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Le comte Lanza vous salue bien
2 mars 2013

JEUNES FILLES DE MARSEILLE 1980 PREMIERE PARTIE

JEUNES FILLES DE MARSEILLE

 

 

 

Eh non, il ne s'agit pas des jeunes filles d'aujourd'hui, mais de celles d'il y a maintenant pas mal d'années !

 

Jours de 1979, 1980 et 1981

première partie





C.P. Cavafy, poète grec d’Alexandrie du début du 20ème siècle (mort en 1933) a intitulé certains de ses poèmes où il se remémorait des épisodes de sa vie amoureuse, « Jours de 1908 » ou « Jours de 1904 »…
De la même manière, il ne parait pas ridicule de donner comme sous-titre à cette chronique concernant ma vie sentimentale de l’époque « Jours de 1979, 1980 et 1981 ».

Le titre, lui, associe clairement le lieu, Marseille, et celles qui sont les actrices principales du récit

Pour ce récit, j’essaierai de centrer la narration sur ce qui est arrivé (on verra que c’est bien peu de choses en fait) sans marquer l’arrière-plan de façon trop précise. Par arrière-plan, j’entends tout ce qui concerne mon caractère, ma psychologie, et ce qui a contribué à les former. Il est évident que les choses qui nous arrivent,  à chacun d’entre nous, seraient différentes, ou se dérouleraient différemment, si notre psychologie, notre arrière-plan si on veut l’appeler ainsi, était différent.  Et expliquer pourquoi notre psychologie est telle qu’elle est, revient à raconter toute la formation de notre personnalité depuis notre petite enfance, avec l’implication de notre milieu familial. C’est à la fois un travail de longue haleine et une recherche intime dans laquelle je n’entrerai pas, pour beaucoup de raisons inutiles à exposer.

Il y a un autre arrière-plan qui est inséparable des choses arrivées, c’est leur lieu. De façon un peu difficile à expliquer, mais évidente pour tous selon l’expérience que nous en avons, cet arrière-plan est très important et il donne son caractère particulier aux choses arrivées. Elles sont arrivées à Marseille, il y a plus de trente ans.

Si je n’avais pas quitté Marseille, où j'avais passé jusque là toute ma vie, est-ce que ces épisodes (qui, vus de l’extérieur, peuvent sembler bien anodins) continueraient à me laisser un souvenir aussi prenant, mélange d’amertume et de nostalgie ?

 

Un autre point : à la lecture du titre, certains se représenteront mes jeunes Marseillaises d'une certaine façon; ils seront peut-être déçus, car mes jeunes Marseillaises n'étaient peut-être pas très typiques de l'idée qu'on s'en fait parfois : la jeune fille hyper sexy qui n'a pas sa langue dans sa poche, brune ou blonde décolorée, la bimbo avec l'accent - ce que traduit un peu le terme local de cagole (dont le sens a évolué dans le temps).

Il y a à Marseille toutes sortes de jeunes filles (faut-il dire :  il y avait...) mais moi, c'était seulement certaines qui m'intéressaient.

Mais il faut maintenant entrer dans le récit.

 

 

 

 

 

Les Cinq-Avenues au moment de la sortie des classes

 

 



En ce temps-là, j’avais deux préoccupations : l’une était de trouver un emploi après des études un peu décousues et finalement plus décevantes que ce que tout le monde aurait pu me prédire, et l’autre était sans doute la plus importante à mes yeux. C’était de connaître l’amour partagé, avec ses joies et ses plaisirs, avec ses orages aussi, peu importe du moment que la personne qu’on aime répond à cet amour.

La difficulté n’était pas de trouver quelqu’un de qui tomber amoureux, même si j’avais des préférences invincibles pour un certain type de jeune fille, mais d’obtenir en retour sinon de l’amour, du moins de l’intérêt des personnes aimées.
Les circonstances dans lesquelles je tombais amoureux n’étaient pas favorables à la réussite de mes projets.

En effet, d’une part je manquais d’occasions de contacts féminins qui auraient pu être fournies par des relations, des loisirs, les études ou le travail. Mais de plus, j’avais remarqué que j’avais tendance à ne pas m’intéresser à la plupart des filles que je pouvais rencontrer, car je recherchais un type physique particulier. Si mes relations (et elles étaient peu nombreuses) ne pouvaient m’amener à rencontrer ce type physique particulier, je ne pouvais qu’essayer de le trouver ailleurs, dans le grand vivier de toutes les filles disponibles, c'est-à-dire dans la rue.
On reconnaîtra que ce n’était peut-être pas le meilleur scenario pour avoir des chances raisonnables de lier connaissance.
 
Lorsque je dis que j’étais à la recherche d’un type physique particulier, ou mieux que je ne pouvais tomber amoureux que d’un type physique particulier, ce n’est peut-être pas exact entièrement : si une personne pouvait rencontrer les jeunes filles dont je suis tombé amoureux (il faudrait malheureusement une machine à remonter le temps !) ou même les voir sur des photos d’époque, trouverait-il la ressemblance entre elles si frappante ?
Il me paraissait évident que je ne pouvais tomber amoureux que d’une fille un peu ronde, avec un visage assez rond et joufflu mais bien entendu gracieux (ce qui est moins facile à définir)  et des cheveux plutôt bouclés ou ondulés, si possible mi-courts comme on dit. En bref, certains pourraient parler d’une jeune fille conservant un air assez enfantin, mais c’est une façon de parler car cet air enfantin, beaucoup de jeunes filles ne l’ont jamais eu, même si on parle des « rondeurs de l’enfance ».

Mais parmi les filles qui avaient les éléments communs au type physique que je préférais, certaines pouvaient, pour des raisons difficiles à expliquer, me toucher plus que d’autres.
Leur personnalité, telle qu’elle transparaissait dans leurs attitudes, pouvait apporter la touche finale qui achevait la séduction. Un air timide et gentil chez elles, me plaisait bien plus qu’une attitude empreinte d’assurance. On verra que pourtant, du moment que la jeune fille avait le type physique qui me plaisait, je pouvais tomber sous le charme d'une personne qui avait l'air sûre d'elle-même (même si cette attitude cachait peut-être une forme de fragilité) et consciente de sa beauté. 

Une vision un peu superficielle des choses me faisait penser que les filles minces étaient plus courtisées car jugées par la majorité des garçons plus séduisantes (était-ce si vrai d'ailleurs?); j'en concluais avec pas mal de naïveté qu'une fille assez ronde devait aussi être plus sensible aux attentions qu'on aurait pour elle, puisqu'elle y était moins habituée.

 
Habitant dans un quartier central, à proximité d’établissements scolaires, j’avais la possibilité de remarquer beaucoup de jeunes filles et d’y trouver, dans le nombre, des personnes se rapprochant de mon type physique favori.
Evidemment, les personnes ainsi rencontrées étaient des lycéennes, donc assez jeunes. J’avais quand même quelques années de plus qu’elles, mais pas au point que le décalage ait été gênant et les personnes que je regardais avaient l’âge des histoires d’amour.
Et leur allure juvénile était un élément important de leur pouvoir d’attraction.  


Parmi les personnes que j’avais assez fréquemment l’occasion de rencontrer dans mon quartier, j’avais fini par remarquer trois jeunes filles. Je rencontrais déjà l’une d’entre elles sur mon trajet quand j’allais au Lycée Thiers en khâgne, avant la période dont je parle, et elle était déjà très remarquable. Mais à peu près trois ans après,  sa beauté était devenue éclatante. Bien après, j’apprendrai qu’elle se prénommait Carine.


Plus discrète mais peut-être plus charmante à mon goût, était une autre jeune fille qui fréquentait le même lycée privé que la première et que j’avais fini par remarquer. Je l’appellerai, dans ce récit, Poussin.


Enfin, j’avais remarqué une jeune fille qui à l’heure de la sortie des écoles, rentrait chez elle avec sa petite sœur, du moins c’est ce que je croyais. Elle sera simplement mon Numéro 1 (avec une majuscule), puisque c’est elle que j’ai abordée en premier, mais dans l’échelle de l’attirance, elle était plutôt en numéro 3.

Les deux premières rentraient chez elles, depuis leur lycée, en suivant le boulevard de la Libération, que, comme tout Marseillais né à une certaine époque, je continuais à appeler le boulevard de la Madeleine, ou la Madeleine tout court. Elles prenaient seulement un trottoir différent, dans le sens qui descend vers l’église des Réformés et la Canebière : l’une habitant le côté gauche du boulevard, dans le sens descendant, l’autre suivant un long moment le côté droit pour tourner  à droite à un moment

J’avais donc pris l’habitude de susciter des occasions de rencontres avec ces trois jeunes filles aux heures de sortie de leur classe, m’arrangeant alors pour les croiser. Il me semblait à peu près sûr que leur côté, elles ne pouvaient pas faire autrement que de me remarquer.
Quant à savoir ce qu’elles en pensaient….

La difficulté était de passer de ces rencontres muettes à un véritable contact. Je reculais devant cette épreuve de vérité, autant par timidité que par peur de briser l’illusion : en effet, tant que je me contentais de les rencontrer, il était possible de les aimer sans se heurter à la réalité.
Je pouvais tirer quelques satisfactions (assez  limitées il est vrai) de vivre dans le rêve et de me laisser aller au plaisir d’amours imaginaires. La réalité pouvait détruire ce rêve. D’un autre côté, ce rêve n’avait de sens que s’il avait une possibilité même faible, de devenir réalité, une possibilité qu’il faudrait bien mettre à l’épreuve des faits.

 

 

 

Une rencontre prometteuse sans lendemain par ma faute

 



On pourra s’étonner qu’au même moment, trois jeunes filles aient pu me captiver. En fait les choses ne se présentaient pas tout à fait ainsi. Chacune était une potentialité, et si « ça ne marchait pas » avec l’une, je pouvais encore passer à l’autre, ce qui voulait pas dire que je n’avais pas pour toutes d’amour véritable, mais la possibilité de pouvoir me tourner vers une autre jeune fille était aussi une façon de dépasser le chagrin  causé par un refus.
Mais je sentais bien que sur les trois, mes deux préférées, quasiment à égalité en quelque sorte, étaient celles qui suivaient le même trajet de retour chez elles par le boulevard de la Libération. Et entre ces deux, j’établissais encore une préférence pour l’une d’elles, mais selon les jours ce classement pouvait un peu changer et mon cœur hésiter.

En bref, comme c’était la jeune fille numéro 1 (celle qui sortait de l’école avec sa petite sœur) pour laquelle mon sentiment était le moins fort (car pour les deux autres, plus j’avais l’occasion de les croiser, plus j’en étais béatement amoureux, n’ayant rien vu d’aussi beau – ou presque, quoique chacune dans un genre différent), je me décidais à sortir des rencontres muettes et à tenter un contact avec « Numéro 1 ».
Je me disais que si j’étais rebuté, la perte de mes illusions me serait moins sensible qu’avec les autres.

Finalement, Numéro 1 semblait suivre des cours dans le même établissement que les deux autres. Son chemin était seulement différent, en sens inverse des deux autres.
Il est temps de dire quelques mots de cet établissement vénérable.

Vers le haut du boulevard de la Libération (ex boulevard de la Madeleine – on notera comment un nom de rue tiré de l’histoire patriotique récente avait remplacé un vieux nom tiré de l’histoire religieuse, la Madeleine en question étant évidemment Sainte Marie-Madeleine, que la tradition fait mourir en Provence, à la Sainte Baume) se trouve un établissement d’enseignement catholique, l’Institution ou de façon plus moderne, le Collège et Lycée Saint-Joseph de la Madeleine, qui perpétue ainsi l’ancien nom du boulevard. Ses bâtiments sont cachés  dans un petit parc en hauteur. Cette institution est construite sur une éminence (peu visible de la rue où on voit seulement l’allée qui monte vers les bâtiments) et se trouve ainsi, à une distance de 500 mètres environ, en exact vis-à-vis d’un autre bâtiment construit lui aussi sur une hauteur, le Lycée public Saint-Charles, où j’avais fait mes études secondaires, situé à un bout de la rue Espérandieu, rue  qui descend en forte pente jusqu'à la place Bernex, devant le Palais Longchamp, puis continuant par une légère remontée, aboutit au boulevard de la Libération, quasiment devant l’entrée de Saint-Joseph.
Espérandieu étant l’architecte au 19ème siècle du Palais Longchamp, mais aussi de Notre-Dame de la Garde et de la Cathédrale de Marseille, dite « La Major », on était ici vraiment dans un environnement à connotation catholique (même si Espérandieu, le bien-nommé, était protestant).
 

Numéro 1 sortait donc  de Saint-Joseph et remontait sur peu de distance le boulevard de la Libération en direction de la place des Cinq-Avenues (que de très vieux Marseillais appellent encore « les Quatre chemins »  en témoignage de l’époque, déjà ancienne, où les voies qui se croisaient à cet endroit n’étaient que quatre). Elle tournait alors dans la rue Marx-Dormoy.

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Le croisement des Cinq avenues tel qu'il est aujourd'hui. Vers 1980, il n'y avait pas de tram et une voie souterraine, supprimée pour les travaux du tram, reliait l'Avenue Foch et le boulevard Philippon (photo Wikipedia).


Il faut maintenant décrire cette aimable Numéro 1, à qui faute de mieux, je donnerai ce nom avec une majuscule, qui, à y repenser, était bien jolie quand même.
Il s’agissait d’une jeune fille assez ronde, pas très grande, avec un visage avenant, des cheveux blonds mi-longs plus que mi-courts. Elle s’habillait le plus souvent en bleu, ce qui pouvait se comprendre pour une élève d’une école religieuse même si cet usage tendait à disparaître. Elle portait des jupes qui, si je me souviens bien, montraient des jambes avec des mollets et des chevilles plutôt solides mais bien galbés (après tout, ce n’était pas une fille mince). Ses jambes étaient mises en valeur par des chaussures beiges ou plutôt gold, à talon haut, de la même teinte dorée que ses jambes (je suppose que c’était la couleur de ses collants qui donnait cette teinte vraiment plaisante, dont je crois me souvenir).
Quant à la petite fille (de cinq ou six ans ?) qu’elle tenait à la main, elle était blonde comme sa sœur, comme une version réduite de celle-ci
.
Même si je n’en ai pas la certitude absolue, car avec le temps certains souvenirs s’estompent et si on se souvient bien des circonstances, la chronologie est moins sûre, je suis convaincu que Numéro 1 fut la jeune personne que j’ai abordée en premier. C’était logique pour les raisons que j’ai indiquées.
.
Je me souviens bien que ce  contact eut lieu par une belle fin d’après-midi ensoleillée, à l’heure bénie de la sortie des écoles, mais était-ce au printemps ou plutôt en début d’automne ? C’était, en tous cas, très probablement, en 1979.

La jeune personne tournait à ce moment dans la rue Marx-Dormoy, qui va vers la place Sébastopol.
Je pris mon courage à deux mains et je l’abordais. A vrai dire je ne sais plus ce que je trouvais à lui dire, sans doute quelque chose comme « Ça fait un petit moment que je vous rencontre (il était évidemment déconseillé de lui dire que je faisais tout pour provoquer ces rencontres) et j’ai eu envie de faire votre connaissance, et … »
Ai-je ajouté quelque chose comme « car je vous trouve très séduisante » ? Il me semble que c’était risqué, mais j’ai du trouver le moyen de lui faire passer un message semblable.
La jeune fille parut très agréablement surprise (un peu rougissante peut-être ?) et nous commençâmes à échanger quelques mots lorsqu’eut lieu ce qui allait orienter cette rencontre vers une fin en queue de poisson, et cela par ma seule faute.
La faute n’a pas consisté à poser la question que j’ai posée, mais dans ma réaction à la réponse.
En effet, pour faire progresser la conversation, je demandais quelque chose du style : « vous êtes venue chercher votre petite sœur ? »
Pendant ce temps la soi-disant petite sœur devait se demander ce qui se passait.
Et mon aimable Numéro 1 répondit alors le plus naturellement du monde, et sans doute un peu flattée : « Ce n’est pas ma sœur, c’est ma fille ! ».
 
Quelle réponse !
Pris de court, je ne pus trouver à dire que : « Vous êtes-mariée ? Je ne pensais pas, vous avez l’air tellement jeune … » ou quelque chose d’approchant.
On remarquera que pour moi, incorrigible défenseur des convenances, le fait d’avoir un enfant signifiait obligatoirement être marié, ce qui en l’occurrence devait bien être le cas (si on se souvient que Numéro 1 avait mis son enfant dans ce qui devait être la maternelle de l’Institution Saint-Joseph qui, surtout à l’époque, ne devait pas être fréquentée par des mères célibataires ou vivant en concubinage).

Pendant que je perdais quelque peu contenance, en découvrant une réalité si éloignée de ce que j’avais pensé, Numéro 1, il me semble, ne perdait pas le nord, et me répondait une phrase qui, pour ne pas être exprimée avec beaucoup d’élégance, avait quand même un sens très précis.
En effet, elle répondait ceci à mon étonnement de la voir si jeune et mariée : « Oui, surtout qu’aujourd’hui on n’a plus des maris très bien ».

Je bafouillais encore quelques regrets et excuses et je partis avec ce que j’espérais être la démarche de celui qui s’est trompé mais n’en fait pas toute une affaire.
Est-ce que j’espérais qu’elle allait en plus me courir après ?
Non, je ne l’espérais pas, car pour moi sa réponse mettait un terme à mes intentions sur elle.
Je n’étais pas fichu de m’apercevoir qu’en à peine deux ou trois mots elle avait donné  ce qui aurait été pour un autre une magnifique base pour ses entreprises.
En effet, non seulement, elle avait paru accueillir assez bien le fait que je l’aborde en pleine rue, elle avait sans doute été flattée que je prenne sa fille pour sa petite sœur (ce qui aurait pu être, venant d’un autre, une grosse astuce, mais était de ma part une impression sincère),  mais de plus, elle m’avait fait comprendre, à moi, un inconnu (qu’elle avait quand même du remarquer depuis quelque temps) qu’elle n’était pas heureuse en ménage, en présentant cela comme une généralité, un effet de l’époque, puisqu’aujourd’hui, « on n’avait plus des maris très bien ».

Assez curieusement, et sans vraiment y réfléchir, je pris pour moi une part de cette critique, comme si elle avait dit qu’aujourd’hui les hommes n’étaient plus très bien et que ce n’était pas la peine d’essayer de me proposer en remplaçant de son mari.
Mais la vérité était que sa réponse avait quasiment  fait s’évanouir le sentiment que j’avais pour elle.
Non seulement elle était mariée, et je me voyais mal affrontant un mari peut-être jaloux et vindicatif, et surtout, l’idée que je me faisais d’elle en tant que jeune fille était en pièces. Ce n’était pas une jeune lycéenne, mais une femme mariée, ce n’était pas mon rayon.

Si j’avais eu deux sous de bon sens, j’aurais réfléchi que la situation aurait difficilement être plus favorable : j’avais affaire à une très jeune femme mariée qui n’était pas heureuse dans son mariage, qui paraissait prête à accepter une perspective de relation extra-conjugale.
De mon côté, j’étais passablement inquiet à l’idée que si mes tentatives de contact débouchaient sur la possibilité de faire mes preuves, je risquais de décevoir les personnes que je souhaitais séduire car il me faudrait , en permanence, être intéressant et « animer » la relation, proposer des sorties et des distractions de groupe, ce dont je me sentais peu capable.

Avec une femme mariée, je n’aurais eu qu’à profiter d’occasions de rencontres plus furtives, et pas l’obligation de trouver en permanence quelque chose d’intéressant à faire avec ma copine : une femme mariée n’attend pas que son amant l’emmène danser le samedi soir en boîte avec un groupe de copines et de copains (ou vraiment, c’est rare !).

 Mais ces réflexions ne me venaient pas, ni ce qui aurait pu les stimuler, comme de réfléchir que, pour être un petit peu plus âgée que je l’avais cru, Numéro 1 était une personne vraiment avenante,  que son visage était charmant, que ses jambes robustes et gainées dans des collants leur donnant une teinte dorée valaient toujours le coup d’œil et qu’elle avait sans doute bien des trésors en réserve. Je comprenais maintenant pourquoi sa façon de s’habiller, ses talons hauts, m’avaient paru un peu « adultes » pour une lycéenne. C’était déjà une mère de famille, mais certainement d’un âge pas bien éloigné encore de la lycéenne.

J’aurais pu ainsi, malgré que j’avais mis fin à notre première rencontre, décider de laisser passer quelques jours puis me retrouver sur son chemin en lui disant tout simplement : « Eh bien, j’ai réfléchi, j’ai été surpris quand vous m’avez dit que vous étiez mariée, mais finalement ... », bref, lui faire comprendre que j’étais toujours intéressé.
Mais non, idiot comme j’étais à l’époque, triple idiot et peut-être quand même un peu perturbé à l’idée du mari qui risquait de constituer un obstacle sérieux et même pénible s’il venait à savoir quelque chose, je laissais l’affaire en l’état et je crois bien n’avoir plus, même de loin, croisé cette personne réellement sympathique et charmante et qui, circonstance  remarquable, m’avait quand même fait, globalement, très bon accueil…

Il est vrai que l’abandon des espoirs de romance avec le Numéro 1 me semblait presque une bonne chose car cela me permettait de me concentrer sur celles qui étaient vraiment mes favorites.
 

 

 

 

La plus adorable jeune fille qui soit

 

 

 


C’est ainsi qu’après avoir levé l’hypothèque du Numéro 1, je pouvais me consacrer aux deux autres personnes qui faisaient, à égalité, battre mon cœur, même si j’établissais en fait une sorte de hiérarchie à vrai dire fluctuante.

J’ai dit que ma rencontre avec Numéro 1 avait eu lieu – mes souvenirs d’une fin de journée marseillaise typique, très claire et ensoleillée sont très nets – cela ne pouvait se placer qu’au printemps ou au début de l’automne, mais probablement au printemps de 1979
Mes souvenirs de mon premier entretien avec la deuxième jeune fille, que je me permettrai d’appeler ici Poussin, sont ceux  d’une rencontre en fin de journée, après la sortie des cours, après 17 heurs ou 17h30, en hiver, lorsque les rues sont déjà éclairées et que la nuit tombe tôt.

 Cette atmosphère particulière, lorsque le soir vient mais que les rues sont encore pleines de monde, les magasins ouverts, reste toujours présente dans mes souvenirs, non pas le souvenir d’un seul moment, mais de toute une période de ma vie, où une sorte de douceur se mêlait à la tristesse qui faisait le fond de mon existence, une tristesse, qui, j’en avais bien conscience, ne constituait pas le meilleur des atouts pour séduire une jeune fille.
Car si celle-ci était elle-même plutôt sujette à la tristesse, elle souhaiterait rencontrer un ami qui lui proposerait, au contraire, au moins de  la gaieté et de l’entrain, sinon du bonheur ; et si elle était déjà douée pour la gaieté, l’entrain et même le bonheur, comment pourrait-elle avoir du goût pour quelqu’un de triste, à moins d’avoir le profil plutôt rare de la bonne Samaritaine ?

 Je crois que je me décidai à aborder Poussin seulement vers le mois de février, en 1980 (je ne pense pas me tromper sur l’année), plutôt que dans les mois qui précédaient, novembre ou décembre 1979. Si j’avais laissé passer tant de temps entre ma rencontre ratée avec Numéro 1 et une nouvelle tentative de faire connaissance avec une jeune fille, c’était évidemment que je reculais le plus possible le moment de vérité ; tant que je n’avais pas parlé à la jeune fille, je pouvais vivre avec mes chères illusions.
 

Je commencerai par donner une description de la jeune fille que j’appelle Poussin, bien qu’à l’époque je ne lui ai pas donné ce nom, qui lui va assez bien, car elle avait une silhouette potelée, sans être lourde pour autant, et son visage avait l’air encore assez enfantin
Quand avais-je commencé à la remarquer ? Probablement il m’avait fallu quelques rencontres dans la rue pour être conquis par elle.
La première où on se dit : « Tiens, elle n’a pas l’air mal, mais est-ce que je l’ai bien regardée? » ;
Et après deux ou trois rencontres semblables : « Bon sang, mais elle est merveilleuse ! » (ou si on est lecteur de Blake et Mortimer, en mélangeant l’anglais et le français : By Jove, mais elle est merveilleuse !).

Poussin n’était pas une fille belle au sens que beaucoup de gens donnent à ce mot. Est-ce que même tout le monde aurait reconnu qu’elle était jolie ? Sans doute oui, sauf les rebelles inconditionnels aux rondeurs.
C’était une fille de taille moyenne, assez ronde mais sans excès toutefois, avec un visage bien joufflu encadré de cheveux châtain mi-courts assez abondants et ondulés ou formant de grosses boucles, je ne me souviens plus bien.
Son teint était plutôt chaud, en fait elle avait l’air rougissant, par moments. Enfin, même si je ne regardais pas forcément cette partie de son corps, il était difficile de ne pas voir qu’elle avait une jolie poitrine.

Ses traits étaient ceux qui font dire d’une fille qu’elle est mignonne. Elle avait un air généralement boudeur, et souriait rarement. Il me semble que sa bouche, un peu entrouverte, lui donnait cette moue « enfantine », mais que peu d’enfants présentent, que je trouvais irrésistible.


Il m’est difficile, aussi curieux que ça paraisse, de me souvenir de sa façon de s’habiller, du moins avant le jour où je l’ai abordée, alors que la façon de s’habiller peut jouer un rôle dans la séduction exercée ou en tous cas, renforce cette séduction : on est d’abord amoureux d’un visage par exemple, et puis on se dit : et en plus, comme elle s’habille joliment, comme ça la met en valeur alors que sur une autre, les mêmes vêtements nous laisseraient froids !


La seule chose que je peux en dire, c’est que sa façon de s’habiller lui allait bien et convenait à cette jeune fille un peu boudeuse qui devait avoir à ce moment 17 ans.
Elle devait porter souvent des jeans, je ne me souviens pas de jupe en tous cas, mais pas des jeans de style serré qui auraient gentiment mis en évidence ses charmes un peu rebondis - elle les évitait peut-être intentionnellement pour cette raison ?  En fait, elle était discrète et un peu passe-partout dans sa présentation

Si on admet que j’avais tenté ma chance avec Numéro 1 en fin d’année scolaire 1979,  ou au plus tard vers septembre 1979 et que je n’ai abordé Poussin  que vers février  1980, cela veut dire que durant plusieurs mois, depuis la rentrée de septembre 1979, je l’ai croisée, certes pas tous les jours, cela aurait paru suspect, mais suffisamment, pour devenir complètement amoureux d’elle, et redouter le moment inévitable où je devrais confronter mon rêve à la réalité.
Elle m’avait forcément remarqué de son côté et je n’allais pas tarder à savoir ce qu’elle pensait de moi..

 

 

 

Je tente ma chance avec Poussin

 

 

 


Lorsqu’elle sortait de l’école Saint-Joseph, elle descendait le boulevard de la Libération du côté droit dans le sens qui va vers la Canebière et vers le Vieux-Port.
Généralement elle était seule, rarement avec une copine, qui, elle, portait des vêtements bleu marine et souvent une jupe dans le style traditionnel « école privée », et qui n’avait d’autre intérêt que d’être l’amie de Poussin, autour de qui le monde tournait, du moins pour moi à ce moment.
 
Un lundi soir, si je me souviens bien, je décidais de tenter l’épreuve.
Comme je l’ai déjà dit, c’était l’heure où l’éclairage public s’allume tandis que le soir tombe, à la sortie des cours, peut-être en février. En tous cas il faisait doux.
Je croisai Poussin qui revenait seule, je poursuivis mon chemin un tout petit moment  dans le sens opposé au sien – il était évident que je ne pouvais qu’adopter cette tactique - puis, prenant le peu de courage que j’avais à deux mains, et non sans hésiter – pourquoi ne pas attendre encore ? – je rebroussais chemin et me retrouvais en quelques enjambées à son niveau, et je ne sais plus bien avec quels mots d’introduction, je l’abordais.
Sans doute ces mots étaient-ils quelque chose du genre : « Est-ce que je peux vous parler ? »
Je suppose que la réponse, car il me semble qu’il y en a eu obligatoirement une, fut quelque chose comme « Si vous voulez ».

Je pouvais pour la première fois regarder Poussin de près.
J’ai dit que je ne me souvenais pas réellement de sa façon de s’habiller avant ce jour, sinon qu’elle était discrète.
Ce jour-là, pour des raisons inconnues et qui le resteront, tout en étant habillée comme d’habitude, Poussin avait une tenue un peu en désordre.
Elle avait un foulard dénoué autour du cou, sa chemise blanche était passée sur son pantalon, ce qui n’était pas son style, et elle avait le visage plus chaud que d’habitude, un peu comme si elle revenait d’une séance de sport (c’était peut-être le cas). Elle portait des baskets mais cela devait être assez courant chez elle.
Il me semble qu’elle marchait de façon plutôt lente, son sac d’école sur l’épaule, peut-être fatiguée de sa journée mais je pense que c’était sa démarche en permanence.
Etait-ce le bon soir pour l’aborder dans de bonnes conditions, je ne sais pas, mais c’était le soir que j’avais choisi.
Je l’avais rejointe juste après l’intersection que faisait le boulevard de la Libération avec la rue Bernex qui prolonge la rue Saint-Savournin, à hauteur d’une parfumerie qui n’existe plus maintenant.
Je ne me souviens plus de sa réaction précise quand je lui ai parlé ni des tout premiers mots que j’ai employés. En tous cas, elle resta remarquablement calme et ne modifia rien dans son attitude, comme si rien ne l’étonnait dans ce qui se passait. Je pense maintenant, en la revoyant, dans mon souvenir, marcher silencieusement, la tête un peu baissée, qu’elle écoutait avec attention et sérieux ce que je lui disais. Qu’un garçon vienne lui parler d’amour – même sans prononcer ce mot - était un moment important pour elle.


Je ne savais pas où s’arrêtait son itinéraire de retour chez elle, et je sais plus  ce que j’ai trouvé  lui dire pour faire la conversation, de toutes façons, il fallait obligatoirement glisser quelques explications du genre : « Ça fait déjà un moment que je vous rencontre, et j’ai vraiment eu envie de faire votre connaissance… ».

 
Pendant que je parlais et essayais de ne pas trop me noyer, je suppose que Poussin regardait ses chaussures. Je la voyais de près, même si j’évitais de la regarder ostensiblement, et j’essayais de faire coller cette vision de près avec mes impressions .de loin : était-elle vraiment aussi jolie que j’avais cru ? Non, il ne semblait pas …mais une fois l’image de près superposée à l’image de loin, la réponse était : oui, mille fois oui…Mais je n’étais pas encore conscient de cette évidence, et mon esprit était trop absorbé par la nécessité de parler sans dire trop d’idioties pour pouvoir juger sereinement des charmes de Poussin, à quelques centimètres de moi, mais toujours hors de portée. Lui parler me paraissait déjà merveilleux après avoir si longtemps pensé à elle.

 

 

 

 

Une phrase qui tue rue des Abeilles

 

 

 

 
Nous étions arrivés à l’angle d’une petite rue, en pente, la rue des Abeilles, qui porte aussi un autre nom plus récent, rue Burgat, je crois.

Pour la petite histoire, cette rue tire son nom de l'époque napoléonienne, et a été ainsi nommée en raison des abeillles qui, avec l'aigle, étaient l'emblème de l'empire. 

Poussin descendit la rue jusqu’à arriver à peu près à l’intersection avec le boulevard Longchamp ou plutôt le cours du Chapitre qui le continue (rebaptisé depuis longtemps cours Joseph Thierry mais qui reste le Chapitre pour beaucoup de Marseillais) .
Elle n’avait sans doute pas dit grand-chose jusque là, mais elle me dit : « Eh bien, je suis arrivée ». Comme elle n’était pas loquace, il se peut qu’elle ait dit seulement : « Je suis arrivée ». Son domicile était donc dans le dernier ou l’avant-dernier des immeubles de cette rue avant l'intersection avec le cours du Chapitre, immeubles des années 1850 à 1900 avec leur façade typiquement marseillaise (bien qu'un peu plus large que les façades des typiques "trois fenêtres").

Il fallait profiter de ces derniers instants pour obtenir de sa part une réponse ou une réaction positive à ma tentative.
Je suppose que je posais la question : « Eh bien, que pensez-vous de tout ça ? » (il ne me serait pas venu à l’esprit de la tutoyer).en ajoutant sans doute des formulations de précaution qui ne voulaient pas dire grand chose, comme « je sais bien, vous devez être plutôt étonnée, mais…».
Est-ce que je lui ai demandé clairement si je pouvais la revoir ?
 
Poussin avait été peu loquace jusqu’alors; son air boudeur et taciturne n’avait pas beaucoup changé par rapport aux autres fois où je la croisais, mais je discernais, à moins de m’être trompé, dans son expression pensive une attention à mes propos, malgré tout.
Elle me fit alors une réponse, que j’allais méditer longtemps.
« Je n’ai pas besoin de vous pour trouver de l’amour ».
Ceci était dit calmement, et je la revois encore, à cet angle de rue, devant chez elle, disant cela, relevant un peu sa tête qu’elle avait tenu jusque là plutôt penchée vers ses chaussures comme si, après avoir bien réfléchi à tout ça, elle livrait sa conclusion.

Cette phrase, avant même que je n’aie le temps de l’analyser, me paraissait sonner le glas de toutes mes espérances.
De plus elle introduisait désagréablement l’idée qu’il existait d’autres garçons qui se chargeaient de lui apporter de l’amour.

Sous l’effet de cette phrase, prononcée sans méchanceté et à sa manière que je devinais, au peu que j’avais pu en juger, un peu timide, mais assez ferme, je fis ce qu’il y avait de plus désastreux à faire.
J’aurais pu, j’aurais du répondre : oui, bien sûr, mais on peut quand même se revoir, je vous promets de ne pas être trop embêtant…
Dans ce genre de situation, l’important n’est pas vraiment ce qu’on dit mais le sens général du discours, voire l’intonation.  Il fallait lui faire comprendre qu’accepter ma présence de temps en temps n’était pas la mer à boire et qu’on verrait ensuite.
Et aussi, il fallait trouver l’occasion de lui demander comment elle s’appelait et de dire mon prénom.
 
Mais non. Sa phrase m’avait désarçonné. Il ne m’en fallait pas beaucoup.
Pour rien au monde je n’aurais, moi, prononcé le mot « amour » et elle l’avait fait, en plus dans un sens négatif.

De sa phrase, je retenais surtout le premier membre, « je n’ai pas besoin de vous », et je lui donnai une valeur absolue, qui interdisait de continuer à essayer de gagner l’autorisation de la voir, sauf à se rendre désagréable.

Il me restait à partir avec élégance, du moins dans l’intention, car dans la réalisation, cela laissait peut-être à désirer.
Il me semblait  tout à fait de bon goût de ne plus discuter et de la laisser rentrer chez elle, en prenant congé sur une phrase du genre : « Eh bien (on fait grande consommation de « eh bien » dans ces circonstances), je ne vais pas vous embêter plus, c’est dommage, au revoir… » .
C’est donc ce que je fis. Même aujourd’hui, je donnerais cher (façon de parler, certes) pour savoir ce qu’elle a pensé à ce moment. Bon débarras ? Quel idiot  de partir comme ça?

Il me semble qu’il y avait dans son caractère une forme de passivité ou d’indifférence.
Avec ce caractère, elle pouvait aussi bien accepter que je revienne de temps en temps (quelque chose comme : après tout, si vous avez envie de perdre votre temps), qu’être indifférente au fait que j’abandonne immédiatement. J’étais seulement prévenu qu’elle n’était pas demandeuse (« je n’ai pas besoin de vous… »). Elle ne m’aurait peut-être pas défendu de revenir si j’avais demandé sa permission.
Du moins c’est une hypothèse, pour autant que je puisse aboutir à une conclusion en interprétant ses paroles et son attitude.

L’autre hypothèse, moins plaisante, est que ses propos voulaient dire un petit peu plus que leur sens littéral : non seulement j’aurais perdu mon temps en venant lui parler, mais elle n’avait pas du tout envie de ma présence.
 
Mais cela, elle ne l’a pas dit.
En rentrant chez moi, sous les lampadaires  et les platanes du boulevard de la Libération, je tournais et retournais dans ma tête le récit de cette rencontre, essayant de me remémorer les moindres mots, les attitudes, les expressions du visage qui pouvaient confirmer ou infirmer mon impression dominante. Mais rien ne pouvait lutter contre sa phrase tranchante, condamnation absolue qui de plus ajoutait au refus les tourments de la jalousie. Il y avait donc dans sa vie des garçons qui .lui apportaient de l’amour – et sous quelles formes, jusqu’où ? sans doute des garçons de son école, car Saint-Joseph  était depuis quelques années un établissement mixte.
Et j’enviais ces garçons de son âge, alors que j’avais quelques années de plus, qui n’avaient pas de difficultés à l’approcher et à l’intéresser.

Comme je l’avais approchée, j’étais aussi tourmenté par cette proximité qui m’avait permis de voir à quel point elle méritait d’être aimée.  
Je souffrais par sa faute et je lui en voulais, comment réagir autrement, tout en comprenant sa réaction, car elle était bien libre d’aimer ou même d’accueillir qui elle voulait.
Je lui en voulais mais je l’aimais en même temps. L’entretien que j’avais eu avec elle, sa façon de réagir, ses attitudes pensives et silencieuses, tout cela me rendait encore plus amoureux, mais sans issue.

L’interprétation selon laquelle elle avait déclaré ne pas être intéressée par moi, seulement par tactique, parce qu’il ne faut jamais laisser penser aux garçons qu’on a un sentiment pour eux (ou qu’on n’est pas opposé à leur sentiment, plus modestement), de façon à garder la maîtrise du jeu, m’est peut-être venue à l’esprit mais comme une hypothèse sans force de conviction, une façon d’arranger les choses de manière plaisante mais réellement pas croyable.
De plus, je l’avais quitté d’une manière qui semblait définitive, et il m’était quasiment impossible, dans ces conditions, de revenir vers elle pour vérifier les hypothèses les plus optimistes.
Un autre aurait laissé passer quelques jours puis aurait trouvé le moyen d’être de nouveau sur son chemin, en tirant même argument  pour revenir parler avec elle, de la tristesse causée par le fait qu’il ne la voyait plus : « J’ai bien essayé de ne plus penser à vous, après ce que vous m’avez dit, mais, ce n’est pas possible. Je dois dire que vous me manquez… ». Mais je n’étais pas cet autre.
 
Moi, sans aucune intention de revenir tenter ma chance avec elle, je savais qu’il faudrait souffrir un certain temps et essayer de se consoler en pensant désormais à la dernière des trois jeunes filles, mais que cette consolation était lointaine et bien dérisoire ce soir-là.
Les lampadaires et les platanes du boulevard de la Libération ne donnaient sans doute pas cher de mes chances avec la troisième jeune fille.

 

 

 

 

Nouvelles rencontres avec Poussin, qui ne changent rien 

 

 

 



Pourtant je n’en avais pas complètement fini avec Poussin.
Peut-être deux ou trois mois après, alors que j’avais évité désormais d’être sur son chemin, elle se retrouva sur le mien, je la croisai qui se dirigeait vers un immeuble situé dans une petite rue transversale en haut du boulevard de la Libération (la rue Fissiaux du nom d’un curé philanthrope du 19ème siècle), après l’école Saint-Joseph, donc en dehors de son itinéraire habituel.

Cette fois-ci, je n’hésitai pas et je la rejoignis au moment où elle entrait dans cet immeuble

Je lui demandai si elle avait déménagé. Avec son air toujours calme et taciturne, elle me répondit qu’elle allait garder un enfant. Je pense que je lui ai demandé si on pouvait parler un peu, ce à quoi elle a répondu qu’elle allait se mettre en retard.
Ce n’était évidemment pas très prometteur. Qu’ai-je dit durant cette très brève rencontre ? Il est probable que j’ai du quand même trouver le moyen de dire que je pensais beaucoup à elle.
 
Ai-je été si clair ? Et elle, qu’a-t-elle répondu ?
Je ne m’en souviens plus mais le résultat de l’entretien, sur le seuil de l’immeuble, fut décevant, elle se bornant à confirmer avec d’autres mots, sans doute, qu’elle n’avait toujours pas besoin de moi.
Je pris congé avec une phrase du genre : « Eh bien, gardez bien vos enfants » qui me paraissait ce que j’avais de mieux à dire.
Encore une fois, parce que je n’étais pas accueilli à bras ouverts, je prenais comme une donnée incontestable qu’elle ne voulait pas me voir, que je lui étais désagréable, ce qui était possible, mais qu’elle ne disait pas, et je m’interdisais toute possibilité de demander à la revoir, peut-être par peur qu’elle ne mette les points sur les i.
Si j’avais été moins amoureux d’elle, on aurait pu dire que c’était sage, que probablement je n’avais rien à espérer et qu’il valait mieux s’en tenir là.
Mais j’étais vraiment sous le charme, et pouvoir la voir et lui parler de temps en temps, si elle l’avait permis, aurait déjà été une satisfaction  et puis qui sait ce qui pouvait venir ensuite.
Mais poussé par la peur d’être désagréable, autant que de me faire dire des choses désagréables par elle, ce qui n’était pas exclu, je préférais en rester là.

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L'Eglise des Réformés (Saint Vincent de Paul), au bas du boulevard de la Libération (dont on voit le début à gauche).La masse de l'église cache le début du cours Franklin Roosevelt qui s'ouvre sur la gauche de l'église.Photo Wikipedia..

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Une vue ancienne (1845)  du boulevard de la Madeleine, (au centre) devenu après la deuxième guerre mondiale boulevard de la Libération. A part l'église ancienne (des Augustins réformés) qui a laissé place vers 1880 à la grande église Saint Vincent de Paul, de style néo-gothique et qu'on appelle toujours église des Réformés, finalement peu de choses ont changé, à l'aspect champêtre près. Les deux immeubles de gauche et de droite au début du boulevard de la Madeleine-Libération existent encore, celui de droite rehaussé d'un étage disgracieux. A gauche du boulevard, le début de la rue Consolat, à droite le cours Devilliers devenu cours Franklin Roosevelt, et déjà des platanes. (Wikipedia)

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L’année scolaire touchait à sa fin.
J’avais reporté tous mes espoirs, et en tous cas mon attention, vers  la troisième jeune fille, en essayant d’oublier Poussin.
Comme elles suivaient des chemins parallèles pour rentrer chez elles, mais sur des trottoirs opposés, il m’était possible de croiser la troisième, de temps en temps, sans m’exposer pour autant à rencontrer Poussin et en m’efforçant de ne pas regarder vers l’autre trottoir.

C’est d’ailleurs sur le trottoir de gauche, celui que ne prenait pas Poussin, que je rencontrais une fois sa copine, celle que j’avais vue avec elle de temps en temps et qui s’habillait en jupe et gilet bleu, dans le style traditionnel des écoles privées  Cette jeune fille m’était indifférente et je ne lui trouvai aucun charme particulier. Il est vrai qu’elle manquait de rondeurs à mon goût, que ses cheveux bruns et lisses ne me disaient rien, même si son visage auquel je trouvais un teint assez foncé, était gracieux.
Lorsque je la croisai, elle me regarda avec une lueur d’amusement (ou d’intérêt ?) dans les yeux, qui me fit comprendre que Poussin avait me montrer à elle, de loin,  dans le style :
« Tiens, voilà le type qui me court après » (même si on ne peut pas vraiment dire que je lui courais après, sauf en pensées).
 
Si j’avais été moins abominablement timide, j’aurais abordé cette jeune fille, non pour la draguer (encore que j’aurais pu jouer ce jeu, pour essayer de rendre Poussin jalouse, mais vraiment c’étaient là des choses difficilement à ma portée…) mais pour avoir des nouvelles, essayer de faire passer un message à Poussin, faire parler de moi et renouer les fils.
Mais quelle apparence y avait-il que cela aurait servi à quelque chose ?  
Que cela ait pu servir à quelque chose ou pas, l’idée ne m’en vint pas, ou fugitivement et tout de suite condamnée, non parce que ça n’aurait servi à rien mais du fait de ma difficulté à sortir de ma timidité. En plus, j’avais fait une croix sur Poussin et il aurait fallu remettre en cause cette sorte d’équilibre auquel j’étais parvenu.
Peut-être si j’avais de nouveau rencontré Poussin elle-même, mes sentiments n’auraient pas eu de mal à se réveiller et j’aurais pu lui parler, mais ce n’était pas le cas.

Parler aux gens, si quelque chose devait en sortir, était déjà difficile, alors le faire presque gratuitement, sans rien espérer en retour, il ne fallait pas y penser, ce n’était pas dans mes cordes.
Il me paraissait de plus en plus clair qu’avec, justement, les cordes que j’avais à ma disposition, j’étais voué à ne pas aller bien loin…


A quelque temps de là, je descendais le boulevard de la Libération, sans penser à rencontrer qui que ce soit (pour croiser mes amours au sortir de leurs cours, il fallait remonter le boulevard et non le descendre) et de plus, c’était un peu en dehors des heures de sortie des écoles, lorsque je vis devant moi (je peux encore dire à quel endroit précis : c’était devant l’entrée de l’Eglise Saint-Pierre et Saint-Paul qui ne se détache en rien de l’alignement du boulevard – on ne voit bien qu’il s’agit d’une église que sur son autre façade, donnant sur la rue Léon Bourgeois, parallèle au boulevard de la Libération, mais en contrebas, de sorte que l’église est construite sur des niveaux différents), un petit groupe, deux garçons et deux filles sauf erreur, qui étaient arrêtés et qui discutaient. Immédiatement je reconnus dans le groupe, Poussin, qui avait l’air assez animée par la discussion et plutôt souriante, pour changer.
Celle-ci me vit aussi.
Presque immédiatement, elle saisit vivement la main d’un des garçons, non comme on fait pour se tenir par la main, mais dans un geste assez peu naturel, pour la lever un peu.
Ce geste était forcément à mon intention, et avait un sens clair : j’ai un amoureux, voire un protecteur  et c’est lui.
Est-ce que le geste correspondait à la réalité ? Ce garçon était-il son amoureux, réellement ?
Ou bien le geste était-il destiné à piquer ma jalousie (explication encore la plus sympathique !) ou à me décourager en me faisant croire qu’elle avait un amoureux et que ce n’était pas la peine de revenir à la charge, même si le garçon n’était rien pour elle.

Comme j’avais à peu près abandonné toute velléité  de relation avec Poussin, et que la voir me causait certes un élan de tendresse mêlé d’amertume, mais finalement disciplinable, comme en somme je m’étais résigné depuis un bon moment à n’être rien pour elle et à la voir sortir de mon existence, je pouvais réfléchir dans l’immédiat aux explications diverses de son geste, mais cela ne changeait rien à la situation, bien que le rôle prêté au garçon ne pouvait évidemment que mettre un peu de sel sur la plaie.

Plus près encore de la fin de l’année scolaire, je passais un jour devant l’entrée de Saint-Joseph et je vis Poussin et sa copine, celle qui s’habillait en bleu, qui discutaient devant la grille.
Peut-être était-ce un jour exceptionnel, où l’école faisait une fête pour la fin de l’année car Poussin était habillée avec une élégance inaccoutumée, elle qui avait plutôt des tenues simples et pratiques.
Elle portait une jupe à fleurs assez ample et donc je voyais pour la première fois ses jambes nues (mais sans avoir le loisir de les regarder vraiment). Evidemment, ses jambes ne pouvaient être que ravissantes, puisque pour moi, tout chez elle était merveilleux. Elle avait aussi de jolies chaussures nu-pieds à talons hauts et faisait assez chic dans l’ensemble. Elle souriait, moins taciturne que certaines fois où je l’avais vue. Finalement, c’était peut-être avec moi qu’elle ne souriait pas ? Mais je pouvais me rappeler que bien avant le lundi soir où j’avais osé l’aborder, elle m’avait toujours paru assez triste, marchant avec un air plutôt accablé. Peut-être que la vie s’éclaircissait maintenant pour elle et qu’elle avait dépassé le mal-être de sa période adolescente ?

J’eus droit au passage à un rapide regard aussi bien d’elle que de sa copine.
Le sens du regard de Poussin était destiné à m’échapper définitivement.
Car après cette rencontre, vers juin 1980, je ne devais pas revoir Poussin (sauf peut-être et sans certitude sur la personne, une rencontre 15 ans après, dont je reparlerai).
Sans doute sa scolarité à Saint-Joseph était-elle finie et devait-elle poursuivre ses études à l’université, probablement à Aix ?

 

 

 

 

Mes espoirs se reportent vers une jeune déesse blonde

 

 

 



Depuis le moment où je m’étais décidé à aborder Poussin (donc dans les premiers mois de 1980) et l’échec de cette rencontre, j’avais transféré mes espoirs sur la troisième jeune fille.
C’est de celle-ci qu’il faut parler maintenant.
Autant la nommer par son prénom, car plus chanceux qu’avec Poussin, je devais apprendre son prénom tandis que Poussin resta (bien avant que pour rendre ce récit plus clair, je décide de lui donner le surnom de Poussin) quelqu’un qui dans mon esprit, existait comme « Elle » avec des guillemets ou une majuscule, ou les deux. Ce « Elle » anonyme suffisait pour renvoyer à l’image de la personne aimée (qu’est-ce qu’Elle pense, Elle aurait pu être plus gentille etc).
 
Je devais donc apprendre par la suite que la troisième jeune fille que j’avais remarquée s’appelait Carine.

Comme je l’ai indiqué, cela faisait longtemps que je la connaissais de vue, bien avant d’en devenir amoureux.
Dès 1976, je la croisais parfois et j’avais remarqué à quel point elle avait un type de beauté rare. Je me souviens aussi de l’avoir vue dans un grand magasin et nos regards se sont croisés comme pour deux personnes qui se reconnaissent pour se voir de temps en temps dans la rue. Mais je ne pensais pas à elle réellement à ce moment.
 
Il faut donc commencer par une description. Si Poussin était jolie, et même pour moi, adorable et ravissante, Carine était belle et je pense qu’elle aurait été belle pour tout individu « normalement constitué » (qu’on me pardonne cet appel à la normalité qui aujourd’hui ne serait sans doute pas « politiquement correct »…).

Carine, lorsque je commençais à m’intéresser à elle,  était une jeune fille d’environ 1,65 m, qui paraissait avoir des proportions parfaites. Sans être ronde, elle était de formes pleines et robustes. Sans doute ce qu’on appelle parfois, en référence aux statues classiques, des formes sculpturales.
Elle avait des cheveux blonds abondants et ondulés, qu’elle portait assez longs. Une jeune fille pourrait avoir un corps parfait (bien que cette expression soit difficile à définir, mais on voit bien ce qu’elle désigne) et ne pas avoir un joli visage.
 
Le visage de Carine était sans doute parfait à sa manière. Ce qui frappait chez elle était une symétrie qui faisait penser à la statuaire antique, avec une expression particulière, un peu morose. Je me disais qu’elle avait un visage romain, et de fait certaines jeunes filles italiennes (pas forcément romaines !) ont ce visage parfait,  extrêmement régulier, assorti d’une expression un peu hautaine et froide qui était aussi celle de Carine.
On ne pouvait dire qu’elle était joufflue (ce terme ne convient pas lorsqu’on parle de perfection !) mais elle avait un visage plein, qui était encadré à merveille par ses beaux cheveux.

Son expression était le plus souvent un air de froideur et d’indifférence, et comme je l’ai dit, une sorte de hauteur qui dénotait la fille consciente de sa beauté et peut-être un peu agacée d’attirer les regards des garçons, qui ne devaient pas lui manquer. Elle souriait rarement et avait même par moments l’air assez triste. En fait, on pouvait penser qu’elle n’était pas très heureuse dans sa vie, ce dont je devais avoir confirmation, comme si la beauté,  comme la richesse dans le dicton populaire, ne faisait pas le bonheur.
Certes elle n’avait pas l’air particulièrement gentil, ni bienveillant. Mais après tout, Poussin avait l’air d’être une gentille fille, mais elle ne l’avait pas été particulièrement pour moi.

J’avais fini par identifier son domicile, vers le bas du boulevard de la Libération, peu de temps avant d’arriver à l’intersection avec la rue Saint-Savournin, ce qui faisait que cette petite chanceuse n’avait qu’une dizaine de minutes de marche pour aller de Saint-Joseph à chez elle.
Son immeuble était un immeuble ancien, banal mais plus cossu que les immeubles voisins, avec au rez-de-chaussée une boutique qui avait été longtemps une librairie mais qui, déjà à l’époque dont je parle, était occupée par un autre commerce.

J’avais parfois vu Carine, devant l’immeuble, occupée avec son père et probablement sa sœur à ranger des choses dans la voiture familiale (peut-être avant un départ en vacances ?) ou parfois promenant son chien, un cocker. Il me semblait que sa famille devait ressembler à celle de Boule et Bill avec un peu plus de monde et vivant en appartement (sans Boule, le petit garçon, bien entendu, mais avec Bill le chien ; j’allais même rencontrer par la suite un membre de la famille que je ne soupçonnais pas).

Sa façon de s’habiller dénotait beaucoup de soin. Je l’ai vue porter un ensemble noir avec jupe, petite veste et haut noir, qui mettait particulièrement en valeur sa blondeur, avec des chaussures à talons, ce qui n’était pas une façon de s’habiller courante chez une lycéenne, hier comme aujourd’hui.
Le plus souvent, toutefois, elle était en jeans, avec des sweats, mais même avec cette tenue passe-partout, elle avait l’air plus élégante que la plupart des autres filles et le jean ou le sweat convenaient bien à ses formes parfaites. Enfin, même si elle ne dédaignait pas les baskets, elle portait souvent des chaussures à talons, preuve qu’elle prenait soin de son apparence et probablement, qu’elle avait conscience de son pouvoir de séduction et ne cherchait pas à le dissimuler, au contraire.
Carine n’était pas de ces filles (pas forcément laides) qui se dissimulent dans des pulls informes et s’habillent avec ce qu’il y a de moins séduisant, parce qu’elles sont gênées par leur corps et tout ce qui est sexué. Mais peut-être ce type de filles n’est-il venu qu’ensuite, car même dans les comportements individuels, il y a des effets de génération.
Aujourd’hui, on voit des jeunes filles issues de l’immigration (et parfois des converties) qui s’habillent en voile presque intégral pour ne pas attirer le regard des garçons, moins par respect de la religion que pour ne pas ressentir de gêne. Carine était aux antipodes de cette attitude sans avoir pourtant rien de provoquant. C’était une princesse consciente de sa beauté, qui en était sans doute fière, même si sa beauté ne la rendait pas heureuse.


Je ne pense pas que les photos lui rendent justice.
Les photos, mais quelles photos ?

Mais tout simplement celles qu’on trouve sur ces sites indispensables qui présentent les photos de classe d’autrefois, et qui n’existaient pas à l’époque, où le mot internet n’était lui-même pas encore inventé (ni le mot ni la chose !).

On voit Carine sur deux photos du Lycée Saint-Joseph, l’une d’une classe de première avec la mention « en 1978 » (1978-79 je suppose) et l’autre d’une classe de terminale en 1979-80.
 
Les classes n’étaient pas surchargées, sur l’une des photos on compte 18 élèves, dont trois garçons, qui devaient jouir du privilège de la rareté.
Sur ces photos, au milieu de filles, il faut le reconnaître, plutôt mal fagotées et peu à leur avantage, avec des cheveux plats style sortie de douche ou des crinières à la Angela Davis (même dans les écoles privées la mode afro-américaine des années 70 avait des adeptes), Carine tranche sur l’ensemble par sa beauté et son élégance.

Sur la photo de 1978, Carine, en jupe et chaussures à talons hauts, semble un peu contrainte dans sa pose, et ne sourit pas.
Sur celle 1979-80, elle porte un chemisier blanc à col officier et on suppose qu’elle porte un jean et des baskets, qu’on ne voit pas, cachés par les élèves assis au premier rang.
Elle semble regarder légèrement de côté et on ne sait pas si elle sourit, ses cheveux ont l’air moins gonflant que sur la photo de 1978 et curieusement moins blonds et les mèches sont un peu dérangées (par le vent ?), mais au total, elle est encore plus séduisante que sur la photo de 1978, dans une tenue décontractée mais toujours élégante. On peut dire qu’elle est en pleine possession de sa beauté, au milieu des autres filles bien moins avantagées. Parmi ces filles, au moins l’une d’entre elles a pourtant un sourire charmant et un joli visage – mais ce n’est pas Poussin – il aurait été amusant que Carine et Poussin soient dans la même classe !
Il y a toujours aussi peu de garçons sur la photo en terminale qu’en première (étaient-ils tous amoureux de Carine ?).

Quand j’ai découvert cette photo de 1979-80, la première que j’ai vue, elle m’a donné l’impression d’un triple coup de canif dans la région du cœur : d’abord parce que je découvrais une photo de Carine, puis parce qu’elle rappelait l’époque de ma jeunesse et parce que le paysage qu’on y voyait (les arbres du parc de Saint-Joseph) était un paysage de Marseille, où je ne vis plus.
Sur cette photo, il y avait trois choses enfuies ou disparues, l’époque, le lieu (en tant que lieu où on vit) et la personne. Cela faisait beaucoup.

Il existe aussi une photo d’une classe de collège, avec une pré-adolescente souriante (à cette époque elle souriait sur les photos, si c’était bien elle !) avec une opulente chevelure blonde, qui pourrait être Carine, mais sans certitude aucune.
Il n’y a donc que deux photos sûres de Carine, celle des classes de première et de terminale (même si sur aucune des deux photos son nom n’a été indiqué par la personne qui a posté les photos ou ceux des anciens élèves qui reconnaissent des camarades).
Comme on le verra, Carine a aussi été élève du Cours Bastide, mais elle ne figure pas sur les photos de classe de cet établissement disponibles.

Quant à Poussin, si gentille en apparence mais finalement si peu bienveillante pour moi (ce qui était son droit la plus strict), je ne l’ai identifiée sur aucune photo de classe et son aimable visage, son cher visage, se perd maintenant dans les brumes du souvenir.



 

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Le comte Lanza vous salue bien
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