centre-gauche, effrayés par la menace communiste, s’empara du pouvoir en 1922 (marche sur Rome). Cette prise du pouvoir ne mettait pas fin au cadre institutionnel en vigueur, monarchique et parlementaire, et le roi appela  Mussolini comme président du conseil désigné par la majorité parlementaire.

Mussolini, qui se donnait le titre de Duce,  réforma en 1924 les institutions parlementaires pour en faire un instrument à ses ordres. La droite et le centre-gauche s’effacèrent puisque c’était le prix à payer pour que le communisme soit muselé.

Dans ce cadre, comment les francs-maçons allaient-ils réagir ?

Domizio Torrigiani, le Grand maître de la principale obédience, le Grand Orient, apporta dans un premier temps son soutien au fascisme après la marche sur Rome mais revint en arrière très vite.

Par contre on a dit que la Serenissima Gran Loggia d'Italia (la Grande Loge de la Piazza del Gesù), dirigée par Raoul Palermi, avait clairement soutenu le coup d'état de Mussolini. Mais plius que Mussolini, le "grand homme" de la Grande Loge était le poète et homme politique, chantre du nationalisme italien, Gabriele d'Annunzio, franc-maçon du 33ème degré, qui lui aussi se rallia sans enthousiasme au fascisme.

La franc-maçonnerie était trop liée au régime parlementaire pour ne pas être suspecte, malgré les appartenances communes: il semble que de nombreux chefs fascistes étaient francs-maçons de la Grande Logeparmi lesquels des dirigeants très proches de Mussolini, comme Italo Balbo, De Vecchi, Bottai, Farinacci..  

Le Grand conseil fasciste vota en 1923 une résolution interdisant la double appartenance à la maçonnerie et au parti fasciste,

La Grande Loge dirigée par Raoul Palermi appela quand même publiquement à soutenir l'action du fascisme.et exigea de ses membres un serment au régime.

En 1925, une loi interdisait les sociétés secrètes (sans parler explicitement de la franc-maçonnerie). En 1925, les fascistes "de base" entreprirent des actions violentes contre les loges aussi bien du Grand Orient que de la Grande Loge (saccages, voire assassinats).

Les obédiences se sont mises en sommeil  bien que le Grand maître du Grand Orient  ait envisagé un nouveau statut pour être en conformité avec la loi, de même que Raoul Palermi à la Grande Loge.

Torrigiani fut ensuite interné aux Iles Lipari comme d’autres opposants et sa détention fut très dure, tandis que Raoul Palermi s'efforçait de se tenir proche du régime malgré tout.

Quelques loges continuèrent à fonctionner clandestinement ou à l’étranger. Le Grand Orient se reconstitua en exil.

L’évolution du régime, qui commença à calquer son attitude sur celle des nazis, isola progressivement Mussolini d’une grande partie de la population, qui jusque là avait accepté plutôt passivement le régime,  notamment chez les catholiques.

 

Le fascisme s’effondra en deux temps sous l’effet de la guerre mondiale : d’abord en septembre 1943 quand le roi fit arrêter Mussolini et demanda l’armistice aux anglo-américains qui avaient débarqué, provoquant en coutre-coup  l’intervention allemande en Italie.

Puis définitivement, au printemps 1945 lorsque le nouveau régime fasciste « pur et dur », installé  par Mussolini (qui avait été libéré par les Allemands) dans le nord de l’Italie sous le nom de « République sociale italienne »fut abattu après une très dure confrontation avec les «  partisans » (résistants souvent communistes mais aussi catholiques ou apolitiques) appuyés par les forces alliées, lorsque celles-ci  purent progresser vers le nord après avoir été arrêtées longtemps par les lignes de défense allemande en Italie centrale.

Dans la nouvelle Italie, libérée par les alliés et par les partisans, les deux forces qui comptaient étaient les catholiques et les communistes. En 1946, par referendum, les Italiens décidèrent d’abolir la monarchie.

L’Italie de la décennie d’après-guerre a été décrite sous une forme plaisante (sans doute plus plaisante que la réalité) par les romans de G. Guareschi, puis les films tirés de ces romans, mettant en scène le curé Don Camillo et le maire communiste Peppone, deux vieux camarades de l’époque de la résistance, maintenant opposés mais toujours amis dans le fond.

Comme on sait, très vite la guerre froide entre les Occidentaux et le bloc communiste divisa le monde. En Europe les Américains soutirent tout ce qui pouvait faire échec au communisme. En Italie ils soutinrent la démocratie-chrétienne qui devint la première force du pays et gouverna avec des partis de centre-gauche ou de gauche non-communistes, isolant complètement les communistes.

La franc-maçonnerie se reconstitua et de nouveau  s’opposa en obédiences rivales, le Grand Orient se classant nettement à gauche. La Grande Loge   de la Piazza del Gesù, reconstituée se classant plus à droitePalermi mourut en 1948 après avoir participé, non sans difficultés,  au rétablissement de l'obédience.   

Les américains soutinrent la franc-maçonnerie italienne (qui restait opposée au catholicisme mais était bien représentée dans les partis « laïques » alliés selon le cas à la démocratie-chrétienne dans des gouvernements de coalition). L’anticommunisme et l’atlantisme (attitude pro-américaine) devinrent un trait distinctif de la maçonnerie italienne.

Cette forte imprégnation anticommunisme favorisa des dérives : des ambitieux et affairistes entrèrent dans la maçonnerie (ce n‘était pas une nouveauté !), l’anticommunisme tenant lieu pour eux d’idéal maçonnique.

En même temps le Grand Orient engageait une évolution intéressante à la fin des années 60 : il rompait avec son encrage traditionnel à gauche, s’ouvrant à des adhérents de tous horizons, cessait   ses relations privilégiées avec le Grand Orient de France lui-même marqué à gauche ; il renouait des relations avec la Grande Loge d’Angleterre pour obtenir la reconnaissance de sa « régularité maçonnique », celle-ci passant par la réaffirmation dans les statuts de l’Ordre , de la croyance (ou au moins de la référence), au Grand Architecte de l’Univers.

Mais la reconnaissance de régularité, obtenue en 1972, fut retirée en 1993.

 Selon les statuts actuels  du Grand Orient :

Non tratta questioni di politica e di religione….. inizia solamente uomini che siano liberi e di buoni costumi, senza distinzione di razza, cittadinanza, censo, opinioni politiche o religiose…. si ispira al trinomio: Libertà – uguaglianza – fratellanza».

Il ne traite pas de questions politiques et religieuses...il initie seulement des hommes libres et de bonnes moeurs, sans considération de race, de nationalité, de richesse, d'opinions politiques et religieuses...il s'inspire de la devise : Liberté, Egalité, Fraternité.

Des contacts eurent lieu avec la Grande Loge d'Italie de la Piazza del Gesù pour une fusion mais n'aboutirent pas (bien que de nombreuses loges de cette obédience aient rejoint le Grand Orient quand la Grande Loge d'Italie eut décidé d'admettre des loges féminines).

En même temps, les diverses obédiences et l’Eglise catholique essayaient de se rapprocher et prenaient des contacts discrets.

Dans les années 70, Licio Gelli, un affairiste représentatif des nouveaux affiliés à la maçonnerie les moins recommandables, devint un personnage important du Grand Orient.  Il remit sur pied la loge Propaganda du Grand Orient (renommée  P2 ou Propaganda Due) ; cette loge permettait à des leaders dans différents domaines de se réunir en toute discrétion.

Il recruta des industriels, des banquiers,  des journalistes, des responsables des services secrets  et fit de cette loge « irrégulière » mais tolérée (semble-t-il) par le Grand Orient, un centre secret d’influence, de corruption et de manipulation (Grand maître de P2, Gelli restait membre du Grand Orient). Le but de Gelli et de ses collègues était d’une part l’enrichissement personnel, mais aussi l’action politique pour éliminer le communisme au moment où celui-ci risquait d’arriver au pouvoir démocratiquement en Italie. Gelli avait de la sympathie pour le  fascisme.

Il semble que Gelli organisa, avec la complicité des services secrets et de groupes d’extrême-droite,  et peut-être l’aide de la CIA, des actions allant jusqu’aux attentats terroristes meurtriers  qui devaient être imputés aux gauchistes, dans l’atmosphère de l’Italie des « années de plomb », afin de provoquer dans l’opinion un mouvement  favorable à une prise du pouvoir par un régime anticommuniste autoritaire.

La découverte inopinée des activités de la loge P2 en 1980 provoqua un scandale majeur, le gouvernement  dut démissionner. Licio Gelli fut arrêté puis remis en liberté. Des hommes politiques, des personnalités des affaires ou des médias furent compromis ; certains, qui n’étaient pas à l’époque au premier plan, se firent un peu oublier (Il semble que Berlusconi ait appartenu à la loge).On parla de meurtres ou de suicides mystérieux, on évoqua les noms de Mafieux célèbres, mêlés à ceux de Cardinaux et de banquiers de l’Eglise. 

Le Grand Orient procéda à des expulsions, mais évidemment, la franc-maçonnerie italienne ne sortit pas grandie de l’affaire dans l’opinion.

Les révélations sur la Loge P2 s'entrecroisèrent plus tard avec d'autres scandales (comme Tangentopoli) qui modifièrent grandement le paysage politique italien.

En 1993, le conseil italien de la Magistrature décida de façon significative l’incompatibilité entre l’appartenance maçonnique et la fonction de magistrat.

En 1993 également, des francs-maçons du Grand Orient, en désaccord avec celui-ci, forment la Gran Loggia regulare d'Italia, qui obtient la reconnaissance de sa régularité par la Grande Loge d'Angleterre, c'est la seule obédience italienne qui respecte les landmarks de la maçonnerie anglo-saxonne.

La Grande Loge d'Italie (ex-Piazza del Gesù), dénommée maintenant  Gran Loggia d'Italia degli ALAM (Antichi Liberi Accettati Muratori), poursuit également ses activités. Elle a été la première en Italie à s'ouvrir aux femmes (annnées 50) et entretient des relations d'amitié avec les principales obédiences "libérales"(c'est-à-dire non alignées sur la Grande Loge d'Angleterre) européennes et  méditerranéennes.

 

 

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 Vue d'une réunion au siège du Grand Orient d'Italie, tirée de la page de titre de leur site internet.

On note les initiales AGDGADU ( A la Gloria del Grande Architetto dell'Universo) qui représente la référence déiste du Grand Orient d'Italie.

 http://www.grandeoriente.it/

 

 

 

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Réunion au Grand Orient d'Italie pour le 150ème anniversaire de l'unité italienne, 2011. Les membres du Grand Orient écoutent la fanfare des Bersaglieri.

Noter la devise Liberté, Egalité, Fraternité. 

Photo sur le site http://www.cieliparalleli.com/

Foto Nicoloro G. 01/04/2011 Rimini. http://www.giuseppenicoloro.com/wordpress/tag/grande-oriente

 

 

 

 

UN MAÇON  NOMME HUGO PRATT

 

 

 

Parmi les maçons italiens célèbres, figure le créateur de bande dessinées Hugo Pratt (1927-1995), qui a été surtout rendu célèbre par le personnage de Corto Maltese.

Or, Hugo Pratt fut un maçon actif à partir de 1976 et a parsemé son œuvre de références, claires ou plus discrètes , à la franc-maçonnerie.

Dans Fable de Venise (Favola da Venezia) paru en 1977, l'action se déroule en 1921, à Venise. Corto  Maltese se retrouve dans la vieille cité pour une recherche mystérieuse. Poursuivi par une escouade de fascistes (pour avoir refusé de crier vive quelqu'un, comme il expliquera ensuite) , il se sauve par les toits et passe à travers  un toit vitré. Il tombe en plein milieu d'une tenue de loge maçonnique, la loge Hermès.

Les membres sont en robe et en cagoules, ce qui est assez étonnant. Le président de la loge (le Vénérable en langage maçonnique) lui demande s'il n'est pas blessé et comment il a pu arriver là. Corto s'excuse de les avoir dérangés et donne quelques explications. Après quelques répliques, Corto, qui ne perd pas le sens de l'humour , interroge le Vénérable en ces termes :

 " State sempre edificando templi alla virtù e oscure prigioni al vizio?" (Vous édifiez toujours des temples à la vertu et des prisons obscures pour le vice), reprenant une formule traditionnelle de la maçonnerie.

Le vénérable répond :  E lavorare al bene e al progresso della patria e dell'umanità… Voi parlate come un fratello… siete per caso un libero muratore?"

(C'est travailler pour le bien et le progrès de la patrie  et de l'humanité  ...Vous parlez comme un frère...seriez-vous par hasard un franc-maçon ?)

Et Corto :

" No, no. Spero di essere solamente un libero marinaio".

(non, non, j'espère seulement être un libre marin)

Dans la suite de l'histoire, assez complexe, Corto rencontre Stepani, le chef des fascistes qui le poursuivaient, et noue des liens avec lui jusqu'au moment où Stepani est blessé et Corto accusé d'avoir voulu l'assassiner. De nombreuses péripéties s'ensuivent à la recherche d'un bijou ésotérique, une émeraude appelée la clavicule de Salomon.

 

  Il est curieux de voir que chaque fois que Pratt montre des francs-maçons il les représente avec des cagoules, qui pourtant ne font pas partie des vêtements maçonniques dans les divers rites existant dans le monde. Pourquoi Pratt a-t-il choisi  de représenter ses francs-maçons comme les ennemis de la maçonnerie se les représentent souvent ? Une célèbre photographie montrant des maçons en cagoule, l'épée à la main, a souvent été présentée pour illustrer la Loge P 2, active à la fin des annés 60 et jusqu'en 1980, mais parait dépourvue de toute authenticité.

La cagoule fut-elle utilisée en Italie à des moments où, même entre eux, les francs-maçons devaient garder une forme prudente d'anonymat, y compris à des périodes récentes ?

Qui expliquera ce petit mystère ?  

Versons une pièce au dossier.

Dans le film Un borghese piccolo piccolo (Un tout petit bourgeois) de Mauro Monicelli (1977), le personnage principal, joué par Alberto Sordi, devient franc-maçon pour pouvoir aider son fils à entrer dans l'administration (!).

Dans la scène d'initiation, les francs-maçons portent la cagoule, ils tiennent des cierges, leurs tabliers sont ornés d'une tête de mort (un symbole qui existe dans la maçonnerie mais certainement pas comme insigne figurant sur des tabliers pour l'initiation d'un apprenti). La caricature est sans doute voulue.

 

Un_borghese_piccolo_piccolo_iniziazione

Initiation maçonnique dans le film Un borghese piccolo piccolo (Un tout petit bourgeois) de Mauro Monicelli (1977).
Wikipedia
Hugo Pratt fut initié en novembre 1976 apprenti-maçon à la loge Hermès de Venise, affiliée à la Grande Loge d'Italie (Gran Loggia d'Italia degli ALAM) puis compagon et maître en avril et novembre 1977.
Le nom de la loge est celui qu'on retrouve dans Fable de Venise.
 
Puis il entra dans les hauts grades du REAA (Rite Ecossais Ancien et Accepté) le 11 novembre 1989 à la loge de perfection  La Serenissima, relevant du Suprême Conseil d'Italie (qui administre les hauts grades de la Grande Loge) , dans une tenue (réunion) maçonnique à Nice, en commun avec la loge de perfection  L'Olivier secret, du Grand Collège des rites, organisme qui administre les Hauts grades des loges affiliées au grand Orient de France, en présence des deux Souverains Commandeurs .
 
Hugo Pratt lui-même fit état d'un souvenir familial en devenant franc-maçon :  :

Le père d'Hugo Pratt (ou son oncle ?), fasciste,  avait participé en 1925 au pillage  des temples maçonniques  et avait rapporté chez lui une "épée flamboyante", insigne du  Vénérable Maître.  Hugo Pratt entreprit des recherches familiales et finit par la retrouver avant d'en faire don à sa loge.

On peut se demander si Stepani, le fasciste de Fable de Venise, n'est pas inspiré par le  propre père de Pratt.. En  entrant dans une loge de la Grande Loge d'Italie, Pratt ne pouvait pas ignorer non plus  que cette obédience , même si elle fut ensuite victime des exactions fascistes, avait soutenu le régime au début et compté dans ses rangs de nombreux chefs fascistes ou des sympathisants de marque comme Gabriele d'Annunzio, que Corto Maltese rencontre d'ailleurs dans la bande dessinée Fable de Venise  (d'Annunzio s'interpose entre Corto et les fascistes qui le poursuivent et fait figure de sage).

 Pratt ne faisait pas état facilement de son appartenance maçonnique. Touefois il ne la dissimulait pas non plus. Il en parlait d'une façon lucide qui peut surprendre. Dans une interview de 1989 à  Dominique Petitfaux pour le livre  Hugo Pratt, de l’autre côté de Corto (édition italienne : All'ombra di Corto) Pratt disait ceci de l'appartenance à la franc-maçonnerie :

" Etre maçon, équivaut à être triste. Cette fraternité est triste et ignore l'ironie. En outre on ne peut pas être pauvre; si on est maçon, on est obligé de faire des dons... les loges regroupent généralement des personnes qui ont plus ou moins la même profession et qui de la sorte peuvent se rendre des services ...   les maçons ont toujours été plus progressistes que l'Eglise, c'est pourquoi l'Eglise est contre la maçonnerie. Mais le Vatican, c'est quoi sinon une sorte de maçonnerie, avec ses prélats en mitres ?"

(cité dans l'article Libero marinaio o libero muratore? Corto Maltese e Hugo Pratt tra fumetti, avventure e iniziazioni massoniche , article du journal L'Unita, http://cerca.unita.it/ARCHIVE/xml/70000/67590.xml?key=Alberto+Gedda&first=141&orderby=0&f=fir

Très peu de temps avant sa mort, Pratt profita d'une réédition d'un de ses livres (en dehors du cycle de Corto Maltese), Fort Wheeling, dont l'action se déroule pendant la guerre d'indépendance des Etats-Unis, pour introduire une scène d'initiation maçonnique. Or le personnage qui est initié franc-maçon est un Indien et il devient  membre d'une loge militaire britannique.

Une sorte de paradoxe maçonnique, puisque les "Pères fondateurs" de la nation américaine étaient souvent des francs-maçons et n'accueillaient pas de "non blancs" dans leurs loges, alors qu'ici, le personnage  non blanc est accueilli par des maçons du  camp opposé.

Pratt savait que l'histoire, même maçonnique, ne s'écrit pas en noir et blanc.

 

  

 Hugo Pratt Fable de Venise 1977 Corto Maltese tombant dans la loge Hermès

Corto Maltese tombe en pleine réunion maçonnique de la loge Hermès alors qu'il courait sur les toits de Venise, une soirée de 1921, dans Fable de Venise

 

http://www.loggiagiordanobruno.com/
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Commentaires
H
bonjour, pourqui ignorez vous délibérément les loges noires (si vous êtes bien d'une loge "blanche")
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V
Dans certaines cérémonies les francs maçons portent les mêmes cagoules que celles de la fable de Venise.
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Le comte Lanza vous salue bien
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