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Le comte Lanza vous salue bien
25 juin 2015

LA MYSTIFICATION DE LEO TAXIL (LE GENERAL PIKE ET MAZZINI, QUATRIEME PARTIE)

 

 LA MYSTIFICATION DE LEO TAXIL

 

LE GENERAL PIKE ET MAZZINI  OU L'HISTOIRE A SENSATION, QUATRIEME  PARTIE

 

 

 

 

 

 

PREMIERS SIGNES D' ECROULEMENT 

 

 

 

Au début de 1896, Taxil et d'autres lancent  la Ligue du Labarum antimaçonnique.

C'est presque une contre-maçonnerie avec des grades, qui n'ira pas très loin.

Elle se dote d'un organe de presse, la revue L’Anti-maçon (1er janvier 1896). Parmi les huit fondateurs figurait un certain Kostka de Borgia, c’est-à-dire Jules Doinel (1842-1902) personnage curieux, ancien franc-maçon, devenu le chef d'une Eglise gnostique, puis revenu au catholicisme (c'est à ce moment qu'il participe à la fondation du Labarum) avant de retourner à l'occultisme. Le Labarum est l'étendard sur lequel l'empereur romain Constantin avait fait inscrire les premières lettres du mot Christ, comme un songe le lui avait recommandé, lors de la bataille du Pont Milvius. Il est donc le symbole du christianisme combattant

 Malgré cela, on insinue que Taxil, converti au catholicisme, écoule encore en cachette son stock d'ouvrages anticléricaux d'avant sa conversion. Taxil s'en défend vertueusement. 

Pendant ce temps, Domenico Margiotta, qui se présente comme un franc-maçon palladiste repenti, lui aussi converti (ou revenu au catholicisme) et qui a reçu, grâce à cette conversion, le titre de  chevalier du Saint-Sépulcre  (Ordre de chevalerie pontificale) commence à ruer dans les brancards. Il prétend certes avoir rencontré Diana Vaughan il y a plusieurs années, mais qu’il y aurait deux Diana Vaughan, la vraie et une affabulatrice, celle qui se prétend l’auteur des Mémoires d’une ex-palladiste.

Il a sa petite idée sur celle-ci : elle ne serait autre que l’épouse de Léo Taxil.

D’autres personnes émettent des doutes.

Les attaques viennent des milieux catholiques. Des jésuites dont le père Portalié analysent les textes produits par les anti-maçons. Des « originaux » de lettres de francs-maçons italiens à Diana Vaughan sont écrites en français ? C’est quand même curieux. Mais les anti-maçons répondent que les francs-maçons italiens écrivent en français car ils savent que Miss Vaughan connait cette langue, alors qu’eux-mêmes ne parlent pas anglais ou mal - et puis le français est de longue date une langue diplomatique.

Le même père Portalié analyse le texte en latin attribué au démon Bitru et y trouve des fautes de grammaire latine.  Là aussi les anti-maçons se défendent : depuis quand un démon doit-il être incollable en latin ? Et puis les fautes peuvent être celles  de la personne qui  a reproduit les paroles du démon.

Bref ils ont réponse à tout.

 Dans la revue Etudes religieuses (plus tard, Etudes)  le père Portalié pense que ces prétendues révélations sont en fait une mystification, organisée par les libre-penseurs pour ridiculiser l'Eglise, même si le principal motif est de faire de l'argent. 

Mais la charge vient également de l’étranger. En Allemagne un franc-maçon, Findel, rassemble tous les éléments qui vont dans le sens d’une manipulation. Il affirme d'ailleurs que Mazzini n'a jamais été franc-maçon, ce qui lui vaut les sarcasmes des anti-maçons (on se rappelle que l'édifice du palladisme est fondé sur l'idée que Pike et Mazzini ont été les premiers dirigeants de la maçonnerie palladienne). Contrairement au père Portalié, bien sûr, Findel pense que la manipulation est organisée par les jésuites, pour discréditer la franc-maçonnerie.

En Angleterre, un autre franc-maçon, Edward Arthur Waite, publie un ouvrage sous le titre choc Devil-Worship in France (le culte du Diable en France) ; le titre lui-même sous-entend que le palladisme n'est pas un phénomène mondial mais seulement une mystification qui a son origine en France, car Waite conclut à une manipulation. La presse catholique anglaise est favorable aux conclusions de Waite.

Waite note par exemple que tous les diplômes et écrits maçonniques que Margiotta insère en fac simile dans ses livres sont authentiques – lorsqu’il s’agit de diplômes de la maçonnerie dite « écossaise » traditionnelle (maçonnerie des hauts grades) ;  or, celle-ci n’est pas en cause. Par contre quand il s’agit de diplômes ou de comptes-rendus  palladiques, il trouve des anomalies qui font suspecter le faux : les procès-verbaux des loges palladistes qui refusent de reconnaître comme dirigeant suprême Lemmi, sont supposés écrits en anglais ; or, il s’agit visiblement de textes écrits d’abord en français et traduits ensuite en anglais avec des erreurs que seul un Français peut faire.

Mais les anti-maçons ont des réponses toutes prêtes : d’abord, Findel et Waite sont des francs-maçons, donc ils ont tout intérêt à prendre la défense de la secte…Et les comptes-rendus signalés par Waite ont justement été rédigés par un « frère » mexicain, d’où les maladresses d’expression en anglais !

Le journal catholique l’Univers suspecte de plus en plus une mystification. Ses directeurs (Eugène Veuillot, Tavernier) exigent que Léo Taxil organise une rencontre avec Diana Vaughan.

Celui-ci organise donc une rencontre à Villefranche (Rhône). Mais elle n’est pas concluante.

Le journal écrit que la personne se présentant comme Miss Vaughan (accompagnée d’une amie) n’a pas très bien joué son rôle et insinue que Taxil a payé deux figurantes de bas étage pour cette rencontre, suscitant une réponse outragée de Taxil.

Quant à Diana Vaughan, qui écrit périodiquement ses Mémoires d'une ex-palladiste, elle ne manque pas de ridiculiser ses adversaires, parmi lesquels Margiotta ou Paul Rosen; ce dernier, d'origine juive, autrefois franc-maçon, puis converti au catholicisme, a ensuite été anti-maçon et a reçu les encouragements de l'Eglise pour ses dénonciations.Mais maintenant il s'en prend à Taxil et Bataille. Diana l'appelle par ironie Moïse Lid-Nazareth, nom plus ou moins fantaisiste - mais hébraïque- utilisé autrefois par Rosen.

Depuis sa conversion, Diana fait figurer après son nom les prénoms reçus par elle en baptême  (Marie-Jeanne-Raphaëlle).

Elle explique qu'elle ne peut présenter d'extrait d'acte de naissance car au Kentucky, cette pratique est à peine en usage et n'existait pas quand elle est née . Il est d'usage de se faire établir un acte de naissance sur déclaration, selon les besoins; elle pourrait donc en présenter dix, tous authentiques et tous différents selon les règles du Kentucky. La meilleure preuve de sa bonne foi est donc de ne pas présenter un document aussi facile à obtenir. Certes on dira qu'elle est née à Paris et pas au Kentucky, mais son père n'a fait que suivre les usages du Kentucky, et n'a pas déclaré sa naissance.

Un catholique canadien, M. Tardivel, confirme obligeamment ses explications en disant qu'il en est de même dans certaines parties du Canada.

De son côté, l’avocat Lautier rappelle qu’il a bien rencontré Miss Vaughan une fois (avant sa conversion quand elle était encore une palladiste dissidente) et déclare que Miss Vaughan est menacée de mort par la secte, elle doit donc se cacher.

 

 

 

LE CONGRES ANTIMAÇONNIQUE DE TRENTE 

 

 

Le Vatican décide alors d'appuyer l’organisation d’un congrès anti-maçonnique, qui se tiendra à Trente (rappel du Concile de Trente historique au 16ème siècle) qui à l’époque est une ville en territoire autrichien. Au-delà du but général de combattre la franc-maçonnerie, ennemie de l’Eglise, il y a peut-être l’idée de faire la lumière sur le vrai et le faux dans les « révélations » des anti-maçons.

Le congrès est officiellement  organisé par le commandeur Aliatta, l'un des chefs de la branche italienne de la ligue antimaçonnique internationale,  avec l’approbation du Vatican. 

Le Dr Bataille (dont on savait que c’était le nom de plume du Dr Hacks) avait déjà causé l’étonnement de ceux qui suivaient l’affaire, en déclarant à la presse qu'il n'avait écrit que le premier volume du Diable au XIXème siècle, et même qu'il n'y  n’était  quasiment pour rien,  que c’était le chanoine Mustel qui avait tout fait (un chanoine de Coutances, très actif dans le combat anti-maçonnique). C’était rejeter sur un membre de l’Eglise le soupçon d’avoir inventé les récits  les plus incroyables du Diable au XIXème siècle

 

A peu près en même temps, un journal catholique de Cologne, le Kolnische Volkszeitung , convaincu par les arguments de Findel,  écrit : " les révélations de Taxil, de Margiotta, de Miss Diana Vaughan, le Palladium...la direction centrale de la maçonnerie....le culte satanique  de Pike et  de Lemmi,  ...., les hosties profanées, il faut qualifier une bonne fois cela d'imposture, comme ça l'est en réalité".

 Le Congrès de Trente se déroule du 26 au 30 septembre 1896 : trente-six évèques et les délégués d'une cinquantaine d'autres y participent plus des centaines de catholiques militants.  "Il y eut une grande procession à laquelle prirent part dix-huit mille personnes. Un télégramme de Léon XIII apporta à l'assemblée la bénédiction apostolique. " (Henry Charles Lea). Le congrès était placé sous la présidence d’honneur du Prince-Evêque de Salzbourg  (ce titre existait encore dans l’Empire autrichien) et la présidence du Prince Zu Löwenstein, un des chefs de file catholiques au Parlement allemand.

Taxil y est présent et on espère avoir des preuves concernant Diana Vaughan. Une journée est consacrée à débattre à ce sujet. M. Tardivel, le Canadien qui avait confirmé les explications de Diana sur l'absence d'acte de naissance au Kentucky, est présent, délégué par les catholiques canadiens.

" On demanda les détails de la conversion de Diana, les noms de son parrain, de sa marraine et de l'évêque qui avait autorisé sa première communion. Taxil répondit qu'il avait les preuves en poche, mais qu'il ne saurait les exhiber sans mettre en péril la vie même de Diana;" (Henry Charles Lea).

Taxil imagine toutefois un système compliqué selon lequel il fera parvenir toutes les preuves par l'intermédiaire d'un ecclésiastique se rendant à Rome dont il donnera le nom à un délégué du Congrès, Mgr Luigi Lazzareschi,,évêque titulaire de Néo-Césarée. Il se rend d'aileurs le soir même chez l'évêque pour lui comuniquer ce nom.

Mais il y aura à ce sujet une polémique de plus: l'évêque dira que Taxil n'a pas voulu lui donner de nom, ce que Taxil démentira.

Le Congrès, laissant de côté les incertitudes sur les révélations de Taxil, vote "une croisade contre la Franc-Maçonnerie".

Puis il désigne une commission chargée de se prononcer sur l'affaire Diana Vaughan, présidée par Mgr Lazzareschi,  

A la fin du mois de janvier 1897, la commission déclara n’avoir pu recueillir « à ce jour aucun argument péremptoire soit pour soit contre l’existence, la conversion, l’authenticité des écrits de la prétendue Diana Vaughan. »

 

 

 

King_Edward_7

 

 Edward VII en tenue maçonnique (illustration et notice sur le site de la Grande Loge de Colombie britannique et du Yukon, Canada).

Edward, à l'époque Prince de Galles, fils aîné de la reine Victoria, fut initié à la franc-maçonnerie du Rite suédois par le roi de Suède, Grand Maître de l'Ordre pour les pays nordiques, en 1868 à Stockholm. Puis il obtint le rang de Grand Maitre honoraire de la Grande Loge d'Angleterre en 1870, puis Grand Maître en activité en 1875. Il exerça en parallèle les fonctions de Grand Maître (Vénérable) de plusieurs loges.

Protecteur des Grandes  Loges d'Ecosse et d'Irlande, membre et protecteur du Suprême Conseil du 33ème degré pour l'Angleterre et Grand Maître du Convent général des Chevaliers Templiers, il ne perdit jamais une occasion de manifester son attachement à l'Ordre maçonnique. Devenu roi sous le nom de Edward VII en 1901, il démissionna alors de ses fonctions de Grand Maître de la Grande Loge d'Angleterre, en restant le protecteur de l'Ordre. Son frère le Duc de Connaught lui succéda comme Grand Maître. Edward VII illustre l'importance sociale et la respectabilité de la franc-maçonnerie en Grande-Bretagne à l'époque.  

En France, la division profonde du pays faisait que la franc-maçonnerie était dépourvue de cette respectabilité : les catholiques et traditionalistes lui reprochaient son progressisme et son anticléricalisme, une grande partie de l'extrême-gauche lui reprochait d'être du côté des possédants (même s'il y avait des francs-maçons socialistes).

 http://freemasonry.bcy.ca/biography/edward_vii/edward_vii.html

 

 

 

LE COUP DE TONNERRE DU DOCTEUR BATAILLE

 

 

De nouvelles révélations de Diana Vaugnan sur l'existence d'un temple palladique à Edimbourg  donnent lieu à une lettre adressée au directeur du journal L'Univers, (journal catholique mais méfiant envers les révélations de Taxil et de Diana Vaughan) par l'archevêque catholique d'Edimbourg , Mgr MacDonald, qui dément ces allégations avec un humour assez britannique :

" Edimbourg, 2 novembre [1896] 

Cher monsieur Tavernier,

En réponse à votre question, je me hâte de vous informer que Miss Diana Vaughan n’a jamais été en rapports avec moi, autant que je puis le savoir, ni moi avec elle. Je ne lui ai jamais envoyé ma bénédiction, et aucune enquête de ce genre n’a été conduite par M. Considine [l'homme de loi de l'archevéché] ou par quelque autre.

L’idée terrifiante que le principal temple secret de ces mystérieux conspirateurs n’est qu’à deux pas de l’archevêché peut, je crois, être écartée comme un clair-de-lune, quoiqu’il soit possible que quelque franc-maçon habite près de là. C’est probable, car ils sont nombreux."

 (...)

Notons l'expression "clair-de-lune" pour invention, bobard.

Sur ce "Diana Vaughan" affirme que l'archevêque lui a pourtant bien envoyé sa bénédiction !      

(L'Affaire Diana Vaughan - Léo Taxil au scanner, publié sous le nom de l'association ATHIRSATA http://sourcesretrouvees.free.fr/taxil.htm)

      

 Survient alors un coup de tonnerre.

Le Dr Bataille/Hacks, déclare par une série de lettres envoyées au journal L'Univers qu'il a inventé tout ce qu'il a raconté dans Le Diable au XIXème siècle, que lui et Taxil sont complices et ont monté l'opération.

Le 6 novembre 1896, interviewé par le journal La Vérité , il déclare :

" Tout cela a été une pure fumisterie. Les catholiques avalèrent tout sans broncher, et la niaiserie de ces gens est telle, que si je leur disais aujourd’hui que je les ai roulés, ils refuseraient de me croire et resteraient convaincus que tout ce que j’ai inventé est la vérité même.

Quand a paru l’Encyclique Humanum genus dirigée contre les francs-maçons alliés du diable, j’ai pensé qu’il y avait là matière avec la crédulité connue et l’insondable sottise des catholiques ; il suffisait de trouver un Jules Verne pour donner une apparence attrayante à ces histoires de brigands ; j’ai été ce Jules Verne, voilà tout.

Je m’entendis avec Léo Taxil et quelques amis et nous fondâmes de concert le Diable au XIXe siècle qui eut le succès retentissant que vous savez.

Au bout de quelque temps, j’ai lâché la baraque et me suis séparé des ratichons [surnom péjoratif des catholiques]...

Maintenant j’ai acheté le fonds de ce restaurant à prix fixe qui marche très bien.

Diana Vaughan n’était pas dans mes attributions. Léo Taxil nous a toujours dit qu’il était son mandataire."

(cité par ATHIRSATA http://sourcesretrouvees.free.fr/taxil.htm)

 

Ainsi le "docteur", abandonnant à la fois la médecine et la littérature à sensations, était devenu restaurateur et ne cachait pas son mépris des catholiques, capables, comme il le rappelait dans son interview, d'avaler des bobards comme le serpent qui écrivait sur le dos de Sophia Walder (par erreur, il écrit Diana Vaughan)  ou du diable changé en crocodile qui joue du piano.

Certains catholiques cherchent des contradictions dans ses déclarations. Ils rappellent que déjà le Docteur avait indiqué qu'il n'était presque pour rien  dans la parution du livre Le Diable au XIXème siècle. Maintenant il se vante d'avoir inventé tous les bobards, certes avec Taxil ?  

Quelle est sa vraie part dans les textes parus sous son nom ? Et si beaucoup de choses étaient vraies néanmoins (mis à part les extravagances inventées pour le plaisir) mais que le docteur ait été acheté par la secte, pour dire justement qu'ils avaient tout inventé, lui et Taxil  ?

 

 A ce moment aussi,  Domenico Margiotta déclare dans une interview que Diana Vaughan n'existe pas, qu'il a été obligé par Taxil de déclarer que lui Margiotta l'avait rencontrée jadis à Naples, que tout ce qui lui-même a écrit sur le palladisme n'était qu'une invention de Taxil, à qui il était lié par un contrat :

"  Oh ! que vous avez raison quand vous dites que Bataille et Taxil ne sont qu’une même individualité ! Hacks donna son nom à l’œuvre : le Diable au XIXe siècle, comme j’ai donné le mien, ainsi que mon allure personnelle à l’Adriano Lemmi. N’empêche que l’un et l’autre de ces ouvrages sont l’œuvre de Taxil à peu près exclusive.  " 

Pour lui Diana Vaughan est une invention de Taxil, ou au mieux, c'est la propre épouse de Taxil qui joue ce rôle.

 Dans La Franc-Maçonnerie démasquée., Gabriel Soulacroix (pseudonyme de l'abbé de Bessonies)  reproduit les déclarations de Margiotta et conclut :

" Nous défions tout homme sensé et loyal, après avoir parcouru ces pages, de garder pour M. Margiotta la moindre estime. Nous défions tout écrivain sincère, qui aura lu cet article, d’invoquer désormais le témoignage de M. Margiotta dans la question Diana Vaughan !"

Il rappelle que même Hacks (le Dr Bataille), ce "prince des fumistes", dans ses "déclarations cyniques" n'a pas formellement nié l'existence de Diana Vaughan (puisqu'il a déclaré, énigmatiquement, que c'était l'affaire du seul Taxil).

(site ATHIRSATA http://sourcesretrouvees.free.fr/taxil.htm)

 

 

 

 

LA CONFESSION DE LEO TAXIL

 

 

Dans le numéro des Mémoires d'une ex-palladiste du 20 février 1897, Diana annonça qu'elle paraîtrait en public le lundi de Pâques, 19 avril 1897, dans la salle de la Société de Géographie, et qu'elle y ferait une conférence explicative, avec accompagnement de projections lumineuses. Cette séance devait être accompagnée d'une tombola dont le gros lot était une machine à écrire américaine...

 

Il est probable que Léo Taxil reprit cette annonce dans ses propres publications.

Le  19 avril 1897, il y avait donc affluence dans  la salle de la Société de Géographie;  des ecclésiastiques, des laïcs catholiques, des libre-penseurs, probablement des francs-maçons, des curieux et des journalistes remplissaient la salle.

A l'entrée on avait demandé aux assistants de laisser leurs cannes et parapluies au vestiaire.

A l'heure dite, ce fut Léo Taxil qui parut sur l'estrade. Personne qui ressemblait à Diana Vaughan ne l'accompagnait.

Léo Taxil commença alors un long discours, sur le ton familier de la conversation, qu'on appelle communément sa confession et dont le texte intégral fut publié peu après par le journal anticlérical Le Frondeur.

On peut le lire sur le site ATHIRSATA http://sourcesretrouvees.free.fr/taxil.htm   à qui nous sommes redevables de bien des renseignements de cette étude (le discours est aussi accessible sur le site  http://catholicapedia.net et en anglais sur le site http://freemasonry.bcy.ca , traduit par Alain Bernheim, A. William Samii, and Eric Serejski ("The Confession of Léo Taxil," Heredom, Transactions of the Scottish Research Society, vol. 5, pp. 137-68. © 1997 Scottish Rite Research Society). Sur ce site sont également indiquées les réactions du public.

     

Les principaux extraits permettent de comprendre la chronologie de ce qu'on appelle la mystification, ou le canular, de Léo Taxil (en anglais, hoax).

Léo Taxil commence par dire qu'après s'être fait connaître comme auteur anticlérical, il eut l'idée d'aller "flâner" un peu chez ses adversaires.

L'idée de monter une belle supercherie était dans son caractère.

" Ajoutez à cela, si vous voulez, un fond de fumisterie dans le caractère ; - on n’est pas impunément fils de Marseille ! - Oui, ajoutez ce délicieux plaisir, que la plupart ignorent, mais qui est bien réel, allez ! Cette joie intime que l’on éprouve à jouer un bon tour à un adversaire, sans méchan­ceté, pour s’amuser, pour rire un brin..."

Taxil raconte ses débuts dans l'invention de bobards : les requins de la rade de Marseille, la cité lacustre du lac Léman :

"  ...deux anecdotes, entre cent que je pourrais citer, ...afin d’établir que le goût de votre serviteur pour la grande et joyeuse fumisterie remonte à plus de douze ans.

J’arrive donc à la plus grandiose fumisterie de mon existence,"

Une fumisterie qui a duré 12 ans, de 1885 à 1897. Il se flatte que son canular ait fini par atteindre des proportions inattendues, avec de multiples ramifications : "s’il fallait raconter tout, en montrant le dessous des cartes depuis le commencement de l’aventure, nous en aurions pour plusieurs jours. Ce poisson d’avril a été une gigantesque baleine."

 

 Décidé à exploiter l'idée déjà en vogue chez certains catholiques du caractère diabolique de la franc-maçonnerie, il fallait d'abord convaincre les catholiques de sa bonne foi, et donc qu'il ait l'air de se convertir.

Il rompt avec éclat avec ses amis de la Ligue anticléricale (tout en tenant des propos énigmatiques du style : un jour vous comprendrez) puis il fait retraite chez des jésuites. Il se confesse et pour avoir bien l'apparence d'un pêcheur endurci qui se repent, il confesse même avoir commis un meurtre! Les jésuites furent alors certains de sa conversion.

Puis il commença par utiliser dans ses livres ses connaissances du milieu maçonnique : "Mes premiers livres sur la Franc-Maçonnerie furent donc un méli-mélo de rituels, avec de petits ajoutés qui n’avaient l’air de rien, avec des interprétations en apparence anodines. Chaque fois qu’un passage était obscur, je l’éclairais dans le sens agréable aux catholiques qui voient en messire Lucifer le suprême grand-maître des francs-maçons. Mais cela était à peine indiqué. "

Après sa pseudo-conversion, il enchaîne les publications et devient un des porte-parole des catholiques militants, ce qui lui vaut d'être reçu par le Pape Léon XIII (en 1887 vraisemblablement).

Lors de sa réception par le Pape, il est félicité de sa sagacité pour avoir su percer les secrets de la secte :

 " N’ayant été qu’apprenti [le plus petit grade de la franc-maçonnerie], j’avais un grand mérite à avoir compris que « le diable est là ». Et le Souverain Pontife appuyait sur ce mot le diable avec une intonation qu’il m’est facile de rendre."

" L’arbre du luciférianisme contemporain commençait à croître. Je lui donnai tous mes soins pendant quelques années encore... Enfin, je refis un de mes livres, en y intro­duisant un rituel palladique, censément obtenu en commu­nication, et de ma belle fabrication, de la première ligne à la dernière."

Ensuite vient la collaboration avec le Docteur Hacks :

"Justement, un ancien camarade de collège, que je retrouvai à Paris, avait été médecin de la marine.

Je ne le mis aucunement, au début, dans la confidence de la mystification. Je lui fis lire les divers livres d’auteurs qui s’étaient emballés à la suite de mes mirifiques révélations. Le plus extraordinaire de ces ouvrages est celui d’un évêque jésuite, Mgr Meurin, évêque de Port-Louis (île Maurice), qui vint me voir à Paris et me consulta. On pense s’il fut bien ren­seigné !..."

 Hacks, qui a bourlingué, doit fournir la couleur locale des récits de Taxil. mais c'est Taxil qui fournit les personnages, comme Sophia Walder, la sataniste et les "faits" concernant le palladisme. Dans ces conditions, on voit mal comment Hacks/Bataille aurait pu ne pas se douter du caractère imaginaire des productions de Taxil...

Il est vrai que ce dernier présente à son ami le palladisme sous un aspect assez différent de celui qu'on va retrouver dans leurs livres: le palladisme existe, mais c'est une sorte de fumisterie, composée pour une faible part de naïfs et pour une part plus importante de malins qui profitent des premiers.

Taxil développe avec Bataille le personnage de Sophia Walder, déjà esquissé dans un des livres de Taxil seul.

Mais Bataille croit qu'elle existe vraiment - seulement les histoires racontées sur elle sont de pures inventions (le serpent qui écrit sur son dos) ainsi que ses convictions satanistes. Un soir, Taxil annonce à Hacks qu'il va faire la rencontre de Sophia Walder en ces termes : " Elle est une palladiste fumiste ; elle rit à se tordre de tout cela... Veux-tu que je te présente à elle ?"

Le soir convenu, Hacks/Bataille est habillé sur son trente-et-un comme pour se rendre à une réception au palais de l'Elysée, mais Taxil est seul au rendez-vous et avoue à Hacks toute la supercherie : " Sophie Walder, un mythe!... Le Palladisme, ma plus belle création, n’existant que sur le papier et dans quelques milliers de cerveaux !... Il n’en revenait pas... Il me fallut lui donner des preuves... Quand il fut convaincu, il trouva que la mystification n’en était que plus drôle, et il me continua son concours."

 

Au passage, Taxil indique pourquoi il avait choisi pour le Dr Hacks le pseudonyme de Bataille (sans que celui-ci soit au courant de la raison ) :  "un de mes anciens amis, aujourd’hui défunt, fut un fumiste hors ligne : c’est l’illustre Sapeck, prince de la fumisterie au quartier latin ; je le faisais revivre en quelque sorte, sans qu’on y prît garde. Sapeck, en effet, s’appelait de son vrai nom : Bataille.".

Puis vient la création de Diana Vaughan, la luciférienne aux idées pures :

" Or, comme cette luciférienne exceptionnelle devait se convertir à un moment donné, il fallait bien avoir quelqu’un en chair et on os, en cas de quelque présentation indispen­sable.

Peu de temps avant de retrouver mon camarade d’enfance, le docteur, les nécessités de ma profession m’avaient fait rencontrer une copiste dactylographe, qui était une des représentantes pour l’Europe d’une des grandes fabriques de machines à écrire des Etats-Unis. J’eus à lui donner à recopier bon nombre de manuscrits à cette époque. Je vis une femme intelligente, active, voyageant parfois pour ses affaires ; avec cela, d’humeur enjouée, et d’une élégante simplicité...

Mais je ne pouvais mieux tomber. Personne, mieux que Mlle Vaughan n’était apte à me seconder. Toute la question était : accepterait-elle ?"

Il existe donc bien une jeune femme nommée Diana Vaughan, française mais d'origine lointainement américaine, c'est une dactylo et non la maîtrese palladiste. 

Taxil continue ainsi :

" Enfin, je décidai Mlle Vaughan à devenir ma complice pour le succès final de ma mystification. Je fis avec elle un forfait : 150 francs par mois, pour la copie des manuscrits en dactylographie, aussi bien que pour les lettres à recopier à la main...en cas de voyage indispensable elle sera défrayée de toutes dépenses...En réalité, elle s’amusait énormément de cette joyeuse fumisterie ; elle y prenait goût ; correspondre avec des Evêques, des Cardinaux, recevoir des lettres du secrétaire particulier du Souverain Pontife, leur raconter des contes à dormir debout..."

L'origine américaine de Miss Vaughan tombe bien :

" Le Diable au XIXe siècle fut donc écrit principalement pour accréditer Mlle Vaughan, à qui je destinai dès lors le grand rôle dans la mystification. Si elle s’était appelée Campbell ou Thompson, nous aurions donné à notre luciférienne sympathique le nom de Miss Campbell ou celui de Miss Thomp­son. Nous nous bornâmes à la faire américaine elle-même, sauf naissance accidentelle à Paris. Nous plaçâmes sa famille au Kentucky. Ceci nous permit de rendre notre personnage intéressant au possible, en multipliant à son sujet des phénomènes extraordinaires que nul ne pouvait contrôler. Un autre motif, c’est que nous avions placé aux Etats-Unis, à Charleston, le centre du Palladisme, en lui donnant pour fondateur feu le général Albert Pike, grand-maître du Rite Ecossais dans la Caroline du Sud. Ce franc-maçon célèbre, doué d’une vaste érudition, avait été une des hautes lumières de l’ordre ; nous en fîmes le premier pape luciférien, chef-suprême de tous les francs-maçons du globe, conférant régu­lièrement chaque vendredi, à trois heures de l’après-midi, avec messire Lucifer en personne."

Sa mystification réussit au-delà du prévisible, non seulement auprès de son public cible, les catholiques, mais même auprès de certains francs-maçons.

" Le plus curieux de l’affaire, c’est qu’il y a des francs-maçons qui sont montés d’eux-mêmes dans mon bateau, sans y être sollicités le moins du monde ; et ce bateau du Palladisme a été un vrai cuirassé auprès du remorqueur que je fis, pour mes débuts, envoyer à la chasse aux requins dans la rade de Marseille."

Certains francs-maçons italiens croient réellement que leur chef Lemmi est devenu, comme le disent les livres de Taxil et Bataille, le chef du palladisme et veulent créer des obédiences dissidentes.

Parmi ces francs-maçons qui croient aux révélations et découvrent qu'ils ont été (sans le savoir ?) des palladistes, il y a Margiotta  qui finira par comprendre qu'il a été berné: " M. Margiotta, ayant ouvert enfin les yeux, craignit le ridicule et préféra se déclarer complice plutôt qu’aveugle engagé volontaire dans notre flotte."

Taxil insiste sur le fait que trois personnes seulement étaient dans la confidence : Hacks, Diana et lui. Il se montre fier d'avoir pu tromper des esprits aussi méthodiques que Clarin de la Rive, un enquêteur-né.

Taxil plaisante aussi à propos "des graves théologiens que notre crocodile jouant du piano et les voyages de Mlle Vaughan dans diverses planètes n’étonnèrent même pas".

Il remarque que grâce à lui et à Bataille, ont paru "deux ouvrages [sans doute les deux volumes du Diable au XIXème siècle] qui peuvent rivaliser avec les Mille et Une Nuits, qui ont été dévorées avec délices, et qu’on lira long­temps encore, non plus par conviction peut-être, mais par curiosité."

Il montre aussi que l'Eglise (notamment au Vatican) ne pouvait pas ignorer que certains aspects de ses livres étaient des mensonges : 

 "...à Rome, on ne peut pas ignorer qu’il n’y a pas d’autres maçonnes que les épouses, filles ou sœurs de francs-maçons, admises aux banquets, aux fêtes ouvertes, ou même se réunissant elles-mêmes à part, très honnêtement, en sociétés particulières uniquement composées d’éléments féminins, comme cela a lieu aux Etats­-Unis pour les Sœurs à l’Etoile d’Orient ou les Dames de la Révolution."

Il évoque les approbations données à la soi-disant Diana Vaughan convertie par les autorités du Vatican:

" Faut-il rappeler quelques-unes des lettres d’approbation que Miss Vaughan a reçues ! (Interruptions).
Comment ! Vous osez nier !... Eh bien, en voici une, de lettre d’approbation, et elle compte !... Elle est du Cardinal Parocchi..."

Il cite d'autres courriers comme  la lettre du secrétaire particulier de Léon XIII, Mon­seigneur Vincenzo Sardi , du 11 juillet 1896, 

Il montre comment le Vatican a d"abord donné crédit aux "révélations" les plus sensationnelles:

" Sous la signature « Docteur Bataille », j’ai raconté et sous la signature « Miss Vaughan », j’ai confirmé que le temple maçonnique de Charleston contient un labyrinthe au centre duquel est la chapelle de Lucifer... (Interruptions)."

 Les démentis sont  d'abord écartés : les déclarations de l'évêque de Charleston qui disait avoir visité le temple maçonnique de Charleston et n'avoir rien trouvé d'anormal (  "aucune des salles indiquées par le Docteur Bataille et Miss Vaughan ne s’y trouve. Ce plan est une plaisanterie")  ou celles du vicaire général de Gibraltar, sur les ateliers sataniques dans les grottes, sont occultées par le Vatican qui au contraire félicite miss Vaughan.. 

Miss Vaughan est tellement bien vue du Vatican qu'un Hymne à Jeanne d'Arc qu'elle a soi-disant composé est interprété comme hymne religieux à Rome. Or, "c'est l’air de la Seringue Philharmonique, gaudriole musicale qu’un compositeur de mes amis, chef d’orchestre du Sultan Abdul-Aziz, composa pour les divertissements du sérail." (rires prolongés;  cris : c'est abominable, oh le voyou !)

Puis viennent les démonstrations de Findel, le scepticisme des catholiques allemands qui débouche sur le congrès de Trente.

" Les maçons de France, d’Italie, d’Angleterre riaient sous cape, et ceux-ci avaient raison. Par contre, un maçon allemand, Findel, s’est fâché tout rouge et a fulminé une bro­chure, fort bien faite. Grand émoi. Cette brochure fut comme un pavé dans la mare aux grenouilles."

"...au Vatican, on s’inquiéta. On passa d’un extrême à l’autre ; on s’affola. On se demanda si l’on n’était pas en présence d’une fumisterie qui éclaterait contre l’Eglise au lieu de la servir. On nomma une Commission d’enquête qui fonctionna en secret pour savoir exactement à quoi s’en tenir."

Alors Taxil et Bataille se concertent pour que l'affaire éclate en faisant le plus de bruit possible, contrairement aux manoeuvres du Vatican pour l'étouffer en silence :

" Alors, nous convînmes de tout ce qui a été écrit et fait. Si les rédacteurs de l’Univers en doutent, je puis leur dire quels sont les passages qu’ils ont supprimés dans les lettres du Docteur Bataille. C’est moi qui, de cette façon, ai attisé leur feu ; car il fallait que la presse du monde entier fût mise au courant de cette grande et bizarre aventure."

 

" Avant de terminer, je dois un salut à un fumiste inconnu, à un perspicace confrère américain. Entre fumistes, on se comprend d’un bout à l’autre du monde, sans avoir besoin d’échanger des lettres, sans recourir même au téléphone. Salut donc au cher citoyen du Kentucky qui a eu l’aimable pensée de nous aider sans aucune entente, qui a confirmé au Courrier-Journal de Louisville les révélations de Miss Diana Vaughan, qui a certifié à qui a voulu l’entendre qu’il avait connu la chère Miss intimement pendant sept à huit ans et qu’il l’avait souvent rencontrée dans les diverses sociétés secrètes d’Europe et d’Amérique…, où elle n’a jamais mis les pieds.
 

Mesdames, Messieurs,

On vous avait annoncé que le Palladisme serait terrassé aujourd’hui. Mieux que cela, il est anéanti ; il n’y en a plus. Je m’étais accusé d’un assassinat imaginaire, dans ma confession générale au père jésuite de Clamart. Eh bien, à vous, je fais l’aveu d’un autre crime. J’ai commis un infanticide. Le Palladisme, maintenant, est mort et bien mort. Son père vient de l’assassiner. »

(Un tumulte indescriptible accueille cette conclusion. Les uns rient de plus belle et applaudissent le conférencier ; les catholiques crient, sifflent. L’abbé Garnier monte sur une chaise et veut haranguer l’assistance ; mais il en est empêché par les huées; plusieurs auditeurs entonnent la chanson comique de Meusy : O Sacré-Cœur de Jésus !) "

 

 

 

taxil_diana

 Léo Taxil et Diana la dactylo, produisant au mètre des histoires de diables. caricature allemande.

Taxil est representé, la flute de champagne en main, avec près de lui un complice (Bataillle sans doute) tandis que la jolie Diana fournit une abondante production sous le regard d'un personnage qui parait bénir l'opération (si c'est le Pape, il ne ressemble pas vraiment à Léon XIII).  A droite, des ecclésiastiques abusés ou émoustillés selon le cas.

shrineodreams.wordpress.com

 

 

 taxil_diana3

 Miss Diana Vaughan.

Photo sur le site américain shrineodreams.wordpress.com

Mais d'où provient cette photo ? Qui a le premier dit que c'était Miss Vaughan ? La photographie correspond au portrait tracé par Taxil de la dactylo, jeune fille moderne et enjouée, entrée dans la mystification pour s'amuser.

 

 

 

 

 QUE VIENT FAIRE ICI SAINTE THERESE DE LISIEUX ?

 

 

  Selon le site http://nova.evangelisation.free.fr/therese_de_lisieux_extrait.htm

" 21 juin [1896]. Pour la fête de la prieure, Thérèse prépare un jeu scénique : «Le triomphe de l’humilité » sur un thème d’actualité : Diana Vaughan ! La lecture de l’ex-luciférienne, personnage mystérieux (il s’agit en fait d’une mystification montée par un certain Léo Taxil) suscite des prises de position passionnées et contradictoires. De ces « révélations », Thérèse ne retient qu’un aspect ; l’acharnement de Lucifer contre les couvents et spécialement l’Ordre du Carmel. Elle invite ses sœurs à s’engager hardiment dans le combat avec la seule arme irrésistible : l’humilité." 

 

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 Thérèse de l'Enfant-Jésus en habit de Jeanne d'Arc pour sa saynète, 1895. 

(photo prise par Céline, la soeur de Thérèse) 

http://www.archives-carmel-lisieux.fr/

 

A la demande de la prieure, la jeune Thérèse de l'Enfant-Jésus (qu'on connaîtra plus tard comme Sainte Thérèse) envoie en 1896 à Diana Vaughan, pour l'encourager, une photo prise par sa soeur Céline (elle aussi entrée au couvent), posée un an auparavant dans le costume d'une représentation antérieure d'une saynète de Thérèse, au début 1895, consacrée à la mission de Jeanne d'Arc, avec une lettre.

" La lettre et le tableau [photo] ne sont pas envoyés directement à Diana Vaughan, car elle est obligée de se cacher pour éviter les représailles des membres de son ancienne secte. On les envoie à son correspondant, Léo Taxil.

Durant la séance du 19 avril 1897, le public avait sous les yeux une photographie projetée sur un grand écran. Elle représentait Jeanne d’Arc enchaînée dans sa prison et consolée par sainte Catherine. C’était la photo qu’il [Taxil] avait reçue de Lisieux l’année précédente.

Thérèse apprit la mystification par la presse. Elle apprenait que Léo Taxil s’était servi de sa photo pour se moquer du culte des chrétiens envers Jeanne d’Arc. Elle déchira en miettes la lettre de remerciements de Diana Vaughan que Léo Taxil lui a fait parvenir en juillet 1896 en réponse à la sienne, et s’en va la jeter à la fumière du jardin." (site ARTHISATA)

 

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 Thérèse de l'Enfant-Jésus en habit de Jeanne d'Arc pour sa saynète (1895), en prison réconfortée par sainte Catherine (photo retouchée prise par Céline, la soeur de Thérèse) 

http://www.archives-carmel-lisieux.fr/

 

 

 

 

LEO TAXIL APRES

 

 

Le_Frondeur

 Première page du Frondeur reproduisant la confession de Léo Taxil, qui sur la gravure, a des faux-airs d'Emile Zola.

Photo sur l'article Wikipedia en anglais, Taxil Hoax

en.wikipedia.org

 

 

L’aveu de Léo Taxil pouvait avoir des conséquences judiciaires. L’Eglise semble avoir envisagé de déposer plainte puis y avoir renoncé pour clore au plus vite une affaire où elle s’était ridiculisée par sa crédulité  (ou par le machiavélisme de certains ecclésiastiques, peut-être sceptiques  sur la valeur des « révélations », mais qui les soutenaient publiquement pour discréditer la franc-maçonnerie).

Du côté de la franc-maçonnerie justement, au lendemain de la conférence de Taxil, un article du Figaro concluait que Taxil ne serait certainement pas accueilli à bras ouverts dans les loges s’il y revenait.

En effet, tout en affichant sa satisfaction de voir sa bonne foi reconnue et son adversaire l’Eglise catholique ridiculisée au passage, la franc-maçonnerie avait subi un préjudice moral : les soupçons contre elle, au-delà de son activité publique déjà contestée par les milieux catholiques et conservateurs, n’allaient pas disparaître de sitôt ; de plus,  ses rites avaient mis sur la place publique, travestis et ridiculisés. D’ailleurs dans sa conférence, Taxil se vantait d’avoir rendu service à la franc-maçonnerie en dévoilant certains rites bizarres, qu’elle avait en conséquence abandonnés !

Beaucoup de francs-maçons pensaient  que la phrase de Beaumarchais : « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose » traduisait bien la situation.

Il ne semble pas que Taxi ait jamais essayé de renouer avec les loges : même s’il s’en est défendu, son canular pouvait –pas seulement, mais aussi –être considéré  comme une vengeance contre la franc-maçonnerie qui l’avait autrefois exclu –déjà pour mensonges et production de fausses lettres, associés à sa désinvolture envers les rites.

 

Après la confession publique de sa mystification, Léo Taxil revint un temps à la littérature anticléricale alimentaire. Il publia aussi des ouvrages dont les titres suggèrent unn contenu égrillard,  Le Journal d’un Valet de chambre (1901), L’Amant des veuves (1902); le premier titre s'inspirait visiblement du Journal d'une femme de chambre d'Octave Mirbeau, paru en 1900. Mais à la différence de Mirbeau, Taxil n'avait  pas beaucoup de chance de s'élever jusqu'à la  littérature reconnue.

Puis il publia des livres assez différents :

Un  guide de la ménagère qui se veut une « mise en garde contre les fraudes de l’alimentation et des moyens pratiques de reconnaître toutes les tromperies » ; L’art de bien acheter (1904), un livre de recettes La bonne cuisine dans la famille (1905),  un ouvrage documentaire sur L’enclave de Monaco (1905). il décède assez prématurément (à 53 ans) à Sceaux le 31 mars 1907.

 

 Il fut interrogé par des journalistes, probablement américains, sur sa supercherie et on trouve sur divers sites américains (notamment http://www.conspiracyarchive.com) sa réponse qui se termine ainsi  :                                 

" Ah, the jolly evenings t with my fellow authors hatching out new plots, new, unheard of perversions of truth and logic, each trying to outdo the other in organized mystification. I thought I would kill myself laughing at some of the things proposed, but everything went; there is no limit to human stupidity.”

 Ah, les joyeuses soirées que j'ai passées avec mes amis auteurs  à fabriquer de nouveaux complots, des perversions de la vérité et de la logique nouvelles et  inouïes, chacun essayant de surpasser l'autre dans la mystification organisée. Je pensais mourir de rire devant certaines de nos idées, mais tout passait bien, parce qu'il n'y a pas de limite à la stupidité humaine.

 

 

 

 

UN AVEU QUI NE CONVAINC PAS TOUT LE MONDE

 

 

 Dans les suites de la révélation de Taxil, certains continuent à penser que le palladisme existe et que les "aveux" de Taxil ne changent rien fondamentalement, comme l'écrivain catholique J-K Huysmans :

" Quant à la question satanique elle n’est nullement atteinte par les palinodies de ce méridional ; ses pseudo-révélations ne changent rien à l’affaire.

Le satanisme n’en sévit pas moins à l’heure actuelle.

D’autre part, le Luciférianisme peut être accepté tant qu’il ne sera pas démontré que les renseignements donnés à son sujet par Mgr Meurin, archevêque de Port-Louis, dans son volume La Franc-Maçonnerie, synagogue de Satan, sont inexacts.

J’ajoute que ce sont ces informations qui ont servi de base au volume de Taxil et consorts sur Le diable au XIXe siècle ; mais ces mercantis les ont si singulièrement travesties, les ont noyées dans des détails si ridicules, que l’on peut se demander s’ils n’étaient pas payés pour détruire l’effet que les documents de Mgr Meurin pouvaient produire. "

 Mais l'anti-maçon Clarin de la Rive déclare rejeter tous les articles écrits par lui et ses collaborateurs de La Franc-Maçonnerie démasquée qui étaient basés sur les livres de Taxil/Bataille/Vaughan : nous avons été trompés, il faut le reconnaître, écrit-il.

 

C'est ainsi que Gabriel Soulacroix (l'abbé de Bessonies) dans La Franc-Maçonnerie démasquée, reconnait que l'ouvrage de Mgr Meurin, La Franc-Maçonnerie, synagogue de Satan, s'est inspiré d'un livre antécédent de Paul Ricoux . Or, ses recherches l'amènent à découvrir que Paul Ricoux est un pseudonyme de Léo Taxil. Il conclut : " C’est donc sur les soi-disant révélations de cet imposteur que s’est uniquement appuyé Mgr Meurin dans cette question du palladisme" et que désormais il ne tiendra plus aucun compte d'un ouvrage qui serait publié sous un pseudonyme.

Ainsi les observations de Huysmans, disant que la révélation de la mystification par Taxil ne prouve rien contre l'ouvrage de Mgr Meurin, tombent (même si le site de l'association ATHIRSATA  .L’Affaire Diana Vaughan - Léo Taxil au scanner - Sources retrouvées, argumente qu'en 1891 Taxil, était peut-être sincère quand il publiait sous le pseudonyme de Paul Ricoux, si on admet qu'il a changé d'attitude entretemps).

 

Dès avant la confession de Taxil, des auteurs issus des milieux occultistes avaient remarqué que les livres de Taxi, Bataille et ceux signés Vaughan , comportaient des détails qui, de leur opinion, étaient vrais :

" Ouvrage mal composé, il est vrai, mais bourré de faits et de citations irréfutables au sujet du palladisme luciférien » (Voile d’Isis, 5 juin 1895)

" Dr Pascal : « Ceux qui connaissent les possibilités de la magie cérémonielle ne douteront pas un instant que la plupart des phénomènes racontés par certains transfuges palladistes ne soient exacts dans le fond sinon dans les détails. » (Lotus Bleu, 27 juillet 1896, p. 220.)"

(site ATHIRSATA http://sourcesretrouvees.free.fr/taxil.htm)

On évoque dans un sens opposé un pur et simple complot de la franc-maçonnerie pour discréditer l'Eglise et le catholicisme.

 Dans les années 50, un franc-maçon bibliophile, Jean Baylot, achète 250 documents relatifs à l'affaire, accompagnés d'une notice d'un autre bibliophile Menevée qui s'exprime ainsi : "Le hasard d’une acquisition chez un bouquiniste a mis entre nos mains la majeure partie des archives de Léo Taxil et de cet important ensemble il n’y a rien qui permette de supposer que Léo Taxil était, en la circonstance, de connivence avec la franc-maçonnerie. Des documents entre nos mains, il semble ressortir que Léo Taxil a recherché, tant dans sa campagne anticléricale que dans ses attaques contre la franc-maçonnerie, des succès de librairie." (http://sourcesretrouvees.free.fr/taxil.htm)

 

 

Quant au récit de Taxil selon lequel c'est en plein accord que lui et Bataille auraient agi pour dévoiler la supercherie, on peut penser que c'st vrai puisque Taxil a pris la précaution de dire qu'il avait le texte intégral des lettres de Bataille adressées au journal L'Univers, qui ont été publiées avec des coupures, dans lesquelles Bataille dévoilait pour son compte la supercherie.

Mais tout a-t-il été fait vraiment d'un commun accord ?

Henry Charles Lea écrit : " Trop de gens étaient dans le secret de l'imposture pour qu'il put être longtemps bien gardé. Vers cette époque, Margiotta et le Dr  Hacks eurent une querelle avec Taxil au sujet du partage des bénéfices et commencèrent à se vanter de la part prise par eux dans la mystification en cours." Ainsi Pour Lea, Margiotta faisait partie du complot (ce que Taxil dément) et c'est à la suite d'une querelle sur le partage des bénéfices que les collaborateurs de Taxil commencèrent à laisser filtrer des aveux, coupant l'herbe sous le pied de Taxil qui n'avait plus qu'à passer lui aussi aux aveux.

Mais cette version (dans laquelle Margiotta est présenté comme complice  alors qu'il est probable que Margiotta,  qui avait a se venger de la franc-maçonnerie et de Lemmi pour des motifs personnels, s'est raccroché aux racontars des autres sans être informé de la mystification) ne change pas fondamentalement le récit de Taxil.  Ce dernier a quand même pu s'entendre avec Bataille pour programmer la fin de la mystification qui lui laissait le beau rôle.

 Le site de l'association Athirsata, que nous avons très souvent mentionné et à qui nous sommes très redevable, dit ceci :

" Nous avons une preuve indiscutable que Taxil à menti le 19 avril 1897 en disant qu’il avait inventé le palladisme, puisque nous avons le témoignage irrécusable des fondés de pouvoir de la famille Borghèse lors de leur visite au palais Borghèse, où ils ont vu un « temple palladique », etc (cf. dans ce livre [d'Athirsata], chapitre Le Temple palladique du palais Borghèse, pages 153 et suivantes). Et cela, ce n'est pas du Taxil, mais des témoignages italiens, dont la presse italienne s'est faite l'écho, et dont personne n'a pu contester la véracité.

Léo Taxil aurait donc menti lors de la conférence du 19 avril 1897, en affirmant qu'il était le créateur du palladisme. Il aurait seulement brodé (abondamment) sur quelque chose existant réellement.

 

 Selon l'auteur Massimo Introvigne, Enquête sur le satanisme, (éd. Dervy, Paris, 1997) (cité par Athirsata) :

"  Le plus retentissant men­songe de la conférence du 19 avril 1897 consiste en effet dans la thèse qui veut que Taxil, dès le début, aurait prévu le moment où il jetterait le masque. Au contraire, comme Waite [un des dénonciateurs de la mystification, écrivant par la suite, après la conférence du 19 avril]  le souligne très opportunément, « il n’y a pas de raison de penser que Léo Taxil aurait démasqué son imposture, sauf si elle avait cessé d’être rentable ou si sa position était devenue insoutenable : il ne faut pas le croire plus génial qu’un normal escroc particulièrement expert ». Waite estime, sans doute à juste titre, que Taxil a été contraint d’avouer sa mystification par trois séries de facteurs : la démolition systématique de ses mensonges par certains auteurs maçonniques qui s’étaient donné la peine de les étudier de près, Waite lui-même et l’historien allemand Joseph Gottfried Findel (1828-1905) ; les attaques de représentants autorisés du monde catholique comme les jésuites de la revue Etudes, la presse catholique anglaise et allemande et Mgr Delassus (que l’on ne pouvait pas disqualifier facile­ment comme crypto-maçons, manœuvre qui avait en revanche réussi avec Rosen) ; enfin, la défection de Hacks et de Margiotta, qui n’avait pas du tout été programmée ni voulue par Taxil. Dès lors, la manœuvre ne pouvant plus se poursuivre, Taxil trouva une manière brillante, à défaut d’être honorable, de s’en sortir. »

 

 

 

ET DIANA VAUGHAN ?

 

 

Enfin, Taxil n'a jamais pu montrer la soi-disant « dactylo » qui jouait le rôle de Diana Vaughan, puisque la maitrese palladiste de ce nom parait bien relever du mythe.

Pourtant des personnes (rares) prétendent avoir rencontré  Diana Vaughan - sous l'identité de la maitresse palladiste évidemment - et il s'agit de personnes qui apparemment n'étaient pas complices de la manipilation.

Qui avaient-elles rencontré ?

A propos de savoir si Diana Vaughan a existé ou pas, Massimo Introvigne dit :

« C’est une des questions qui, en l’état actuel de la documentation, ne peuvent pas avoir de réponse absolument sûre. Comme nous l’avons vu, Waite et Clarin de la Rive étaient d’accord, depuis des bords opposés, pour estimer que l’histoire de la dactylo parisienne n’était pas crédible."

Toutefois qu'on réfléchisse au contexte : la dactylo s'était trouvée mêlée à un milieu peu ragoutant de journalistes "fumistes". On pouvait facilement imaginer qu'elle avait été plus que la collaboratrice de Taxil, sa maîtresse (cf la représentation sur la caricature allemande de la pimpante dactylo au milieu de "viveurs", le verre de champagne à la main. On comprend qu'elle n'ait pas eu envie d'apparaître le soir de la conférence ni après pour préserver sa vie privée et son avenir conjugal dans une société où on ne pardonnait pas trop les écarts de conduite.

Mais des partisans de l'existence de Diana, non comme simple dactylo dégourdie, mais comme dirigeante palladienne, vont jusqu'à imaginer que Taxil - ou les francs-maçons- l'auraient fait assassiner pour l'empêcher de rétablir la vérité et de prouver que le palladisme n'était pas un canular comme le disait maintenant Taxil.

Au demeurant des recherches d'état-civil donneront peut-être un résultat un jour.

 Dans un ouvrage resté manuscrit de Waite, consulté par  Massimo Introvigne,  est évoquée la possibilité de l'existence d'une Diana Vaughan , américaine, déséquilibrée et exploitée par Taxil et ses acolytes, jusqu'au moment où ils n'ont plus eu besoin d'elle...Une hypothèse qui parait s'appuyer sur le récit de l'ami américain de Pike, Roone, dont on a parlé en son temps, mais qui n'a pas plus de certitude qu'une autre hypothèse...

 

 

 

 

 ENCORE ALBERT PIKE

 

 

Le site maçonnique canadien de La Grande Loge de Colombie britannique et du Yukon (Grand Lodge of British Columbia and Yukon)  http://freemasonry.bcy.ca/ met à disposition des internautes de nombreuses ressources sur les polémiques contre la franc-maçonnnerie (notamment le canular de Léo Taxil).

Il consacre également une page aux extraits de l'ouvrage monumental (environ 900 pages) d'Albert Pike ,Moral and Dogma of the Ancient and Accepted Scottish Rite of Freemasonry .

Certes le site prévient : " The following quotes do not include any of his more obscure and esoteric references, many derived from Eliphas Levi and his Dogma de la Haute Magie [en fait :  Dogme et rituel de la Haute Magie]  (les citations suivantes n'incluent pas ses références les plus obscures et les plus ésotériques, beaucoup dérivées du Dogme et Rituel de la Haute Magie de Eliphas Levi).

 

On peut voir qu'il s'agit de pensées conformes à la morale universelle et de tonalité assez conservatrice

A Freemason, therefore, should be a man of honor and of conscience, preferring his duty to everything beside, even to his life; independent in his opinions, and of good morals, submissive to the laws, devoted to humanity, to his country, to his family; kind and indulgent to his brethren, friend of all virtuous men, and ready to assist his fellows by all means in his power. (p. 113)

Un franc-maçon devrait être un homme d'honneur et de conscience, préférant son devoir à n'importe quoi d'autre, même à sa vie; indépendant dans ses opinions et de bonne moralité, soumis aux lois, dévoué à l'humanité, à son pays, à sa famille, aimable et indulgent envers ses frères, ami de tous les hommes vertueux, prêt à assister ses camarades par tous les moyens en son pouvoir.

It is not the mission of Masonry to engage in plots and conspiracies against the civil government. It is not the fanatical propagandist of any creed or theory; nor does it proclaim itself the enemy of kings. It is the apostle of liberty, equality, and fraternity; but it is no more the high-priest of republicanism than of constitutional monarchy. (p. 153)

 Ce n'est pas la mission de l’ordre maçonnique de s'engager dans des complots et conspirations contre le gouvernement civil. Il n'est le propagandiste fanatique d'aucune foi ou théorie, Il ne se proclame pas l'ennemi des rois. Il est l'apôtre de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, mais il n'est pas plus le grand-prêtre du républicanisme que de la monarchie constitutionnelle.

 Urge them to love one another, to be devoted to one another, to be faithful to the country, the government, and the laws: for to serve the country is to pay a dear and sacred debt: 

To respect all forms of worship, to tolerate all political and religious opinions; not to blame, and still less to condemn the religion of others: not to seek to make converts; but to be content if they have the religion of Socrates; a veneration for the Creator, the religion of good works, and grateful acknowledgment of God’s blessings: 

To fraternize with all men; to assist all who are unfortunate; and to cheerfully postpone their own interests to that of the Order: To make it the constant rule of their lives, to think well, to speak well, and to act well: 

To place the sage above the soldier, the noble, or the prince: and take the wise and good as their models: To see that their professions and practice, their teachings and conduct, do always agree: 

 To make this also their motto: Do that which thou oughtest to do; let the result be what it will. 

 Such, my Brother, are some of the duties of that office which you have sought to be qualified to exercise.  May you perform them well; and in so doing gain honor for yourself, and advance the great cause of Masonry, Humanity, and Progress. (p. 333)

Dites-leur (aux francs-maçons) de s'aimer les uns les autres, d'être dévoués les uns aux autres, d'être loyaux à leur pays, au gouvernement et aux lois, car servir le pays c’est payer une dette sacrée et chérie ;

De respecter toutes les formes de culte, de tolérer toutes les opinions religieuses et politiques, de ne pas blâmer et encore moins condamner la religion des autres ; de ne pas chercher à faire des conversions mais d’être content s’ils [les autres] ont la religion de Socrate, la vénération pour le Créateur, la religion des bonnes œuvres, et s’ils remercient Dieu en reconnaissance de ses bienfaits ;

De fraterniser avec tous les hommes, d’assister tous ceux qui sont infortunés, et de faire passer joyeusement leur propre intérêt après celui de l’Ordre [maçonnique]. D’en faire la règle constante de leur vie, de penser bien, de parler bien et d’agir bien ;

De placer le sage au-dessus du soldat, du noble et du prince ; et de prendre le sage et le bon comme modèle. De faire que leurs règles  professionnelles  et  leur pratique professionnelle, leur enseignement  et leur conduite, soient toujours en accord ;

 De faire aussi que ceci soit leur devise : fais ce que tu dois faire, quel qu’en soit le résultat ;

Ainsi mon frère, voici quelques uns des devoirs de l’office que tu as souhaité exercer. Puisse- tu bien les accomplir et ce faisant, gagner pour toi de l’honneur et faire avancer la grande cause de la Maçonnerie, de l’Humanité et du Progrès.

 (il s'agit visiblement de conseils aux maçons candidats à des postes de responsabilité dans l'Ordre)

Le site américain http://www.themasonictrowel.com/  publie de son côté cette déclaration de Pike :

I am...neither Democrat nor Republican. Above all...I am a Mason....I have written for an Order, that extends over the world. In its Rituals, Lectures and various offices, I have endeavored to `stir up' the Brethren now living `and those that may follow us, to an earnest endeavor of noble actions' and the practice of morality and virtue, the faithful performance of life's duties, the faithful observance every where, in the market and the forum, at home and among men, of the laws of Truth, 
Justice, Right and Toleration.

 Je ne suis …pas plus Démocrate que Républicain [au sens des deux grands partis américains]. Avant tout… je suis un maçon…J’ai écrit pour un Ordre qui s’étend dans le monde entier. Dans les rituels, dans les conférences et dans des offices variés, je me suis efforcé d’encourager  les frères actuellement vivants et ceux à venir, à se consacrer sérieusement aux nobles actions et à la pratique de la moralité et de la vertu, à l’accomplissement loyal des devoirs de la vie, à l’observance loyale où que ce soit, sur le marché ou dans le forum, à la maison et parmi les hommes, des lois de la Vérité, de la Justice, du Droit et de la Tolérance.

 

 

Albert_Pike_Morals_and_dogma

Couverture du livre d'Albert Pike Morals and Dogma of the Ancient and Accepted Scottish Rite of Freemasonry, 1871.

Wikipedia

 

 

 

LUCIFER

 

 

Sur le site  de La Grande Loge de Colombie britannique et du Yukon, freemasonry.bcy.ca on lit aussi un article intitulé :

 

Was Albert Pike the leader of Universal Masonry ?

No. And he also didn't give a speech claiming "Lucifer is God."

What follows is a forgery by Léo Taxil, falsely identified as part of a speech and written order which Albert Pike was supposed to have delivered to freemasons on Bastille Day, July 14, 1889:

"That which we must say to the world is that we worship a god, but it is the god that one adores without superstition. To you, Sovereign Grand Inspectors General, we say this, that you may repeat it to the brethren of the 32nd, 31st and 30th degrees: The masonic Religion should be, by all of us initiates of the higher degrees, maintained in the Purity of the Luciferian doctrine. If Lucifer were not God, would Adonay and his priests calumniate him? "Yes, Lucifer is God, and unfortunately Adonay is also god. For the eternal law is that there is no light without shade, no beauty without ugliness, no white without black, for the absolute can only exist as two gods; darkness being necessary for light to serve as its foil as the pedestal is necessary to the statue, and the brake to the locomotive. "Thus, the doctrine of Satanism is a heresy, and the true and pure philosophical religion is the belief in Lucifer, the equal of Adonay; but Lucifer, God of Light and God of Good, is struggling for humanity against Adonay, the God of Darkness and Evil."

This letter appeared in Paris three years after Albert Pike’s death. Taxil admitted he had written it as the work of "Albert Pike, Sovereign Pontiff of Universal Freemasonry, Instructions to the twenty-three Supreme Councils of the World, July 14,1889."

No one in regular Freemasonry ever held the title of "Sovereign Pontiff." While the rhetorical phrase "Universal Freemasonry" is not unknown, it has never been used as a proper title, since there is no such organization. Of the hundreds of masonic bodies in the world at that time, Pike was the leader of just one, the Southern Jurisdiction of the Scottish Rite. In spite of its blatant fraudulence, Taxil’s publicly confessed forgery was a huge success. (See Section III Subsection 7.)

This lie was unwittingly reprinted in Abel Clarin de la Rive’s La Femme et L'Enfant dans la Franc-Maçonnerie Universelle(1894) and later copied by Lady Queenborough, Edith Starr Miller, in her Occult Theocrasy, published posthumously in two volumes in 1933. De la Rive retracted his support of Taxil and any of his creations in the April 1897 issue of Freemasonry Disclosed,

 

Voici la traduction de l’article:

 Est-ce que Pike était le chef de la franc-maçonnerie universelle ?

Non, et il n’a  jamais fait de discours disant que Lucifer était Dieu.

Ce qui suit est une fabrication de Léo Taxil, faussement identifiée comme une partie de discours et d’instruction écrite prétendument délivrées par Pike aux francs-maçons,  le « Jour de la Bastille », 14 juillet 1889 :

 «  Ce que nous devons dire au monde, c’est que nous rendons un culte à un dieu, mais c’est un dieu que nous adorons sans superstition. A vous, Souverains Grands Inspecteurs, nous disons cela, et vous pouvez le répéter aux frères des 32ème, 31ème et 30ème degrés : la religion maçonnique devrait être, pour nous tous, initiés des plus hauts grades, conservée dans la pureté de la doctrine luciférienne. Si Lucifer n’était pas Dieu, pourquoi serait-il calomnié par Adonaï et ses prêtres ? Oui, Lucifer est Dieu, et malheureusement, Adonaï aussi est dieu. Car la loi éternelle es qu’il n’y a pas de lumière sans ombre, pas de beauté sans laideur, pas de blanc sans noir, car l’absolu ne peut exister sans deux dieux, l’ombre étant nécessaire pour servir    comme le piédestal est nécessaire à la statue, le                  à la locomotive.  C’est pourquoi la doctrine du Satanisme est une hérésie, et la vraie et pure religion philosophique est la croyance en Lucifer, l’égal d’Adonaï,  mais Lucifer, Dieu de Lumière et Dieu du Bien, combat pour l’humanité contre Adonaï, le Dieu de l’Ombre et du Mal. »

Cette lettre apparut à Paris trois ans après la mort d’Albert Pike. Taxil admit qu’il l’avait écrite comme étant l’œuvre de « Albert Pike, Souverain Pontife de la Franc-maçonnerie universelle, instructions pour les Conseils suprêmes du 33ème degré dans le monde, 14 juillet 1889. »

Personne dans la franc-maçonnerie régulière n’a jamais porté le titre de Souverain Pontife. Quant à l’expression rhétorique « franc-maçonnerie universelle » elle n’est pas inconnue, mais elle n’a jamais été utilisée dans un titre particulier, puisqu’il n’existe pas une telle organisation. Parmi les centaines d’organisations maçonniques existant à l’époque, Pike était seulement le dirigeant de l’une d’entre elles, la Juridiction sud du Rite Ecossais.

En dépit de son évidente fausseté, la mystification publiquement confessée par Taxil fut un énorme succès (voir section III sous-section 7).

Ce mensonge fut répété sans esprit critique dans La Femme et L'Enfant dans la Franc-Maçonnerie Universelle (1894) d’Abel Clarin de la Rive et plus tard reproduit par Edith Starr Miller (Lady Queenborough), dans son livre Occult Theocrasy, publié à titre posthume en 2 volumes en 1933. De la Rive retira son appui à Taxil et à ses inventions dans le numéro d’avril 1897de La Franc-maçonnerie démasquée.

 [en fait, l'article Taxil hoax sur Wikipedia en anglais (en.wikipedia.org), fournit une précision sur la parution de cette prétendue lettre d’Albert Pike, d'après un article du site Scottish Rite of Freemasonry (mais l'article ne semble plus disponible) :

 While this quotation was published by Abel Clarin de la Rive in his Woman and Child in Universal Freemasonry, it does not appear in Taxil's writings proper, though it is sourced in a footnote to Diana Vaughan, Taxil's creation.

 Cette citation fut publiée dans La Femme et l'enfant dans la Franc-maçonnerie universelle.de Abel Clarin de la Rive, mais elle n'apparait pas dans les écrits de Taxil proprement dits, bien qu'elle soit référencée dans une note de bas de page de Diana Vaughan, création de Taxil.

 

 

 

 

ENCORE LUCIFER

 

 

Pourtant, il existe dans Moral and Dogma une référence célèbre à Lucifer. C’est peut-être cette référence, d’ailleurs discrète et assez anodine qui a pu suggérer aux personnes qui écrivaient sous les différents pseudonymes de Bataille ou Taxil, la thèse que la Maçonnerie, « dirigée » par Pike, rendait un culte à Lucifer.

Nous ne pensons pas pouvoir faire mieux que reproduit le passage de l’article consacré à Albert Pike sur Wikipedia consacré à cette citation :

Dans le chapitre de Morals and dogma consacré à l'étude du symbolisme du 19e degré de ce rite, la deuxième phrase du paragraphe suivant a fait l'objet de nombreuses controverses, certains mouvements chrétiens évangéliques y voyant la preuve du satanisme qui caractérise, selon eux, les hauts grades de la franc-maçonnerie.

«  The Apocalypse is, to those who receive the nineteenth Degree, the Apothesis of that Sublime Faith which aspires to God alone, and despises all the pomps and works of Lucifer. Lucifer, the Light-bearer! Strange and mysterious name to give to the Spirit of Darknesss! Lucifer, the Son of the Morning! Is it he who bears the Light, and with its splendors intolerable blinds feeble, sensual or selfish Souls? Doubt it not! for traditions are full of Divine Revelations and Inspirations; and Inspiration is not of one Age nor of one Creed. Plato and Philo, also, were inspired. »

Traduction :

«  L'Apocalypse est, pour ceux qui reçoivent le dix-neuvième degré, l'apothéose de la foi sublime qui n'aspire qu'à Dieu, en dépit des pompes et des travaux de Lucifer. Lucifer, le porteur de lumière ! Quel nom étrange et mystérieux pour l'esprit des ténèbres ! Lucifer, le fils du matin ! Est-ce lui qui apporte la lumière et qui de sa splendeur intolérable aveugle les âmes faibles, sensuelles ou égoïstes ? N'en doutons pas car les traditions sont pleines d'inspirations et de révélations divines, et l'inspiration n'est pas propre à une seule époque et à une seule croyance. Platon et Philon, eux-aussi, étaient inspirés. »

 

 Nous ajouterons ceci : on se rend compte, quelle que soit l’intention de Pike ici, qu’il recopie Eliphas Lévi (une de ses sources comme l’indique d’ailleurs le site freemasonry.bcy.ca et comme l'indique aussi René Guénon, cf. plus loin).

Dans le passage ci-dessus, Pike parait bien s’être inspiré, non de Rituel et Dogme de la Haute Magie de E. Lévi (pseudonyme de l’ancien abbé Constant), mais de L’Histoire de la Magie, du même auteur, qui écrit ( p. 357) :

« Lucifer ! Le porte-lumière ! quel nom étrange donné à l’esprit des ténèbres. Quoi c’est lui qui porte la lumière et qui aveugle les âmes faibles ? »

On retrouve les mêmes mots et la  même façon un peu rêveuse d’aborder la question avec l’étonnement que Lucifer soit appelé « le porte-lumière » (étymologie du nom en latin). Dans la citation de Pike on trouve la référence à des « grands initiés » comme Platon ou Philon (d’Alexandrie).

 

Bien plus prosaïques, mais parfaitement respectables, sont les conseils de Pike aux francs-maçons, qui sont reproduits plus hauts. On y voit le souci que l’engagement du franc-maçon pour le Bien soit présent dans sa vie de tous les jours, professionnelle ou familiale, « sur le marché ou au forum ».

Dirons-nous que cet engagement sonne très « américain » ?

Il s’agit d’un engagement pour des valeurs mais pas d’un engagement politique  ou religieux précis: le franc-maçon respecte toutes les convictions dès lors qu’elles sont morales et honorables et n’est le partisan fanatique d’aucune (ce qui ne lui interdit sans doute pas d’avoir ses propres convictions si elles sont dépourvues de fanatisme).

On peut ici se demander comment Pike arrangeait ses propres attitudes avec ces conseils de tolérance et de fraternité envers tous les hommes.

Nous avons vu qu’il fut dans sa vie passablement anti-catholique, anti-immigré, partisan de la cause sudiste et de l’esclavagisme jusqu’à un certain point (et une rumeur existe sur sa participation au premier Klu-Klux-Klan) mais aussi ami des Indiens.

 

Certes il a dû écrire ces phrases dans la dernière partie de sa vie, alors que ses périodes d’engagement politique actif étaient derrière lui.

 De la même façon, pensait-il que ses conseils de respecter le gouvernement légal étaient applicables dans tous les cas ? Quand le Sud s’était soulevé, il s’était rebellé contre le gouvernement légal, mais les Sudistes estimaient évidemment que le gouvernement fédéral avait perdu sa légitimité et qu’une révolte générale crée une nouvelle légalité.

 

Probablement Pike avait un peu changé, l’âge venant, devenant effectivement plus tolérant et sans doute plus fraternel. Mais il aurait sans doute estimé qu’être franc-maçon ne dispensait pas de faire à certains moments des choix personnels, indépendants de l’appartenance maçonnique et qu’il avait fait ces choix, bons ou mauvais.

 

Dans tous les cas, vers 1890, peu de gens en France avaient certainement entendu parler de Pike et connaissaient assez son œuvre pour y repérer, non ses déclarations morales et ses conseils de conduite édifiants, mais les quelques éléments bizarres qui suffisamment trafiqués, pouvaient convenir pour une mystification.

 

Qui fut le passeur qui fit connaitre Pike aux protagonistes français de l’affaire, habitués à leurs querelles franco-françaises entre bons pères (religieux catholiques) et « frères trois points » ?

Est-ce l’assez mystérieux Dr Hacks, qui quitte la scène en 1897 en même temps qu’éclate le ballon du canular de Taxil ? Hacks a pu pénétrer dans les loges américaines lors de ses voyages professionnels de médecin des Messageries Maritimes, – comme il le dira lui-même sous le nom de Bataille, en romançant considérablement les faits. A- t-il le premier entendu parler de Pike, lu quelques pages de lui et imaginé qu’il y avait là matière à broder des histoires fantastiques?

 

Dans ce formidable canular, toutes les questions ne sont pas encore résolues.

 

Les citations de Pike et les explications données par les sites maçonniques peuvent-elles convaincre les partisans des théories du complot qu’ils se trompent ?

A l’évidence non, puisqu’il ne sert à rien de dire qu’il n’existe pas de franc-maçonnerie universelle (c’est-à-dire une seule organisation dont feraient partie toutes les organisations maçonniques existantes), et donc pas plus de chef unique, quel que soit son appellation : les complotistes répondront qu’il est logique de nier l’exitence d’une organisation qui doit par définition rester secrète.

De même les maximes morales de Pike, acceptables par tout homme de bonne volonté sur terre (comme disait sa fille en répondant aux arguments de Taxil et ses collaborateurs) seront considérées par ceux qui croient aux théories du complot comme un leurre, un discours officiel, destiné à masquer les véritables doctrines, qui elles, ne peuvent être révélées que si on a accès à des documents cachés…documents dont évidemment aucun original ne peut être produit.

 

Les récits sur Pike continuent donc à alimenter les thèses des complotistes, mais depuis Taxil, les théories du complot ont évolué et elles ont cette caractéristique de se modeler sur les préoccupations du moment.

Ainsi tout naturellement les vieilles théories sont repeintes avec des couleurs nouvelles.

 

 

 

 

 L'AVIS DE RENE GUENON

 

 

René Guénon (1886-1951) est un occultiste français, initié à la franc-maçonnerie, puis qui finit par se convertir à l'Islam. Sa personnalité complexe, ses oeuvres profondes* qui ont voulu continuer la tradition ésotérique occidentale et en retrouver l'origine dans une tradition primordiale qui s'est notamment conservée en Orient, ne seront pas évoquées ici, mais seulement l'avis qu'il a pu porter sur l'affaire Taxil, le palladisme et la maçonnerie.

                                               * Notamment Le Roi du monde (1927), Le symbolisme de la Croix (1931), Le règne de la quantité et les signes des temps (1945).

Or Guénon approcha de près un protagoniste (à son corps défendant) de l'affaire, Abel Clarin de la Rive.

Celui-ci était l'un des rédacteurs principaux de La Franc-maçonnerie démasquée (la revue des abbés de Bessonies et Joseph), puis de La France chrétienne antimaçonnique, devenue La France antimaçonnique. Cette dernière revue, dont le premier rédacteur en chef avait été Léo Taxil, peut être considérée comme le précurseur de la Revue internationale des Sociétés secrètes (RISS) qui parut durant l'entre deux guerres.

Or, Clarin de la Rive, ignorant l'affiliation maçonnique de Guénon, lui offrit de travailler à La France antimaçonnique. Guénon accepta, probablement parce que le niveau d'exigence de Clarin de la Rive lui permettait, sans se renier, de publier des documents intéressants sur la tradition occulte qu'il retrouvait dans la maçonnerie (mais dont la maçonnerie, dans ses obédiences les plus importantes, se détournait aussi bien dans les pays anglo-saxons que dans les pays latins - même si les raisons étaient différentes: influence du conformisme protestant et libéral dans le premier cas, influence du laïcisme de gauche dans l'autre). Sans la mort de Clarin de la Rive en 1914 (pas de lien avec la guerre), qui mit fin à la revue, Guénon lui aurait sans doute succédé comme rédacteur en chef.

Ajoutons que Guénon et Clarin de la Rive avaient des points communs : leur curiosité pour l'Islam - on sait que René Guénon se fixa en Egypte dans la dernière partie de sa vie et on considère généralement qu'il s'est converti à l'Islam* . Clarin de la Rive avait publié des oeuvres non seulement sur le monde arabe, mais semble-t-il des livres sous des noms arabes et prétendait qu'on pouvait le confondre avec un musulman.

                                                                                                              * C'est un point controversé car Guénon indiquera ne pas s'être réellement converti à l'Islam en tant que religion, mais avoir été initié au soufisme. Seul l'aspect ésotérique de l'Islam, ce que celui-ci avait pu recueillir de la tradition primordiale,  l'intéressait.

 

 Voici quelques citations de R. Guénon prises sur le site très complet : http://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/

En mars 1932, un compte-rendu de lecture :

" Dans le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (n° de décembre [1931], un article consacré à Albert Pike montre en celui-ci, par des citations de ses œuvres, un esprit religieux aussi éloigné que possible du « Souverain Pontife luciférien », des légendes taxiliennes." 

 

Ailleurs Guénon montre assez peu d'estime pour Pike en tant que penseur traditionnel (au sens de ce mot en ésotérisme) :

" Disons à ce propos que le général Albert Pike, Grand-Maître du Rite Ecossais pour la juridiction méridionale des Etats-Unis (dont le siège était alors à Charleston), fréquenta aussi Mme Blavatsky [fameuse théosophe] vers cette époque ; mais ces relations semblent bien n’avoir eu aucune suite ; Il faut croire que Pike fut, en cette circonstance, plus clairvoyant que beaucoup d’autres, et qu’il reconnut vite à qui il avait affaire. Nous ajouterons, puisque l’occasion s’en présente, que la réputation d’Albert Pike comme écrivain maçonnique a été très surfaite : dans une bonne partie de son principal ouvrage, Morals and Dogma of Freemasonry, il n’a fait que démarquer, pour ne pas dire plagier, le Dogme et Rituel de la Haute Magie de l’occultiste français Eliphas Lévi."

René Guénon, Le Théosophisme, chapitre II - Les origine de la Société ThéosophiqueJanvier 1935


Spécifiquement sur l'affaire Taxil, Guénon rend compte d'un livre de Leslie  Fry (pseudonyme de l'anti-maçonne Paquita de Shishmareff ), citation sur le site http://www.rene-guenon.org/ : 

L. Fry. Léo Taxil et la Franc-Maçonnerie. (British-American Press, Chatou). – Ce gros volume, publié par les « Amis de Mgr Jouin », qui sont vraisemblablement les anciens collaborateurs de la R.I.S.S., contient les lettres adressées à l’abbé de Bessonies par Léo Taxil et par diverses personnes qui furent mêlées de près ou de loin à la singulière histoire que l’on sait ; on y trouvera également le fameux discours où Taxil fit l’aveu de sa « mystification », et les explications de l’éditeur des Mémoires de Diana Vaughan. À la vérité, « mystification » est bien vite dit, mais la question est plus complexe et n’est pas si facile à résoudre ; il semble bien qu’il y ait tout de même eu là autre chose, et que Taxil n’ait fait que mentir une fois de plus en déclarant avoir tout inventé de sa propre initiative. On trouve là-dedans un habile mélange de vrai et de faux, et il est exact que, comme il est dit dans l’avant-propos, « l’imposture n’existe qu’autant qu’elle est basée sur certaines côtés de la vérité propres à inspirer confiance » ; mais quel est au juste le « fond de vérité » contenu dans tout cela ? Qu’il y ait par le monde des « satanistes » et des « lucifériens », et même beaucoup plus qu’on ne le croit généralement, cela est incontestable ; mais ces choses n’ont rien à voir avec la Maçonnerie ; n’aurait-on pas, en imputant à celle-ci ce qui se trouve réellement ailleurs, eu précisément pour but de détourner l’attention et d’égarer les recherches ...?  

Comptes rendus de livres, Janvier 1935, L. Fry – Léo Taxil et la Franc-Maçonnerie

 

Enfin, sur le site http://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/, une citation qui montre que Guénon considérait les Illuminés (de Bavière) comme un mouvement strictement politique et rationaliste, bien loin des imaginations de ceux qui ont fait des protagonistes d'une conspiration plus ou moins sataniste :

 " Quant aux Illuminés, leurs rapports avec la Maçonnerie eurent un tout autre caractère : ceux qui y entrèrent ne le firent qu’avec l’intention bien arrêtée d’y acquérir une influence prépondérante et de s’en servir comme d’un instrument pour la réalisation de leurs desseins particuliers, ce qui échoua d’ailleurs comme tout le reste ; et, pour le dire en passant, on voit assez par là combien ceux qui prétendent faire des Illuminés eux-mêmes une organisation « maçonnique » sont loin de la vérité. Ajoutons encore que l’ambiguïté de cette appellation d’« Illuminés » ne doit aucunement faire illusion : elle n’était prise là que dans une acception strictement « rationaliste », et il ne faut pas oublier que, au XVIIIème siècle, les « lumières » avaient en Allemagne une signification à peu près équivalente à celle de la « philosophie » en France ; c’est dire qu’on ne saurait rien concevoir de plus profane et même de plus formellement contraire à tout esprit initiatique ou seulement traditionnel."

 René Guénon,  Aperçus sur l'initiation, chapitre XII - Organisations initiatiques et sociétés secrètes

 

 

 UNE  EXPLICATION ?

 

 

 

Des explications ont parfois été données de la mystification, en cherchant les raisons au-delà d'une opération purement commerciale.

Selon Marie France James , auteur de Esotérisme, occultisme, franc-maçonnerie et christianisme aux XIXe et XXe siècles, explorations bio-bibliographiques, 2008, l'action des  mystificateurs (Paul Rosen, Léo Taxil, peut-être Doinel et d'autres)  "avait pour but de créer, entre ce qui restait de valable [sic] dans la Franc-Maçonnerie de l’époque et l’Église catholique, un climat de suspicion puis de haine farouche" (d'après Wikipedia).

Par "valable", il faut sans comprendre les éléments sptitualistes, imprégnés de tradition chrétienne, non politisés dans le sens républicain de gauche  et non acquis aux idées anticléricales.

Ainsi les mysticateurs auraient voulu (mais dans quel but véritable ?) rejeter définitivement l'Eglise et la franc-maçonnerie dans des camps complètement opposés, alors qu'il existait encore dans les deux camps de possibles points de convergence.

 

 

 

 

 [ A la fin de nos deux messages suivants, La Franc-maçonnerie dans le monde, le lecteur trouvera une conclusion générale qui revient sur l'épisode de la mystification de Léo Taxil et sur les théories du complot mettant en scène Mazzini et Albert Pike ]

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
Le comte Lanza vous salue bien
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